what if this storm ends
ft. Pia & Andreja

Il s'était réveillé avec le goût du fer dans la bouche, et l'impression désagréable d'être pris au piège quand en réalité il s'agissait simplement de la couette dans laquelle il s'était entortillé dans son sommeil. Et le fer rien d'autre que le résultat du fait qu'il se soit mordu l'intérieur de la joue jusqu'au sang. Se débarrassant de la couette d'un geste brusque et automatique il s'était levé, ne prenant même pas la peine de ramasser son tee-shirt, qu'il avait envoyé valdinguer par terre quelque part au milieu de la nuit en pestant qu'il faisait une chaleur à crever dans cette chambre, et avait quitté la chambre à tâtons non sans manquer de peu se prendre la porte d'entrée en pleine face. Il avait besoin d'air. Non, mieux que ça encore, il avait besoin d'être réveille, mais du genre complètement réveillé, du genre une bonne douche et après ça il se sentirait mieux. Alors laissant ses pas le guider jusqu'à la salle de bain il avait attrapé la première serviette sur un portant sans même vérifier s'il s'agissait de la sienne ou non, retiré ses fringues comme un automate et s'était glissé sous le jet d'eau de la douche, volontairement réglé sur froid parce qu'il n'y avait rien de tel pour se ... réveiller. Et pour sûr ça l'avait réveillé, l'eau glacée glissant contre sa peau avait eu autant d'effet qu'un coup de jus et après avoir senti son cœur louper un battement et ses muscles se crisper il se sentait déjà beaucoup plus alerte. Haletant, il avait lentement fais revenir l'eau chaude et posé son front contre le carrelage de la douche, laissant l'eau lui couler sur la nuque, les épaules et le dos. Il était resté là un moment, une demi-heure, peut-être un peu plus ; Le temps de chasser le bourdonnement dans ses oreilles, le goût du sang dans sa bouche, et la sensation oppressante dans sa poitrine. Il ne se souvenait pas de quoi il avait rêvé, mais c'était un mal pour un bien probablement, et puis il n'avait pas besoin de s'en rappeler pour savoir ... Y'avait peu de choses qui le mettaient dans cet état. Après ce qui lui sembla être une éternité il avait enfin coupé l'eau, et tendu la main pour attraper sa serviette dans laquelle il s'était enroulé quelques instants pour se sécher rapidement, avant de l'attacher autour de sa taille et de ressortir de la douche. Machinalement il avait cherché après la croix orthodoxe autour de son cou, par simple besoin de vérifier qu'elle était toujours là, et l'avait vue briller dans le miroir en face de lui lorsqu'il avait relevé les yeux. S'appuyant contre un des lavabos il avait passé une main sur son visage, est-ce que cela valait vraiment le coup de retourner se coucher ? Essuyant les gouttes d'eau sur le cadran il avait jeté un coup d’œil à sa montre ; Trois heures du matin. Non, il fallait qu'il retourne se coucher, sinon il aurait l'air d'un zombie demain, enfin tout à l'heure. Et puis ça l'avait frappé d'un seul coup. Sur sa montre, pas l'heure, mais la date. Onze octobre. « Kurva. » Son anniversaire, aujourd'hui il avait vingt-huit ans. Et surtout, surtout c'était le troisième anniversaire qu'il passait séparé de sa famille ... Pas étonnant que son sommeil lui fasse des blagues de ce genre. Comme si son inconscient essayait de lui rappeler ce qu'il avait essayé d'oublier dans un coin de sa tête, en se disant qu'en étant coincé ici il lui serait plus facile de prétendre que ce jour était un jour comme les autres. C'était le cas de toute façon, ce n'était qu'un jour comme les autres à cela prêt qu'il était l'occasion de lui renvoyer son mal du pays en pleine gueule. Passant une nouvelle main sur son visage en soupirant il avait secoué la tête, et reposé les yeux sur son reflet seulement pour remarquer une silhouette derrière lui qui n'était pas là il y a trente secondes. Pia. « Je t'ai réveillée ? » Assurément, puisque c'était le beau milieu de la nuit et qu'elle était là, au lieu d'être au fond de leur lit. « Désolé. » avait-il d'ailleurs rajouté à voix basse sans même attendre la réponse à sa propre question. Mais il l'était vraiment, ce n'était pas parce qu'il avait une nuit agitée qu'il avait envie d'en faire profiter sa partenaire ... Dans ces moments-là la loveroom aurait trouvé son utilité, il aurait pu y retourner se coucher sans risquer de déranger quelqu'un d'autre, et se serait sans doute rendormi plus facilement en sachant qu'il n'y avait pas de caméras pour le scruter. Alors que là, il n'était pas certain de pouvoir retrouver le sommeil.

Tranquillement bercée par les bras de Morphée et le souffle de son partenaire elle roupille comme un bébé, Pia. C'est drôle de dire qu'elle dort mieux ici, entourée d'inconnus aux personnalités instables que chez elle, seule dans son pieu, et c'est pourtant le cas. Du moins jusqu'à ce qu'elle se fasse réveiller en sursaut par un morceau de couette qui lui atterri sur la figure. Elle cligne des yeux, la vision floue comme après un mélange d'alcool mauvais et pousserait bien un râle mécontent si elle en avait la force, ce qui n'est réellement pas le cas. Elle peine à tourner la tête, juste à temps pour voir Andreja s'effacer derrière la porte. Elle laisse ses pupilles parcourir le plafond, scrutant les étoiles factices qui scintillent au dessus d'elle. Quelle heure est-il ? Elle n'a pas le courage de regarder. Il va revenir, de toute façon. Il a dû être pris d'une envie pressante, voilà tout. Si ça se trouve il s'est encore enfilé quelques bouteilles dans un coin avec Lou, ce ne serait pas étonnant que sa vessie explose dans ce cas-là. Elle se tourne et se retourne dans leur lit, tentant tant bien que mal de retrouver le sommeil, mais ses paupières jamais ne se ferment et son regard est inéluctablement attiré par les nébuleuses qui dansent au plafond. Ses pensées sont aussi creuses que les cernes qu'elle va se traîner sous les yeux demain. Elle attend, comptant les moutons d'abord, puis comptant les secondes et les minutes. Andreja n'est pas là. Il ne revient pas. Elle est incapable de dire depuis quand il est parti, une demi-heure ? Une heure peut-être ? Sa notion du temps est altérée tout comme sa vision de la réalité. Elle écoute les autres ronfler, par paires sous leurs couettes. Trop longtemps qu'elle partage la sienne avec la solitude. La place de son partenaire s'est déjà refroidie et personne ne pourrait deviner qu'elle n'a pas ce grand lit pour elle seule, ce dont elle profiterait volontiers si le sommeil voulait bien la serrer contre lui de nouveau et surtout si le doute ne venait pas s'insinuer dans son esprit, comme un poison lent qui lui glace le sang. Peut-être qu'il est tombé ?  Pas étonnant si il est bourré au point de ne plus pouvoir marcher. Mais comment est-ce qu'elle a fait pour ne rien remarquer ? Elle s'en voudra à mort si il lui est arrivé quelque chose, ne serait-ce que si il s'est cassé le petit orteil en glissant. Elle est là à psychoter et lui vient enfin la force de regarder le réveil. Les rouages peinent à se mettre en place dans son crâne mais la mécanique finit par s'activer en grinçant. Elle rejette la couverture à ses pieds avant de se lever, manquant de trébucher dans sa démarche maladroite. Sans bruit, elle quitte la chambre à son tour. Elle avance dans le couloir, le miroir lui renvoie l'image d'un spectre roux au visage froissé par le sommeil mais elle ne s'attarde pas. Elle entend du bruit dans la salle de bain. De l'eau qui coule. Quelqu'un de très matinal, en somme. Peut-être un blond-roux qui s'est égaré sous la douche à un moment inopportun, qui sait. Cela lui semble peu probable que quelqu'un d'autre ait eu la bonne idée de se lever alors qu'il n'est même pas quatre heure du matin. Elle appuie sur la poignée, se retrouve derrière son partenaire qui lui tourne dos, face à leur reflet dans le miroir. Elle ne dit pas un mot. « Je t'ai réveillée ? ». Elle hausse les épaules. C'est évident. Mais ce n'est pas important. « Sans importance. », elle lâche, en secouant la tête dans un mouvement aussi énergique qu'il peut l'être lorsqu'elle n'a dormi que trois heures. « Pourquoi t'es levé ? T'as fait un cauchemar ? ». Sans attendre la réponse, elle se rapproche de lui et enchaîne. « En regardant le réveil j'ai vu que.. Enfin, on est le 11 quoi. Non ? Je sais plus.. Mais je crois que c'est ton anniversaire alors.. Bon anniversaire ? ». Elle hasarde, plus trop sûre finalement parce que tout se mélange dans son crâne et peut-être qu'elle confond avec un autre candidat. « J'ai pas de cadeau par contre, je.. Enfin tu vois il est un peu tôt et j'ai pas eu le temps de.. ». Elle ne finit pas ses phrases comme si parler puisait dans le peu d'énergie que sa courte nuit lui a offert, se balançant d'avant en arrière comme si elle allait s'endormir debout.

Il y avait eu un moment où il ne savait plus trop où il était. Après avoir terminé de recracher le peu de sang qui lui restait dans la bouche et après avoir progressivement remis l'eau chaude et calmé les pulsations de son coeur qui s'était affolé, il avait juste posé sa tête contre le carrelage de la douche et fermé les yeux, laissant le bruit et la sensation de l'eau le bercer autant que l'abrutir. Et passé un certain moment il avait oublié où il était, il n'était plus cent pour cent certain de l'endroit où il se trouverait en ouvrant à nouveau les yeux. Certaines hypothèses faisaient mal parce que trop belles pour être vraies, d'autres lui glaçaient presque le sang rien que d'y penser ... Où était-il, sur quel continent, pourquoi, avec qui ? Toutes ces questions lui donnaient le tournis, si bien qu'il avait mis quelques secondes une fois ses yeux ouverts et l'eau de la douche arrêtée, pour retrouver ses repères. Fake Lover, l'Australie, cela avait tout de même fini par lui revenir. Il n'était pas véritablement réveillé, même après tout ce temps sous l'eau, le mieux était peut-être qu'il retourne se coucher ... Pourtant il restait là, sa serviette nouée autour de sa taille, à fixer son reflet sans faire le moindre mouvement pour attraper son boxer et son tee-shirt et commencer à se rhabiller. Pia lui sembla apparaître de nul part ; Il l'avait réveillée, à tous les coups. « Sans importance. » Il n'avait pas pu s'empêcher de sourire à sa réponse. Même à trois heures et des poussières au milieu de la nuit, Pia possédait un aplomb mémorable. Reste que non, ce n'était pas sans importance, il avait tellement l'esprit ailleurs qu'il n'avait même pas fait attention à elle en se levant ... Manquement à un devoir fondamental de partenaire, au moins. « Si tu te lever à cause de moi, non. » Enfin, il n'était pas certain qu'elle soit debout à cause de lui ... Peut-être étaient-ils seulement synchro jusque dans leurs insomnies. Mais cela restait tout de même moins probable. Elle n'avait pas relevé en tout cas et avait préféré demander « Pourquoi t'es levé ? T'as fait un cauchemar ? » Ses yeux balayant un instant la salle de bain comme s'il essayait de fuir le regard que Pia posait sur lui, il avait fini pourtant par reposer les yeux sur elle « Je sais pas ... peut-être. » Ce n'était pas vraiment un mensonge. Il savait que oui parce qu'il n'y avait rien d'autre pour expliquer l'état de panique dans lequel il s'était réveillé, mais il n'en avait aucun souvenir et ne voulait assurément pas chercher à en avoir. « En regardant le réveil j'ai vu que ... Enfin, on est le 11 quoi. Non ? Je sais plus ... Mais je crois que c'est ton anniversaire alors ... Bon anniversaire ? » Son regard s'était agrandi légèrement et il avait penché la tête sur le côté. C'était stupide, avant il adorait les anniversaires, c'était une excuse pour réunir une fois de plus toute la famille, de revoir les gens qu'ils ne voyaient pas souvent ... et maintenant cela lui filait juste le cafard, alors que cela ne devrait pas. « J'ai pas de cadeau par contre, je ... Enfin tu vois il est un peu tôt et j'ai pas eu le temps de ... » Elle était trop mignonne. C'était le premier truc qui était venu à l'esprit d'Andreja, elle tenait à peine debout, ses yeux criaient tellement fatigue qu'il était certain que sans lui elle serait encore bien calée dans les bras de Morphée, et malgré tout elle trouvait encore le moyen de se souvenir de son anniversaire et de bafouiller qu'elle n'avait pas de cadeau. « Sans importance. » avait-il simplement murmuré en reprenant son expression précédente, un léger sourire sur les lèvres. Ouvrant ses bras il lui avait fait signe d'approcher et les avait refermés autour d'elle ; Il n'avait pas besoin d'un cadeau, il avait seulement besoin de ça. D'un contact, d'une peau contre la sienne, d'une autre respiration sur laquelle se caler, d'une nuque dans laquelle enfouir sa tête pour y déposer ses lèvres. « Merci. » Il avait murmuré cela aussi, contre sa peau, après de longues secondes de silence. De lui avoir souhaité son anniversaire, certes, mais pas uniquement. C'était un peu général, il ne saurait pas vraiment l'expliquer. Au lieu de ça il avait laissé ses mains glisser autour de la taille de Pia et avait resserré ses bras autour d'elle, sans rien dire de plus.

Le carrelage gelé sous ses pieds nus, la lumière agressive, les miroirs qui lui renvoyaient l'image de son visage lors des pires jours de sa vie, tous les éléments présents lui donnaient envie d'aller se blottir sous ses draps pour ne pas en ressortir avant quatorze heure au moins. Tout lui semblait difficile, mais c'était sans gravité puisqu'il était là et qu'il allait bien si on faisait exception des ses yeux rougis presque autant que les siens et de sa figure qui respirait la lassitude à des kilomètres. Et c'était bien lui qu'elle était venu chercher alors peu importe les spots trop lumineux, la glace qui lui fait des grimaces et le sol qui lui mord les orteils. Un sourire faiblard prend place sur ses lèvres en réponse à celui qu'il lui offre. « 'Pas grave. Je te revaudrai ça. ». Elle sourit d'avantage. En lui sautant dessus en pleine nuit, peut-être ? Mais encore faudrait-il qu'elle ait la force de se réveiller pour ça, et rien n'est moins sûr. Il n'y a que les urgences qui arrivent à l'arracher aux bras de Morphée, et aussi les partenaires réveillés en sursaut qui vous envoient la couette en pleine figure. Elle ferme les yeux et se masse les tempes un instant avant de lui demander si il a fait un cauchemar. En rouvrant les paupières avec peine, elle remarque que son regard fuit le sien. Elle aurait pu être blessée mais il en faut de toute façon énormément pour réussir à toucher son orgueil et elle n'a de toute façon pas l'énergie de psychoter à ce propos. « Je sais pas ... peut-être. ». Elle hoche la tête alors que ses yeux croisent de nouveau les siens. Ce n'est pas la peine d'insister. Elle ne veut pas insister. Peut-être qu'il a réellement oublié ce qui a avorté son sommeil. Aucun doute de toute façon : il ne veut pas en parler.  Après tout, lui n'a pas cherché à en savoir d'avantage à propos de son mauvais rêve-thriller avec le mouton. Même si quelque chose lui dit qu'il ne s'agit pas de moutons ici. Elle se rappelle soudain du détail qui l'a définitivement poussée à sortir de sous la couette. Détail qui n'en est pas un. Les mots se mêlent dans sa bouche, trébuchent les uns sur les autres mais elle parvient tout de même à lui souhaiter un bon anniversaire. Elle voit clairement ses yeux s'agrandir mal grès les tâches de couleurs qui dansent devant ses yeux voilés. Peut-être qu'elle s'est trompée ? Peut-être qu'elle a mal lu la date ou qu'elle a confondu avec quelqu'un d'autre. Pourtant elle embraye. Elle aurait voulu avoir un cadeau à lui offrir, vraiment. Mais elle n'a rien. Et soudainement ça lui apparaît comme le problème le plus important au monde. Plus important que son sommeil qui s'est fait la malle avec le semblant d'énergie qu'elle aurait pu avoir pour la journée à venir. Plus important que la règle implicite qui voulait qu'on ne tire pas son partenaire du lit à trois heure du matin. Uniquement capable de ressentir une émotion à la fois à ce moment de la journée, les pensées fusant dans son crâne sans y trouver aucun sens. « Sans importance. » . Elle sourit à le voir reprendre l'expression qu'elle a utilisé un peu avant. Elle sourit, un peu penaude aussi, parce que sourire c'est sans doute ce qu'elle, ce qu'ils savent faire le mieux. « Si, ça c'est important. ». Elle souffle. Mais la journée n'est pas finie. Elle va trouver. Et quoi que ce soit, elle trouvera. Elle s'approche de lui et vient se glisser entre ses bras ouverts, poussant un léger soupir qui vient troubler le silence qui s'est installé. « Merci. ». Elle laisse le silence se glisser de nouveau entre leurs deux corps enlacés avant de le briser à nouveau. « C'est moi qui te remercie. Mais pas de m'avoir réveillée, évidemment. ». Merci d'être là. Merci pour tout, pour rien et merci d'être toi surtout. « Quoi que ça va, je regrette un peu moins maintenant. ». Parce que sur le moment elle préfère sans aucun doute son étreinte à celle de Morphée.

Le temps déraisonnable qu'il venait de passer sous la douche avait estompé la plupart des sensations désagréables provoquées par son réveil, mais il restait une chose qui n'avait pas entièrement disparue et c'était cette sensation d'oppression, comme si quelque chose s'était resserré lentement autour de ses épaules et de sa cage thoracique, quelque chose que ni le fait de s'être réveillé ni le fait d'avoir les idées un peu plus claires n'avait fait disparaitre. Mais ce n'était ni le moment ni le lieu pour se laisser avoir ainsi, il n'était là que depuis trois semaines, s'il se laissait de nouveau bouffer par ce qui le minait à l'extérieur cela finirait par lui porter préjudice, et ce n'était pas envisageable. Et puis d'un seul coup et sans qu'il ne la voit arriver Pia s'était retrouvée là, en face de lui, et il s'était senti un peu plus calme. Il ne saurait pas vraiment dire pourquoi d'ailleurs, après tout il ne la connaissait que depuis trois semaines, il ne savait presque rien sur elle tout comme elle ne savait presque rien sur lui ... Connaitre l'intitulé du secret de l'autre ne changeait rien à cela au fond. Pourtant il dormait bien depuis qu'il était ici, mieux que la plupart du temps à Chicago, comme si la présence de la jeune femme le calmait là où il pensait pourtant que d'être obligé de partager un lit avec un(e) inconnnu(e) serait pour lui un souci. Sauf cette nuit, cette nuit tout allait de travers et il avait même réussi à troubler le sommeil de sa partenaire en plus d'avoir bousillé le sien « 'Pas grave. Je te revaudrai ça. » Oh il trouverait bien un moyen de se faire pardonner d'ici là, un petit déjeuner au lit, devrait pouvoir faire l'affaire. Il aurait bien penché pour un repas, mais pour cela encore aurait-il fallu qu'il ait les compétences suffisantes en cuisine. Il n'avait pas non plus envie de l'empoisonner, ce serait totalement contre-productif vis à vis de ses intentions premières. Elle venait de viser juste en tout cas, il avait fait un cauchemar, il n'avait pas besoin de s'en souvenir pour le savoir ... Mais qu'il le sache ne voulait pas dire qu'il avait envie d'en parler. Il préférait adopter la même technique que la jeune femme, dire que ce n'était pas important. Parce que ça ne l'était pas, objectivement, ce n'étaient que les divagations de son cerveau préoccupé et elles n'avaient que l'importance qu'il voudrait bien leur donner. Qu'elle n'ait rien à lui offrir n'était pas vraiment important non plus, de son point de vue. « Si, ça c'est important. » Elle tenait vraiment à lui faire plaisir ? Il n'avait besoin que d'une seule chose, à cet instant, comme il le lui avait silencieusement fait comprendre en l'attirant vers lui et en enfouissant sa tête dans la nuque de la jeune femme. C'était rare, il essayait de faire en sorte que ça le reste, mais il y avait des moments où Andreja réagissait pareil à un enfant qui avait besoin de contact pour se sentir rassuré. Ce n'était pourtant pas dans sa culture, et c'était ce qui d'après les dires de son paternel l'avait rendu plus "faible" que ses frères, mais il ne pouvait pas vraiment aller contre sa nature. Fermant les yeux un instant il avait resserré ses bras autour de Pia et murmuré un merci presque inaudible. Il ne savait pas vraiment pourquoi en particulier, mais cela n'en était pas moins sincère. « C'est moi qui te remercie. Mais pas de m'avoir réveillée, évidemment. » Un fin sourire s'était dessiné sur les lèvres d'Andreja tandis qu'il déposait un baiser sur l'épaule de Pia. Puis un deuxième, puis un troisième, tandis qu'à ses oreilles remontaient la suite de sa réponse « Quoi que ça va, je regrette un peu moins maintenant. » Lui se sentait toujours aussi stupide d'avoir laissé un rêve le perturber de la sorte en revanche, bien qu'il préfère ne pas revenir là-dessus. Il avait un peu perdu le fil de ses pensées à vrai dire, quelque part entre les paroles douces de Pia et le fait de la sentir blottie contre lui. Relevant la tête il avait reposé les yeux sur elle, la regardant pendant plusieurs secondes sans réaliser tout d'abord que son visage se rapprochait du sien, et que si distance de sécurité il y avait eu elle ne serait plus respectée depuis un moment. Définitivement, lorsque ses lèvres étaient venues frôler celles de la jeune femme, d'abord timidement puis de manière plus insistante, sans qu'il ne prenne le temps de la réflexion. Du moins dans un premier temps, jusqu'à ce que l'information remonte jusqu'à son cerveau et qu'il ne prenne conscience de ce qu'il venait de faire, brisant alors lui-même le baiser qu'il avait initié, avec l'air de celui qui essayait de se raisonner « Désolé. » Il avait murmuré, ses yeux fixant l'épaule de la jeune femme plutôt que ses yeux. « Je pas avoir les idées claires. » Et ça c'était un fait établi, il n'avait bel et bien pas les idées claires. Il était à cran, il manquait de sommeil, il avait dans un coin de sa tête les réponses de Pia au détecteur de mensonges du dernier prime ... et vraiment, il manquait de sommeil. « On devoirait retourner dormir. » avait-il d'ailleurs commenté à voix basse, osant enfin relever les yeux vers ceux de Pia et remarquant par la même occasion qu'il était toujours beaucoup plus proche d'elle qu'il n'était raisonnable. Ils "devoiraient" retourner se coucher, en effet, ce serait plus sage.

Funambule perchée sur un fil trop étroit elle oscille entre éveil et sommeil, un seul souffle et elle bascule. Elle lutte contre les démons de la nuit qui essayent de la traîner vers le bas parce que dormir c'est moins important que d'être là à ses côtés, moins important que d'essayer de deviner ce que cachent ses regards qui fuient les siens pour s'égarer sur les rainures du carrelage, moins important que d'être un soutien, un appui. Elle se doit d'être là pour lui parce que c'est écrit, comme un accord tacite entre eux deux qui stipule que si il va mal elle n'a pas le droit de se laisser aller à souffler avant d'avoir réussi à lui arracher au moins un sourire. Un seul sursaut des lèvres parce que c'est leur marque de fabrique, la signature de leur duo, un peu. Elle ne l'a jamais vu mal, Andreja. Parce qu'il est comme elle, il a le masque du rire plaqué en permanence sur le visage. Mais elle ne veut pas que ce soit un masque, elle veut qu'il aille bien, maintenant comme tout le temps. Aussi con que cela puisse paraître, elle s'inquiète. Soulagée un peu lorsqu'elle voit les coins de ses lèvres se relever. Elle veut le voir sourire, toujours sourire et elle enchaîne les boutades un peu nulles pour parvenir à ce but. Ils jouent au jeu de savoir ce qui est important ou pas mais elle gagne Pia parce que son anniversaire est bien plus important que sa nuit avortée sans l'ombre d'un doute. Quelques heures volées tout au plus pour celles qu'elle a pu passer à ses côtés dans leur lit sous les astres. Elle se vengera sans doute parce que c'est drôle, parce qu'elle s'enivre de mauvaises blagues, certainement pas parce qu'elle lui en veut. Elle ne sait pas si elle serait capable de lui en vouloir pour quoi que ce soit. Elle sait que non à l'instant où ses bras se referment autour d'elle. Soupir d'aise arraché par cette étreinte qui finalement pourrait bien durer toute la nuit et au diable Morphée. Sa peau nue frissonne sous la caresse de ses lèvres qui remontent le long de son épaule. Elle ne sait pas ce qui se passe, elle ne sait pas ce qu'ils font, où ils sont. Elle oublie tout sauf son souffle dans son cou et la chaleur de son corps contre le sien, ses mains qu'il presse contre elle alors que ses sens s'éveillent là ou sa raison dort encore. Elle relève la tête vers lui ne sachant même plus si elle sourit. Son regard figé dans le sien, incapable de détourner les yeux de ce visage qu'elle détaille alors comme si rien d'autre ne comptait, et rien d'autre ne compte. Si proche qu'elle pourrait compter le nombre de ses cils. Si proches qu'ils pourraient.. L'ultime limite se franchit et enfin les lèvres de son partenaire viennent effleurer les siennes, un peu comme les ailes d'un papillon de nuit au départ, plus insistantes ensuite. Elle reste figée parce qu'elle ne sait pas où elle en est. Des sentiments contradictoires viennent se bousculer dans son crâne, violent à lui en filer la migraine, des vagues qui se déchaînent derrière ses yeux qui criaient sommeil mais qui finalement ne savent plus ce qu'ils veulent, indécis. « Désolé. ». Aucun mot ne s'échappe de sa bouche de nouveau esseulée. Elle ne sait plus rien Pia, mais elle ne veut pas qu'il s'excuse. Il s'est déjà assez excusé pour ce soir. « Je pas avoir les idées claires. » Elle secoue la tête. Si il savait. Elle c'est pire parce que ses idées sont trop claires et qu'elles se rentrent dedans têtes baissées sans qu'elle réussisse à saisir la bonne. « On devoirait retourner dormir. ». Elle se tait un instant, se raccrochant enfin à ce regard qui ne la fuit plus et qu'elle ne veut pas lâcher non plus. « T'as sans doute raison.. On.. On devrait.. » On devrait quoi ? Elle ne sait pas, la rouquine. Elle sait juste que ce qu'on doit c'est chiant et qu'elle ne souhaite pas faire ce qu'elle doit mais ce qu'elle veut. Alors sans laisser le temps aux mots de sortir de sa bouche elle vient reprendre les lèvres d'Andreja, avant de reculer brusquement. Parce qu'elle vient de réaliser qu'il n'est pas elle et qu'elle n'est pas lui. Qu'il n'a pas forcément envie des mêmes choses qu'elles et peut-être qu'ils doivent retourner dormir parce que c'est ça qu'il souhaite. « Merde. Je suis conne. ». Elle en prend conscience soudainement et c'est comme si tout se clarifiait d'un coup. « Je suis vraiment trop con. ». Elle répète, comme une litanie, une vérité vraie. Elle n'ose plus rien faire, penaude, sans savoir si elle doit se défaire de son étreinte ou pas, hésitant entre rire et pleurer, vivant toutes les contradictions possibles à la fois.