Ça l'avancerait à quoi, franchement, de savoir si Percy se satisfaisait de ce qu'il lui balançait en pleine tronche ? A priori, ça ne rendrait pas ses critiques plus digestes, et d'une façon plus générale, ça ne révolutionnerait pas le court de cet échange. Alors qu'il ne soit pas psy, tant mieux pour lui, mais qu'il garde du coup ses questions pour d'autres. Par contre, l'anglais ne se priva pas de livrer son avis quant au prénom de son interlocuteur, qui il est vrai n'était pas le plus facile à porter, et qui avait bien du jouer dans la façon dont ce Mallaury avait gagné en caractère. Du coup, oui, Percy avait tendance à trouver qu'il cumulait pas mal, vu qu'en plus à la base ça n'était pas Clooney. Maintenant, inutile de dramatiser, il n'était assurément pas le seul à n'avoir pas été gâté par la vie. Percy était même presque sûr que c'était on ne peut plus gérable, à condition de ne pas avoir sous les yeux des points de comparaison qui le renverraient à la morosité de son existence. La solution, c'était donc en toute logique de ne s'entourer que de personnes aussi mal loties que lui, un conseil pour lequel Mallaury le remercie, quoi que sur ce ton fataliste de mec qui subit absolument tout. En tous les cas, il aurait tort de prendre tout ça pour lui, sachant que Percy risquait fort de se désintéresser radicalement de sa personne à l'instant où prendrait fin cet échange, lui qui alors partirait en quête d'une nouvelle distraction. Et c'est là qu'il avait comme un semblant de réponse à sa question de tout à l'heure, mais encore faudrait-il qu'il ne soit pas trop occupé à se victimiser pour le noter. « C'est vrai, ne nous leurrons pas, il faudrait qu'ils soient désespérés pour foutre un type comme toi dans le casting » énonça-t-il sans aucun filtre, parce que c'était ce qu'il pensait, qu'il le trouvait rasoir au possible et qu'il avait tendance à penser que les casteurs miseraient davantage sur des types susceptibles d'apporter quelque chose d'autre au jeu que des complaintes successives. « Moi, je te vois plus lire des bouquins dans une de ces émissions pour insomniaques, tu sais, celles que certains regardent juste pour mater les narratrices. Et je dis pas ça parce que ça m'arrive, hein, du tout. » Bon okay, c'est vrai que certaines nuits, quand le sommeil ne venait pas facilement, il se foutait devant ces conneries, mais c'était principalement parce que c'était d'un ennui mortel, et donc plutôt efficace. Quoi qu'il en soit, et même si ici Percy avait donné un peu plus d'importance à une revue qu'il le faisait d'habitude, il était certain que leurs lectures différaient, tout comme leur façon de regarder les femmes. Percy n'était pas réputé pour sa délicatesse, mais ce Mallaury ne devait pas non plus pécho tous les matins. Du coup, ça le rendait perplexe. Un type comme lui avait-il seulement déjà fréquenté une nana ? Non parce que c'est à peine s'il n'était pas tombé dans les pommes quand l'anglais lui avait mis la photo d'une fille pas très couverte sous le nez, alors le doute était permis. Oh mais apparemment, il ne voulait pas se confier sur le sujet. Ça sentait le sapin, là. Parce qu'à dire qu'il voulait échapper à de nouveaux commentaires, il laissait de vilains indices sur sa situation. Et du coup, c'est les yeux écarquillés que Percy reprit la parole. « Oh la vache, ça y est, j'ai compris » souffla-t-il alors en grimaçant légèrement, les bras croisés dans une postule solennelle. « T'es puceau, c'est ça ? » Question plus rhétorique qu'autre chose, vu que maintenant il en était intimement persuadé. Et à bien y réfléchir, c'était sous ses yeux depuis le début. « J'aurais du m'en douter, avec tes fringues de croque-mort tu transpires pas le sex-appeal, mais tu vois, j'avais envie de croire que t'étais pas un cas complètement désespéré malgré tout. » Cela étant dit, il repensait à ce que Mallaury venait de dire, à propos de ses 'charmants commentaires', et justement son interlocuteur revint à la charge, le désespérant un tantinet. « Eh, là je regrette, je peux pas te donner raison. Je fais que compatir à ton sort, alors sois pas injuste tu veux. » C'est vrai, il se donnait du mal pour faire preuve d'empathie, et c'est à peine si Mallaury ne l'accusait pas déjà de s'acharner sur lui. Puceau et mauvaise langue, décidément il cumulait celui-là.

A ses yeux, c'était évident, la Production n'aurait aucun intérêt à foutre un gars comme Mallaury au casting. On ne pouvait pas dire qu'il soit susceptible d'apporter quoi que ce soit d'un tant soit peu croustillant au programme. Donc oui, quand son interlocuteur semblait partir du principe qu'il ne se laisserait plus faire de la sorte à l'avenir, l'anglais n'avait pu que laisser entendre que c'était fort probable, en effet, dans la mesure où il était a priori impossible qu'ils se retrouvent dans le jeu. Mais voilà que le Mallaury se plaignit, une fois encore, et cette fois de n'être pas encouragé comme il se doit. Soyons sérieux deux minutes, il n'allait pas lui frotter le dos et lui assurer que tout se passerait bien pour lui. « Mec, jusqu'à preuve du contraire, t'es assez grand pour pas avoir besoin qu'on te tienne la main avant ton passage » lâcha-t-il en affichant un sourire railleur, même si à cet instant il avait surtout envie de le secouer un bon coup pour lui faire prendre conscience que le problème ne venait pas de ce que lui disent les autres, mais de lui. « Un mec m'aurait dit la moitié de ce que je t'ai balancé, non seulement il aurait la tête coincée dans le bac du distributeur, mais en plus il n'aurait fait que renforcer la confiance que j'ai déjà en moi. » De base, Mallaury n'adoptait pas une attitude très positive. Mais le pire, c'est qu'il se laisse abattre par les commentaires d'un mec qu'il ne connaissait pas. En tous les cas, Percy ne s'était pas franchement attendu à une réponse un tant soit peu énergique de la part du brun lorsqu'il avait laissé entendre qu'il le verrait davantage lire des bouquins dans une émission ennuyeuse à mourir que jouer les candidats de télé-réalité. Ouais, comme d'habitude, il se contenta de répliquer comme le dernier des dépressifs. Et la suite, oh bon sang, fut pas mal non plus dans le genre. Parce que voilà, monsieur avait décidé que le méchant Percy n'avait pas à le questionner sur sa vie sentimentale, faisant planer un suspense insoutenable sur la présence ou non d'un quelconque antécédent amoureux. Et du coup, l'anglais s'emballa, et partit aussitôt du principe que c'était ni plus ni moins à un puceau qu'il avait ici à faire. Fataliste au possible, le Mallaury le laissa penser ce qu'il voulait, ce qui n'était pas la meilleure défense qui soit. Puis, bien sûr, il revint sur cet enfer qu'avait été leur échange. Ouais, Percy n'avait pas cherché à être tendre, mais on ne peut pas dire non plus que son interlocuteur l'avait dissuadé de poursuivre dans la voie qu'il avait empruntée. C'est en tout cas un sourire teinté d'amusement qui étira les lèvres de l'anglais à la suite d'une de ses répliques, mais il n'ajouta rien avant que Mallaury ne manifeste une certaine impatience, bizarrement, à l'idée de passer. C'est que tout prétexte était semble-t-il bon pour s’extirper des griffes de Percy. C'est dire comme il manquait de volonté. « Crois-moi, une fois à l'intérieur, tu regretteras notre échange. Parce que si je fais pas dans le social, imagine ce qu'ils te réserveront, eux, lorsqu'ils verront à quel genre de mec ils ont à faire. Ils vont te presser jusqu'à la dernière goutte, et à coté je t'aurai fait vivre un rêve éveillé. » Ça non plus, ça n'allait pas l'aider à moins appréhender son passage, mais il fallait bien le mettre face à la réalité, en l’occurrence si leur discussion lui avait donné envie de se jeter dans la gueule du loup, il allait déchanter une fois devant le jury. Mais voilà que la porte du bureau s'ouvrit et qu'une nana en sortit, les yeux baissés, la mine fermée, disparaissant à toute allure. Un homme arriva sur le pas de la porte et lâcha un « Percy ? Est-ce que Percy est là ? » C'est alors un sourire contenté qui naquit sur les lèvres de l'anglais, qui se leva gracieusement et vint serrer la main du grand type en costume. S'approchant de la porte, il se retourna une dernière fois face à Mallaury, à qui il lança un regard presque complice. « Si t'entends quelqu'un chialer, tu sais déjà que ce sera pas moi. » Autrement dit, ouais, il y allait en toute confiance, et comptait même ne pas tout à fait épargner les casteurs. Il en avait maté de plus impressionnants. Quatre ans de pensionnat, ça vous change un garçon en homme.