On peut croire que Pia passe sa vie dans la cuisine à bouffer tout ce qui traîne dans les placards sans rien laisser sur son passage, mais c'est faux. Simplement, elle a bien besoin de faire une boulimie de sucre et de cochonneries qui vous foutent le bide en vrac et vous font pendre les fesses en vue du Prime d'hier soir. Déjà Andreja l'a plus ou moins abandonné parce que monsieur préférait décuver en paix plutôt que de profiter de sa royale compagnie - ce qu'elle lui pardonne parce qu'elle l'aime bien quand même et qu'elle sait à quel point les gens comme elles peuvent être chiants lorsque la seule envie qu'on a est celle de plonger la tête dans une cuvette et de mourir - mais en plus elle a eu la chance de tirer une question d'importance capitale ce qui fait qu'elle a dû condamner des candidats qu'elle ne connaissait ni de près ni de loin et doit sans doute avoir maintenant des ennemis qu'elle serait bien incapable de reconnaître au tournant du couloir. Et pour couronner le tout, elle s'est fait nominer d'office par la faute d'Auguste. Bon, ce n'était pas voulu, et elle avait presque pris comme un compliment le fait qu'il la décrive comme féroce mais voilà que l'angelot avait annoncé le jugement dernier. Elle a passé la nuit à fixer les étoiles du plafond, incapable d'évacuer le trop plein d'émotion, se tournant et retournant dans le lit dans tous les sens ce qui n'a probablement pas été super agréable pour son partenaire mais bon, il n'allait pas se plaindre, il n'était pas nominé, lui. Elle s'est quand même débrouillé pour rester dans son lit jusqu'à midi, profitant de la situation pour comater un peu sans que personne n'ose la traîner par les cheveux pour qu'elle descende mais la faim avait fini par se faire sentir. C'est en faisant un tour sur twitter qu'elle a vu l'invitation de son blond-roux à venir manger une " assiette-sourire ". Il sait la prendre par les sentiments. Elle pousse donc la porte avant de venir s'installer à côté de son partenaire. « Alors, il est où mon bonhomme sourire ? ». C'est pas qu'elle ne vient que pour le voir lui, non, elle aime bien Andreja aussi. Seulement chose promise chose due. « Tu l'as pas mangé au moins ? ». Elle fronce les sourcils, presque menaçante. On ne plaisante pas avec la bouffe.

Il ne faisait plus trop le fier maintenant. Il avait quitté le prime bien avant la fin la veille, le bruit et la lumière l'agressant vraiment plus qu'ils n'avaient envie de le supporter, et il avait fini par laisser sa partenaire pour monter se coucher avant tout le monde ; Pia ou quelqu'un d'autre se chargerait bien de lui résumer ce qu'il avait loupé d'important, se disait-il. Il n'avait même pas entendu les autres monter se coucher finalement, il avait dormi comme une souche et lorsqu'il s'était réveillé les autres dormaient de la même façon encore à poings fermés. Se sentant mille fois plus d'attaque que la veille il n'avait pas trainé longtemps sous la couette et avait fait un détour par le dressing pour se changer avant d'aller courir. Il se sentait toujours plus frais après avoir couru, et après être rentré et avoir pris une douche il se sentait fin prêt à commencer vraiment sa journée ... Et cela commençait par demander à quelqu'un l'issue du prime de la veille. Au moins le nom de la personne éliminée, et éventuellement s'il avait perdu plus que les trois mille balles que son dilemme lui avait fait perdre. Redescendant à la cuisine pour se faire un thé le serbe était tombé sur Jessica et c'était donc à elle qu'il avait posé toutes ses questions ... Pour en apprendre de bien bonnes. Le nombre de nominés d'office, de voix contre les uns et les autres, tout ça ... Ce prime était vraiment parti en sucettes. Clémentine avait été éliminé, également, c'était un peu décevant aux yeux d'Andreja puisqu'elle était la seule des quatre nominés avec qui il avait eu le temps d'échanger un peu. Et Pia était nominée d'office. C'était sans doute le pire dans tout ça, à ses yeux du moins ... Il n'en arrivait même pas totalement à se réjouir d'être immunisé de son côté. Et si lui était dépité il y avait fort à parier qu'elle devait l'être encore plus, alors à défaut d'avoir pu aller lui témoigner son soutien à sa manière en sautant sur le matelas pour l'embêter, puisqu'elle n'était plus dans son lit lorsqu'il était remonté, il avait échafaudé une idée pour l'appâter en touchant sa corde sensible : la nourriture. Oh il ne fallait pas rêver non plus, Andreja n'avait pas miraculeusement appris à cuisiner pendant la nuit, mais mettre de la crème et de la sauce salsa dans des bols et écraser des tortillas cela n'avait pas grand-chose de sorcier nous sommes bien d'accord ... Il faudrait simplement que Pia sache s'en contenter. Disposant le tout sur une assiette de manière à former un sourire il avait immortalisé le tout avec sa tablette et après ça il n'avait qu'à lancer son hameçon et s'asseoir sur un tabouret en attendant que ça morde. Cela avait pris approximativement cinq minutes, après quoi Pia avait débarqué dans la cuisine avec son air à l'affût ... A moins que ce soit la couleur de cheveux qui ne lui donne cet air. « Alors, il est où mon bonhomme sourire ? » Quoi, pas de bonjour ? S'il était du genre susceptible il se serait sans doute un peu vexé, mais puisqu'ils avaient dépassé ce stade il se contenta d'afficher un sourire narquois avant de répondre « Quoi, pas de bisou ? » Pour aller de paire avec le bonjour, cela allait de soit. Quant à ce qui était de la question qu'elle venait de poser, et donc de la raison pour laquelle elle était ici. « Ici. » avait-il simplement répondu, avant de se fendre d'une grand sourire faussement innocent ... Un bonhomme sourire, un. Quoi, ce n'était pas cela qu'elle voulait ? « Tu l'as pas mangé au moins ? » Ouuh, attention c'est qu'elle allait finir par mordre bientôt, à froncer les sourcils ainsi elle allait presque finir par lui faire peur. Balançant la tête d'un côté puis de l'autre comme s'il s'apprêtait à lui avouer qu'effectivement elle arrivait trop tard, et qu'il avait eu trop faim, il avait gardé le silence quelques secondes et puis avait finalement levé les yeux au ciel « D'accord, je drôle. » Drôler, un verbe trop peu utilisé, hm. Quittant un instant son tabouret il avait récupéré la dite assiette sur le plan de travail derrière Pia, et l'avait déposée sur la table devant la jeune femme. Bon, maintenant elle avait l'occasion de voir de ses propres yeux que ce n'était pas grand chose si ce n'était des chips et de la sauce piquante, mais après tout c'était l'intention qui comptait plus que le contenu ... Non ? « Je désolé, pour ta nomination. » Il savait bien que ce n'était pas de sa faute, c'était juste de la malchance, mais puisqu'elle était nominée d'office et lui immunisé il avait l'irrationnelle impression d'être en tort.

Il lui semble entendre son ventre grogner. A moins qu'elle ne soit encore en train de pleurer intérieurement, rapport à sa nomination, et que faute de sortir par ses yeux sa détresse soit en train de se manifester par le biais de son estomac. Le manque de sommeil ne l'aide pas à avoir des pensées rationnelles, en effet. « Quoi, pas de bisou ? ». Elle esquisse un sourire en réponse à l'air narquois de son partenaire. « Un bisous contre le bonhomme, sinon c'est niet. ». Ben ouais, manquerait plus qu'il s'enfuie avec le promis une fois son bisous reçu. Au moins là, c'est donnant donnant. On peut aussi appeler ça du chantage, c'est selon. Et en effet, elle fait bien de se méfier la rouquine. « Ici. ». Un instant son masque de bonhomme-sourire à elle se fendille alors qu'elle le dévisage. « T'es pas sérieux ! ». Face au silence d'Andreja, elle commence à avoir des doutes. Peut-être qu'il l'a mangé ? Ce serait trop cruel. Lui faire miroiter ce superbe cadeau avant de le dévorer sans même lui en laisser une miette. « D'accord, je drôle. ». Elle pousse un soupir de soulagement comme si sa vie avait dépendu de la réponse du rouquin. Elle lui donne un coup de coude dans les côtes en venant se poser sur le tabouret à côté de sien tandis qu'il se lève pour aller choisir le précieux. « T'es vraiment con. ». Elle lève les yeux au ciel alors que son sourire réapparaît petit à petit sur sa figure. Il en faut peu pour jouer avec la jauge de ses humeurs. Surtout quand on sait la prendre par les sentiments. Ses lèvres s'étirent d'avantage quand il pose le plat devant elle, comme pour répondre au sourire de l'assiette. Elle a presque l'impression que les chips lui font un clin d’œil. Comme quoi, il en faut peu pour être heureux. « Pas trop mal, faudra quand même que je te donne des cours de cuisine.. ». Elle râle un peu, pour la forme, mais son sourire la trahit. Elle prend une chips et la trempe dans la sauce. « Je désolé, pour ta nomination. ». Quelle nomination ? Ah oui, la sienne. Avec tout ça elle l'aurait presque oublié. Elle met un instant avant de réagir. « Sois pas désolé, c'est pas si grave.. Puis on va tous passer par cette étape, non ?  ». C'est la vérité. Même si ils ont tous tendance à oublier qu'à la fin il n'en restera qu'un, elle s'en rend un peu plus compte maintenant. Quant à la notion de son départ.. Ça lui paraît complètement abstrait, en réalité. « N'empêche que si je pars dimanche, t'as pas intérêt à me remplacer par la première minette qui passe. ». Elle lui fait les gros yeux. C'est sûr que son départ ne serait pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde, si on compte le nombre de candidats qui se glisseraient volontiers à côté d'Andreja dans leur lit à ciel ouvert. A trois ils seraient un peu à l'étroit, mais une fois qu'elle ne serait plus là.. « Tu peux lui manger l’œil aussi. ». Trop généreuse. Elle partage avec lui la mutilation de ce pauvre bonhomme. C'est là qu'on voit qu'ils ont atteint un autre niveau dans leur relation.

Il ne l'aurait pas appâtée sur twitter avec cette assiette s'il ne comptait pas la lui laisser, on s'en doutait bien, mais pour autant la faire poireauter un peu à son arrivée dans la cuisine avant de la lui donner était trop tentant pour qu'il ne puisse s'en priver. Et puis Pia avait elle-même admis pouvoir se transformer en montre quand il était question de nourriture, alors Andreja essayait seulement de vérifier à quel point cela pouvait se révéler vrai. « Un bisous contre le bonhomme, sinon c'est niet. » Bon, déjà la faim la rendait radine en terme d'affection, de toute évidence. Mais cela pouvait se comprendre aisément chez les personnes dont le cerveau et l'estomac étaient étroitement liés, ce qui semblait ici être le cas. En rajoutant une couche il lui avait offert un sourire, son sourire à lui, en prétextant qu'elle n'aurait que celui-là et qu'elle devrait s'en contenter « T'es pas sérieux ! » Non en effet, il n'était pas sérieux, quant à elle elle marchait bien trop vite dans ce genre de combines. Décidant tout de même que les plaisanteries les plus courtes restaient les meilleures il avait fini par récupérer l'assiette et la poser devant elle « T'es vraiment con. » Et elle vraiment mal lunée, mais si il lui pardonnait à elle, elle pouvait bien en faire de même avec lui « Tu dire ça mais je sais tu m'aimes bien. » Et elle avait plutôt intérêt à faire attention à ce qu'elle allait répondre, là, des fois qu'il ne prenne à Andreja l'envie soudaine de se vexer. Arborant d'ailleurs un air boudeur il avait demandé « Alors, mon bisou ? » Parce qu'il venait de remplir sa part du marché là, elle ne s'imaginait tout de même pas qu'il allait se contenter de ça maintenant ? Non, il voulait sa contrepartie. Même s'il n'avait pas fait cela pour la contrepartie, à la base ... non, c'était simplement un petit geste comme ça, sa façon à lui de lui faire comprendre qu'il n'aimait pas cette idée de nomination d'office. « Pas trop mal, faudra quand même que je te donne des cours de cuisine. » Oui bon, il ne prétendait pas non plus avoir préparé un truc digne d'un trois étoiles, il avait fait avec les moyens du bord, et surtout avec ses compétences - limitées - en terme de cuisine. « Hmm, je pas dire non. Comme ça quand je rentrer chez moi je savoir faire autre chose que oeufs, pâtes et ... ça être tout, hm. » Oui, c'était à ce point. Pas étonnant que ses soeurs aient parfois eu assez pitié de lui pour lui faire la cuisine.  A Chicago ce n'était pas pareil, le consul avait un cuisinier, et les employés vivant sur place en profitaient,  alors Andreja n'avait pas eu à se faire à manger lui-même depuis un moment. Mais donc il notait, elle lui devrait un cours de cuisine ; Restait plus qu'à espérer qu'elle ne quitterait pas le nid dimanche. « Sois pas désolé, c'est pas si grave ... Puis on va tous passer par cette étape, non ? » Oh ça pour sûr ils y passeraient tous à un moment ou un autre, même si Andreja espérait bien que le plus tard serait le mieux ... Il n'avait pas moins envie de gagner qu'un autre après tout, et même si l'argent n'était pas son but premier en venant ici il ne cacherait pas dessus non plus. « Je sais ça. C'est juste ... on être un équipe, tu vois ? Et tu être nominée toute seule quand moi je êt-suis immu ... » Immu-quoi ? Il avait un trou, là tout de suite. « Enfin, je trouve ça pas être très juste. » C'était la manière de l'être plus que la nomination en elle-même qui le tracassait en fin de compte. Il était content de savoir qu'il s'assurait une semaine supplémentaire ici bien sûr, mais il ne s'estimait pas plus méritant que sa rouquine de partenaire pour autant. « N'empêche que si je pars dimanche, t'as pas intérêt à me remplacer par la première minette qui passe. » Roulant des yeux comme si elle venait de sortir la plus grosse des âneries - et c'était peut-être un peu le cas à vrai dire - il avait secoué la tête d'un air réprobateur « Mais tu pars pas dimanche, c'est tout. Et tu pas être défaiti ... sante ? Sinon je m'occuper de toi. Je connaître tes faiblesses maintenant. » La bouffe et les chatouilles, il ne lui avait pas fallu longtemps pour découvrir les deux. Les nanas il trouvait cela tellement prévisible parfois. Et en parlant de bouffe d'ailleurs, elle avait fini par lui proposer « Tu peux lui manger l’œil aussi. » Il avait esquissé un léger sourire mais secoué vaguement la tête en répondant « Non, c'est pour toi. Mais si c'est mauvais tu pas obligé de manger non plus, je pouvoir vivre avec empoisonner moi sur la conscience, mais pas empoisonner ma partenaire. » En plus elle lui tenait chaud la nuit, il n'avait pas envie de se débarrasser d'elle. Ni ce midi, ni dimanche, ni dans les semaines à venir.