+ PERCY

Note numéro une ; ne pas regarder trop longtemps les autres candidats, au risque de passer pour un stalker. On ne pouvait pas dire qu'il s'agissait d'une chose aisée à faire, non, d'autant plus lorsque l'on savait que j'étais toujours plus ou moins omnibulé par tout ce qui touchait de près ou de loin à la concurrence. J'étais stressé, peut-être un peu trop pour mon propre bien (...) sauf que ce que vous ne saviez pas encore, c'était que mon entretien, lui, il était déjà terminé. Alors pourquoi est-ce que j'avais l'impression de mourir là ? C'était ça, la sensation post-fake lover ? Parce que si c'était vraiment le cas, il ne me tardait pas franchement de voir ma tête après m'être fait éliminer. Enfin, pour ça, il fallait déjà que ma candidature ait fait une bonne impression... Et voir toutes ces personnes qui m'entouraient ne me donnait pas franchement confiance en moi. Non parce qu'on aurait dit qu'ils étaient allés chercher les spécimens les plus originaux de ce siècle, et qu'à côté, je n'étais qu'un parfait petit londonien emmitouflé dans son tee shirt à rayures et ses baskets bleues électriques. Car oui, je n'étais pas réputé pour être des mieux vêtu, et j'avais bon espoir que cette aventure pourrait changer pas mal de chose dans ce domaine. Non parce qu'en général, quand je regardais les gens à la télé, ils étaient tous vraiment très bien habillés, c'est qu'ils devaient prendre des cours, vous voyez ? Me grattant la tête, mes grandes prunelles noisettes s'égaraient un court instant sur le reste des personnes qui m'entouraient. Je crois que, comme eux, je ne savais pas trop à quelle heure nous pourrions partir. C'est que je n'habitais pas non plus la porte d'à côté, bien que je n'avais pas autant de kilomètres que d'autres à faire pour rentrer chez moi. J'avais entendu dire qu'un gars venait d'Asie. C'était loin, très loin. Je me demandais même si ils pouvaient capter l'émission depuis là bas. Enfin, moi, j'étais Anglais, donc ça allait encore. Me mordant la lèvre, je décidais de quitter mon siège pour aller me chercher une canette de coca. Evidemment, le distributeur n'avait pas l'air de cet avis puisque la machine peinait à fonctionner, et moi, je n'osais pas trop taper sur celle ci. Non parce qu'après, on allait me prendre pour un de ces gros rageux qui ne savent simplement pas appuyer sur un bouton. Discrètement, je donnais donc un petit coup de pied dans celle ci, après avoir essayé de la secouer une ou deux fois. Miracle, la canette se laissait glisser jusqu'en bas, et tomber en un fracas pas possible dans l'espèce de tiroir. Evidemment, tout le monde s'était retourné. Je leur avais donc adressé un sourire gêné en ajoutant un petit « C'est rien (...) c'est euh... la canette. » Heureusement pour moi, tout le monde semblait bien vite se désintéresser de mon cas, ce qui me permis de m'éloigner du petit groupe, après avoir récupéré ma précieuse. Le balcon. Dernier échappatoire à cette loose internationale. Poussant la porte, avant de la refermer derrière moi, je m'adossais à celle ci, les yeux fermés, poussant un long soupir. « Encore une histoire à ajouter aux aventures palpitantes d'Adnan l'abruti. » Et autant vous dire qu'il y en avait un paquet. Ce que je n'avais pas remarqué, c'était un gars se tenait un peu plus loin. Oh, je ne m'étais pas adressé à lui, non, à vrai dire je parlais bien plus souvent à moi même qu'autre chose, vu que j'étais presque certain que les trois quarts des paroles que je pouvais dire n'intéressaient que moi. Sauf que là, il avait du m'entendre, et, gêné, je n'avais alors pu que préciser après un long moment de suspens. « (...) C'est la canette. » Mais pas sûr qu'il soit du même avis. Note numéro deux ; ne jamais rejeter la faute sur des objets dont les autres ne noteraient normalement pas l'existence.

Et évidemment, lorsque je m'exaspérais un peu trop, il fallait que je pousse la chansonnette pour que tout le monde l'entende, j'étais décidément incorrigible moi, tss. Mais bon, maintenant que c'était fait, je ne pouvais décemment pas demander au garçon se tenait plus loin de l'oublier. D'ailleurs, il y avait bien quelque chose qui me troublait plus que le fait de raconter n'importe quoi. C'était lui. Enfin, pas lui, lui, mais son âge. Il avait l'air d'avoir pas plus de dix huit ans, et pourtant il avait l'air de parler comme un grand. Bon, cela dit, les garçons de cet âge là ont souvent tendance à se prétendre plus matures qui ne le sont réellement, j'en sais quelque chose puisque j'étais plus ou moins passé par là. Enfin, si on voulait. Parce que moi, je n'avais clairement pas autant de réparti qu'il avait présentement l'air d'en avoir. Je portais donc bien mon nom, oui, sauf que techniquement, je ne m'appelais pas Adnan l'abruti. En fait, il faudrait techniquement être sacrément abruti pour garder un nom de famille comme celui ci, ça devait être l'horreur dans le monde du travail. Adnan l'abruti. Enfin, dans ma tête, ça sonnait comme quelque chose de tout à fait naturel tellement j'avais l'habitude de me le répéter à longueur de journée. A croire que je n'avais simplement aucune estime de moi-même -ce qui était le cas. Bon par contre, je ne comprenais pas vraiment pourquoi il pensait que je n'étais pas net, ça n'était pas comme si j'avais l'habitude de prendre des stupéfiants ou de la drogue. J'avais bien essayé la cocaine un jour, mais je m'étais retrouvé à danser à moitié nu avec une octogénaire, expérience traumatisante qui m'avait confirmé que je ne pourrais plus jamais tenter la moindre expérience dans ce domaine précis. « Comme le voleur de foudre ? » Ça n'était pas comme ça qu'il s'appelait ? Bon, j'allais tout de même éviter de lui préciser que j'avais trouvé que ce film était un gros navet et que l'acteur n'était pas franchement charismatique. Parce qu'au final, peut-être était-ce un pseudo, et qu'il était en réalité un admirateur de très, très mauvais goût. Je ne jugerai pas. Ou juste un petit peu. Oh come on, tout le monde le faisait bien ! « Enfin... de toute façon, je sais parfaitement bien tenir sur mes deux pieds (...) j'ai même déjà marché sur un fil. » Mensonge, je dirais même énorme mensonge puisque j'avais et avais toujours eu le vertige. Rien que l'idée d'être à un mètre de hauteur me faisait perdre tous mes moyens. Et puis finalement, l'adolescent m'avait demandé si j'étais un flippé. « (...) » que répondre à ça. « N-Non, je ne vois pas du tout pourquoi tu penses ça... Et puis d'abord, qu'est-ce qu'un ado de ton âge fait dans le coin ? » Il n'était pas censé avoir cours lui ? Enfin, il avait plutôt l'air d'être le genre de gamin à pouvoir sécher quand bon lui semblait. J'avais personnellement été toujours très mauvais pour tout ce qui touchait aux mensonges. Parce que non, sortir trois fois l'excuse de la grippe en deux semaines n'était pas forcément judicieux, comme vous devez vous en douter. Enfin bon, cette émission devait accepter tous les âges, alors pourquoi pas. « Et puis... T'as pas stressé ne serait-ce qu'un petit peu avant d'aller à ton entretien ? » Bon, me connaissant, ce pic d'incertitude allait très vite me passer, et dans une dizaine de minutes, je serais redevenu aussi blanc qu'à mon habitude. Marilyn Manson n'avait qu'à bien se tenir.

Lui et moi n'avions définitivement pas la même manière d'aborder le monde, il n'y avait qu'à voir avec quelle aisance il envoyait balader ses mots, tandis que je me devais toujours de les choisir minutieusement pour ne pas commettre de faux pas. Pour sûr qu'il avait l'air plus à l'aise que moi. Non, à vrai dire, il avait même l'air plus à l'aise que n'importe quelle autre personne que j'avais croisé jusqu'ici. Peut-être que cela faisait un moment déjà qu'il avait été appelé ? Pourtant les auditions n'étaient pas ouvertes depuis beaucoup de temps, et il n'y avait qu'une salle pour recevoir chaque personne. Enfin, dans tous les cas, il connaissait mon nom sans même que je n'ai eu besoin de réellement lui donner. Il faut dire que se lapider sur la place publique n'était pas franchement la meilleure idée que j'avais eu jusqu'ici, et on ne pouvait décemment pas le blâmer pour retenir ce surnom dont je m'étais moi-même affublé. Adnan l'abruti. On aurait presque pu croire à un conte des temps modernes. Celui que l'on raconte dans ces familles à l'éducation douteuse, vous savez, qui n'ont plus peur d'affronter le monde comme il vient. Je n'avais pas été élevé comme ça, non, alors forcément, moi j'avais encore un peu de mal. Et quelque chose me disait que je venais de lâcher ces quelques mots devant la mauvaise personne. Peut-être était-ce la forme de son visage, ou bien ses yeux perçants, mais il était certain que le garçon était intimidant. Oh oui, il aurait aisément pu me faire peur si la lumière s'était estompé. De toute façon, j'avais peur de tout moi, c'en était presque pathétique. Adnan le pathétique abruti. On faisait des progrès. Percy préférait donc s'appeler comme le prix nobel... sauf que je devais bien avouer que je ne savais même pas qu'un prix s'appelait de la sorte. Il faut dire que je ne regardais jamais les remises, ne m'intéressant que très peu à la vie des peoples et toutes ces personnes qui comblaient les grandes affiches des cinémas. Moi je m'intéressais toujours plus à l'histoire même. Et j'étais assurément un grand romantique, ne manquant jamais aucun film pouvant tartiner tout ce qui touchait à ce domaine. « Mais Percy Jackson a des pouvoirs, c'est quand même un peu plus classe. » soulignais-je en fermant les yeux, comme s'il s'agissait d'une évidence. Cela dit, je ne me souvenais que de quelques bribes de ce film, alors je ne pouvais même pas dire s'il avait réellement des pouvoirs ou non. Il allait devoir se fier à ma parole, hm. « Mais, bon, c'est sûr qu'il a moins de charisme qu'un prix nobel. » beaucoup moins même, mais eh, chacun son truc après tout. Cela dit, j'allais bien éviter de lui sortir ce genre de remarque, tenté qu'il prenne ça pour une excuse de ma part. Toujours est-il que le garçon semblait savoir qui il était et ce qu'il voulait dans la vie, et contrairement à moi, il n'avait pas l'air de sous-évaluer ses capacités. Il avait de l'ambition, chose dont je manquais encore cruellement. Son sourire dessiné sur ses lèvres ne me rassurait pas franchement, qu'on se le dise, j'avais l'impression de me changer en brebis, et le garçon en loup. Oh oui, de nous deux, j'étais clairement la proie, mais il en fallait toujours une après tout. Quel âge je lui donnais ? Pourquoi est-ce que je sentais gros comme une maison que j'allais lâcher la pire énormité jamais énoncée. « Dix huit... Dix neuf ? » lui dis-je alors incertain, tandis qu'il reprenait la parole pour me dire que lui et moi avions à peu près le même âge. « ... » Non mais il se fichait de ma figure. « Impossible. Non, sérieusement, je demande une preuve. » Parce que je doutais clairement de la véracité de ses propos, qu'on se le dise. A tous les coups il essayait de me baratiner. Peut-être avait-il même menti sur son âge pour passer les castings ? D'un coup je me demandais si je ne devais pas le signaler à la sécurité, vous savez, pour qu'ils vérifient d'eux mêmes. Mais non, je ne le ferais pas, car si c'était vraiment le cas, je devais bien avouer que je trouvais l'audace du garçon plutôt impressionnante. Enfin, à tous les coups, c'était moi qui me faisait encore une fois des films. Ça ne serait pas la première fois... et clairement pas la dernière, hm. Il m'expliquait alors qu'il n'avait aucune raison de stresser, puisqu'il avait pleinement confiance en ces capacités d'orateur. Pour le coup, je l'enviais. « Même Zoey ne t'a pas perturbé un petit peu ? » Parce qu'elle était sacrément jolie quand même... à moins que... « (...) Ou Alix, je ne juge pas. » Je préférais savoir sur quel pied danser pour le coup. Non mais j'admirais tout de même son franc parlé. Il me demandait alors si j'avais essayé de les imaginer à poils « Eh bien, euh... » non, pas vraiment ? Ah et apparemment, il y en avait un qui était tombé dans la marmite « D'un coup, ta méthode me semble beaucoup moins attrayante. » m'amusais-je alors qu'un sourire s'esquissait enfin sur mes lèvres. Mes prunelles s'étaient alors mises à détailler le jeune homme. Ça devait être bizarre d'imaginer le premier venu entièrement nu, enfin je veux dire... Oh. « Euh, non. (...) Non, non, je ne t'imaginais pas, enfin... » je secouais la tête, confus, presque certain qu'il avait pu lire en moi comme dans un livre ouvert. « Y'a pas grand chose à imaginer de toute façon. » (...) Et pourquoi est-ce que j'étais obligé de lui avouer ça à voix haute moi, hm ? Bon en même temps, il était taillé comme une arrête de poisson, il devait bien le savoir, alors forcément à moins de s'imaginer un tas d'os empilés les uns sur les autres... Charmant, n'est ce pas ?