Robbie ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait. Quelques secondes auparavant, l'ambiance était plutôt bon enfant, et d'un coup, cela virait au gris. Néanmoins, très vite, le jeune homme fit le lien avec ce qui s'était passé il y a quelques semaines. Pourtant, il n'y avait pas pensé depuis longtemps et était dans une toute autre atmosphère en ce moment, mais vraiment possessif. Son sourire disparut instantanément, le mannequin recula de quelques pas avant de dire, d'un ton plus ferme et sec. « Euh. Franchement, tu te plantes. Mais tu sais quoi, ça ne sert à rien de répondre, j'imagine, car tu as raison et tu sais tout. Leone est tellement génial que je ne peux que être jaloux, n'est ce pas ? Tu sais quoi ? Va te faire voir, va retrouver ta bande d'amis très nombreux, tu sais, tous ceux qui ne te tournent pas le dos. » Vexé comme un pou, le Londonien sortit de l'eau et enfila un peignoir. Cependant, battre totalement en retraite lui semblait être un aveu de culpabilité. Il se posa donc sur un transat, en prenant soin de ne pas poser son regard sur son camarade et en conservant cette distance qui semblait de toute façon toujours le séparer.

Apparemment c’était une habitude chez Robbie, il envoyait régulièrement Leone se faire foutre. Ce dernier devait être doué pour toucher sa corde sensible sans craindre de lui parler franchement. De plus Leone avait toujours préféré être seul que mal accompagné et certes, il n’était pas le garçon le plus apprécié dans le Nid. Il n’avait d’ailleurs aucun problème avec cela. Mais qu’en était-il de Robbie, nominé par l’ensemble des habitants à deux reprises ? Le bel Américain se permit de le faire redescendre sur Terre :

« Tu comptes sérieusement me blesser en pointant du doigt ma solitude ? Tu n’as pas choisi la bonne carte pour m’abattre. Je te félicite Robbie si tu as plus d’amis que moi, tu dois te sentir populaire. Pourtant qui de nous deux enchaine les nominations ? Je te l’accorde je ne suis pas très entouré mais c’est un choix que j’ai pris. Je sais néanmoins que je peux compter sur Matthew et Héléna quoi qu’il arrive. Tu peux en dire autant ? Je n’ai pas besoin de me faire entuber dans la cave par un homme marié pour exister. »

Robbie s’était installé sur une chaise longue, prenant la fuite. Les deux hommes n'avaient donc plus rien à se dire. Leone sortit de l’eau à son tour, ignorant royalement son colocataire. Il se sécha brièvement avec sa serviette, puis se rhabilla. Une fois chaussé, il s’apprêta à sortir de la piscine.

Robbie ne comprenait pas comment les choses avaient pu se retourner aussi vite. Quelques secondes plus tot, les deux camarades étaient en train de rigoler, de plaisanter et se taquiner. Maintenant, les tensions s'étaient ravivées, un peu comme il savaient pu le faire auparavant. Le mannequin n'entretenait ce genre de relation avec personne dans la vraie vie, si bien qu'il ne savait pas vraiment comment réagir. Un brin désemparé, le Londonien répondit donc, en voyant son camarade partir. « Écoute, fais comme tu veux. Tu es le premier à avoir mal interprété mes propos et avoir pris la mouche. Je ne sais pas pourquoi, mais tu n'as pas l'air de vouloir que les choses se passent bien. Je ne peux pas te forcer. » Haussant les épaules, le mannequin s'appliqua à ne pas aller le voir, pour ne pas etre celui qui est désespéré, comme d'habitude.

Visiblement son dernier argument avait touché Robbie. Ce dernier lui présenta des excuses déguisées. Intéressé, Leone s’adossa au mur plantant son regard azur dans le sien.

« Je ne pensais pas que tu serais celui qui utiliserait l’affaire Betty-Jayne pour tenter de me rabaisser. Admettons, tu n’es pas jaloux alors explique-moi… Pourquoi vouloir te comparer à Matthew ? Si tu as des reproches à me faire, je t’écoute. »

Leone déboutonna sa veste, signe qu’il resterait dans la piscine au moins le temps d’entendre la réponse de Robbie. Peut-être avait-il effectivement mal interprété les propos de son camarade ; néanmoins si ce n’était pas de la jalousie, il ne comprenait toujours pas pourquoi il avait eu besoin de mentionner Betty-Jayne et Matthew.

Robbie se rendait compte, au fil des jours, des semaines, qu'un véritable fossé le séparait de Leone, ne serait-ce que dans leur façon de penser, alors qu'au départ, le mannequin pensait que son camarade et lui étaient plutôt semblables. Grossière erreur. Mais il ne pouvait pas s'empêcher de revenir vers lui, de faire des efforts pour supporter un caractère qu'il avait parfois du mal à endurer. Alors que Leone semblait disposé à l'écouter, le mannequin répondit, simplement. « Je disais que tu étais beaucoup concentré sur eux ces derniers temps, qu'on avait plutôt entendu parler de toi avec eux. Ni plus, ni moins. Pas d'interprétation à faire, c'est tout ce que j'ai dit. Ça fait plus d'un mois que j'ai parlé à Matthew, il me semble. C'est loin. » Leone lui semblait plutôt présomptueux, le Londonien avait compris qu'il avait sa propre relation avec l'Américain, et qu'il ne devait pas s'attendre à de grandes démonstrations d'affection, surtout si leur relation était si changeante, d'ailleurs.

Betty-Jayne connaissait sa situation, Leone avait tout simplement eu plus de facilités à se tourner vers elle jusqu’au jour où il ne supporta plus son soutien. Quant à Matthew, le jeune New Yorkais ne saurait l’expliquer mais ils partageaient ensemble une certaine complicité. La jalousie restait encore la théorie la plus plausible pour expliquer l’attitude de Robbie qui donnait la nette impression d’éplucher les relations du bel Américain.

« Peut-être qu’une majorité des habitants m’a tourné le dos mais tu es de loin le pire. J’avais cru comprendre que tu me soutenais dans toute cette histoire, finalement dès que l’occasion se présente tu n’hésites pas à me la balancer en pleine gueule pour essayer de m’atteindre, sans la moindre intégrité et en vain. C’est clair qu’on n’entendra pas parler de moi avec toi, tu me dégoûtes. »

Tout était dit. Définitivement. Leone sortit son paquet de cigarettes et son briquet de la poche de sa veste et quitta la piscine. Il n’en revenait toujours pas. Robbie était une ordure, il ne l’aurait jamais cru.