Qu’il peut parfois être ardu de vivre en colocation. Ce n’est pas tant le fait de vivre au sens premier du terme avec eux, je dirais même que je suis le premier surpris par ma réaction ; je me suis plutôt bien adapté aux autres, je ne me suis pas encore énervé une seule fois et c’est vraiment un exploit. Ma famille ne doit d’ailleurs pas en revenir, ils doivent tous se demander où est passé le mec qui monte en pression en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire et brille par une impulsivité exaspérante. Je me trouve tellement plus ouvert et détendu dans cette maison que j’en viens parfois à me demander si la présence permanente de ma famille et de mes amis sur mon dos ne me met pas à cran. Vivre quotidiennement les uns à côté des autres dans des caravanes ça a du bon mais j’ai parfois le sentiment d’étouffer. Il y a toujours quelqu’un qui est dans le coin, à surveiller le moindre de mes mouvements et j’ai donc énormément de mal à savoir ce qu’est vraiment une vie privée… Je ne la possède pas intégralement et ça a parfois du bon je le concède, mais j’en tire davantage les points négatifs que l’inverse. Revenons-en à nos moutons, ces dernières vingt-quatre heures ont été relativement intenses. Lors du prime j’ai été nominé contre McKayla et je me suis fait éliminer dans la foulée. Je n’ai pas eu le temps de m’en remettre que déjà l’on m’a recontacté pour remplacer Auguste qui a souhaité abandonner l’aventure. La plus grande chance de ma vie, je peux vous assurer que j’ai foncé tête baissée. L’euphorie, l’adrénaline de mon retour quelques minutes en arrière est toujours présente mais je dois à présent changer de chambre, quitter Paloma pour rejoindre mon nouveau partenaire, Mallaury. Lorsque j’arrive dans mon ancienne chambre pour récupérer mes affaires je découvre, sans surprise, que tout ce que j’ai laissé derrière moi a été balancé à même le sol comme du vieux linge sale. Je n’aime pas cela, c’est une question de respect et je ne peux m’empêcher de dire qu’ils n’ont pas perdu de temps. Ainsi, lorsque Percy passe par là pour prendre quelque chose qu’il a laissé sur son propre lit je ne peux m’empêcher de lui demander, blasé. « Tu sais qui a jeté mes affaires de cette manière ? » Voyons le bon côté des choses, je sais maintenant ce que je vais avoir à laver rapidement.

Mon retour est tout frais, j’aurais pu rester dans le salon et raconter ce que j’ai fait pendant ces quelques heures à l’extérieur mais j’ai préféré filer à l’étage pour mettre la main sur mes affaires. Voyez-vous, pour avoir observé quelques-uns de mes camarades se charger de la valise d’un autre participant éliminé, je peux vous assurer qu’il y a de quoi s’inquiéter pour ses affaires. Et puis, il n’y a pas grand-chose à raconter, ce n’est pas comme si j’avais eu le temps de rentrer chez moi ou d’aller en ville, je suis resté dans un hôtel avec les équipes de production et j’ai dormi… Passionnant n’est-ce pas ! Je ne me suis pas trompé et je n’ai non plus mal jugé mes petits partenaires puisque mes affaires ont été jetées en boule en plein milieu de la pièce comme un tas de merde. On ne peut pas dire que cette douce attention me fasse plaisir, au contraire, mais je vais tâcher de faire un effort, je n’ai pas envie de me mettre à gueuler après avoir passé dix minutes dans cette immense baraque que j’aime plutôt beaucoup pour avoir accepté de revenir sans sourciller. Percy, de passage, est la cible d’une question très simple à laquelle il devrait pouvoir répondre assez facilement. « Le savoir, c'est une chose. La vraie question c'est : est-ce que j'ai vraiment envie de te dire ce que je sais ? » Percy ou l’art de parler dix ans pour ne rien dire. Personne ne lui a appris que les meilleures choses dans la vie sont les plus simples ? « Je te proposerais bien un petit billet pour te délier la langue mais nous n’avons pas d’argent ! » Je doute que la production ne soit heureuse de voir un trafic se créer pour avoir des informations non plus, ça apporterait du piquant au jeu tu me diras… « Bon allez, c'est pas mon genre de balancer, mais je sais que Paloma est restée un moment seule dans la chambre, et que quand elle en est sortie, elle avait l'air fière d'elle » Paloma, pourquoi est-ce que ça ne me surprend pas ? Je l’imagine tout à fait se défouler sur mes affaires, elle qui peut parfois très vite se mettre en colère pour pas grand-chose. « La garce ! » Ne puis-je m’empêcher de signaler dans un petit sourire qui laisse aisément comprendre que je ne dis pas cela au premier degré même si, il faut le dire, ma vengeance sera terrible. « C'est cette période du mois où ... enfin, je t'apprends rien, les filles disjonctent vite dans ces cas-là. » Je relève un sourcil. « Est-on vraiment en train de parler menstruations, nous qui ne connaissons rien à cela ? » Je marque une pause et je choisis de m’asseoir sur le lit qui, autrefois, était mien. « Les filles ont quand même pas mal d’excuses, elles ont des sautes d’humeur justifiés, nous on passe directement pour des cons parce qu’on a pas nos règles ou un truc dans le genre pour nous excuser. »

Retrouver mes fringues à même le sol, comme un tas de merde ne me met pas vraiment de bonne humeur mais ça ne va pas non plus compromettre la joie que j’éprouve à avoir fait mon retour une dizaine de minutes plus tôt. Il m’en faudra bien davantage pour me mettre en colère, vous pouvez en être certains. Percy a eu la très bonne idée de s’arrêter par la chambre que nous partagions jusqu’à ce que je sois éliminé pour prendre un petit quelque chose sur son lit et j’en profite donc pour le questionner. S’il n’avait pas été bavard j’aurais très bien pu mettre en place un diabolique stratagème pour lui délier la langue, mais je n’ai pas d’argent pour le soumettre à cette tentation qui touche une part très importante de la population. « C'aurait de toute façon été bien vain, je suis plus incorruptible qu'Eliot Ness » Certains seraient probablement fortement exaspérés par la prétention sans faille de Percy mais ce n’est pas mon cas, d’autant plus que je me doute qu’il plaisante cette fois. « Tout homme à ses limites, même Eliot Ness ! » Je soutiens son regard en le contredisant fièrement, le problème ? Je n’ai aucune idée de qui est Eliot Ness, difficile de pouvoir répondre avec la même conviction. Il me confie que Paloma a probablement fait le ménage de mes affaires et je ne me pose pas de questions sur cette confession puisque c’est tout à fait probable. N’était-elle pas ma partenaire jusqu’à maintenant ? Son rôle dans le rassemblement de mes affaires serait donc justifié même si j’aurais apprécié qu’elle s’occupe de mes biens personnels avec un peu plus de douceur pour ne pas donner l’air qu’elle s’en foutait royalement. Parait-il qu’elle aurait ses règles, nous les mecs nous ne connaissons pas grand-chose à ce fléau qui touche toutes les femmes une fois par mois jusqu’à la ménopause et parfois quelques temps après. « On sait que les filles sont encore plus casse-bonbon quand elles ont leurs règles, c'est déjà pas mal. » J’acquiesce dans un sourire mutin. Oh et puis, les filles ont tellement d’excuses pour justifier leurs sautes d’humeur qu’il devient assez difficile de trouver de quoi les blâmer en pleine dispute. Il est tellement plus simple de tout nous mettre sur le dos, à nous les hommes. « Si tu veux mon avis, le pire nous attend avec Tilda. J'ai entendu dire que les femmes enceintes étaient irritables et hyperémotives. Y'a plus qu'à espérer qu'elle se tape pas un délire parano à la Rosemary's Baby. » Vous imaginez le truc ? Les scènes de psychoses qui s’en suivraient ? « Les femmes enceintes sont lunatiques, on va tous tellement en prendre pour notre grade ! » Espérons qu’elle aura l’intelligence de ne pas trop s’en prendre à ceux qu’elle ne connait pas, nous sommes dans une émission ou de trop gros éclats pourraient lui porter préjudice. « D’ailleurs, la réaction de Lou on en parle ? » Non parce qu’il est vraiment louche, si bien que je soupçonne maintenant un secret commun. « En parlant de parano, c'est bien Mallaury ton nouveau partenaire ? » Mallaury, il m’a l’air assez sympathique pour le peu que je l’ai côtoyé. « C’est ça, je passe d’un extrême à l’autre ! » Dommage que je ne sois plus le partenaire de Paloma, on s’entendait plutôt bien tous les deux. « Parce que tu peux déjà te préparer à une dépendance au Prozac, avec lui tu vas te choper une dépression en un temps record. » Je n’ai pas eu l’impression qu’il était d’aussi mauvaise compagnie, aussi déprimant mais je prends note. « A ce point-là ? » Je serais presque inquiet pour ma santé mentale.

PS : toutes mes excuses pour le retard.