Il ne sait pas quoi faire aujourd'hui, il ne sait pas ce qui cloche avec lui ce matin... Il n'a rien mangé de perturbant, il n'a rien fait de particulier. Ghika déteste être dans ce genre d'état, parce que ça lui arrive rarement mais quand ça lui arrive, il est bon pour passer deux heures à se torturer. La buanderie est probablement la pièce la moins fréquentée du nid, c'est aussi celle qu'il aime le moins. Il y a fait quelques lessives, il est allé chercher quelques trucs à bouffer. Mais il n'y a jamais passé plus de cinq minutes d'affilée. Alors il se dit que passer du temps dans un endroit fréquenté qu'épisodiquement par les candidats, le lieu parfait pour des rencontres chronométrées, rien de trop profond, du superficiel, du superficiel et encore du superficiel. Au moins ça lui fera de la distraction sans être pour autant prise de tête et hautement philosophique. Il vient de lancer une machine pour quatre boxers et deux débardeurs. Assis sur la machine, il se laisse masser par les rotations du tambour, les mille quatre cents tours par minute de la pièce de métal le font trembler de toute part et le détendent petit à petit, au fur et à mesure qu'il se concentre sur elles. Après trois minutes de massage il décide qu'il en à marre, parce que comme tout hyperactif d'importance mineure, Ghika se lasse très vite. Que faire en attendant ? Il s'allonge par terre, y a pas de raison, il s'ennuie juste et puis... il veut tester le confort de l'herbe artificielle. On sait jamais ça peut servir si un jour il est trop imbibé d'alcool pour trouver le chemin vers son lit. C'est bien entendu, au moment où il commence à apprécier sa vue sur le plafond qu'un candidat entre dans la buanderie, alors il se relève, presque honteux d'avoir été pris en flagrant délit de sieste improvisée. « Oh! Salut Sacha, tu venais faire une sieste pendant que tu fais une machine toi aussi ? » demande-t-il convaincu que la réponse sera non. Personne ne veut s'allonger dans la buanderie. Sacha et lui n'ont jamais vraiment pris le temps de discuter, il ne sait pas exactement pourquoi, c'est étrange à dire mais ils n'ont jamais vraiment été au même endroit, au même moment.

Il vient un moment dans la vie où quand on a plus du tout d’habit à enfiler, on est obligé de se rendre dans une laverie ou du moins dans un lieu contenant une machine à laver pour nettoyer ses vêtements. Et ce moment-là est arrivé. Hélas. Dans un grand moment de solitude, j’emprunte le couloir de la mort me menant à la buanderie. Mes pas sont lourds et mon visage est grave. Je vais à l’abattoir. Oh bon sang ce que j’ai horreur de ces machines ! Je sais pas si c’est dû au fait que j’ai toujours lavé mon linge à l’ancienne avec des bassines d’eau et des cordes pour le faire sécher ou au fait que l’unique fois où j’ai utilisé une machine, mon tee-shirt favoris est devenu rose. Oui, rose. Aujourd'hui, je n’ai pas vraiment le choix. Il pleut dehors et j’imagine que mon linge ne séchera pas tout seul. J’ai demandé à une experte de l’aide mais elle m’a vraisemblablement oublié. Je retiens. Me voilà donc arrivant seul dans la buanderie avec un gros panier de linge sale à la main. Mon regard se dirige aussitôt vers un candidat qui se trouve… en dessous de moi. Bizarre. Il est carrément allongé par terre. « Hm… non. Milou avait pour habitude de faire pipi par-là donc je vais éviter. » J’imagine que le sol a été nettoyé depuis mais quand même. « Il est parti au fait le clebs ? » Je ne le vois plus et ne l’entends plus donc j’imagine que oui. Il s’est surement fait éliminé en même temps que Elin. Pauvre toutou. Il n’aura vraiment pas eu de chance du début jusqu’à la fin. « Tu saurais faire tourner une machine de telle sorte à ce que mon linge ne finisse pas décoloré ? » J’affiche une moue criant à l’aide tandis que le candidat se redresse. Puis mon regard distingue alors les deux machines qui sont en train de tourner. Ah oui d’accord. Je vais devoir poiroter moi aussi. « Je dois attendre mon tour, c’est ça ? » Oh non. Je m’assois alors en vrac sur un meuble en face du candidat. Il me fixe, je le fixe puis je décide de reprendre la parole pour couper court au blanc qui s’est installé. « T’aimes que les hommes ? » Simple question. J’imagine mal Ghika avec une femme tant il me paraît efféminé. Mais peut-être que je me trompe.

Lorsqu'il apprend que Milou avait pour petit hobby de faire ses besoins là où il s'est assis, Ghika se relève. Il se doute bien que le ménage a été fait et que les restes d'urée sont un lointain souvenir, mais bon, devant quelqu'un il doit au moins faire en sorte de paraître un minimum affecté par la nouvelle. Bien qu'il ne puisse s'empêcher de commenter l'information. « Tu sais, l'urine contrairement à ce qu'on pense est stérile, donc techniquement c'est même pas sale. » Techniquement oui, moralement faut pas déconner. Il ne se roulerait pas dans la pisse pour le plaisir mais si par mégarde il en a un peu sur les vêtements... bah c'est pas la fin du monde, il ira prendre une douche une fois sa lessive faite. En parlant du cabot, Sacha n'a même pas remarqué sa disparition. « Il a quitté les lieux en même temps que sa propriétaire, ce qui est dommage pour Elin mais un vrai soulagement quand il s'agit du clébard. » plaisante-t-il, parce qu'il aimait bien Elin au fond mais le poids que représentait le cadeau empoisonné qu'elle avait gagné à la loterie durant les castings était vraiment trop encombrant à ses yeux. La question que lui adresse Sacha le fait presque s'étouffer. Il a quoi ? Vingt-cinq, trente ans ? Et il demande comment faire une machine ? Wow, Ghika pensait vraiment avoir tout entendu, mais apparemment il lui en reste encore à découvrir. Il attrape une boîte de fixateur de couleurs, un produit que toutes les chaînes de télé montrent au moins dix fois par jour, que tous les foyers d'Europe et d'Amérique doivent posséder -sauf celui de Sacha apparemment-. Une fois le paquet en main, il le secoue de façon bien ostentatoire. « Tu vois ce truc là... ça sert à empêcher les couleurs de faner. Ce serait presque magique si c'était pas un lieu commun. Tu fais pas beaucoup la lessive c'est ça ? » qu'il lui demande, un peu amusé quoiqu'ironique. C'est marrant, il ne se souvient pas avoir entendu dans le profil de Sacha qu'il était un millionnaire ayant des femmes de ménages et compagnie... donc il devrait avoir une certaine expérience de la lessive. « Tu peux attendre ou alors tu interromps celle qu'utilise je ne sais pas qui et tu prends son tour. » lance-t-il sournois en désignant la machine en milieu de cycle à côté de la sienne. Après tout, pas de quartiers, c'est avoir son linge propre ou puer. Le changement de discussion est assez radical, mais ne le dérange pas. C'est une question assez banale mais qui appelle une réponse nuancée. Parce que Ghika, les hommes, ça l'intéresse pas vraiment. Au fond il aime le corps d'un homme après son cerveau et c'est pour ça qu'il a besoin de temps pour être intime avec quelqu'un -sauf à de rares occasions quand le désir l'emporte sur tout le reste mais est-ce la peine de le mentionner-. C'est ça, qu'il essayait d'expliquer à Aaron, dans l'ascenseur, mais l'autre n'a entendu que ce qu'il voulait entendre... grand bien lui fasse. « J'aime certains hommes, mais la plupart de notre population me laisse profondément indifférent. » répond-il donc avec un petit sourire avant de retourner la question. « Et toi... t'aimes les femmes, les hommes, les deux ou en ce moment c'est juste Lou ? » Il plaisante, mais le rapprochement entre Lou et Sacha a été assez remarqué et n'a donc pas de raison d'être évité. Attendez... Sacha il a pas flirté avec Aaron aussi ? Celui-là est vraiment sur tout les fronts ! Ou sur toutes les b... bref.

Ghika ferait peut-être mieux de se relever du sol où Milou avait pour habitude de se soulager. C’est mon conseil. Et ce, même si l’urine est stérile apparemment comme le candidat me fait savoir. « Si tu te retrouvais en plein désert, sans eau, tu boirais ton urine donc ? » Simple déduction assez logique selon moi mais en réalité dénuée de sens. Quoi que… si j’avais vraiment pas le choix, j’imagine que je le ferai surement. C’est la nature humaine. L’instinct de survie. Quant à la mascotte de l’émission, il semblerait qu’il n’y en ait plus. Le chien est parti en même temps que sa propriétaire du nid d’amour. Ça devait être le deal. « J’aime bien les animaux mais ce chien était vraiment dérangé. C’est pas plus mal. » Je sais pas où ils ont été le chercher ce toutou mais il avait un sérieux problème ou alors il était peut-être tout simplement mal dressé. A déterminer. En attendant, je demande de l’aide au candidat concernant le fonctionnement d’une machine à laver. Je sais pertinemment que je ne suis pas doué. Je me fais d'ailleurs assez petit en écoutant attentivement les explications du candidat. Tout me paraît clair et très simple maintenant. Néanmoins, je suis sûr que je risquerai de trouver ça complexe à partir du moment où je devrais transformer la théorie de Ghika en pratique. « Je lave mon linge à l’ancienne. J’ai toujours fais comme ça. » J’imagine qu’il voit de quoi je parle. Des bassines, du savon, et on frotte. Ça prend du temps mais c’est tout autant efficace. « Je vais donc m’essayer à utiliser ce truc magique. »  Je m’empare d’un fixateur de couleur dans le paquet qu’à le candidat à la main puis je me dirige vers une machine. Sauf que là, je m’aperçois qu’elles sont toutes en train de tourner. Fuck. Je dois donc attendre mon tour ou alors interrompre la machine comme me le fait savoir Ghika. « Je vais attendre en ta compagnie. » Je vais tout de même pas interrompre la machine d’un candidat pour faire la mienne, c’est égoïste et ça ne se fait pas. « Ça te dérange pas ? » Je préfère lui demander au cas où ma présence l’indisposerait. Mais je ne pense pas ceci étant. S’il avait un problème contre moi, à mon avis, ça se saurait. Bref, tandis que je m’installe sur un meuble en attendant qu’une machine se termine, le candidat me fixe et je le fixe. C’est assez gênant comme situation. Le blanc qui s’est installé ne me plait pas. Je décide d’y mettre fin en posant la première question qui me vient à l’esprit. Autant dire que j’ai changé radicalement le sujet de la conversation. Ghika n’aime-t’il que les hommes ? Oui, apparemment, même si la plupart des hommes le laisse indifférent. Je m’apprête à lui répondre un truc pas très important mais le jeune homme me retourne la question. Une question plus perverse et moins objective qui a le don de me décrocher un sourire. « J’aime l’être humain avant tout, peu importe son sexe. » Voilà dans un premier temps la réponse que je n’ai jamais caché à personne. C’est ma vision des choses et je sais qu’elle est différente de la majorité de la population. « Lou me plaît. » Ça ne sert à rien de le nier, tout le monde l’a déjà remarqué je pense. Et j’ai pas envie de mentir à Ghika et ce, même si je le connais à peine. « Mais je laisse les choses se faire naturellement. » Avec lui ou quelqu’un d’autre. Je ne sais pas de quoi demain sera fait et je serai incapable de dire à l’heure actuelle avec qui je finirai l’aventure si je finis l’aventure avec quelqu’un. Qui vivra verra, comme on dit. « Et toi ? Ton ancien partenaire ne te manque pas trop ? » J’ai cru comprendre certaines choses. Peut-être que je me trompe maintenant mais je suppose que j’ai à mon tour le droit de poser une question aussi personnelle au candidat.