L'heure tournait et rien n'était prêt. Il tapota du pied, regarda sa montre, fébrile et sourcilla. Il afficha un certain mécontentement lorsque son assistant, Mr. Jeffreys apparut au seuil de la porte. Rien n'était prêt qu'il se répétait, excédé par les changements de dernière minute et l'envoi tardif de sa nouvelle acquisition. Un tableau de la Renaissance en provenance de Florence. D'une valeur inestimable. L'impatience de ses clients se faisait sentir de jour en jour. Il vérifia auprès de son associé si toutes les invitations avaient été envoyées, dont une qui devait impérativement arriver entre les mains d'une destinataire particulière. Une fois que tout avait été confirmé, il le remercia et le congédia l'instant d'après. Il se caressa la nuque, soupira soulagé. Il s'assit, sortit de son tiroir le journal local et le feuilleta tranquillement. Les yeux de l'anglais se tardèrent sur le visage d'une femme qu'il reconnut tout de suite. Son visage s'adoucit. Un fin sourire gagna ses lèvres. Il continuait à fixer la photo avec une intensité curieuse lorsqu'on frappa à la porte. Il grommela. Il fut tiré de ses rêveries par Jeffreys qui lui fit part de l'avancée des préparatifs pour le vernissage de ce soir. Orson acquiesça avec un calme marmoréen. « Jeffreys. Pourriez-vous envoyer un bouquet de fleurs à cette adresse ? » Il sortit de la poche intérieure de sa veste un bout de papier qui lui tendit. Jeffreys le prit, le lut, hocha la tête, tourna les talons et quitta la pièce, laissant un Orson satisfait et serein. Il espérait que le vernissage se déroulerait sans encombre. Et surtout qu'elle viendrait. Elle viendrait, il en était convaincu. Il vérifia l'heure, il refourgua en hâte ses affaires dans sa mallette et décampa de son bureau. Arrivé chez lui, il s'apprêta et revêtit son costume. Ce soir, il inaugurait une nouvelle exposition artistique et privée, le principe même du vernissage. Celle d'un artiste qu'il avait découvert à la sortie du métro, il y a deux ans. Depuis, sa renommée était connue Outre-Atlantique, notamment à New-York. Ce genre de soirée, il en avait l'habitude. Il débarqua dans le hall d'exposition avant les invités pour vérifier l'installation des derniers tableaux. Les minutes défilèrent et les premiers invités ne tardèrent pas à débarquer. Il les salua poliment un à un avant d'accueillir les anciens clients, les futurs investisseurs et autres. Les verres s'entrechoquaient, les discussions fusaient ça et là. C'était l'effervescence. Il tourna la tête un moment et aperçut la silhouette longiligne d'une connaissance. Un rictus quasi imperceptible en coin, il s'avança d'un pas confiant vers cette dernière. En s'approchant de plus en plus, le visage de la jeune femme se dévoila. C'était elle. Oui, c'était elle. Il parvint à se glisser à ses côtés. Elle ne le remarqua pas tout de suite. Elle admirait une des toiles dans sa belle robe qui lui seyait merveilleusement au teint. Ce n'est que quand il ouvrit la bouche qu'elle se retourna et croisa son regard. « Bonsoir Judith. », souffla-t-il pondéré. Au lieu de lui tendre sa main, il lui fit la bise. Leurs yeux se cherchèrent, leurs corps maintinrent une distance cordiale. Ils s'observaient, se replongeant dans des souvenirs enfouis. Le silence comblait le gêne latent. Ils le partageait en toute quiétude. Orson se racla la gorge, reporta son regard ailleurs et fourra sa main dans la poche de son pantalon. Il s'enquit de l'interroger : « Les fleurs t'ont plu ? » Les fleurs venaient de lui. C'était pour la féliciter pour son concert d'hier soir. En vérité, il était au courant de chacune des dates. Il avait été présent à certains de ses concerts. Mais cela, la pianiste l'ignorait.