~Eryk

J'ai finalement décidé de quitter ma tanière. De quitter mon lit. Comportement typique d'un être humain. Rien que le fait de l'avoir fait, me fait penser que je ne suis plus la même, que je ne me reconnais plus. Je n'aime pas. Rentrer dans le moule, adopter le même comportement que tous ceux qui m'accompagne dans cette aventure. Je veux rester différente, je veux rester moi car c'est ce qui m'a permis de rester en vie depuis tout ce temps. Une question se pose: Si mes parents étaient encore en vie, aimeraient-ils la Ana d'avant Fake Lover ou celle d'aujourd'hui, celle de pendant? Aurais-je participé à cette aventure s'ils étaient encore là? Tant de questions et jamais de réponse de ce côté-là. J'ai besoin de m'évader. J'ai besoin de fuir cette maison. Je me change à la va vite, ne regarde pas véritablement comment je me suis vêtue. Je descends les escaliers, aperçoit Eryk dans la cuisine, en pleine discussion avec un candidat. Je ne réfléchis pas, mais agis et cela sans penser aux conséquences. J'avance dans sa direction et dès que j'arrive à sa hauteur je lui attrape la main et le tire en arrière. Lui qui disait que je n'avais pas de force, j'arrive tout de même à le forcer de me suivre. Signale de mon autre main un bref désolé. Ma marche est rapide. Je sais parfaitement où aller. Connaît le lieu où je pourrais décompresser. Arrivée sur la plage, j'enlève mes chaussures, lui dit de faire de même, d'un ton qui ne se veut pas gentil. Dès qu'il s'exécute, j'attends qu'il enlève la deuxième chaussure avant de lui reprendre la main et de l'amener au point final. La limite entre l'eau, l'écume et le sable, la terre ferme. Nous sommes tout deux, face à l'horizon. "Je suis en colère." dis-je en me pinçant l'intérieur de la joue. "Auguste est parti et l'autre..." je ne veux pas dire son nom. "Ce n'est juste. Et je ne devrais pas ressentir ça! Je ne connais pas ce sentiment d'accord et ça me fait peur, je suis terrifiée à l'idée de changer, à l'idée de devenir une autre personne." Il est temps de lui faire face. "Tu es mon binôme et tu n'arrêtes pas de dire que je peux te faire confiance. Mais je n'y arrive pas et tu sais pourquoi? Parce que tu fais cette pauvre émission alors que tu as des enfants. Alors ils peuvent être super fier de toi, mais... dans un sens tu les as abandonnés et même si c'est certainement pour de bonnes raisons, pour qu'ils ne manquent de rien par la suite..." Mon regard est plus intense, car je vais lui révéler quelque chose de moi. Quelque chose que je n'ai dit qu'à deux personnes auparavant. "Mais mes parents ont aussi fait ça. Ils ont aussi décidé de suivre leurs désirs. De prendre cette mission et de piller cette tombe. Un bon plan qui allait leur rapporter une tonne d'argent. Et je les ai suivis, parce que ça a toujours fonctionné comme ça. Mais ça n'a pas marché comme ils le voulaient et... et.." Je n'arrive pas à continuer. Toutes les images me reviennent. Les bandits qui nous attaquent. Mon père faisant diversion, ma mère criant mon nom. Cours, Ana cours. Des coups de feu. Un coup de machette. Orpheline j'étais devenue. Cela n'a pas la même gravité. Je m'en rends bien compte. Alors est-ce un transfert ou je ne sais quoi? Je n'ai jamais aimé la psychologie. Je ne comprends plus rien, ni le monde, ni moi. "Je... c'est trop d'émotions d'un seul coup et je n'en ai vraiment pas l'habitude. Excuse-moi." dis-je en me refermant immédiatement dans mon mutisme. Je me laisse tomber dans le sable, enfonce mes pieds dedans. J'ai besoin d'aide, je crois. Mais je suis trop fière pour en demander, former trop de barrières pour qu'on puisse me l'apporter. "Puis peut-être que tu le fais juste pour t'amuser et tu n'as pas de compte à me rendre." Dis-je en reprenant mon ton habituel, détaché.

Je papote tranquillement avec Errol, lorsque je suis brutalement arraché à lui, par Ana. Bon brutalement, c’est peut être beaucoup exagéré…Disons qu’elle débarque sortant de nulle part – tiens elle à décidé de se lever – pour m’attraper et me forcer à la suivre. Je pourrais l’arrêter, lui dire que non, je cause avec le monsieur là, mais je me laisse faire. « Désolé mec, le devoir m’appelle. » Je me fais donc entrainer par la demoiselle, je ne sais où. Elle compte tenter de me violer dans un coin sombre ? Je ne sais pas, mais en tout cas elle semble bien déterminée. Intrigué, je la laisse m’entrainer jusqu’à la plage. Voilà qu’elle se montre même autoritaire en m’intimant d’ôter mes chaussures. Oui maitresse. Je m’exécute, parce que je suis un bon petit gars obéissant. De toute façon, je les aurais enlevés même sans ça, on est quand même mieux pieds nus dans le sable. Bon et maintenant ? Elle va aller me noyer ? Ah peut être, puisqu’elle me reprend la main une nouvelle fois, pour m’emmener vers l’eau. Un esprit est venu posséder son corps ou bien ? Finalement on s’arrête juste avant l’eau. Ah je crois que c’est le terminus. Elle prend enfin la parole. Elle est en colère. Oui elle m’en avait l’air en effet. Je l’écoute, en silence. Oui je sais, c’est assez exceptionnel pour moi de ne rien dire. L’annonce du retour du blondinet ne semble guère lui plaire. Injuste selon elle. Tout dépend du point de vue, mais je la comprends. Elle est terrifiée à l’idée de devenir quelqu’un d’autre. D’accord. Par contre, j’aime beaucoup moins la suite de son discours. En gros elle vient de me traiter de père indigne qui abandonne ses gosses pour aller faire le con dans une émission débile. Sympa la partenaire. Non mais c’est sur maintenant, elle est possédée : mon ex, sors de ce corps ! Elle touche quand même un point assez sensible chez moi. Je sais que je suis un p’tain d’égoïste, mais je n’aime pas spécialement qu’on me le rappelle. Mais elle n’a pas encore fini. Alors je me retiens de répondre, pour la laisser continuer. La suite me surprend. De un, parce qu’elle me fait la une confidence, me racontant quelque chose de profondément personnel. De deux, parce qu’elle me compare quand même à ses vieux, qui sont allé se mettre en danger pour récolter un max de blé. Résultat des courses, je suppose qu’ils sont mort vu la fin de sa phrase, qu’elle n’arrive pas à finir. Perdre ses deux parents est quelque chose d’horrible. Je ne connais pas ça, même si en quelque sorte, on peut dire que j’ai perdu mon père, même s’il est toujours en vie. Mais bon ça n’a rien avoir, donc je ne peux pas savoir ce qu’elle ressent. Malgré ses propos à mon encontre, je la prendrais bien dans mes bras, pour la réconforter, mais je ne sais pas, quelque chose m’en empêche. Je n’ose pas. Elle s’excuse finalement, avant de s’asseoir dans le sable. Je sens qu’elle est sur le point de se refermer. Je m’installe à ses côtés. « T’as raison, je les abandonne. Je pourrais me cacher derrière des raisons louables, dire que je suis là pour leur donner une vie meilleure, ce genre de choses… Mais la vérité, c’est que même s’il n’y avait pas d’argent à gagner, j’aurais fais cette émission. C’est une décision purement égoïste. C’est peut être une chose horrible à dire, mais j’avais besoin d’un break, loin d’eux. Passes deux heures en leur compagnie et tu comprendras… » Ils sont hyperactifs, capricieux, tu peux pas les laisser deux minutes sans surveillance sans qu’ils ne fassent une connerie. Ils ne s’arrêtent jamais.  Et le pire c’est qu’ils sont deux à se liguer contre toi. Et maintenant que je suis divorcé, je suis en infériorité numérique. « Alors oui, j’ai décidé de faire ce dont j’avais envie… » De suivre mon rêve. Mais ceci dit, je ne pense pas qu’elle soit en droit de me juger, surtout elle. « Et si ça fait de moi une mauvaise personne et bien soit. » Je n’en suis pas fier, mais j’assume. « Mais tu ne peux pas le comparer à ta situation. Je risque rien ici. Je vais les retrouver dans quelques semaines. » C’est juste temporaire. « Et ils sont en de très bonnes mains avec leur mère. Bien mieux qu’ils ne le seraient avec moi de toute façon… » Même si ils préfèrent être avec moi. Mais ça c’est parce que je suis beaucoup plus laxiste qu’elle. « Je suis désolé pour tes parents. » Je lui prends la main et la serre. « T’as le droit de craquer, c’est normal. On est dans un jeu où toutes nos émotions sont décuplées…C’est si tout ça ne t’atteignait pas qui serait inquiétant. Alors je ne pense pas que tu sois en train de changer. De perdre qui t’es. Juste pour une fois, tu te laisses aller à tes émotions, au lieu de tout refouler et te cacher derrière ce détachement. Et c'est une bonne chose je pense... »

J'y étais peut-être allé trop fort. Je ne m'attendais à rien de sa part. Je n'attends jamais rien de la part des autres. Système d'auto-défense? Pas spécialement. J'ai toujours fonctionné de la sorte. Je n'ai jamais eu ce ressenti que plusieurs personnes ressentent dans leur vie. La déception. Je ne me rappelle pas l'avoir vécu ni l'avoir ressenti une fois dans ma vie. Heureusement ou pas, Eryk décide de faire de même et se confie. Facilement. En une conversation, en quelques phrases j'en apprends sur lui qu'en un mois de jeu. "Je ne voulais pas dire que tu étais une mauvaise personne, je pense même que tu es un bon père, à ta manière. Puis je n'ai pas le droit de te juger. Je t'émets juste mes ressentis." Ce n'était pas à moi de dire ce qui était bien ou mal, juste ou injuste. Oh non j'étais très mal placé pour jouer ce rôle. La preuve, je ne peux qu'affirmer ses propos lorsqu'il dit que l'histoire de mes parents et la sienne sont totalement opposées. Il n'encourt aucun risque ici. Eux par contre savait que cela pouvait être dangereux et ils avaient tout de même décidé d'y aller et de m'y emmener. M'apprendre les dures lois de la vie. Ils n'arrivaient pas à percevoir qu'il y avait d'autres moyens, moins violent, parce que c'était leur rythme de vie. Puis finalement, j'ai adopté le même, avec un supplément en plus. Une protection, une carapace se trouvant sous forme de petite pilule. Il m'attrape la main. Bonne poigne. Nos regards se croisent. Ne se lâchent plus et je l'écoute attentivement. Un faible sourire, triste, apparaît alors sur mon visage. "Je ne me cachais pas. Pas comme tu peux le penser." dis-je laissant un bref silence avant de reprendre la parole, avant d'énoncer une nouvelle vérité. "Si je suis autant détachée par rapport à mon passé, les faits marquants que j'ai vécus. Si j'ai commencé à relâcher des bombes la semaine dernière à n'en plus pouvoir gérer. C'est parce que... je suis une droguée." Je prends une grande inspiration. Souffle tout doucement. "Depuis que je suis adolescente... Je prends du propranolol, enfin je prenais, il y a encore un mois." Je pense qu'après cette annonce je vais devoir tout de même lui expliquer ce qu'est ce médicament. "C'est un béta-bloquants non sélectifs. Il permet de se remémorer des situations stressantes déjà vécues tout en gommant l'impact émotionnel. Cette mission avec mes parents, je n'ai plus ressenti la douleur de leurs pertes avant la semaine dernière." Mes mains commencent de nouveau à trembler. Ne pas se laisser submerger. "Dès que je fais une mission j'augmente la dose. Car j'ai décidé de suivre les traces de mes parents. Je suis une pilleuse de tombes en parallèle de mes études. Tous les événements tristes, durs. Tous étaient flous avant la semaine dernière. Alors non. Je pense que c'est une réelle question et une bonne question que je pose. Qui je suis? Vraiment?" Dis-je en la lui posant dans le même temps. Même si je pense qu'il y a peu de chance qu'Eryk sache me répondre.

Oui je me confie assez facilement. Peut être parce que j’avais besoin que ça sorte au moins une fois. Parce que je me sens coupable vis-à-vis de mes gosses, mais d’un autre côté, si c’était à refaire, je prendrais la même décision. Ma culpabilité n’est pas forte à ce point. Encore moins à celui ou j’envisagerais d’abandonner. Certainement pas. Ce n’est même pas une option. Je l’ai tant rêvé de participer à ce jeu, c’est pas pour tout foutre en l’air en un rien de temps. Je ne compte pas suivre le chemin d’une Ohana, Auguste ou Zelda. "Je ne voulais pas dire que tu étais une mauvaise personne, je pense même que tu es un bon père, à ta manière. Puis je n'ai pas le droit de te juger. Je t'émets juste mes ressentis." Je me doute bien qu’il n’insinuait pas que j’étais une mauvaise personne. « Tu ne peux pas savoir si je suis un bon père. » Elle ne m’a jamais vu avec, elle ne sait pas comment je les élève. D’ailleurs, la plupart des gens penseraient plutôt le contraire sans m’avoir vu avec eux. Que je ferais un mauvais père. Et pour être tout à fait honnête, je suis loin d’être le père du siècle. J’ai beaucoup de défauts, mais je fais de mon mieux. En espérant que c’est suffisant. Mais bon au moins moi je suis présent, quand beaucoup auraient surement déjà pris la poudre d’escampette. Bref, on en revient à elle. Le décès de ses parents. Son comportement. Ses émotions chamboulées. Elle me fait une confession surprenante. Elle m’avoue être une droguée. Mais pas vraiment au sens où on peut se l’imaginer immédiatement. Genre à sniffer des rails de coke. Non, elle prend du propanolol. D’accord. Je ne suis pas vraiment sur de savoir ce que ça veut dire. Je suis pas médecin, et mes connaissances en la matière sont assez limitées. Mais elle se charge de m’éclairer sur le sujet. Il permettrait d’enlever l’aspect émotionnel d’une situation stressante. Vraiment ? Cela me parait incroyable. Genre, t’as juste à avaler une pilule, et paf, toute douleur envolée ? Si c’est le cas, je comprends pourquoi elle en prend. Qui est-elle ? Telle est la question qu’elle se pose. « Ça je crois que t’es la seule qui pourra répondre à cette question. » Et personne d’autre. Donc malheureusement je ne peux pas l’aider sur ce coup là. « Mais je crois qu'arrêter ce popra..po...enfin ce médoc va t'aider à comprendre qui t'es. » A devenir elle même. « Et c’est dangereux de le prendre ? » Ouais ça sera plus facile, j’ai déjà oublié le nom. « Du coup t’es en état de manque là ? » Ou pas, j’en sais rien moi. La seule addiction que j’ai, c’est à la connerie.

Spoiler:

Non c'est vrai que sur le coup il n'a pas tort, je ne peux pas savoir si c'est un bon père. Je n'ai en soit pas le droit de le juger sûr cette parcelle de sa vie. Nous avons beau vivre une aventure ensemble cela ne me permet pas d'émettre une opinion par rapport à ça. "Non mais je pense que tu fais le mieux que tu peux. Comme tous parents j'imagine." Comme les miens. Qui ont essayé toute leur vie de me transmettre leur passion, leur addiction aux voyages, aux découvertes et aux dangers. "Toi tu penses quoi?" Non parce qu'en soit le plus important et tout de même ce qu'il pense lui non? Car ce n'est qu'Eryk qui peut arranger la moindre chose, s'il y a besoin, dans cet aspect là de la vie. Il aura beau recevoir des torgnoles, des remarques de la part de d'autres adultes cela ne changera rien à son comportement tant que lui ne l'aura pas décidé. Enfin c'est ma façon de penser. Nous revenons, malheureusement, très vite à moi. Je l'ai tout de même cherchée. Sa réponse ne m'étonne pas. Car je sais qu'il a raison, car moi-même au fond pense que je ne peux recevoir que de concrète réponses par moi. Mais évidemment ce n'est pas comme ouvrir une boîte de chocolat. Non il y a plusieurs verrous, plusieurs défenses à passer avant de réussir. "Eh bien il m'a sauvé et plusieurs fois." Je m'en fiche de ce que pense les caméras, les téléspectateurs, la production à ce moment-là. Ce médicament bien qu'addictif m'a aidé à continuer mes aventures, à survivre à des épreuves qui me semblaient insurmontable. Je sais, maintenant que ce n'était pas une bonne manière de procéder, mais à l'époque c'était le seul moyen pour tenir. "C'est vrai que ce n'est pas un médicament très conseillé, car addictif...Mais sans lui je ne serais pas là, je ne crois pas en tout cas." Au moins maintenant mon binôme ne pourra pas dire que je ne dis rien. Je lui ai tout confié. Il sait tout. Ce qui m'amène à penser que c'est moi maintenant qui ne sait pas beaucoup de choses sur lui. Je décide alors de répondre à sa dernière question avant de rebondir sur sa personne. "Oui. Puis mes souvenirs me reviennent avec les émotions en plus. Ce n'est pas amusant lorsque je fais des crises." J'enfonce d'ailleurs mes mains tremblantes dans le sable. Je déteste me voir dans cet état de faiblesse physique. "Tu sais tout. C'est à ton tour maintenant." dis-je en esquissant par la suite un bref sourire.