Il a l’impression de passer son temps dans les escaliers, puisqu’il met un point d’honneur à ne pas utiliser l’ascenseur. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il n’a pas peur de le prendre, il n’a jamais eu de peur phobique de quoi que ce soit, il garde seulement en mémoire la possibilité que celui-ci se bloque, et qu’il se retrouve en compagnie d’un ou plusieurs de ses camarades durant plusieurs heures. Ce qui serait assez compliqué à supporter pour lui, en sachant qu’il a côtoyé plus de personnes cette semaine que durant toute une année de sa vie. Il se réadapte, gentiment, mais pour l’instant prendre l’ascenseur n’est pas à l’ordre du jour. D’ici quelques semaines – si on le laisse aller jusque là – il avisera certainement.  Mais pour l’instant, donc, il préfère emprunter les escaliers même si ceux-ci sont également synonymes de mauvaises rencontres, pour ce qu’il a pu en voir la semaine dernière. Il a foncé dans Zelda sans faire attention et celle-ci l’a rapidement agacé, de même pour Jessica et la perte de sa boucle d’oreille qui a semblé être le drame de sa vie. Mais au moins, contrairement à l’ascenseur, il a pu s’échapper à un moment ou à un autre de ses deux rencontres, ce qu’il n’aurait pas pu forcément faire avec l’ascenseur – dans l’hypothèse où celui-ci se serait bloqué – du moins pas avant que celui-ci décide de fonctionner correctement. Il s’engouffre donc dans les escaliers pour rejoindre l’étage. Il a déjà entamé les marches quand ses prunelles se posent sur une silhouette assise sur les escaliers, une jeune femme dont l’identité lui est encore inconnue. Il se contente d’un léger signe de la tête pour montrer qu’elle n’est pas totalement invisible à ses yeux, mais ce n’est pas pour autant qu’il compte s’arrêter pour parler de la pluie et du beau temps. Enfin, c’était le plan jusqu’à ce qu’elle décide d’ouvrir la bouche et de lui demander de s’asseoir à côté de lui. Elle caresse même la marche pour paraître plus convaincante. Ça marche presque, puisqu’il se décide à faire machine arrière pour se retrouver à son niveau, sans pour autant s’asseoir. « Je suis bien ici. » Il précise, tout en s’appuyant contre la barre de l’escalier opposée de l’endroit où est située la candidate. Il croise les bras, l’observe un court instant, perplexe. Techniquement, c’est une invitation à rester avec elle, non ? Pourquoi est-ce qu’elle voudrait la compagnie d’un type comme lui ? « Qu’est-ce que tu veux ? » Il finit par lui demander. Peut-être qu’elle ne veut rien, peut-être qu’elle veut quelque chose, il ne sait pas, jusqu’à preuve du contraire il ne lit pas dans les pensées. Alors il compte sur elle pour l’éclairer.

Si elle n’avait pas le brisé le silence, il aurait certainement continué sa route sans se soucier plus que ça de la demoiselle. Il est comme ça, Alistair, il a encore de la peine à s’habituer à cette présence constante des autres. Il savait pertinemment qu’il n’y échapperait pas en venant ici, il a accepté cette idée, mais ce n’est pas pour autant que sa véritable nature disparait et qu’il va aller naturellement vers les autres. Il n’en est pas encore à ce stade, et justement, c’est pour atteindre ce stade qu’il participe à cette émission. Mais pour l’instant, en cette deuxième semaine d’aventure, un signe de tête et tout ce qu’il peut lui offrir comme geste amical. Il fait malgré tout l’effort de revenir sur ses pas quand elle lui parle et qu’elle lui demande de venir s’asseoir à ses côtés. Il veut bien rester avec elle, mais il se contentera de rester debout contre la barrière de l’escalier, ça lui convient très bien comme position. Ce n’est pas son truc d’être collé aux autres ou même de les toucher, Taylor en a déjà fait l’expérience. Sa camarade n’a pas l’air très convaincue de son refus, mais qu’importe. Il finit par lui demander ce qu’elle veut, ça l’intrigue qu’elle l’ait intercepté comme ça et qu’elle souhaite sa présence à ses côtés. Mais il n’obtiendra pas réponse dans l’immédiat puisqu’elle insiste à nouveau sur le fait qu’elle voudrait qu’il prenne place à côté d’elle. Elle développe tout de même par la suite, déclarant qu’elle veut juste s’oublier trente secondes. « Je ne suis pas certain d’être la bonne personne pour ça. » Il déclare finalement. Visiblement, elle n’a pas l’air de respirer la joie de vivre à cet instant – mais qui est-il pour la juger sur ce point ? – et il ne pense pas être la personne qu’il lui faut pour se changer les idées. Il parle peu, si ce n’est pas du tout, il déteste les contacts physiques s’il n’en a pas donné la permission et il a encore de la peine à s’habituer à la présence des autres, lui qui ne voyait pas plus de dix personnes sur une année. Alors, c’est dit avec la plus grande sincérité, il ne pense pas être la personne qui lui faut. « Je ne suis pas de bonne compagnie. » Il précise ensuite. Mais pour autant, il ne continue pas son chemin. Il se déplace même pour venir s’asseoir sur la même marche qu’elle. Pas directement à ses côtés, plutôt à l’autre extrémité même si la marche ne mesure pas deux mètres de large et qu’il ne peut pas marquer une aussi grande distance qu’il l’aimerait entre eux. Compte tenu de ses propos précédents, il se doute que ça ne doit toujours pas lui convenir, mais c’est tout ce qu’il peut lui offrir pour l’instant, avec une bonne oreille si elle ressent le besoin de parler. En attendant, il reste silencieux, parce qu'il n’est pas habitué à ce genre de situation.

À cet instant – et il n’aurait jamais pensé que cette hypothèse lui traverserait l’esprit – il regrette presque d’avoir opté pour les escaliers à défaut de l’ascenseur. C’est que la jeune femme le rend presque mal à l’aise à insister de la sorte pour qu’il se rapproche d’elle. Il n’a pas besoin d’avoir fait des études de psychologie pour comprendre qu’elle représente son parfait contraire : quand lui fuit les contacts avec les autres, elle semble en avoir énormément besoin. Ou peut-être que c’est simplement son état d’esprit du moment qui la fait agir de la sorte, mais qu’importe, cela suffit à Alistair pour ne pas être totalement à l’aise. Peut-être qu’il aurait évité une telle rencontre dans l’ascenseur, peut-être que s’il était resté coincé avec quelqu’un cette personne n’aurait pas insisté pour ressentir sa présence. C’est ce qui lui faut en ce moment à cette fille, quelqu’un qui soit en mesure d’être de bonne compagnie et, clairement, il ne pense pas être la personne qui lui faut pour cela. Ce n’est pas un moyen de se défiler, c’est la stricte vérité. Elle estime que c’est à elle d’en juger. Elle n’a pas tout tort, mais il pense tout de même être en mesure d’estimer une chose de la sorte en étant sûr de lui. Il hausse simplement les épaules, libre à elle d’être déçue de sa compagnie, déçue de lui comme tant d’autres avant elle. Elle se fait à nouveau suppliante, il finit par céder à ce qu’il estime être un caprice pour se rapprocher et s’asseoir sur la même marche. C’est déjà beaucoup pour lui, mais il se doute que ce n’est pas assez pour elle. Le silence qui s’installe après qu’il ait pris place à une certaine distance d’elle ne le dérange pas, il s’en accommode très bien. Il n’a pas réfléchir longtemps à une réponse à la question qu’elle lui pose par la suite. « Les autres. » C’est aussi simple que cela. Peut-être que d’une certaine manière, il est trop influençable pour donner du crédit aux paroles des autres, mais force de constater que les années et les expériences ont donné raison à ces fameux autres. Et sûrement que sa camarade s’en rendra compte bien assez tôt, mais ce n’est pas faute de l’avoir prévenue. Elle veut juste de la compagnie, elle précise. Juste ça, mais il lui l’offre déjà, selon lui. Il est toujours là, il a même accepté de s’asseoir sur la même marche qu’elle. Mais ce n’est pas suffisant, elle veut se rapprocher. Un peu, qu’elle dit. « Non. » Il répond presque instantanément, les mots ayant franchi ses lèvres sans même qu’il se laisse le temps de réfléchir à la question. C’est la réponse qui lui parait la plus évidente, la plus agréable pour lui aussi, non, elle ne peut pas se rapprocher. C’est beaucoup trop lui demander d’un seul coup. Au final, il ne la connait pas, cela ne fait que quelques minutes qu’ils ont entamé la conversation, il ne connait pas même son prénom. En général, il lui faut plusieurs semaines pour arriver à ce stade avec les autres, et encore, c’est un stade qu’il n’atteint généralement pas puisque les autres le fuient avant. Les seuls fois où il s’autorise un contact physique avec quelqu’un qu’il ne connait pas ou peu, c’est quand sa nature d’homme reprend le dessus. Sauf qu’il ne s’agit pas de ça, là, il n’est même pas sûr qu’il soit obligé de la toucher et bien même si c’est le cas, ce sera sûrement elle qui le touchera, qui posera sa tête sur son bras ou sur son épaule, ou quelque chose du genre. Il n’aura rien à faire. Il n’est obligé de rien. « Bon, d’accord. » Il finit par concéder au bout de quelques instants, sans grande motivation dans ses paroles. Mais il faut qu’il essaie de briser ses barrières qu’il s’est imposé seul. Et il pense à Peter aussi, qui derrière son écran doit se dire que c’est une véritable réussite ce qu’il se passe là, en seulement deux semaines. C’est une façon pour Alistair de s’ouvrir aux autres. Et c’est pour ça qu’il est venu, alors bien que ce ne soit pas de gaieté de cœur qu’il accepte, il le faut. « Viens. » Il déclare à haute voix, comme pour se préparer à ce qui va suivre, faisant écho par la même occasion aux précédentes paroles de sa camarade.

Il préfère la prévenir tout de suite plutôt qu’elle se retrouve déçue : il n’est pas une personne de bonne compagnie. Si elle cherche à se changer les idées, elle a meilleur temps de continuer ses recherches, car clairement, il n’est pas la personne qui lui faut. Il a déjà suffisamment de peine à gérer ses propres pensées noires pour s’occuper de celles des autres. Et puis, même s’il le voulait, il n’est pas doué avec les mots – chaque candidat l’ayant côtoyé a dû le réaliser – il y a plus de chance qu’il l’enfonce encore un peu plus dans sa mauvaise humeur plutôt qu’il la sorte de cet état d’esprit. Malheureusement – ou heureusement, il ne sait pas encore comment il doit le prendre – pour lui, elle n’est pas décidée à se satisfaire de cette réponse et lui demande plus de précisions. Qui dit ça ? Les autres. Une réponse peut-être trop vague, mais qui a le mérite d’être honnête. Cette fois, la réponse semble satisfaisante mais elle ne manque pas de faire réagir la candidate. Il l’écoute sans broncher, bien que très peu convaincu par ses paroles. Elle ne le connait pas. Elle ne connait pas son histoire. Elle n’est donc pas en mesure de lui assurer que les autres sont effectivement stupides. Il se doute que ses propos partent d’un bon sentiment, mais il ne peut pas les accepter, il ne peut pas réfléchir comme elle. Il a été ‘’conditionné’’ à ce type de propos. « Ils ont leurs raisons, justifiées, de penser cela. » Même si ça le tue de l’admettre à voix haute. C’est une pensée qu’il a toujours gardé pour lui jusqu’ici, évitant un maximum de donner du crédit à ce genre de propos, mais il ne peut pas mentir plus longtemps. Il sait qu’ils ont raison, ces autres, et même si ça l’énerve plus que tout de l’admettre, il comprend leurs raisons. Ce n’est pas forcément son caractère qui leur fait penser de telles choses, c’est simplement lui et son histoire. « Peut-être que tu les comprendras par la suite. » Il finit par dire, en haussant les épaules. Il n’a pas l’habitude qu’on veuille passe outre les apparences, raison pour laquelle il semble rejeter l’idée qu’elle puisse se forger sa propre opinion et être en désaccord avec ce qu’on lui a toujours répété à longueurs d’années. Mais pour l’instant, il ne peut pas lui en dire plus, il ne veut pas lui en dire plus, ce serait s’ouvrir à autrui d’une certaine façon et il n’est pas prêt pour cela. Physiquement, c’est une autre histoire, puisqu’après un refus catégorique, il revient sur ses positions et se décide à accepter le rapprochement qu’elle demande depuis qu’il l’a croisée ici. Aussi stupide que cela puisse paraitre, cela lui demande une légère préparation psychologique. Il a une certaine appréhension, ne sachant pas vraiment à quel point elle veut se rapprocher, si elle se contentera de s’asseoir à côté de lui et non plus à l’autre bout de la marche, ou si elle a besoin de sentir sa présence en touchant son bras, en s’appuyant contre lui ou par un autre geste. C’est avec un soulagement qu’il ne prend pas la peine de dissimuler qu’il constate qu’elle se contente de se rapprocher sans pour autant le toucher. Et presque instantanément, la sensation de malaise en la compagnie de sa camarade est presque entièrement oubliée. Tout ça pour ça, il se sent presque con pour le coup, mais c’est une sensation qui disparaitra aussi vite qu’elle est arrivée. Un silence s’installe, mais pas pesant pour une fois. Un silence presque agréable, un silence qu’il ne se sent pas obligé de combler. Finalement, c’est elle qui reprend la parole en premier en lui révélant son prénom, détail qu’il ignorait encore jusqu’à présent. « Comme le personnage de Roald Dahl. » Il dit, sans trop savoir pourquoi puisqu’il n’est pas du genre à penser à haute voix. Mais c’est la seule chose qui lui est venu à l’esprit dans l’immédiat. Il a lu ce bouquin quand il était plus jeune, lui l’a apprécié dans ses souvenirs, mais reste à savoir si sa camarade est du même avis ou même si elle connait la référence. Ou peut-être qu’elle se fiche tout simplement de sa réflexion. « C’est joli. » Et peut-être qu’elle se fiche tout autant de cette réflexion là, mais il ne peut plus revenir en arrière sur ses propos désormais et après tout, il n’y a pas de mal à décréter qu’un prénom est joli. Il remplace peu-à-peu la candidate grâce à son identité, si ses souvenirs sont bons, elle fut annoncée dans les premiers candidats lors du prime d’ouverture et surtout, Taylor l’a bassiné avec elle, puisque sa partenaire fantôme semble avoir eu un coup de cœur pour cette fameuse Matilda. « Alistair. » Il déclare par la suite d’un murmure similaire à celui de sa camarade. Elle l’a aiguillé sur son identité, il peut bien faire de même. « Tu veux parler ? » Il finit par demander. Il ne lui demande pas si elle en a besoin, car un besoin ne nécessite pas forcément une envie. C’est à elle de décider si elle souhaite se confier ou non, il ne lui force pas la main. Peut-être qu’il se trompe d’ailleurs, peut-être qu’elle va très bien et que ce comportement qui peut paraître trouble à ses yeux et en réalité tout ce qu’il a plus normal. Dans quel cas il se sentirait à nouveau stupide.