Le soir venu, j’ai pris l’habitude de prendre l’air, en m’installant soit sur la terrasse, près de la fontaine ou, comme j’en ai décidé ce soir, sur le balcon. J’avais cru comprendre que les fumeurs se l’étaient plus ou moins approprié et, n’étant pas fumeur, je pouvais difficilement en revendiquer le droit d’accès pour ce motif, mais je partais du principe que je pouvais tout à fait m’y rendre pour une raison de mon choix, la raison étant ce soir-ci que je désirais profiter de mon bourbon pleinement, en me posant à un point stratégique d’où je pourrais sentir une légère brise vespérale me caresser le visage, tout en admirant les environs. Rien que ça. Après avoir effectué un détour pour me servir un verre, je me dirige donc vers le premier étage et atteins le balcon assez rapidement. C’est avec une surprise naïve que je découvre qu’il est déjà occupé, par une fumeuse de surcroît. J’aurais pu m’y attendre. Pourtant mon regard marque un léger étonnement, mais il m’en faut plus pour me débiner, et je rejoins la jeune candidate aussitôt. « C’est Errol. Et toi c’est Zelda, c’est bien cela ? » J’avais eu un léger doute au moment de notre rencontre, mais j’avais eu confirmation lors du prime qu’il s’agissait bien de son prénom – il me semble. En tout cas, j’étais à peu près sûr qu’il s’agissait là de son nom. Elle émet un commentaire sur le fait qu’elle fume, et j’esquisse un léger sourire en prenant place près de la rambarde. C’est vrai que c’est mauvais. C’est vrai qu’il y a une partie de moi qui, instinctivement, désapprouve cette mauvaise habitude. Mais faut que j’arrête de m’y croire ; je ne suis pas le papa de la bande, je n’ai rien à leur dire. « C’est vrai. Mais ça fait depuis très longtemps que j’ai arrêté de préciser aux fumeurs que leur conduite les mets eux et leur entourage en danger. Parce que, précisément, on leur a souvent déjà dit. » Ils savent très bien ce qu’ils font ; rectification : ils croient en tout cas savoir, et le leur répéter bêtement ne changera rien. Ce ne sont que des mots vides de sens, qui ont perdu tout pouvoir depuis longtemps. Et je ne m’engagerai pas dans un combat qui nécessite de ma part de répétés coups d’épées dans l’eau. « Et puis, je suis mal placé pour te faire une réflexion. Chacun son vice. » j’ajoute, un sourire semi-malicieux aux lèvres en levant mon verre avant de le porter à mes lèvres. Nous étions humains après tout. « Tu peux au moins plaider la jeunesse et le manque d’expérience. Moi je n’ai aucune excuse. » j’ajoute même, bien décidé à m’enfoncer, visiblement.