“ it ain't over 'til it's over ”

w/tilda.

Percy avait beau ne pas être un inconditionnel des lectures en tous genres, il lui arrivait d'être tenté de bouquiner, mais n'en avait jamais réellement le temps cela dit. Le monde des paris sportifs n'attendait pas, tout allait relativement vite, d'autant plus pour lui qui officiait dans à peu près toutes les disciplines imaginables, parce que prendre plus de paris était inévitablement bon pour les affaires. Alors oui, à l'extérieur de cette aventure, on ne pouvait pas dire qu'il ait franchement le temps de se plonger dans un bouquin, et ici ça ne faisait pas nécessairement partie de ses priorités non plus, étant donné qu'il était venu là pour jouer et non pour rêvasser sous n'importe quel prétexte. Pourtant, c'est bien dans la bibliothèque que l'anglais était entré quelques minutes plus tôt, lui qui s'était alors promené le long des différentes rangées de livres, s'emparant parfois d'un bouquin pour feindre un intérêt qui pour le moment ne comptait pas se manifester. Mais il y eut bientôt cette présence non loin de lui, cette silhouette sur laquelle ses yeux se posèrent au moment où il changea de rangée. Il s'agissait d'une grande brune dont les traits du visage, qu'il jugeait durs pour une demoiselle, étaient on ne peut plus mémorables. Et pour cause, il était presque certain de l'avoir déjà aperçue, même que brièvement, au moment des castings. Ainsi l'anglais s'approcha furtivement de la jeune femme, qui semblait chercher quelque chose, probablement un bouquin sur lequel elle peinait à mettre la main. « Ne dis rien, je sens que le livre que tu cherches est là-haut » énonça-t-il alors brusquement, après quelques pas délibérément bruyants effectués dans sa direction. Il leva quelques peu la tête pour désigner l'échelle qui donnait accès à la plus haute partie des étagères, et le sourire quelques peu mutin que le blond afficha à ce moment-là témoignait assurément à lui seul du fait qu'il ait très possiblement une petite idée derrière la tête. « Vas-y, monte, et moi je te tiens l'échelle. » Ouais, il n'aurait qu'à se placer en dessous, très gentiment, pour lui éviter une chute malencontreuse. Rien à voir, bien sûr, avec le fait qu'elle soit gaulée comme une championne de natation et qu'il n'ait rien contre l'idée de profiter d'une vue assurément pas déplaisante. C'est toute la philanthropie dont il était habité qui se manifestait ici, voyons.

Le truc génial avec le fait de ne pas se connaître, c'est qu'on pouvait s'inventer un profil un peu différent du notre sans que l'autre ne le sache. Ici,Percy s'était mis dans l'idée de faire monter cette grand brune sur une échelle, et prétexta pour cela savoir que le livre qu'elle était entrain de chercher était rangé là-haut. Pour foutre les pieds dans cette bibliothèque pour la première fois de l'aventure, il était bien incapable de déterminer quelle place pouvait bien avoir tel ou tel bouquin. Plus généralement, la lecture ça n'était pas spécialement son truc, alors il y avait de grandes chances pour que ce qu'elle cherche soit très exactement ce qu'il serait incapable de situer. Mais d'ailleurs, il n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle pouvait bien chercher, puisqu'il avait énoncé la chose comme une simple évidence, tout simplement parce qu'il valait mieux partir du principe que quoi qu'elle cherche, ça se trouverait forcément à l'endroit indiqué. Du coup, c'est plutôt légitimement qu'elle lui demanda s'il était du genre extra-lucide, parce qu'elle n'avait pas l'air d'être tombée de la dernière pluie, elle sentait forcément qu'il avait tendance à façonner la vérité à sa guise, quitte à ce qu'elle n'est plus rien de vrai au final. « Faisons comme si c'était le cas » suggéra-t-il avec un peu d'audace, et sur un ton espiègle. Toujours est-il qu'il laissa donc entendre que l'idéal pour qu'elle s'empare du livre qu'elle recherchait et qui se trouvait prétendument là-haut, c'était qu'elle grimpe à l'échelle, quand lui la lui tiendrait très gentiment pour ne pas qu'elle glisse. C'est bien connu, ça arrivait souvent, ainsi c'est dans un élan d'altruisme qu'il se proposa. Cela dit, il vit bien au rire qui échappa à la brune qu'elle avait vu clair dans son jeu, comme l'instant d'avant. Sans doute avait-elle déjà cerné l'oiseau, mais ça ne l'empêcha pas d'envisager de monter, pourtant, et c'est naturellement l'esquisse d'un sourire contenté qui fendit les lèvres de l'anglais, qui acquiesça énergiquement avant de se faire la remarque qu'une nana dans son genre, ça ne pouvait tout bonnement pas avoir le vertige. Du coup, il en concluait qu'elle rentrait dans son jeu bien volontairement, en racontant un petit bobard, pour l'équité de l'échange dirons-nous. « N'aies crainte, avec moi l'échelle ne bougera pas d'un nanomètre » déclara-t-il pour l'encourager à ne surtout pas renoncer à l'idée de monter. Et fort heureusement, la brune se mit bientôt à grimper, lui donnant il est vrai un petit peu chaud pour le coup, tandis qu'il resta bête à se rincer l’œil, sans gêne aucune. Mais la brune le sortit brusquement de ses rêveries pour lui adresser quelques mots, qui l'amusèrent d'ailleurs. « Figure toi que j'étais entrain de me dire que j'aimerais assez me réincarner en chaise, à l'occasion. Mais ça m'a pris comme ça, sans raison. » Tout à fait naturellement, oui, évidemment. Un sourire mutin accroché aux lèvres, il ne la quitta plus des yeux. « Je me vois mal immortaliser une vue dont je compte reprofiter à l'avenir de toute façon. » C'était franc, et ce serait probablement accueilli de la même façon que le reste, du moins l'espérait-il. Elle n'avait pas l'air de s'offusquer facilement, ou avait tout du moins compris comment il fonctionnait et qu'il ne fallait pas bouder à chaque fois qu'il disait une énormité. « Au fait, à quel bouquin je dois une telle rencontre ? » Il était grand temps de se le demander, n'est-ce pas. C'est que de là était partie la suite alors oui ça l'intéressait assez de le savoir.

Percy avait peut être certains dons d'ordre intuitif, mais il n'en était guère extra-lucide pour autant. Le livre que cherchait sa camarade, il n'avait absolument aucun moyen d'en connaître le nom, alors vous pensez bien qu'il était comme à mille lieux de pouvoir sérieusement le situer. Mais puisque cette rencontre n'était pas désagréable, pourquoi ne pas faire comme s'il savait de source sûre que ledit bouquin se trouvait au-dessus d'eux ? La probabilité pour que ce soit le cas était de l'ordre de l’infiniment petit, mais quelle importance puisqu'il put bientôt noter que sa camarade était disposée à jouer le même petit jeu que lui. Dans le fond, elle devait bien se douter qu'il avait une petite idée derrière la tête, et ça ne semblait pas la déranger. C'était donc sa chance, d'être tombé sur une fille qui ne s'offusque pas de ce genre de petits numéros. Parce que des chieuses susceptibles, il en avait connu, et des tas. Du genre à distribuer des tartes chaque fois qu'on a le malheur de sortir une maladresse et qui fait tout un cirque pour presque rien. Ainsi, la brune envisagea de monter à l'échelle, apparemment à peine inquiétée par le fait qu'il resterait en bas, à la lui tenir. Oh elle évoqua bien une histoire de vertige, mais ça n'était pas la plus crédible qu'il ait entendu. Pourtant il tint à lui assurer qu'il ne faillirait pas à son devoir et s'amusa ensuite de la reconnaissance un poil exagérée de la jeune femme. Profitant d'une ascension délectable, il put ensuite admirer plus longuement une vue qui le déconnecta un petit instant de la réalité, jusqu'à ce que sa camarade ne la ramène sur terre et qu'il lui serve une excuse qui en disait long sur les pensées qui l'avaient traversé. Quant à la nuance de la brune, elle lui donna chaud, très chaud. « C'est pas un truc à me dire quand j'ai ton équilibre entre les mains, tu sais » précisa-t-il en se mordant la lèvre, tandis que le simple fait de l'imaginer retirer ses fringues et passer une petite robe le faisait déjà frôler la syncope. En tout cas, non il ne photographierait pas cette vue, aussi réjouissante soit-elle, tout simplement parce que ça ferait trop 'souvenir', alors qu'il se donnerait les moyens d'en reprofiter, c'était certain. Et il disait d'une façon très éhontée, car n'appréhendant pas une vive réaction de la part de celle qui ne s'offusquait de rien jusqu'à présent. Au contraire, sa réplique le fit sourire. « Exactement, faudra rien changer à tes habitudes. Bon, si, à la rigueur tu pourras porter des trucs d'autant plus moulants, mais juste comme ça quoi. » Pas pour lui et pour qu'il se rince plus facilement l’œil, hein, pas du tout. Simplement voilà, si par hasard elle avait de temps en temps envie de passer une petite robe bien ajustée, c'est pas lui qui irait se plaindre, c'est clair. Finalement, il chercha à savoir quel livre était à l'origine de cette rencontre, en somme quel avait été le bouquin qu'il avait fait mine de savoir situer tout au départ. Jane Eyre, apparemment. « C'est plein de niaiseries ce genre de bouquins, non ? » Il le supposait au fait que sa mère ait longtemps été une adepte des lectures très idéalistes, qui faisaient ressortir son coté rêveuse. Un comble quand on sait qu'à coté de ça elle n'avait jamais su lui témoigner autant d'intérêt qu'à ces personnages de roman auxquels elle s'était parfois un peu trop identifiée. « T'es pas anglaise, d'où est-ce que tu viens ? » Elle n'avait pas l'accent ni même franchement l'allure d'une anglaise. Elle avait une classe plus méditerranéenne. Toujours est-il qu'elle entreprit de redescendre de l'échelle et que son commentaire amusa le blond. Il prit alors un air concentré et ne la quitta pas des yeux au moment de sa descente. Mais c'est bientôt un sourire énigmatique qui étira ses lèvres, lorsqu'il fut question d'une note dite artistique. « Un joli huit. Rien à redire quant à la grâce des mouvements, mais la cambrure mériterait d'être un peu retravaillée. » Bon là il chipotait plus qu'autre chose, vous pensez bien qu'il n'avait pas franchement regardé comment elle se tenait, hein, son attention avait été focalisée ailleurs. « Si tu me permets ... » alla-t-il en tout cas jusqu'à souffler tandis qu'il plaça une main dans le bas de son dos pour l'amener à se redresser, pas gêné de la rapprocher de lui par la même occasion. C'est bien connu, la kinésithérapie, c'était son domaine.

Si son self-control lui avait rarement fait défaut, il fallait bien avouer que Percy avait un tout petit peu de mal à ne pas être troublé par les images qui lui étaient venues à l'esprit au moment où il fut question d'une réincarnation en cabine d'essayage. Parce qu'une chaise, c'avait déjà de quoi l'émoustiller, mais là il aurait pu être hautement déconcentré, et ça n'aurait pas été dans l'intérêt de sa camarade, qui rappelons-le se trouvait au sommet de l'échelle qu'il tenait. Du coup, il préféra laisser entendre qu'il valait quand même mieux ne pas l'amener à partir dans des délires mentaux qui risqueraient de lui valoir de dégringoler. La brune confessa alors qu'elle avait carrément hésité à évoquer une réincarnation en jarretière, ce qui eut le don de le faire ricaner, même si là tout de suite il vaudrait vraiment mieux qu'il s'abstienne de trop étudier la question. « Oh oui, mon cœur aurait raté le battement de trop, et tu serais à mon avis redescendue un peu plus vite que tu étais montée. » C'était même le moins que l'on puisse dire. L'anglais tâcha en tout cas de se reconcentrer, ce qui ne serait pas du luxe. Puis il admit sans aucune honte qu'il comptait reprofiter d'une vue comme celle-ci - s'il réchappait à sa nomination du moins - et alors que n'importe quelle susceptible se serait déjà empressée de redescendre pour lui coller une paire de claques, sa camarade rentra facilement dans son jeu. Clairement, il ne voulait pas qu'elle soit perturbée par l'idée qu'il puisse de temps à autres admirer la petite merveille qui lui servait de postérieur. Il tâcherait de ne pas la contraindre à changer quoi que ce soit à ses habitudes. Même si, au moment d'énoncer ces quelques mots, il fut tenté de les nuancer, laissant entendre que si par hasard elle avait cela dit parfois envie de porter des vêtements relativement moulants, ça n'était pas lui qui risquait de s'en plaindre. La réplique de la brune afficha alors sur ses lèvres un sourire fripon, tandis qu'il chercha à savoir à quel bouquin il devait leur rencontre. Sauf que le bouquin en question avait tout l'air d'être un ramassis de niaiseries, le genre de trucs qu'il ne lirait que sous la torture, et encore. « Si tu sais faire deux choses à la fois, ça peut effectivement m'intéresser » fit-il d'une voix empreinte de malice. Quitte à subir une lecture qui le ferait grincer des dents, autant suggérer d'en profiter pour faire autre chose en parallèle. Supposant en tout cas qu'elle n'était pas anglaise, il chercha à savoir d'où elle venait, et ne fut pas surpris d'apprendre qu'il avait à faire à une italienne. Enregistrant cette information, il assista bientôt à la descente de la brune, qui d'office chercha à obtenir de lui une note technique. L'anglais opta pour un huit, jugeant la cambrure de sa camarade un peu juste pour une note supérieure, ce qui lui servit d'excuse pour la rapprocher de lui et déposer sa main dans le bas de son dos. « En tout bien tout honneur, voyons » articula-t-il avec espièglerie, au commentaire de la jeune femme. « Je veux simplement pouvoir te mettre un neuf la prochaine fois. » Parfaitement, c'était pour qu'elle progresse. En bon juge impartial, il voulait l'aider à s'améliorer, voilà tout. Mais voilà qu'elle se rapprocha d'elle-même un peu plus, l'amenant à arquer un sourcil intrigué, jusqu'à ce qu'elle n'attrape un livre derrière lui, avant de s'éloigner de quelques pas et de lui donner envie d'à peu près tout, sauf de considérer que l'échange était terminé. Ainsi, marchant à sa suite, il finit par la dépasser et par lui prendre subtilement le bouquin des mains. « Mort sur le nil. Y'a du mieux » commenta-t-il après avoir observé la première de couverture. Oh il savait pertinemment qu'elle l'avait pris par hasard, mais même inconsciemment ses choix étaient déjà meilleurs. « Si ton histoire était narrée dans l'un de ces bouquins, qu'est-ce que j'y lirais ? » C'était une façon de lui demander qui elle était, puisque pour le moment il ne savait qu'une chose, d'où elle venait. C'était mince, trop mince au vu de sa curiosité grandissante.