+ adnan

Les premiers jours étaient étranges. Il y avait des inconnus partout, des salles et des pièces assez mystérieuses, et un paysage qui semblait trop artificiel pour être réel. Mais c'est ce qui rendait tout ça excitant. Le changement. On ne pouvait pas vivre ça deux fois dans sa vie, il n'y avait pas de doute. Et j'étais dans mon élément n'importe où, même dans les endroits que je ne connaissais pas. Surtout dans les endroits que je ne connaissais pas, en fait. C'est à dire même ici. J'étais un peu comme un caméléon, au fond. Après mon petit déjeuner, j'avais décidé d'aller faire un petit footing dans la foret au lieu de rester enfermé dans la salle de sport - autant profiter du paysage - et j'avais directement enfilé mon maillot de bain pour enchaîner sur une baignade à la plage. Pas besoin de serviette, le soleil tapait assez fort pour me sécher tout seul, je n'en doutais pas une seule seconde. C'est donc après avoir couru pendant au moins 45 bonnes minutes dans la forêt que j'enlève mes chaussures ainsi que mes vêtements une fois arrivé à la plage afin de plonger tête la première dans la mer. J'y nage quelques temps avant de repérer plus loin un candidat en train de se prélasser au soleil. Mais ce n'est pas n'importe quel candidat, il me semble bien que c'est le larbin de la semaine, en plus de ça. Je sors donc de l'eau pour me diriger naturellement vers lui. « Eh, c'est bien toi l'homme à tout faire ? » je demande sans attendre de réponse de sa part, puisqu'il ne pouvait pas mentir. Je reconnaissais bel et bien sa bouille. « Tu sais faire de bons petits déjeuners ? Et des massages ? » Je demande, intéressé. Ce n'était pas tous les jours qu'on avait un larbin attitré, alors autant en profiter. Surtout que ça n'allait pas durer plus de sept jours. La pauvre, il devait déjà en avoir marre des ordres de tous les candidats. Mais bon, c'est le jeu ma pauvre lucette. Je n'étais franchement pas du genre à profiter des personnes mais bon, là, il fallait avouer que la tentation était bien trop grande. « Tu sais faire quoi que les autres ne savent pas faire ? » je demande, curieux. On avait tous un talent, n'est-ce pas ? Autant qu'il en fasse profiter, pour le coup. « Je m'appelle Lou, en fait. » je dis souriant, alors que je m'assois à côté de lui comme s'il était déjà mon meilleur ami.

J'avais encore bien du mal à me repérer dans le nid, aussi c'était pour cette raison que j'essayais de partir le plus souvent possible à l'aventure. C'est que j'en étais presque à y aller armé d'un sac à dos et de tout l'équipement de survie, de peur de ne pas retrouver mon chemin. Il faut dire qu'il était drôlement grand le nid, et que j'avais désespérément envie de pouvoir m'y repérer. Pourtant je savais bien que mon sens de l'orientation n'était pas franchement glorieux, et que quoi que je fasse, il y avait de grandes chances pour que j'arrive toujours à me perdre. Mais comme dirait l'autre, l'espoir fait vivre et je crois que j'avais besoin d'un peu de cet espoir pour avancer, surtout lorsque l'on savait que je n'étais pas encore certain d'avoir tout à fait ma place dans une aventure comme celle ci. Il n'y avait qu'à regarder les autres, ils étaient tous imposants alors que moi, j'étais simple, peut-être un peu trop pour mon propre bien. J'aurais bien aimé pouvoir briller à ma façon, mais je savais que tôt ou tard, j'allais finir par me faire manger. Oui, j'étais un peu comme un agneau lâché au milieu de la savane, sans réelle chance de survie. Enfin, c'était comme ça que je me voyais, même si j'avais parfaitement conscience que ça n'était pas franchement une image des plus glorieuses. C'était armé de tout ma bonne volonté habituelle que j'avais donc quitté ma chambre pour me rendre dans la cuisine afin de me préparer un petit déjeuner. Un bol de céréales et une brique de jus d'orange et voilà que je me dirigeais vers la plage, armé d'un débardeur blanc et de mon maillot de bain ainsi que d'une serviette. M'installant à même le sable, je profitais un instant du soleil alors que l'eau semblait jouer de ses reflets sous mes yeux émerveillés. Un petit déjeuner à la plage, il n'y avait rien de mieux. Portant ma cuillère à mes lèvres, puis la paille de ma brique de jus d'orange, j'observais un candidat plutôt bien bâti se diriger vers moi. Si je me souvenais bien, c'était lui qui avait été le premier garçon sélectionné. Et évidemment voilà qu'il enchainait directement sur le fait que j'étais le larbin de service. Forcément, ça aurait été trop simple sinon. « Il parait que je suis doué pour faire cramer les plats, mais je suis pas trop trop sûr que ça compte. » Chacun ses goûts après tout, mais oui, sur le coup il n'allait pas vraiment apprécier si je lui servais une pizza noire. « Je suis pas très doué de mes mains... » Et encore, ça n'était qu'un euphémisme, on pouvait même me qualifier de catastrophe ambulante. Il me demandait alors ce que je savais faire que les autres ne savaient pas. Réfléchissant un instant, j'avais finalement répondu au tac au tac. « Mais pourquoi vous voulez tous absolument que je vous serve ? Je veux dire... Vous êtes grands. » En tout cas, lui il l'était, sacrément même. D'ailleurs voilà qu'il se présentait comme étant Lou. Ce prénom me disait quelque chose, oui, je l'avais déjà entendu. Oh non, attendez... « Lou (...) comme celui qui doit nominer cette semaine ? » Et là, un pic de stress s'était soudainement épris de mon corps alors que j'enfournais trois grosses cuillères de céréales entre mes lèvres, faisant gonfler mes joues, comme pour m'empêcher de dire un mot de plus. « Chalou. » tentais-je de le saluer, la bouche pleine, regard pleins d'espoir en espérant qu'il pardonnerait mon ton d'avant. Rohlala, j'étais foutu, voilà, pour une fois que j'osais me rebeller, il fallait que je le fasse auprès de la seule personne qu'il ne fallait pas contredire. Roh et puis c'était de sa faute aussi, voilà !

Si Cupidon avait désigné un homme à tout faire pour la semaine, c’était bien pour qu’il fasse tout ce qu’on lui demande, n’est-ce pas ? L’angelot aurait pu au moins choisir quelqu’un qui savait cuisiner, parce que ce n’était clairement pas à notre avantage, là. Quel était l’intérêt d’avoir un larbin s’il ne pouvait même pas nous faire un petit déjeuner correct ? J’allais porter plainte, moi, oh. Et puis il se rebelle, ce qui me fait arquer un sourcil. « Je suis plutôt un grand garçon ouais… Mais de toute manière tu n’as pas le droit de refuser, si ? » Je suis quasiment sûr que non, il ne pouvait pas refuser. Un homme à tout faire, c’était censé faire tout ce qu’on lui demandait, c’était bien ça la définition. Quoi qu’il en soit, le pauvre bonhomme n’avait franchement pas l’air de ce sentir bien dans son nouveau rôle de larbin, à peine deux jours dans l’aventure et il pétait déjà un câble, ce que je pouvais comprendre. Mais c’était sans compter sa réaction lorsque je prononce mon prénom. « Exact, Lou comme celui qui doit nominer cette semaine. On fait moins le malin, hein ? Ma vie est entre tes mains. » J’en joue, ça m’amuse. Je ne m’attendais pas à ce que les pleins pouvoirs donnent des réactions de la sorte. Mais après tout, c’était vrai que j’avais l’avenir des candidats entre mes mains, en quelque sorte. Il avait clairement peur, et je me retenais de rire aux éclats en le voyant avec ses joues gonflées comme un hamster. « Alors… En plus de ne savoir rien faire, et d’être insolant, tu es aussi un trouillard ? Intéressant… » Je souris, amusé par la situation, alors que j’attrape sa brique de jus d’orange pour en prendre une gorgée, sans même lui demander. Je n’étais pas diabolique non plus, je n’avais pas tout bu, je restais un gentil garçon. J’observe un instant le phénomène que j’ai en face de moi, plutôt intrigué pour le coup. « Tu sais nager, au moins ? Non parce que j’ai très envie d’aller te jeter à l’eau, là. » Je dis en souriant. Au moins je prévenais avant d’agir, j’étais gentil, non ? J’avais des envies farfelues qui me passaient pas la tête, parfois, comme ça… Et maintenant j’imaginais bien porter le petit peureux jusqu’à la mer pour l’y balancer. C’était bon enfant, bien évidemment. Il m’amusait plus qu’autre chose, à réagir comme ça.

Comme le jeune homme venait de le préciser, et à mon plus grand malheur, je n'avais en effet pas le droit de refuser quoi que ce soit. Ça en devenait quelque peu agaçant à la longue et ce alors que ça ne faisait seulement que deux jours que j'étais entré dans le nid. A croire qu'ils me prenaient tous pour la bonne poire qui était aussi facilement manipulable qu'un vulgaire pion sur une partie d'échec. Alors oui, en effet, il avait raison, je ne pouvais simplement pas refuser, mais je préférais ne rien lui répondre, légèrement vexé qu'il ramène ça sur le tapis. les gens ne semblaient pas se soucier de s'ils pouvaient me faire bonne ou mauvaise impression en me demandant des services, comme si je ne comptais pas réellement comme étant leur égal pour le moment. Pourtant, ce qu'ils semblaient oublier, c'est que j'étais bel et bien un candidat, et que j'avais au moins tout autant de pouvoir qu'eux, et ce même si ça ne se voyait pas pour le moment. Enfin en parlant de pouvoir, il était évidence que ce garçon en avait cette semaine plus que la majorité d'entre nous puisqu'il avait eu la chance -ou la malchance- de remporter les pleins pouvoirs lors des nominations de cette semaine. Pour tout vous dire, je ne l'enviais pas pour un sous, puisque devoir mettre en danger de parfaits inconnus n'était pas franchement quelque chose que je souhaitais avoir à faire. Je le plaignais plus qu'autre chose. Dans tous les cas, je venais de répondre à quelqu'un qui était en capacité de mettre un terme à mon aventure. C'était tout moi ça, quand j'osais enfin répondre, il fallait que ça soit auprès de la mauvaise personne. Avalant ma bouchée, une de ses paroles me fit arquer un sourcil. « Ça ne serait pas plutôt ma vie qui est entre les tiennes, de mains. » le corrigeais-je une moue amusée au visage. Et puis il me disait que j'étais insolent, alors que ma tête naviguait de droite à gauche pour le contredire. « Non mais... C'est juste que les gens n'arrêtent pas de m'utiliser depuis hier... J'aurais juste voulu avoir un petit moment de répit (...) c'est tout. » Il n'y avait qu'à regarder sur le blog de ma partenaire pour voir que les gens allaient même me demander des services à distance, c'était n'importe quoi. Il me piqua un instant ma brique de jus de fruit alors que je le fusillais du regard... Enfin, du moins je lui lançais le regard le plus noir que j'avais en stock, donc gris très très clair quoi. Il me demandait si je savais nageais, et je répondais très rapidement un « Oui, oui. » avant qu'il n'ajoute qu'il voulait en réalité me jeter à l'eau. « Oh non, non non c'est une mauvaise idée je... » Je n'avais tout bonnement aucun argument valable à lui sortir, alors un peu au hasard, je finissais par lui dire « Je risque de mal digérer après... » Oui bon, on avait déjà vu mieux, je sais.

Le petit malin me corrige, mettant apparemment sa peur de côté. Et effectivement, il avait raison puisque je venais de faire une faute assez stupide. L’anglais n’était pas ma langue natale, et même si j’estimais parler couramment, il m’arrivait de faire des fautes. Comme tout le monde, non ? Je parlais trois langues, et je pouvais bien m’embrouiller de temps à autre sans même que je le remarque. Mais ça arrivait rarement. Même si j’estimais la plupart du temps avoir toujours raison, je savais également admettre quand j’avais tord. Comme maintenant. « Effectivement, ça sonne mieux comme ça, perdòn. » Je dis en souriant, amusé par ma propre faute, aucunement vexé. Bon, la prochaine fois je ferai un peu plus gaffe, qu’on me prenne un peu au sérieux, au moins. Mais qu’importe au final, ça m’importait peu. J’hausse les épaules aux paroles du larbin officiel. Je pouvais le comprendre, évidemment. Mais s’il était là, c’était pour jouer, non ? Et il fallait admettre d’être désavantagé parfois. « Roh ça va, je te demanderai rien. Content ? » Je demande alors que je lui pique sa brique de jus de fruit, ce qu’il n’a pas l’air d’apprécier. Enfin, c’est ce que je suppose, son regard porte tout de même à confusion. Et puis, sans franchement savoir pourquoi, je lui avoue que j’ai bien envie de lui jeter à l’eau, ce à quoi il me sort une excuse assez ridicule. « Bon, t’as de la chance, c’est la journée où je t’épargne aujourd’hui. » Pas que j’avais l’intention de faire de lui une victime, non, pas du tout… Mais c’était seulement pour l’embêter. Je regarde alors autour de moi, admirant la vue qui s’offrait à moi. C’était beau. « Viens, on va faire du bateau moteur ? » Je voyais bien qu’il n’avait pas l’air de m’apprécier plus que ça, et pourtant j’insistais, sans même savoir pourquoi. Je me lève, excité à l’idée de remonter sur un bateau, même si ça ne restait pas vraiment le même type de bateau que j’avais l’habitude de navigué. « Aller quoi, tu peux même y emmener ton petit déjeuner, c’est cool non ? » Je pose alors mon regard dans le sien alors qu’il est assis. « J’te laisse tranquille après si tu veux, et t’auras même plus à me parler. Être sur un bateau tout seul c’est beaucoup moins fun qu’à deux. » J’explique alors.

Il est vrai que tout le monde ne parlait pas bien la langue ici. Je n'avais d'ailleurs jamais vu autant d'étrangers réunis dans une même pièce, excepté peut-être dans les aéroports. Il venait donc de faire une faute et j'avais préféré lui signaler. Pas que ça m'agaçait particulièrement ou que je me moquais de lui, mais plutôt que je préférais qu'il soit au courant afin qu'il ne la répète pas. Contrairement à d'autres, je ne me moquais que très rarement des personnes qui m'entouraient. Ça n'était simplement pas moi. Pas dans ma nature. « Tu est italien ? T'as une tête d'italien. Enfin, c'est peut-être la barbe. » lui demandais-je alors en me grattant la tête. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j'avais toujours imaginé les italiens avec une barbe, et beaucoup, beaucoup de manières. Vous savez, parler avec les mains, tout ça. Cela dit, j'étais presque certains que les étrangers prenaient les anglais pour des snobs, chose que je n'étais absolument pas... contrairement à mon père, hm. Apparemment, le beau brun ne comptait pas me demander quoi que ce soit, et cette phrase venait de me tirer un sourire. « Oh oui, c'est super sympa du coup, merci ! » m'empressais-je de lui dire avec toute ma naïveté habituelle. J'espérais qu'il ne plaisait pas à ce sujet, parce qu'autant vous dire que si je pouvais passer une matinée agréable sans avoir à rendre le moindre service, ça m'enchanterait plus qu'autre chose. Portant ma paille à mes lèvres, le jeune homme renonçait également à me balancer à l'eau, ce qui n'était pas plus mal lorsque l'on y repensait. Je n'étais pas franchement du genre à prendre des bains matinaux. Il me parlait ensuite d'un bateau à moteur, et mon sourcil droit s'était instantanément arqué. Y'avait un bateau ? Le dévisageant, je l'observais se lever sans pour autant bouger de ma place, un peu dubitatif pour le coup. Il tentait tant bien que mal de me convaincre, et j'avais finalement lâché le plus simplement du monde. « D'accord. » Apportant mon goûté, je m'étais donc levé pour le suivre tout en précisant « Mais t'en profites pas pour me jeter par dessus bord. » lui dis-je légèrement boudeur avant de m'inventer une excuse totalement bidon. « Je ne sais pas nager. » J'avais juste fait de la natation de mes huit à mes dix huit ans, hm.

J’avais une tête d’italien ? Apparemment oui, puisque le beau jeune homme m’interrogeait à ce sujet. Le fait qu’il pense que les italiens avaient une barbe me lâche un léger rire amusé. Je ne savais pas trop qu’il y avait ces sortes de cliché sur eux. Pour moi, ils étaient forcément très bruns, comme les espagnols ou les portugais mais pas spécialement avec une barbe… « Je suis espagnol. » Je le corrige avec mon accent sud européen. « Les italiens n’ont pas tous une barbe, tu sais. Les terroristes, oui. » Pas que j’en fréquentais ou quoi hein… Mais au moins qu’il soit au courant. Finalement il me remercie parce que je l’épargne. Je suis trop gentil, je sais bien. Mais du coup, à la place, je lui demande de venir sur le bateau à moteur avec moi. Naviguer seul, ce n’était franchement pas marrant. En fait dans ma vie, je n’étais jamais allé en mer tout seul. Bon, là, c’était différent. Un bateau à moteur et un vrai bateau, ce n’était pas comparable. Mais tout de même, c’était une question d’habitude. En tout cas, il accepte plutôt facilement, ce qui me fait sourire, satisfait de pouvoir avoir de la compagnie sur un bateau. Et j’arque un sourcil à la suite de ses paroles. S’il ne savait vraiment pas nager, il aurait les jambes tremblantes rien qu’à l’idée d’aller sur un bateau. J’avais déjà vu des gens qui ne savaient pas nager, et ils avaient tout simplement une peur bleue d’aller en mer. « Je te conseille de ne pas me prendre pour un idiot, jeune homme. » Parce que j’étais loin d’être un idiot, clairement. Je vais finalement chercher le bateau à moteur, le traînant jusqu’à nous tant bien que mal. Mes muscles servaient au moins à quelque chose dans ce genre de situation, hm. Et puis j’attrape alors un gilet de sauvetage, m’approchant finalement d’Adnan. « Puisque tu ne sais pas nager, il te faut un gilet. » Et tac, ça lui apprendra à vouloir jouer au plus malin avec moi. Je tends ses bras pour lui enfiler comme s’il était un enfant de cinq ans, mais avant de refermer le gilet mes doigts frôlent le tatouage qu’il avait sur le côté du buste, comme pour l’examiner. « Qu’est-ce que ça veut dire ? » Je lui demande en remontant mes yeux dans les siens, intrigué. Et puis, en attendant sa réponse, j’attache le gilet orange fluo. « Tu es très sexy comme ça. » Je dis en riant, amusé, avant de rajouter. « Aller, grimpe dans le bateau. »