Il marche dans les couloirs sans réel but. À cette heure-ci, il est supposé dormir depuis longtemps, même pour un soir de prime. Mais pas pour lui. Lui, il évite de dormir, il s’enfile les cafés les uns après les autres pour éviter de sombrer dans le sommeil. Mais tôt ou tard, celui-ci le rattrape, et il ne peut lutter plus longtemps. En attendant, il évite soigneusement la chambre hivernale. Ou plutôt le salon, puisqu’il a décidé de laisser son lit à sa partenaire, qui compte tenu de ses propos durant le prime, doit certainement profiter du lit à l’heure actuelle. Ce n’est pas un acte de gentillesse, mais plutôt un acte égoïste puisque dans son intérêt à lui, il préfère ne pas dormir dans la même chambre que plusieurs de ses camarades, et surtout pas dans le lit de sa partenaire. Peut-être qu’il reviendra sur sa décision, mais il en doute. Quoi qu’il en soit, force de constater que nous sommes que le premier soir, et qu’il s’ennuie déjà. Il pourrait explorer le nid d’amour de fond en comble, mais ça ne l’intéresse pas. Il pourrait se remplir l’estomac, aussi, mais il n’a pas faim. Alors il prend le chemin de la salle de bain ce qui, au final, n’a rien d’étonnant puisqu’il ne compte pas non plus prendre sa douche en compagnie de ses petits camarades, et que le milieu de la nuit lui semble propice à la tranquillité. Il sait qu’il ne pourrait pas indéfiniment fuir la présence des autres, mais s’il peut éviter celle-ci durant son sommeil ou lors de sa douche quotidienne, il ne s’en portera que mieux, et il fera tout pour avoir la plus grande tranquillité durant ces deux moments importants de la journée. Mais pour la douche nocturne, il repassera, puisqu’à peine a-t-il franchi la porte qu’il entend le bruit familier de l’eau qui coule, synonyme qu’un autre candidat a eu la même idée que lui. Une candidate en réalité, à en croire la masse de cheveux que celle-ci possède. Son regard vagabonde sur son corps un court instant – il reste un homme – la porte claque, il se retourne contre celle-ci sans attendre, laissant son intimité à la candidate encore inconnue. « Désolé. » Il s’excuse de l’avoir dérangée, comme il aimerait qu’on s’excuse si on l’avait dérangé lui. Il ne dit rien de plus, fixe la porte avec un intérêt nouveau, prêt à attendre des dizaines de minutes immobile qu’elle finisse sa douche et qu’il puisse prendre sa place, en toute tranquillité.

Compte tenu de l’heure tardive – ou matinale, ça dépend du point de vue – il est surpris de constater qu’il n’est pas le seul à avoir eu l’idée d’une douche nocturne. Il est surpris, et légèrement agacé. Il n’a rien contre la candidate en elle-même, il a simplement quelque chose contre sa présence ici et à cette heure-ci. Il sait qu’il pourrait utiliser l’un des autres jets d’eau, ou la baignoire, mais il ne compte pas le faire tant que la candidate n’aura pas quitté la pièce. Il en vient à maudire ce satané angelot pour n’avoir pas prévu suffisamment de douches pour tout le monde. Sérieusement, ils sont plus d’une trentaine, c’est trop demandé d’avoir plusieurs salles de bain ? Et puis une cabine dans laquelle s’enfermer pour prendre sa douche ? Foutu Cupidon. Après quelques secondes où ses yeux se sont permis de se balader sur le corps nu de la candidate, la porte claque et sa présence ne peut donc plus être ignorée. Il se retourne contre la fameuse porte, s’excuse de faire irruption durant ce moment intime – il suppose que chacun aime prendre sa douche sans partager celle-ci avec quinze personnes – et reste immobile. Il ne bouge plus, pas même quand elle sous-entend que c’est plutôt à elle d’être désolée – ce qu’il ne comprend pas, premier arrivé, premier servi, c’est tout. C’est un comportement typique chez lui, il n’a pas de problème à rester immobile dans la même position, ou presque, au même endroit, que ce soit durant des minutes ou des heures, mais il n’a pas le réflexe de comprendre que cela peut paraitre bizarre aux yeux des gens. La logique aurait voulu qu’il quitte la pièce après s’être excusé, et qu’il revienne plus tard. Sauf que compte tenu de l’heure, il a conscience que plus tard, il risque de se retrouver à nouveau nez-à-nez avec quelqu’un. Quand viendra cinq heures, peut-être que certains candidats, habitués à se lever tôt, garderont cette habitude pour ce premier jour. Et il se retrouvera confronté au même problème. Alors il préfère attendre, puisque visiblement, elle n’en a plus pour longtemps. Et c’est le cas, puisque le jet d’eau finit par s’éteindre complètement, signe qu’elle compte dégager d’ici, pour le plus grand plaisir d’Alistair. Enfin, c’était le plan, avant qu’elle ne lui demande une serviette. Il fait vagabonder son regard dans la pièce jusqu’à tomber sur un tas de serviettes, il s’empare d’une avant de se diriger en direction de la cabine de douche et tend la fameuse serviette sans rien dire. Il prend soin de planter son regard dans les yeux de sa camarade. En temps normal, ça l’aurait gêné, mais il préfère cela à la gêne de l’observer là où ses yeux ne sont pas supposés se poser. « Je ne voulais pas te presser. » Qu’il ajoute quand même, réalisant que son comportement transmet exactement cette impression. « Tu es … ? » Qu’il finit par demander, comme pour rattraper son comportement et lui donner l’impression de ne pas être totalement réfractaire aux autres – ce qui est le cas, en réalité – et de s’intéresser à elle.

C’est déjà un grand effort de sa part que de soutenir le regard de la jeune femme. Il est du genre à détourner le sien quand une telle situation se présente, mais pas cette fois. Tout simplement parce qu’il ne sait pas où déposer ses prunelles, alors autant fixer celles de la jeune femme. Il peut le faire, c’est pas pour autant qu’il est à l’aise, mais il peut le faire. Il lui tend la serviette et il ne la quitte des yeux que quand elle s’est emparée de celle-ci et qu’il peut reprendre ses distances en s’accaparant l’espace de la salle de bain en attendant qu’elle sorte de la cabine de douche. Son regard papillonne dans la pièce – même s’il évite soigneusement de croiser son reflet dans le miroir – pour finalement se déposer sur l’un des murs de la salle de bain. Il n’est pas stupide, il sait que son comportement peut paraître déroutant. Le seul problème, c’est qu’il n’a pas le réflexe de se dire qu’il peut paraître particulier aux yeux des autres, cette pensée lui vient bien souvent quelques minutes après qu’il ait agit à sa manière, quand il a pris le temps de décortiquer les expressions s’affichant sur le visage de ces interlocuteurs. Ce n’est pas parce que lui-même n’affiche que peu d’émotions – voir pas du tout – qu’il n’est pas en mesure de comprendre celles qui s’affichent sur le visage de ses semblables. Il tente donc une parade, dans un premier temps en s’excusant – à sa façon – de l’avoir pressée. Lui-même n’aurait pas vraiment apprécié qu’on lui fasse comprendre, d’une façon ou d’une autre, qu’il est temps pour lui de déguerpir de la pièce pour laisser le champ libre aux autres. Mais finalement, elle ne le prend pas mal – du moins c’est l’impression qu’elle donne. Visiblement, ce n’est pas un mal qu’il ait débarqué, puisqu’elle est du genre à prendre son temps si personne ne l’interrompt. Bien. Il va s’en souvenir, dans l’éventualité où ils se rencontreraient à nouveau dans ces lieux. Soit il fera demi-tour rapidement pour revenir plus tard, soit il lui fera remarquer qu’il est temps pour elle de partir d’ici parce qu’elle a trop traîné. Ça dépendra de son humeur du jour, et surtout de sa patience qui est quasi inexistante. Il ne répond rien, se contente d’un léger hochement de tête pour lui signifier qu’il l’a tout de même écoutée. Par la suite, il décide de lui demander son prénom, histoire de ne pas sembler s’intéresser qu’à son prochain départ, mais aussi, un peu, à elle. Il pourra donc désormais l’identifier comme étant Paloma. « C’est joli. » Il dit simplement. Venant de lui, ce n’est pas forcément un compliment puisqu’il n’y connait rien en ce qui peut être beau ou pas, que ce soit un prénom, un article de mode ou un paysage. Mais ça lui donne l’impression d’être intéressé par ce qu’elle a dit. Par la suite, il reste sceptique quand il lui annonce qu’ils ne sont pas obligés de faire ça. C’est-à-dire ? Rester dans la même pièce en attendant qu’elle veuille bien lui laisser le champ libre ? Non, parler. Il hausse les épaules, distant. « Je sais. » Il fait écho, indirectement, aux précédentes paroles de la jeune femme. « Il le faut. » Parler, même si lui, ça l’emmerde pour l’instant. C’est pas son truc, mais il sait qu’il ne peut pas y échapper ici. Et puis, faire vœu de silence se serait trahir Peter, et il ne veut pas le trahir. « Je peux t’écouter. » Même si de son côté elle ne s’est pas montrée très bavarde, elle a l’air tout de même plus prédisposée à parler que lui peut l’être. « Qui es-tu ? » Il lui pose une question, courte, certes, mais qui veut tout dire et qui montre déjà un réel effort de sa part. Il ne veut pas savoir son prénom – il le sait maintenant – il veut en savoir plus. Ce n’est pas dit que ça l’intéresse, mais il parait que c’est la première étape quand on souhaite se sociabiliser, en apprendre plus sur les autres.

Il lui demande son prénom, parce que c’est une des premières choses à faire quand on rencontre quelqu’un d’inconnu qui va partager notre quotidien pendant plusieurs semaines, et parce qu’il ne veut pas qu’elle reste sur une mauvaise impression, à savoir lui qui la presse de finir sa douche pour pouvoir occuper la pièce tranquillement sans qu’elle ne le dérange. On ne dirait pas, mais même s’il parait totalement détaché, il accorde tout de même une certaine importance à ce que les autres peuvent penser de lui. Surtout dans cette émission, en réalité, puisqu’il est venu ici de son plein gré et qu’il ne veut pas paraître désagréable aux yeux de tous – même s’il est plutôt bien parti pour ça – parce que ce serait synonyme d’élimination rapide à cause de son mauvais caractère, et ce serait une sorte d’échec. Elle se prénomme donc Paloma. Il n’a jamais entendu ce prénom, mais il trouve cela original et surtout, joli. C’est doux, c’est agréable à entendre même s’il ne s’y connait pas vraiment en prénoms et qu’il y a sûrement beaucoup plus joli que ça. Elle, elle a l’air plutôt blasée, il parait que c’est commun en Espagne.  « Je ne suis jamais allé en Espagne. » Il se justifie. Il ne savait pas que c’était très commun, son ignorance est donc toute pardonnée, non ? Il finit par lui avouer qu’il peut écouter à défaut de parler. À vrai dire, il n’est pas comme ces gens qui restent silencieux mais qui sont d’une bonne écoute. Lui n’est que d’une bonne écoute seulement si ce qu’on lui raconte l’intéresse. Elle lui avoue être comme lui, elle préfère écouter. Il apprécie de connaître ce point, il sait qu’il ne sera pas obligé de converser durant des heures avec la jeune femme et qu’elle se contentera donc parfaitement de réponses courtes puisqu’elle ne ressent elle-même pas le besoin de parler pour ne rien dire. C’est une chose à savoir, s’il souhaite avoir l’impression de faire des efforts en se mêlant aux autres sans pour autant devoir parler durant des heures, il n’aura qu’à venir la voir elle. Il hoche légèrement la tête pour lui faire comprendre qu’il apprécie de connaître ce point, avant de lui poser  une question brève mais qui, si elle prend la peine de développer un peu sa pensée, sera en mesure de prouver qu’à défaut d’être loquace, il est à l’écoute.  « Ce n’est pas mon truc. » Il révèle, même s’il est plutôt satisfait de découvrir que, lui qui n’a pas l’habitude de poser des questions, a plutôt misé juste pour une fois. En général, il se contente des questions types  que chacun pose lorsqu’il rencontre une nouvelle personne, et même si celle-ci entre dans cette catégorie plus ou moins directement, il n’a, pour une fois, pas l’impression de répéter ce que Peter lui a conseillé de dire. Il la voit légèrement hésitante, un silence s’installe mais ça ne le dérange pas. Il détourne le regard quand elle file s’habiller, avant que la voix de la jeune femme perce l’air et réponde à sa question. C’est bref, mais suffisamment précis pour lui. Il n’aime pas qu’on lui révèle des détails insignifiants qui ne l’intéressent pas, elle a fait court mais c’est tout ce qu’il y a à savoir pour l’instant et ça lui convient parfaitement. Il a le temps de la découvrir un peu plus – si on lui laisse la chance de rester ici plus de deux semaines – alors il est satisfait avec cette réponse.  « Perdue ? » Il répète, parce que même si la réponse lui convient, ce terme peut être interprété de différentes manières. Perdue parce qu’elle est espagnole et qu’elle n’est pas habituée à ce pays, ou perdue dans le même sens que lui, elle ne sait pas vraiment ce qu’elle fiche ici. La réponse l’intéresse. Il reste ensuite silencieux quelques secondes après sa question. Ce n’est pas qu’il a besoin de réfléchir à la réponse à lui donner, simplement celle-ci risque de la surprendre compte tenu de son caractère – ou pour ce qu’elle a pu en voir.  « Le contact avec les autres. » Il déclare finalement, essayant par la même occasion de se convaincre de ses propos. Ce n’est pas qu’il a oublié pour quelle raison il s’est inscrit à cette émission, c’est qu’il sait pertinemment que jusqu’ici, ses efforts sont limités, même pour une première semaine. Il sait également que la réponse peut paraître surprenante venant de lui, mais c’est son principal objectif en venant ici. Réapprendre à se comporter correctement en société, lui qui a abandonné toutes idées d’avoir des liens avec autrui pendant plusieurs années de sa vie. Ça commençait à lui peser cette vie de solitaire bien qu’il ait lui-même fait le choix de s’isoler complètement du monde extérieur, et sans Peter pour le forcer à s’inscrire ici, il n’aurait peut-être pas fait la démarche. C’est pour cette raison qu’il est encore hésitant quant à sa façon de voir les choses ou de se comporter, il ne sait pas encore si être ici relève d’une bonne idée ou, au contraire, de la pire idée qu’il ait jamais eu.  « Et l’argent. » Il ajoute ensuite, puisqu’il s’agit de la deuxième raison qui l’a motivé à venir s’enfermer ici de son plein gré. Si ça dépendait que de lui, son envie de se remettre à avoir des contacts avec des gens inconnus n’auraient pas forcément été une raison suffisante pour qu’il accepte de renoncer à sa liberté puisque l’enfermement n’est pas fait pour lui. Mais l’argent, il doit le reconnaître, il commence sérieusement à en avoir besoin. Il arrive à un âge où il aimerait bien avoir un logement à lui, et pas se contenter d’une chambre chez une connaissance par ci, une chambre d’hôtel par là. Mais pour ça, il faudrait qu’il éponge ses dettes et l’argent qu’il pourrait potentiellement récolter en allant suffisamment loin dans cette aventure ne pourrait être qu’un petit plus grandement apprécié. « Et toi ? » Question basique, mais puisqu’il a accepté de se dévoiler un peu plus en exposant ce qu’il vient chercher ici – sans trop détailler cependant – il n’y a pas de raison qu’elle n’en fasse pas de même.