+ Ulysse

Je suis tranquillement en train de lire un livre passionnant dans la bibliothèque. Je sais, c'est bizarre, et puis en plus j'exagère parce que ce bouquin est tellement nul que je me souviens ni du titre, ni de l'auteur, et d'ailleurs, je comprends pas un mot de ce que je lis, je sais même pas de quoi ça parle. Je lis les mots puis je les oublie, ça forme même pas des phrases dans ma tête. Pourtant je suis pas fatigué au point de plus comprendre, hein, enfin si, c'est ce livre qui me fatigue en fait. Je baille longuement puis finit par le refermer parce que franchement, je crois que je pourrais m'endormir. Qu'est-ce que je ferais pas pour essayer de m'occuper. Mais bon, de toute évidence, là, pour le coup ça n'a pas bien marché. Je le pose sur la table à côté et me mets à me balancer sur ma chaise en attendant de trouver une autre occupation. C'est que le temps commence à devenir long, et même si j'adore glander et ne rien avoir à faire, je commence à saturer. Je dis pas que j'ai envie de retourner à l'université pour écouter des vieux mecs poilus parler de droit pénal, et étudier le code civil ou ce genre de connerie, mais là clairement je préférerais y être, ou limite être avec mon père, plutôt que de me faire chier dans une bibliothèque. Je sais même pas pourquoi je reste là, je suis con. Au moment où j'ai envie de me lever, il y a l'autre Personne qui entre dans la pièce. Je m'enfonce dans mon siège en soupirant. « Je parie que c'est la première fois que tu mets les pieds dans ce genre d'endroits. Ça s'appelle une bibliothèque, et t'as vu : c'est plein de livres. » Que je dis, en le prenant clairement pour un con. Au moins ça me fait une bonne petite distraction, vous voyez. « Mais ils sont pas tous illustrés, donc tu risques de pas les comprendre. » Que je continue sur un ton presque désolé, mais en fait je me moque encore de lui. En vrai il est pas si con que ça, j'imagine, il doit savoir lire quand même, enfin je l'espère, même si parfois je me pose des questions à son sujet, hm.

Depuis qu'il a commencé ce roman, Ulysse en est devenu accro. Il vient de terminer le premier tome, et aujourd'hui, il retourne à la bibliothèque pour chercher le second, en admettant que la production ait bien pensé au second. Il croise Esteban en chemin en train de faire je ne sais quoi, mais Ulysse ne s'en préoccupe pas. Sauf que voilà, le blond lui parle. « Je parie que c'est la première fois que tu mets les pieds dans ce genre d'endroits. Ça s'appelle une bibliothèque, et t'as vu : c'est plein de livres. » Le jeune homme le prend avec le sourire, parce que venant d'Esteban, disons que ça ne le touche que moyennement -pour ne pas dire pas du tout- et de toute manière, c'est pas comme s'il en avait quelque chose à faire que les gens le pensent con. « Mais ils sont pas tous illustrés, donc tu risques de pas les comprendre. » Ah oui, il est tellement inculte qu'il ne sait pas lire maintenant, faut qu'il en tienne compte parce qu'il n'était pas au courant. « Merci mais je sais lire et écrire, étonnant hein. » qu'il fait avec un certain amusement feinté. Pour preuve -bien qu'il n'y en ait pas réellement besoin-, il griffonne rapidement une phrase sur un papier qu'il envoie au blond snob.  « VA TE FAIRE FOUTRE (: » et il accompagne ce petit mot par un grand sourire hypocrite. « C'est pas quelque chose qui se dit à haute voix dans la haute société je suppose, alors je fais des efforts, histoire de pas passer totalement pour un sauvageon à côté du si distingué Esteban. » qu'il fait en exagérant à peine. Ah, et aucun message subliminal concernant le fait de faire des efforts, vraiment aucun. Contre toute attente, Ulysse s'installe en face de Esteban, posant sa tête sur ses bras croisés sur la table, tout en le regardant. « Je t'en prie mon grand, montre-moi ta supériorité intellectuelle, qu'est-ce que tu lirais toi ? » Putain ça le fait quand même doucement rire les gens qui se permettent de le prendre pour un imbécile.

Quand je vois Ulysse arriver dans le bibliothèque, je ne peux pas m'empêcher de me foutre de lui, déjà pour me distraire puis parce que je l'aime pas particulièrement le bonhomme donc je vais pouvoir m'amuser un peu. Je lui explique où il est et ce qu'il peut trouver en ces lieux, mais le mets tout de même en garde, tous les bouquins n'ont pas forcément d'images, ce qui risque de lui en compliquer la compréhension. Parce qu'il a l'air con ce type, et il l'est un peu je crois. Après, si ça se trouve il cache bien son jeu, j'en sais rien. Il me remercie mais apparemment il ne serait pas illettré, étonnant, oui. « Très étonnant même. » Que je dis d'un air faussement surpris en insistant bien sur le "très". Comme pour me le prouver, il écrit un truc sur une feuille et me l'envoie. Je lis l'agréable petit mot qu'il y a écrit. Tss. Je suis presque outré, là, vraiment. Ou pas. Le blond dit que c'est pas un truc qui se dit à haute voix dans la haute société, d'où je proviens. C'est qu'il veut pas avoir l'air d'un sauvage à côté de mon illustre personne. Il me complimente presque là, en disant que je suis distingué, mais je comprends bien que vu son ton, c'est ironique. Je le regarde de haut en bas. « T'as pas que l'air d'un sauvageon, comme tu dis, à côté de moi. » Mais je veux pas l'enfoncer le petit, donc je préfère pas préciser ma pensée, du moins pas tout de suite, mais s'il me le demande je vais me faire une joie de rentrer dans le détail. Puis le gars s'installe en face de moi et me demande ce que moi, je lirais. Il peut pas se démerder tout seul pour se trouver un bouquin, non ? Mais je comprends, mon avis est tellement précieux, comment s'en passer. « Je ne suis pas supérieur qu'intellectuellement. » Que je commence à dire, juste pour le plaisir de le reprendre. Surtout qu'en fait, même si je suis relativement intelligent par les enseignement que j'ai reçu pendant l'enfant grâce à mon cher père, je n'ai jamais eu le prétention d'être particulièrement cultivé, ou d'en connaître un rayon sur les livres à lire impérativement quand on a un minimum de curiosité intellectuelle. Mais bon, je ne crois pas pouvoir éviter la question donc je vais essayer de me débrouiller du mieux que je peux, hm. « En ce moment je suis dans une phase poétique, donc je te conseillerais Les Contemplations de Victor Hugo, ou pourquoi pas Les Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire, mais je ne les ai trouvés qu'en français ici donc j'espère pour toi que tu le comprends parce qu'il y a pas marqué Google Traduction, là. » Que je dis en désignant mon front. Non parce que désolé, même si je comprends le français il est toujours compliqué de bien traduire un poème dans une autre langue, on ne peut pas en apprécier toutes les subtilités. Et puis j'ai dû lire à peine les premières pages de ces recueilles donc pour ce qui est de la suite j'avancerais surement à l'aveuglette. Et plus j'ai pas envie de lui être utile à quoi que ce soit, s'il a envie de s'attaquer aux livres que je lui conseille il se démerde tout seul pour les traduire. Enfin s'il les retrouve déjà, parce que depuis la dernière fois où j'ai vu l'un d'eux on a dû les ranger et c'est pas moins qui irait les chercher.

« T'as pas que l'air d'un sauvageon, comme tu dis, à côté de moi. » Il lâche un sourire. Quoi, il va encore dire qu'il ressemble à rien ? Qu'il est aussi moche que ses pieds ? Il a même envie de l'entendre tiens. « Et j'ai l'air de quoi d'autres ? » qu'il demande finalement sur un ton amusé. Quoiqu'il dise de toute façon, ça va pas vraiment l'étonner. Il a compris de toute manière qu'Esteban ne risquait pas de changer de comportement, qu'ils ne s'entendront définitivement jamais. « Je ne suis pas supérieur qu'intellectuellement. » Pour le coup, il hausse un sourcil. Euh... S'il parle du physique, Ulysse ne s'avance pas en disant qu'il est bien plus fort que lui quand même, sans aucune prétentieux, contrairement à lui. Disons que ça, c'est facilement comparable, pas comme la beauté ou l'intelligence justement. Cette fois, il préfère même pas entendre ce qu'il veut dire par là parce qu'Esteban se pense tellement supérieur qu'il devine qu'il se pense supérieur en tout point finalement. Du coup, il lui propose de démontrer sa supériorité en lui faisant citer quelques livres, histoire de voir ses références. « En ce moment je suis dans une phase poétique, donc je te conseillerais Les Contemplations de Victor Hugo, ou pourquoi pas Les Fleurs du Mal, de Charles Baudelaire, mais je ne les ai trouvés qu'en français ici donc j'espère pour toi que tu le comprends parce qu'il y a pas marqué Google Traduction, là. » Déjà ça commence bien : phase poétique. Mon dieu qu'il est snob, c'est pas possible ! Ça lui arrache un sourire mais il garde le silence, l'écoutant poliment. Et bien évidemment, sa lecture est en français. Comme par hasard il a envie de dire... Du coup il est bien incapable de pouvoir dire si ce sont des bonnes références ou pas... Comme il le dit, on dirait que c'est une honte de pas savoir parler français, je vous jure... N'importe quoi. « Si c'est à ton image, la lecture ne peut qu'être délicieuse. » que je fais sur un ton absolument pas faux, et pas du tout moqueur hm. Bah oui, rien que là maintenant, il passe le meilleur moment de son aventure. Ou même en général quand il parle avec Esteban.