Cette nuit, j’ai pas tellement bien dormi. Il n’y a pas de raison particulière à ça et c’est ce qui m’embête le plus. Alors après avoir rempli mon estomac de bon mets concoctés par une experte en la matière, j’ai décidé d’aller récupérer quelques précieuses minutes de sommeil dans la chambre. Le souci, c’est que je me suis réveillé deux heures plus tard. J’aurai pas pensé que la sieste serait aussi longue. Du coup, je me lève encore plus faible qu’auparavant et je quitte la chambre histoire d’aller dans la salle de bain me rafraichir un peu le visage. J’en oublie au passage de remettre mon jean. Pas trop grave en soit. Ça ne m’embête nullement qu’on me voit en boxer. Et puis, j’ai gardé ma chemise donc je suis pas totalement dénudé. Bref, une fois la porte franchie, je décide d’avancer dans cette ambiance tamisée. Mais les néons brutaux du couloir me font vite chavirer. Cela arrive, parfois, quand on reste trop longtemps dans le noir et qu’on se confronte instantanément à la lumière. Une absence. On ne voit plus rien. On est déstabilisé. On manque même de tomber. La lumière revient quelques secondes plus tard et je retrouve peu à peu mon équilibre. J’arrive enfin à voir ce qui se trouve devant moi. Un homme en l’occurrence. « Désolé. » Je n’ai pas tellement à l’être étant donné que je n’ai rien fait de mal mais bon, j’ai dû paraître ridicule à plisser des yeux et à ne plus marcher droit. « Je ne suis pas alcoolique. » Je préfère le préciser au cas ou. C’est vrai qu’on pourrait se poser des questions là-dessus.

Je viens de vivre un petit moment de faiblesse. Passer de l’obscurité à la lumière, ça ne réussit pas à tout le monde. Les spots du couloir sont assez flashy et éblouissants. C’est limite dangereux. Et moi, dans tout ça, je passe pour l’alcoolique de l’émission. Entre le commentaire d’une candidate la dernière fois face à une photo que j’ai posté et aujourd’hui, je crois que ma réputation est déjà faite. Le pire c’est que je bois très peu d’alcool. Mise à part des bières de temps à autre… et c’est vraiment que pour le coup, j’aurai peut-être rien du dire. Je me suis enfoncé tout seul. Le candidat semble tout de même avoir perçu la vérité. J’espère bien. Et il rajoute que je ferai mieux d’ajouter un pantalon. Mon regard défile aussitôt sur mes jambes. Effectivement, j’aurai pu. « Pourquoi ? » Mon intonation est quasi monocorde. Elle résonne comme si je désirais des explications quant à la misère du monde. « Mes poils te perturbent ? » C’est pas la forêt amazonienne sur mes jambes mais je reste néanmoins un homme viril qui a des poils. Alors peut-être que c’est ça. J’en ai trop selon lui. Peut-être que je me trouve face à un imberbe défenseur du rasage. « Mais je vais penser à en mettre un. » J’ai juste besoin d’aller dans la salle de bain avant. Etape intermédiaire. « Tu fais quoi ? Ici ? » Ma question reste un peu vague mais je pense qu’il saura saisir là où je veux en venir. Si ce n’est pas le cas, je ne lui en voudrais pas. « Je suppose que tu es un confrère américain ? » Il n’a pas tout à fait le même accent que moi mais il s’y rapproche. Je me trompe peut-être aussi. Il faut dire que des accents ici il y en a et de toutes sortes. C’est un joli Melting Pot en Australie. Fake Lover est diffusé dans trois grandes puissances mondiales en même temps et attire même d’autres nationalités.

Qu’insinue-t’il ? Que ce look ne me va pas ? Que je ressemble à rien ? Oh et puis, je m’en fiche si c’est le cas. C’est sûr que je dois pas être très séduisant dans cette tenue mais quand même, c’est pas comme si je portais un kilt. Et puis, je le connais pas son Walter White, j’ai pas vraiment le temps de regarder la télé il faut avouer. « Ce look est surtout très confortable. Je compte pas monter sur un podium un jour donc je m’en fiche d’être à la mode ou non. » Je dis pas ça parce qu’il est mannequin, non, je le sais même pas d’ailleurs. Je crois bien que je me serai abstenu sinon du moins, je me serai arrêté à « ce look est très confortable », ce qui est complétement vrai d’ailleurs. Et puis, dans le fond, je suis sûr que lui aussi ça lui arrive de dormir comme ça. Tiens, qu’est-ce qu’il fou là d’abord à traîner dans le couloir en plein après-midi ? Il devrait être dehors et profiter du beau temps. Mais non. Je connaîtrai probablement pas la raison puisqu’il répond à côté de la plaque à ma question. D’accord, elle était pas claire du tout et c’est en grande partie de ma faute. De toute façon, c’est plus intéressant de savoir pourquoi il participe au jeu que pourquoi il se trouve actuellement dans le couloir. C’est vrai quoi, who cares ? « Je… oui. » Bouhhh le menteur. En même temps, je me voyais pas lui avouer la vraie raison. J’ai un peu honte dans le fond. Je dois limite être le seul ici qui participe pour trouver l’amour. Enfin tu me diras, si tout le monde résonne comme moi et personne ne l’avoue, on sera pas sorti de l’auberge. Donc enfin de compte, l’expérience humaine c’est peut-être une réponse universelle. Peut-être que lui non plus n’est pas tout à fait sincère. En tout cas, une chose est quasiment certaine à mes yeux, il est américain. « Ouais mon frère ! » Que je réponds tout content de retrouver quelqu’un de mon pays et un peu bêtement finalement. Je lui aurai bien tapé dans la main mais vu l’étrange réaction qui prend place sur son visage, je vais peut-être éviter. « Tu viens d’où exactement ? » Si ça se trouve, c’est limite un voisin de palier. Je suis bien curieux de savoir car j’arrive pas à déterminer d’où il vient exactement et ce, même en me fiant sur son accent.