Je me pose simplement au niveau de la piscine, tout simplement parce qu'elle est déserte, abandonnée de tous. Pourtant l'air est toujours étouffant ici. Je dépose ma serviette de bain non loin avant de m'asseoir à même le sol. Je reste immobile, perdue, l'esprit dérivant, essayant d'établir une hiérarchie inutile entre les questions qui se fracassent dans mon crâne. J'ignore l'intrus qui pénètre dans on espace vital jusqu'à ce qu'un son bien trop familier me fasse ciller, revenir. La voix de Mallaury résonne non loin de mes oreilles. Je pivote sensiblement la tête vers lui, en attendant une suite qui ne pourrait jamais venir. Il se propose de partir si tel est mon souhait. Je roule des yeux, comme si un jour je serais réellement capable de lui ordonner de dégager, il le sait pertinemment en plus. Je ne comprends même pas la nécessite d'une telle question. « Non, reste » je lui demande. Je n'ai pas besoin de sa présence, mais je n'ai pas non plus envie qu'il parte. Je suis coincée entre les deux. Je n'ai pas envie qu'il puisse penser que je le chasse. Je ne sais simplement pas quoi lui dire, pour une fois, surement parce que je suis lassée de faire la conversation. Je suis fatiguée. Je laisse ma tête retomber sur son épaule, en m'en servant comme support. L'un de mes pieds s'en va troubler la surface bien trop lisse, bien trop parfaite de l'eau. Je finis par soupirer, je ne compte pas parler du départ d'Hadrien, j'ai Paloma pour cela. Elle est parfaite dans le rôle, parce qu'elle m'écoute. Non pas que ce soit pas le cas de Mallaury. « Tu avais quoi dimanche ? » je lui demande simplement, en tournant la tête vers lui, posant mes grands yeux sur ma personne. Parce qu'il me semblait bien qu'il n'était pas là, il faut dire que j'ai un peu occulté la fin du prime, comme rayée de mon esprit pour le moment. Dans un sens, ça m'arrange qu'il n'est pas assisté au prime, comme ça, il n'a pas l'image de désespérée que j'ai pu transmettre à l'écran. Alors ça me permet d'aller mieux. Je me force lui offrant un tendre sourire, le temps d'une fraction de seconde.  « Malade ? » je l'interroge alors parce que j'ai envie de me changer les idées et le mieux est de me concentrer sur lui. Je préfère m'intéresser à sa vie, qui me semble bien plus palpitante en ces lieux que la mienne.

Je préfère m'occuper dans son cas plutôt que du mien, dans un sens, ça me change un peu, ça m'évite de me remémorer ce prime qui me parait toujours comme douloureux même en ayant pris deux jours de recul. J'y arrive pas, je reste bloquée dessus. Je suis comme ça. J'ai souvent tendance à vivre dans le passé, c'est l'un de nos plus grands défauts à Hadrien et moi, j'ai bien l'impression. Je me demande ce qu'était devenu Mallaury pendant le prime. Malade, c'est la seule raison à peu près valable. J'attends donc son explication, non pas qu'il ait des comptes à me rendre, mais j'aime bien être omniprésente, tout savoir le concernant. Une simple baisse de tension, mais c'est rien ça. « Mourir, carrément ? » je fais miner de m'étonner parce que c'est Mallaury et qu'il a quand même tendance à tout exagérer en fait. Franchement, je commence à m'y habituer, si bien que je divise régulièrement par dix la puissance des évènements qu'il me décrit. « Que ton âme s'évadait ? » je l'interroge en fronçant les sourcils avant de caler une partie de ma chevelure sur l'une de mes épaules. Mallaury est quand même un cas, c'est clair. Je l'imagine bien paniqué en se trouvant faible avant le prime. Bien que cela soit un peu extrême, cela a le mérite de me changer les idées, je le conçois. Il semble se réjouir que je puisse me soucier de lui, enfin, un peu plus que les autres. En même temps, la plupart des candidats sont des égoïstes et je suis en tête, je ne peux pas le nier. « Je suis parfaite, je ne vois même pas pourquoi ça t'étonnes   » je lance faiblement en croisant son regard, esquissant un pâle sourire. Je n'ai pas eu le temps de m’inquiéter de son sort avant, je l'avoue, je ne suis même pas venue le voir.  J'étais un peu plus préoccupée par moi-même, sur le moment, je le concède, et ça craint un petit peu. Je suis une mauvaise amie, clairement, mais s'il peut penser le contraire, et bien égoïstement, je vais aller dans son sens. Je suis dégueulasse mais tant pis. Je relève la tête, en la secouant, désabusée. « Paranoïaque, claustrophobe, hypocondriaque   » j'énumère alors en souriant, en faisant mine de compter sur mes fins doigts. Ça en fait des tares, des défauts qui se transforment en traits de caractères qu'on peut finir par apprécier. « Je me sens tellement normale à tes côtés   » je balance mutine en lui donnant un coup d'épaule affectueux pour lui faire comprendre que je plaisante. Parce que je n'ai pas envie qu'il le prenne mal, encore une fois. « Tu as peur de l'eau aussi ?   » je finis par lui demander avant que je me voûte en avant pour recueillir un peu d'eau dans le creux de ma main afin de l'éclabousser.

Il connait bien le phénomène. Je ne sais pas pourquoi, je l'imagine passer sa vie sur doctissimo à la cherche de nouveaux symptômes et autres conneries du genre, à perdre un temps fou sur des sites de ce type là. « Jamais entendu parler » je réponds simplement parce que je n'ai pas envie qu'il continue sur sa lancée. Après tout, on ne plaisante pas sur ses sujets, c'est pas lui qui m'a sorti cela, la semaine dernière ? « Tu as déjà pensé à parler à quelqu'un de toutes tes peurs ? » je lui demande alors en le regardant gentiment, parce que je suis sûre qu'il peut arrêter d'être aussi froussard de la vie. Il verra, la vie serait bien plus belle lorsqu'on est insouciant, plus longue aussi. Mallaury me déclare parfaite, rien que cela. « Je savais que tu le pensais ! » je claironne fièrement alors, je pense que j'aurais quand même dû enregistrer ce moment pour le sortir à ma guise, dans des moments où il viendrait à en douter. Il n'a pas peur de l'eau, je peux le rayer de ma liste, c'est déjà pas mal ! « Peut-être tout à l'heure, effectivement, merci de l'idée » je lui annonce distraitement, parce qu'il sait que je ne le ferais pas, de toute manière.  Il me demande s'il peut toucher mes cheveux. J'avoue que sa demande me prend un peu de court, surement à cause de sa forme. « Euh si tu veux » je dis alors en fronçant les sourcils, un peu perplexe parce que la question est un peu bizarre ou je suis complètement parano à mon tour ? Je crois que tout le monde voue une admiration à ma trop longue chevelure platine, ça en devient inquiétant. Mallaury change complètement de sujet en me balançant qu'il est là pour moi. J'hoche simplement la tête. « S'il y a une personne dont je ne doute pas, c'est bien de toi » je réponds simplement, parce que Mallaury a beau se plaindre d'avoir tous les défauts du monde, je l'imagine plutôt fidèle en amitié. « Pourquoi tu éprouves le besoin de me le rappeler ? » je lui demande dans un léger froncement de sourcil avant d'esquisser un léger sourire à son égard. Parce que je sais tout cela, enfin, j'ai l'impression de le savoir, du moins, je n'en n'ai jamais douté. Parce que c'est Mallaury, justement et qu'il est comme  ça, enfin, la version de Mallaury que je pense connaître.