Arrivés comme des fleurs en milieu de matinée, Ulysse et moi avions été passablement déçus par le fait de ne trouver personne dans la chambre lorsque nous y étions entrés ... Déjà notre plan de nous jeter sur Danica et Amy pour les tirer du lit tombait à l'eau. Bon, du coup nous avions repris nos petites habitudes, un peu comme si nous n'étions jamais partis ... Pourtant les choses avaient changées. Et pas forcément dans le mauvais sens, à vrai dire tandis que je vagabondais dans le nid je réalisais que je me sentais beaucoup plus léger maintenant que je n'étais plus là en tant que candidat ... Plus de buzz à craindre, plus d'éliminations auxquelles penser, plus de secret à défendre ... C'était reposant, quelque part. Ou bien c'était d'avoir enfin pu avoir des nouvelles de ma fille, de ma famille plus généralement, de Franky également qui m'avait apaisé. J'avais le sourire aux lèvres en tout cas, tandis que débouchant de la forêt j'avais rejoint la plage ... Pratiquement vide, à l'exception de deux silhouettes que j'avais reconnu sans mal. Dieu que c'était bon ça aussi, y'avait bien que dans le nid qu'on pouvait profiter de la plage pour soit uniquement ... Waikiki Beach était tellement bondée à toutes heures du jour et de la nuit qu'y poser sa serviette n'était pas envisageable ; Finalement Ulysse et moi avions passé le plus clair de notre temps à notre hôtel. Lequel possédait une piscine, tout de même. Les mains dans les poches de mon jean, mes lunettes de soleil sur le nez, j'avais parcouru la distance qui me séparait de Danica, de toute évidence en grande conversation avec Tixy ... Mais que s'était-il passé pendant ces quatre jours, mon dieu. Chat qui, lorsqu'il m'avait remarqué avait cessé de lécher sa patte, m'avait scruté un instant, avait pris le temps de s'étirer et finalement était venue se frotter contre mes jambes « Tu vois bien que je suis revenu. » avais-je alors lancé à l'animal avant de me pencher pour l'attraper et la prendre dans mes bras. Parce qu'elle avait entendu ma voix sans doute, Danica avait fini par se retourner vers moi, et lui adressant un sourire j'avais fini par venir m'asseoir à côté d'elle, Tixy toujours dans mes bras. « Tu sais ... J'ai essayé de la dresser un peu, mais je lui ai pas encore appris la parole. Mais j'admire tes efforts pour essayer de lui faire la conversation. » Oui, je me fichais un peu d'elle, mais c'était de bonne guerre. J'étais content de la revoir. Probablement que si je n'avais pas eu Tixy, et que je n'avais pas eu peur de me prendre un vent ou une baffe, je l'aurais prise dans mes bras, Danica. « Désolé de te décevoir, mais l'étoile de mer au milieu du lit c'est fini pour toi, tu vas de nouveau devoir cohabiter avec moi, Ulysse, sans oublier Bobby. Pas trop déçue ? » J'avais esquissé un nouveau sourire, rendant finalement à Tixy sans liberté de mouvements, la regardant trottiner un instant dans le sable pour aller se poser à quelques mètres de nous. Il faisait gris aujourd'hui, pourtant à notre arrivée à Ulysse et à moi le soleil était encore un peu là, mais vers midi le temps avait commencé à tourner. Quittant des yeux le paysage pour reporter mon attention sur Danica j'avais demandé « Ça va mieux, ton épaule ? » J'espérais pour elle, j'étais bien placé pour savoir que ce n'était pas des plus marrants.

C'est con parce que j'aurais bien du m'en douter, mais ils m'avaient manqué, tous. C'était le revers de la médaille après avoir passé dix semaines coupés du monde à côtoyé les mêmes personnes, on finissait par s'attacher, par se créer des habitudes, par trouver au caractère répétitif des journées un caractère rassurant ... Le retour à l'extérieur était rude, brutal. Et encore, j'avais Ulysse avec moi, sinon je ne sais pas ce que ça aurait été. J'étais un crétin, je m'étais attaché en sachant que je le regretterais, et maintenant qu'il ne restait que quinze jours j'appréhendais. C'était ce qui rendait si difficile à avaler le fait de savoir que je ne pourrais pas reprendre le boulot aussi vite que je l'aurais espéré ; Mon boulot avait toujours été une fuite, quelque part, outre la passion du métier c'était la possibilité de m'évader qui allait avec, qui faisait que je ne pouvais m'imaginer sans. Alors en attendant j'étais là, je fuyais encore quinze jours, c'était ce que je savais faire de mieux ... Je préférais me laisser porter par l'impression de quiétude et de calme que me procurait le fait d'être revenu ici. Il se passait des trucs dans ce nid parfois, c'était à ce demander ce qu'ils avaient fait ce début de semaine ... Tenez, Danica se mettait carrément à parler aux animaux. Et elle croyait peut-être que je ne l'avais pas vue « Qui parle aux chats ? Certainement pas moi, tu entends des voix. » Bien sûr, bien sûr, c'était moi qui avait un côté Jeanne d'Arc peut-être ? J'avais levé les yeux au ciel, adressant à Danica un sourire narquois destiné à lui faire comprendre que là je n'allais rien dire de plus mais qu'elle ne se réjouisse pas trop, elle n'en avait pas fini avec moi. « Pour ma défense, la bestiole prend plus de place que moi, et elle a eu l'air d'adorer l'odeur d'Ulysse. » J'avais laissé échapper un léger rire ; Dire que la première semaine Ulysse considérait limite Tixy comme le diable incarné, si ce n'était pas ironique. « Si j'étais toi j'irais rassurer Ulysse tout à l'heure, sinon il va croire que tu l'as déjà remplacé par une partenaire à quatre pattes. » Reste qu'en attendant les draps avaient terminés à la machine et Ulysse et moi en avions mis d'autres, parce que le pauvre je veux bien qu'il prenait des cachets, mais dormir dans un lit plein de poils quand on était allergique ça ne devait pas être une partie de plaisir. Mes yeux tombant machinalement sur son épaule j'en avais profité pour lui demander comment ça allait, même si j'avais toujours pas trop compris comment elle s'était fait ça « Oh, ouais, j'ai arrêté les médocs lundi, j'ai un bleu qui est passé par pas mal de couleurs de l'arc-en-ciel, mais ça va. » Joignant le geste à la parole elle avait soulevé la manche de son tee-shirt, m'arrachant un léger sifflement et une grimace quand j'avais posé les yeux sur l'hématome à moitié estompé ; C'était une violente Danica, maintenant il y avait même des preuves. « Et la tienne ? » J'avais grimacé légèrement, haussant vaguement les épaules parce qu'au fond il n'y avait pas vraiment de changement, plus depuis ma cascade dans les douches y'a de cela quelques semaines « Tant que je prends suffisamment de cachetons ça passe, pour le reste je verrai une fois chez moi. » Ouais, je verrai. Et sans trop traîner, parce que je n'avais pas envie que le suffisamment de cachetons se transforme en trop de cachetons. En fait je savais déjà très bien ce que le toubib me dirait, je pensais même pouvoir s'avancer sur ce que montreraient les radios. Le bout de métal trop mal placé pour être retiré à la base avait bougé, j'avais pas besoin qu'un médecin me le dise pour le sentir. « J'imagine que ta famille était contente de t'entendre en direct, ils vont bien ? » J'avais esquissé un léger sourire. Je savais qu'elle demandait sans doute simplement pour être gentille, puisqu'elle n'avait à priori personne qui l'attendait dehors, mais l'intention était généreuse « C'est surtout moi qui était content, eux il leur suffisait d'allumer la télévision pour me voir, c'était plus facile ... Mais oui, ils vont bien. » Pas que j'en ai vraiment douté même avant d'avoir des nouvelles, je me doutais bien que si quelque chose était arrivé on m'aurait prévenu, c'était pas l'inquiétude qui m'avait rendu si difficile l'absence de communication, c'était uniquement le manque. « Mon boss m'a même appris la libération de confrères retenus en Syrie. Il s'est passé tout un tas de trucs pendant mon absence en fin de compte, j'en avais pas conscience tant que j'étais ici. » A croire que j'avais été absent trois ans et pas trois mois. Mais bon, maintenant que j'avais eu des nouvelles je pouvais bien revenir traîner ici quinze jours de plus ... C'est que certains m'avaient manqué ici aussi, en fin de compte. « Ah, c'était long, vous en avez mis du temps à revenir, Amy et moi, on commençait à sérieusement se faire chier. » J'avais laissé échapper un léger rire, amusé, avant de lui faire signe de venir s'assoir à côté de moi dans le sable. Je n'avais pas trop envie de bouger pour l'instant, j'étais bien ici ... C'est bizarre, avant de venir ici je n'étais pas un amateur de plage. A cause du sable principalement, le sable ça me rappelais certaines zones arides où j'étais allé, ça me rappelait le désert syrien et la Kapisa ... Surtout la Kapisa. Mais depuis que j'étais ici j'avais appris à ré-apprivoiser le sable, et finalement la plage était devenu un endroit que j'affectionnais. « Vous aussi, vous nous avez manqué. » avais-je finalement ironisé d'un ton taquin, puisque si j'avais bien suivi c'était plus ou moins ce qu'elle venait d'essayer de me dire, mais en y mettant les formes pour que cela ressemble .... bah, à du Danica, quoi. « Je peux te demander un truc ? » J'avais repris un ton plus sérieux, puisque la question que je comptais poser l'était, justement.

En vérité je n'étais pas étonné que Tixy se soit invitée dans une des places laissées vacantes dans le lit, souvent les animaux avaient tendance à compenser de cette façon une absence ou un changement. Ça m'inquiétait d'ailleurs, de devoir la trimballer ainsi pour la ramener en France, lui faire prendre l'avion, la faire changer de climat, tout ça ... Mais d'un autre côté je ne me voyais pas la laisser ici, ou à Hawaii de manière plus générale. C'est que je m'y étais attaché à cette petite bête, je n'arrivais pas à me résoudre à la laisser à des inconnus ... j'étais vraiment incapable de résister aux animaux, et probablement que si je ne devais pas les laisser en pension chez mon père si souvent j'aurais pris un chien en plus de mes deux matous. Un patou pyrénéen, ou bien un saint-bernard ... Un gros chien de montagne, pour le montagnard que j'étais en somme. Mais je me contentais de Fred et George, c'était déjà bien. Et de Tixy aussi, même si elle resterait avec Alicia. Pour l'heure en tout cas elle avait pris ses aises dans le méga-lit de la chambre quatre, mais à moins que Teddy n'ait déserté pour aller rejoindre Jouko le règne de l'animal s'arrêterait ce soir, Ulysse réintégrait sa place et moi la mienne. « Même lui il prend moins de place, et pourtant, il remue. » J'avais esquissé un sourire, au fond si il remuait elle ne faisait pas grand-chose pour le calmer. D'ailleurs, avec le nombre de candidats partis et de lits vides nous aurions tous très bien pu décider de s'octroyer un lit chacun, mais aucun de nous ne semblait y avoir pensé ... Je sais que personnellement je n'étais pas revenu pour dormir seul, et aussi mal que ces quatre dernières nuits. A croire que les quatre zigotos qui partageaient jusqu'à présent ma chambre (oui non, je ne comptais pas vraiment Faust) apaisaient malgré eux mon sommeil. J'espérais d'ailleurs qu'une fois le nid définitivement derrière nous mon sommeil s'apaiserait de lui-même ... Probablement, si je squattais chez Aurore. Et si elle ne me tuait pas dès mon arrivée pour cette histoire de blessure volontairement omise. « On a tendance à penser que le temps passe plus vite dedans que dehors, mais je pense que c'est l'inverse. » Sans aucun doute ... Au fond les gens ne s'arrêtaient pas de vivre à l'extérieur, les seuls qui mettaient leurs vies entre parenthèses c'était nous. « ... libération ? Tant mieux alors, c'est bien, c'est très bien. » J'avais parlé un peu sans réfléchir, au fond je crois que j'avais juste besoin de le dire à voix haute, parce que je ne réalisais pas encore tout à fait ... Mon rédacteur me l'avait dit, j'avais lu des articles sur internet ensuite, mais je ne réalisais encore pas vraiment. A la rédaction on s'était forcément sentis indignés, concernés par leur sort quand ils avaient été enlevés, ceux qui comme moi travaillaient dans des zones à risques encore plus, parce que nous étions conscient que cela aurait pu être nous, à leur place. « Ouais, c'est un des revers de médaille de ce métier ... Il parait qu'on fait une bonne monnaie d'échange. Au moins maintenant ils nous forment un peu avant, juste au cas où. » avais-je alors simplement répondu, avec un ton légèrement teinté d'ironie. C'était ironique en effet, parce que des gens, pas uniquement des journalistes mais aussi des civils et des militaires continuaient d'être enlevés parfois pour faire passer un message, parfois pour réclamer la libération de prisonniers ... Et depuis le temps ils n'avaient toujours pas compris, que les gouvernement occidentaux ne négociaient pas avec les terroristes. Et c'était ironique parce que cette formation elle devait sembler bien futile, à ceux qui se faisaient véritablement enlever. Retirant mes chaussures d'un coup de talon, j'avais enfoncé mes pieds dans le sable tiède, avant de reposer mon regard sur Danica et lui demander si je pouvais lui poser une question ... Ce que je venais justement de faire du coup, mais passons. « Si c'est pour mon secret, désolée, mon contrat me dit de fermer ma gueule pour encore ... trois jours et demi. » Trois jours et demi bon sang, avant qu'elle ne le fasse remarquer à haute voix je n'avais pas vraiment réalisé. Pourtant j'avais eu du temps ce début de semaine, pour réfléchir à ce que j'allais dire et garder pour moi concernant le mien. « Nope, j'ai décidé d'être sage et de jouer le jeu en attendant dimanche ... Ulysse aussi d'ailleurs, on n'a même pas parlé des nôtres quand on était dehors. » Faut dire qu'à lui comme à moi ça avait fait un peu de bien je pense, de penser à autre chose qu'à nos secrets, au jeu, notre éliminations, etc. ... Ouais, nous avions bien rentabilisé ces quatre jours, pour ce qui était de se vider un peu la tête. « Mais je t'écoute. » Bien, j'avais donc le feu vert pour poser ma question ... Le seul souci c'était que je ne savais pas trop comment la poser. Bon, de toute façon maintenant qu'elle attendait j'allais pas lui offrir le silence en guise de réponse « Dans l'hypothèse où tu n'atteindrais pas le carré final dimanche ... Ce que je n'espère pas, clairement, je fonde beaucoup d'espoirs en toi et Amy, si tu veux tout savoir. » Ainsi que dans Rowan, Silas et Jouko, à vrai dire. « ... bref, dans cette éventualité là, donc. Si je te demandais de rester une semaine supplémentaire, tu y réfléchirais ? » Alors que je laissais jusque là mes yeux vagabonder entre Tixy, le sable, et la mer en face de nous, j'avais reposé mes pupilles sur Danica, cherchant à sonder sa réaction. « Je sais que c'est égoïste de ma part de te demander ça, et je te demande pas expressément de le faire, ou de me donner une réponse maintenant mais ... tu accepterais d'y réfléchir ? » Je devais avoir l'air penaud, tout d'un coup. Et c'est vrai, ma demande était purement égoïste et guidée par le fait que puisque je savais qu'elle allait me filer entre les doigts et s'évanouir dans la nature dès le jeu terminé, que je le veuille ou non, j'avais envie de profiter d'elle le plus longtemps possible. Parce qu'elle me manquerait ensuite, ça aussi que je le veuille ou non.

C'était donc ça oui, la question que je voulais poser. Et j'aurais pu inventer une excuse plausible et objective au fait de lui demander ça mais la vérité c'est que je n'en avais pas envie. Alors je m'étais contenté de dire la vérité, je lui demandais égoïstement, je lui demandais parce que j'avais envie de la voir dans le coin une dernière semaine, avant que nous soyons tous forcés de déserter les lieux et de reprendre nos vies respectives, avec les avantages comme les inconvénients. « Je sais, je sais, je suis tellement indispensable. » La voilà qui recommençait à faire le clown, décidément il lui allait comme un gant, son partenariat avec Ulysse. J'attendais une réponse un peu plus sérieuse ceci dit, et justement elle avait repris son sérieux juste après « J'en déduis donc que tu projettes de rester aussi ? Et Ulysse aussi ? » Elle pensait vraiment que je lui aurais demandé de rester, si moi j'avais décidé de me faire la malle ? « Non parce que si je reste, c'est parce que vous êtes là et je veux pas passer une semaine comme les trois derniers jours, là ... même Silas se plaignait qu'il se faisait chier sans vous deux. » J'avais laissé échapper un léger rire, faut dire qu'avec le nombre de candidats se réduisant l'endroit devenait vite vide. Je doutais que nous ayons manqué à tout le monde ceci dit « J'suis content, qu'il soit en demi lui aussi. Il jouait au con mais il a un bon fond. » avais-je fini par dire à propos de Silas, tout en reposant mes yeux sur Tixy d'un air pensif. Et un objectif précis à sa participation ici, de toute évidence. « Et pour Ulysse je ne sais pas, c'est à lui qu'il faudra poser la question, mais en ce qui me concerne oui, je vais rester. » Y'avait fort peu de chances que je revois Hawaii un jour de toute façon, cela ne faisait pas vraiment partie des destinations que je projetais de visiter avant que Fake Lover ne m'en donne l'occasion. Et ce n'était pas une région du monde attrayante d'un point de vue professionnel non plus, me concernant. « Honnêtement, j'ai un peu peur de sortir, de toute façon. » J'avais à nouveau la tête vers elle, mais maintenant c'était elle qui ne me regardait plus, préférant observer le ciel avant d'ajouter « Parce que si je rentre chez moi et que je me rends compte que quelque chose a changé, je saurai que c'est moi. » Elle avait changé. Même en ne la connaissant pas avant que nous débarquions ici je pouvais le voir, y'avait des signes qui ne trompaient pas, et des comportements qui avaient évolué au cours de ces dix dernières semaines. « Et c'est une mauvaise chose, tu penses ? J'veux dire, le changement ça fait souvent peur ... mais parfois c'est pour le mieux. » Le tout étant de savoir si elle faisait partie de cette catégorie, ou bien si le changement avait pour elle quelque chose de négatif. Je me trompais peut-être mais j'avais l'impression que consciemment ou non Danica était venue ici en espérant apprendre à tourner la page sur quelque chose ... Et si tel était le cas, alors j'espérais sincèrement qu'elle y parviendrait. « Je suis quand même contente d'être venue ici. » J'avais esquissé un sourire. Je pense qu'on y avait tous trouvé un peu notre compte finalement, pour différentes raisons. Enfonçant mes coudes dans le sable et allongeant mes jambes j'avais fini par avouer d'un ton amusé « Moi aussi. Mais si mon boss me pose la question je nierais en bloc avoir dit ça. » Parce que quand même, je vous rappelle que j'étais un peu venu à reculons à la base, et en sachant très bien qu'il m'envoyait là pour ne pas m'avoir dans les pattes, le fourbe. Alors je n'avais pas envie de perdre la face en lui disant que finalement il avait eu une idée géniale, voyez. « Bon alors, dis-moi ... » J'avais repris un ton plus léger, reposant mes yeux sur elle « Ton tour du monde il reprend où, et il va vers où ? Parce que le monde ... c'est grand. » Sans blague, hein. Mais j'étais curieux, je me demandais si elle avait déjà un itinéraire et des destinations bien précises en tête, ou bien si elle marchait un peu au feeling ... Les deux solutions avaient leurs avantages et leurs inconvénients.

Si la première semaine on m'avait dit que j'aurais fini par éprouver de la sympathie pour Silas j'aurais probablement ricané un bon coup, mais sans plus ... Parce que clairement comme tout le monde j'avais marché, dans son manège de petit con, et si j'avais été éliminé quelques semaines avant je serais resté sur cette image de lui. Si j'étais partit quelques semaines avant Amy aurait peut-être toujours sa cagnotte aussi. Comme quoi y'avait des avantages et des inconvénients à tout. « C'est un type cool. » Ouais, contre toute attente ouais. Mais bon, de toute évidence la présence seule de Silas ne suffirait pas à convaincre Danica de rester une semaine supplémentaire, fallait qu'Amy, Ulysse et moi nous y collions aussi, du moins là elle n'avait parlé que d'Ulysse et de moi mais je suppose qu'elle faisait référence à la clique de façon générale ... Pour ce qui était d'Ulysse en tout cas je ne pouvais pas répondre à sa place « Il a bien intérêt, ouais, ou je le ligote dans le cellier avant le prime, au cas où. » J'avais laissé échapper un léger rire, priant toutefois pour le bien d'Ulysse qu'il n'y ait pas besoin d'en arriver là. Le cellier en plus ce n'était pas l'endroit le plus agréable du nid pour être ligoté à mon avis ... Pas que le fait d'être ligoté devienne cool ailleurs ceci dit. « Tu rêves là, j'ai galéré sur son secret pendant des semaines alors il a plutôt intérêt à être là pour les révélations. » Oui hein, quand même. C'était pas le seul secret qui m'intriguait ceci dit, et pour d'autres je n'avais pas le moindre début de piste ... Bon, de toute façon nous n'en étions pas encore à dimanche, pour le moment. J'étais en tout cas satisfait, pour ne pas dire soulagé, de savoir que Danica avait donc prévu de rester ici une semaine supplémentaire quelque soit l'identité des finalistes ; Elle avait peur de se retrouver dehors. Ce que je pouvais un peu comprendre, parce que je crois que moi aussi ... Ces quatre derniers jours cela ne comptait pas vraiment, j'étais resté avec Ulysse et nous ne nous étions pas vraiment éloignés de l'hôtel. Il avait une piscine, et une plage juste en face ceci dit, alors pourquoi aurions-nous eu envie de bouger. Elle me parlait de changement, je n'étais pas certain que ce soit toujours mauvais, le changement ... Même si je concevais que cela puisse être angoissant, si ce n'est carrément effrayant. « Non, je pense que c'est une bonne chose, même si c'est dur de s'en rendre compte maintenant ... mais ça fait peur. Que ce soit pour moi, pour ce que je croyais jusqu'à présent, pour Juan ... » Je crois que c'était la première fois. Je veux dire, je n'étais pas trop con alors j'avais réussi à relier les points tout seul sans rien demander à personne, mais c'était la première fois que Danica prononçait son nom en ma présence. J'aurais bien aimé pouvoir lui dire qu'on finissait toujours par tourner la page, que ce n'était qu'une question de patience et de volonté, tout ça, mais je n'étais pas assez hypocrite pour donner des conseils que je n'étais moi-même pas foutu d'appliquer, et mon propre secret était une preuve formelle que j'étais incapable d'appliquer ce genre de conseils à moi-même. « T'es une fonceuse, je commence à te connaître maintenant. Un peu au moins. Si y'a bien quelqu'un qui est capable de faire ça c'est toi. » D'aller de l'avant, j'entendais. Mais je n'étais pas revenu là pour la faire déprimer ou bien se noyer dans des questions existentielles aussi j'avais fini par changer de sujet, ou tout du moins par dériver vers quelque chose d'un peu moins philosophique et un peu plus de nature à faire rêver. Parce que qui n'avais jamais rêvé, au moins une fois de faire le tour du monde ? Même moi, j'avouais que c'était la partie cool de mon métier, le fait de voyager ... Fallait bien compenser les côtés un peu moins cools que constituaient la dangerosité et l'éloignement avec les proches. « Il reprend de là où je peux partir ... en l'occurrence, Los Angeles, j'imagine ... » J'avais fini par me redresser, mes coudes quittant le sable tandis que je m'asseyais en tailleur, reposant mon regard sur Danica tandis qu'elle continuait « Je pense faire ça en plusieurs parties... descendre le long du Mexique, Amérique du Sud ... remonter de l'autre côté, Brésil, aller jusqu'à Montréal ... J'ai déjà fait le tour de l'Afrique et ça m'arrange, honnêtement. » Et je ne pouvais qu'approuver cela, clairement ce n'était pas le continent le plus accueillant qui soit, qu'on soit tout seul ou à plusieurs « C'est pas le plus accueillant non, ni le plus indispensable. » Je n'étais pas en train de dire que tout était à jeter puisque ce n'était absolument pas le cas, il y avait des endroits magnifiques en Afrique, Madagascar, l'Afrique du sud, le Kenya ... Mais c'était prendre trop de risques inutiles, à mon avis. Surtout quand on n'avait aucun contact ou moyen de repli sur place. « Donc peut-être... vendre mon bateau à Montréal, et prendre un ticket pour les Emirats ou le Pakistan, histoire d'éviter certaines zones que je ne pourrai pas vraiment visiter seule. Et continuer vers l'Asie. Peu importe où. Peut-être récupérer un autre bateau en passant avec l'argent... ou juste continuer en stop ou en bus. » Dans ma tête je m'imaginais une carte du monde où se traçait au rythme des mots de Danica l'itinéraire qu'elle voulait emprunter « Quitte à descendre sur le Pakistan tu devrais faire un détour par l'Inde, y'a des trucs sympa ... Le Sri-Lanka aussi, y'a des trucs magnifiques, même si là à pattes ou en bus ça risque d'être compliqué. » A moins qu'elle ne décide de gagner l'île à la nage mais bon, bien que loin de moi l'idée de douter de ses compétences en natation cela me semblait tout de même légèrement compromis. Bon, en tout cas j'étais content de voir que même si elle repartait sans argent elle ne comptait pas abandonner définitivement son projet pour autant, même si cela sous-entendrait de trouver des fonds avant et de retarder un peu le début de son périple. « Mais si je sors du jeu sans rien ... ces derniers temps, j'ai pensé à passer un diplôme d'infirmière. » J'avais relevé les yeux vers elle, un air surpris sur le visage. Pas surpris dans le mauvais sens non, tout le contraire à vrai dire, et encore plus lorsqu'elle avait rajouté « Et m'enregistrer avec Médecins sans Frontières pour donner un coup de main n'importe où. » J'avais affiché un sourire franc ; A vrai dire c'était le genre d'occupation dans laquelle je n'avais aucun mal à imaginer Danica. « Ils ont pas un métier facile, mais si tu te lances là-dedans c'est tout ce que je te souhaite, je t'imagine bien dans ce genre de trucs ... Et puis, plus ils ont de volontaires mieux c'est. » Ils n'étaient jamais trop, de toute façon. Il m'était déjà arrivé de côtoyer des gens chez MSF, voir de partager un campement avec eux, et c'était des gens pour qui j'avais beaucoup d'admiration ... Ils faisaient ce qu'ils pouvaient avec presque rien, et pourtant c'était déjà parfois beaucoup « T'es une chic fille. A mon avis tu l'entends pas aussi souvent que tu le mériterais, mais c'est le cas. » J'avais esquissé un sourire, mon regard scrutant le sien depuis l'autre côté du verre de mes lunettes de soleil, et finalement j'avais appuyé mon poing contre son épaule pour la bousculer légèrement, avant d'étendre une nouvelle fois mes jambes et de m'allonger cette fois-ci pour de bon sur le sable. Et voilà Tixy qui revenant vers nous était grimpée sur moi pour venir s'asseoir sur mon ventre, l'air de rien, me fixant de son regard perçant « Ça va le chat, je te dérange pas trop, hm ? » Non mais tranquille le chat, bah voyons.