+ ISAAC

Je ne savais pas trop pourquoi, mais depuis la fin du prime, j'avais froid. Mais pas ce genre de froid que l'on ressent lorsque l'hiver pointe le bout de son nez, non, ce glacier interne qui semble fondre dans vos veines pour bientôt ne faire plus qu'un avec votre peau. Oui, j'avais froid de l'intérieur, faisant ainsi grincer tous mes membres tandis que mes prunelles s'étaient rapetissées, la fatigue commençant peu à peu à me gagner alors que je me grattais les rétines à l'aide de mes poings. Rohlala ce que c'était dur de finir aussi tard, j'étais plus trop habitué moi à me coucher à des heures pareilles. Et puis le prime avait été sacrément éprouvant. J'étais quand même plutôt satisfait de mon tirage, puisqu'au final, j'avais nominé une personne qui avait prévu de quitter le jeu, et ainsi, mon choix n'avait pas influé sur le jeu de qui que ce soit. Au final, c'était une plutôt bonne soirée pour moi oui, même si j'étais quand même un peu triste d'avoir vu Clémentine quitter le jeu. C'était bizarre d'ailleurs, de se dire qu'elle ne reviendrait pas. Pourtant, je ne lui avais jamais réellement parlé, autre que des banalités de coutume. Mais jamais, ça semblait si définitif. Peut-être devrais-je me préparer mentalement à sortir, vu que je doutais d'aller particulièrement loin dans un jeu où les stratégies étaient de mises. J'étais tout sauf un grand stratège, oui, d'ailleurs ça devait probablement se lire sur mon visage. Visage fermé ce soir, sous le coup de la fatigue. Oh oui, je n'avais plus qu'une envie, c'était de rejoindre mon lit. Fouillant dans mon dressing, j'avais enfilé mon pantalon de pyjama ainsi qu'un vulgaire tee shirt portant fièrement Titi comme mascotte. Bon, pour être tout à fait honnête, je n'avais même pas fait attention à ce que j'avais mis, bien trop omnibulé par ma propre somnolence. Trainant des pieds jusqu'à ma chambre, les néons de couleurs n'avaient même plus aucun effet sur moi tellement mes yeux n'y voyaient plus qu'un grand flou, s'apparentant très franchement au néant intersidéral le plus concret que j'avais vu jusqu'ici. Et puis voilà, je l'avais retrouvé, mon fameux lit. Ce qui était étrange, c'est que personne ne semblait être couché encore... A croire qu'ils avaient fait un feu de camp dehors, sans moi. Finalement, j'avais réussi à discerner la silhouette d'un homme qui se tenait un peu plus loin dans la pièce. Et à en juger par sa carrure, il s'agissait d'Isaac. Oui parce qu'il n'y avait pas trente six garçons non plus, et que je savais à peu près qui dormait dans la même chambre que moi, aussi surprenant que ça puisse paraitre. « Désolé pour ta nomination... » lui adressais-je en me retournant sur moi même, pour me placer sur le dos, tête penchant dans le vide, à l'envers, pour garder un oeil vers lui. « Dis... » me mordant la lèvre inférieure, je ne savais pas trop comment aborder le sujet. Il n'aurait peut-être pas envie d'en parler après tout. « Ils t'ont fait mal en prison ? » Je ne sais pas pourquoi, mais lorsqu'il avait révélé son secret, c'était la première chose à laquelle j'avais pensé. Qu'on se le dise, les prisons n'ont jamais été des endroits particulièrement réputés pour leur délicatesse, ni leur indulgence, et j'avais entendu dire que les gens qui se trouvaient être beaux pouvaient ne pas bien s'intégrer dans des milieux du genre. Et Isaac était donc une de ces personnes. « Ça a du être bizarre d'être autant plébiscité par des inconnus... » A sa place, je ne sais pas trop comment je l'aurais vécu. De toute façon, j'aurais probablement laissé ma peau en prison, avant même que mon portrait ne soit diffusé.

Depuis le début du jeu, je vivais mon aventure en compagnie de McKayla, dormant nuit après nuit à ses côtés, prenant la plupart du temps mes repas à ses côtés, bref, elle était omniprésente. Alors je me demandais bien comment je le vivrais si elle venait à abandonner comme Ohana l'avait fait. Je n'avais pas réalisé tout de suite qu'elle était la partenaire d'Isaac, non, c'était en le voyant ramasser ses affaires que j'avais compris, sans pour autant oser dire un mot à ce sujet. Il devait déjà être assez bien embêté. Entre perdre son secret, perdre sa partenaire, perdre sa cagnotte et passer à deux doigts de l'éliminations, le brun aura décidément eu une soirée plutôt difficile. Alors peut-être devais-je simplement arrêter avec mes questions ? J'avais toujours été un grand curieux, peut-être même un peu trop pour mon propre bien, j'en avais conscience oui. Pourtant son histoire, elle, m'intéressait. C'était peut-être stupide, mais je n'avais jusqu'ici jamais rencontré qui que ce soit ayant fait de la prison, et de ce fait, toutes les questions que j'avais à ce sujet m'étaient une à une revenue en tête. Evidemment, je m'étais quand même plutôt bien maitrisé, histoire de ne pas l'inonder de mon flot de paroles habituelles. Isaac me répondait donc que le sang allait me monter au cerveau, ce qui avait été suffisant pour que je reprenne une position normale, c'est à dire en tailleur sur mon lit. Mes paupières ne cessaient de battre pour tenter de lutter contre la fatigue. Je devais avoir l'air d'un gosse voulant écouter la fin de son histoire avant de se laisser bercer par Morphée, et c'était très certainement le cas d'ailleurs. Pourquoi je m'excusais ? « Parce qu'on est de la même équipe et... et j'ai trouvé ça cool que tu nous défendes la semaine dernière. » Tout le monde ne l'avait pas fait, non, certains s'étaient contentés de nous regarder, en se tournant les pouces. J'avais trouvé ça particulièrement moyen. « Du coup j'espère que tu n'partiras pas trop vite. » Ça ne me semblait en tout cas pas mérité, pas aussi tôt en tout cas. Il devait me prendre pour un imbécile, à soutenir quelqu'un que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam lorsque lui ne devait en général penser qu'à lui même et à personne d'autre. Ma naïveté pouvait être une force comme une faiblesse. Toujours est-il que je me demandais bien, et probablement comme beaucoup, ce qu'il avait pu faire pour se rendre en prison. Ça me semblait si dur comme sanction, que je me disais qu'il avait du faire quelque chose de grave. Mais je n'en viendrais pas à lui poser la question, non, si il avait choisi de ne pas en parler, c'est qu'il devait avoir ses raisons. « C-C'est pas ce que je voulais dire... » Non, je n'étais pas entrain de lui demander si il avait été une victime. C'était plutôt un avis général, si les gens étaient aussi durs là bas qu'on le disait. J'avais bel et bien conscience qu'il était loin d'être comme moi. Il n'y avait qu'à regarder sa prestance et son assurance, comparée à la mienne. « Tu penses que... Que ça sera pareil en sortant d'ici ? » C'était confus, je n'arrivais pas bien à formuler ma phrase. « Enfin, je veux dire... Que tu auras envie des mêmes choses que lorsque tu es sorti de là bas ? » Parce qu'en sortant de prison, il devait bien y avoir des choses qui lui avait tardé de retrouver. Alors je me demandais si cette captivité là pouvait s'avoisiner à celle d'ici.

Oui, ça me semblait logique que parce que nous étions dans la même équipe, il fallait se soutenir un minimum. Alors peut-être m'égarais-je un peu trop ? Oui, peut-être n'avais-je pas bien compris le sens même de cette compétition mais je voulais croire qu'il était possible d'aller loin accompagné, plutôt que de faire une aventure seul, et ne devoir compter que sur soi-même. Je n'avais rien d'un grand stratège, mais c'était peut-être ça qui faisait ma force au final. Dans tous les cas, j'avais apprécié le fait qu'il défendre les couleurs de notre équipe lors de l'activité de la semaine passée. Il jouait les modestes, mais sans ses tirs, nous aurions très certainement fini derniers, puisque ça ne s'était joué qu'à quelques points. « T'en as fait déjà bien plus que d'autres. » lâchais-je peut-être un peu trop sèchement à l'égard de nos fainéants compagnons. La fatigue avait tendance à modifier un tant soi peu mon comportement, même si bon, ça n'était que le reflet de mes pensées au final. « J'ai tout déchiré tu veux dire ! » le repris-je finalement en un sourire tandis que je me grattais l'oeil gauche à l'aide de mon poing. « Sérieusement, je n'avais jamais tiré avant, c'était plutôt amusant. » et puis je n'avais pas trop de bleus, alors je supposais que j'avais réussi à encaisser plutôt bien les coups, chose qui n'était pas négligeable puisque j'en avais reçu un ou deux en pleine tête. Enfin, il faut dire que je n'étais pas franchement un grand amateur de ce genre de sports, non, je préférais les activités plus traditionnelles comme la course ou la natation, que je trouvais quand même plus sain, mais une fois de temps en temps, oui, pourquoi pas. Le garçon appuyait un instant sur mon erreur, après avoir mentionné qu'il n'était pas une victime, ce à quoi je m'empressais de grogner un petit « Roh c'est bon. » que j'eu envie de ravaler presque aussitôt. Rahlala, la fatigue réussissait à me faire parler avant de réfléchir, et ce jusqu'à en modifier mes phrases. « J'avais bien compris que tu es un dur à cuire. » que tu n'es pas comme moi, aurais-je même pu ajouter. Oh oui, ça je le savais que nous étions différents, il n'y avait qu'à regarder nos parcours jusqu'ici, ainsi que nos relations. Apparemment, il souhaitait donner de la visibilité à sa maison de disque... Donc il était mannequin et possédait ce genre de chose, tout ça après avoir fait de la prison ? Décidément, c'était une drôle de vie. « J'espère pour toi que ça marchera... » j'aurais bien voulu en dire plus, seulement... « J'y connais pas grand chose en musique, en fait, du coup... » du coup je ne voyais pas vraiment à quoi servait une maison de disque. C'était pour signer des artistes non ? Ou peut-être était-ce une sorte de production, comme pour faire des cds. Dans tous les cas, être ici et être en prison n'avait rien à voir. Et évidemment, je le savais déjà. Non, c'était le sentiment en sortant qui s'en dégagerait. Cependant, sa prochaine affirmation eut le don de me faire arquer un sourcil. « Tu... Pourquoi tu dis ça ? Tu n'es pas toi même ici ? » Parce qu'aussi étrange que ça puisse paraitre, j'étais bel et bien moi, en chaire et en os. Bien évidemment, j'avais un secret à protéger, comme tout le monde, mais ça n'avait pas à changer qui j'étais pour autant, non ? Sa question me fit cependant réfléchir quelques secondes. Est-ce que je me sentais enfermé ? Il faut dire que le nid ne donnait pas vraiment d'accès sur le monde extérieur. « Je crois que c'est surtout le fait d'être isolé, de ne pas pouvoir contacter mes proches, tu sais... » soufflais-je en me redressant légèrement avant d'ajouter « C'est comme si on nous avait placé dans une bulle qui peut éclater à n'importe quel moment. » et ainsi mettre fin à notre parcours au sein de cette aventure. « Il y a des gens qui t'attendent à l'extérieur ? » ou qui t'avaient attendu, la première fois ?