falling for the same damn thing
ft. Jessica & Andreja

Les lendemains de prime ce n'était déjà pas ce qu'il y avait de plus palpitant dans une semaine, de base, alors quand en plus on estimait que le prime était mauvais cela n'arrangeait rien. Et Andreja savait qu'objectivement il n'avait pas de quoi se plaindre de ce prime : il l'avait passé en bonne compagnie, avait gagné un award, atteint la première place du classement de popularité, et les trois personnes qu'il ne voulait absolument pas voir partir avaient été toutes les trois sauvées par les téléspectateurs. Tout ça, ça devrait pourtant suffire à faire du prome de la veille un bon prime dans son inconscient ... mais non. Parce qu'au milieu de tout cela il y avait eu cette foutue question anonyme concernant son secret, et que ça lui avait momentanément fait perdre tous ses moyens devant tous les candidats présents au prime. Sans parler de sa réaction un peu excessive quand Tilda lui avait parlé d'Isaac, à moins que ce soit sa réaction à elle qui ne lui ait donné l'impression d'être excessif ... Il n'en savait rien, mais il pensait ce qu'il avait dit. Avoir une belle gueule ça ne donnait pas tous les droits, ça ne rendait pas au-dessus des lois. Ça ne devrait pas. Et pourquoi il pensait encore à cela putain, il n'en avait rien à foutre de Isaac. Tout comme il n'en avait rien à foutre qu'on lui pète son secret au fond, si cela arrivait il serait fixé sur qui lui tournerait le dos ou non, ça ferait peut-être mal mais au moins il saurait à quoi s'en tenir. Et peut-être qu'on ne lui parlerait plus de tout cela, de son pays, de sa guerre. Il se morfondait un peu ce soir, Andreja, et s'il n'était pas trop occupé à chouiner intérieurement il se mettrait probablement des claques parce qu'il n'avait pas été élevé ainsi, à se plaindre à propos de sa petite personne comme s'il n'y avait pas plus grave, plus injuste ou plus violent ailleurs. Il déambulait entre les couloirs, attendant après un sommeil qui ne viendrait pas, il n'était même pas encore tard alors il ne savait pas ce qu'il espèrait. Rien, sans doute, il n'espèrait rien pas même trouver qui que ce soit en pénétrant dans le salon, et pourtant il y avait bien trouvé quelqu'un. Y'avait Jessica assise sur un des fauteuils, elle ne l'avait pas remarqué ou elle voulait faire comme si ce n'était pas le cas, mais ce n'était pas son avis à lui alors il ne s'était pas posé de question au moment d'aller s'asseoir sur l'accoudoir du dit fauteuil et de déposer un baiser sur le sommet de son crâne, sans rien dire. Il l'avait bien vue hier soir, essuyer ses larmes et embrasser Eryk, tout comme il l'avait bien vu aujourd'hui déambuler dans le nid en faisant grise mine alors qu'un je ne sais quoi le retenait d'aller la voir. Et puis finalement en tombant sur elle ce soir il s'était dit que c'était un peu con, de ne pas oser, parce qu'ils n'étaient peut-être qu'un coup d'un soir mutuel en arrivant ici mais il avait appris à la découvrir un peu plus en étant ici, assez pour que cela le foute un peu en vrac de la voir triste. Il avait glissé une main sur son épaule, mais il n'avait rien dit du tout, parce que si elle avait envie de parler elle n'aurait pas besoin de sa permission pour le faire et que lui ne s'autorisait aucun commentaire, pas même sur la bouteille d'alcool posée au pied du fauteuil. Il était trop bien placé lui, pour savoir que l'alcool consolait.

Je sais que je devrais arrêter de me morfondre, c'est pas la fin du monde. Il est parti, c'est tout. Et moi je reste. Il m'a dit de fêter ça, mais je vais avoir bien du mal sans lui. Je me suis pris un petit verre après le prime, puis là, j'ai une bouteille à mes pieds. J'y ai à peine touché. Ça me fait mal, à la gorge surtout, de boire. J'arrive plus à rien avaler, ça sert à rien. J'arrive plus à rien du tout, à part à me traîner, l'air d'avoir la misère du monde sur mes épaules. Mais heureusement, ce n'est que passager, enfin j'espère. C'est que j'ai pas envie que son départ gâche tout le reste. Ce serait trop bête. D'autant qu'il a dit pas de larmes. Et j'essaye, vraiment. Mais c'est plus fort que moi. Alors quand ça me prend, je les balaye d'un revers de manche. Celle de sa veste. Comme quoi, j'en prends vraiment grand soin... Ah, je suis pitoyable. Je me rendais même pas compte à quel point il pourrait me manquer, après même pas une journée d'absence. On s'ennuie, ici, sans lui. Je m'ennuie. Comment je suis censée m'amuser, maintenant ? Qui va me faire rire comme il arrivait à le faire ? Je sais pas, on se connaissait pas tant que ça, et pourtant ça paraissait évident, si simple, si léger. Tout est beaucoup trop lourd pour moi, maintenant. Je soupire quand j'entends des bruits de pas, mais je n'y fais pas plus attention que ça. Je ne relève même pas la tête vers le nouvel arrivant. Rien. Pas de regard, pas de sourire, pas de réaction. J'ai ni l'envie, ni la force, de toute façon. On vient s'asseoir à côté de moi. Je sens une main se poser sur mon épaule. Oh, un instant j'ai cru... Et j'ai suivi la courbe de son bras pour me rendre compte qu'il s'agissait d'Andreja. J'ai tellement de mal à lui sourire, pourtant j'essaye, en le regardant dans les yeux. Les miens sont tout brillants, et sans doute un peu rouges, et je dois pas avoir l'air très fraîche, très en forme. J'ai pas beaucoup dormi. Je prend sa main dans la mienne. Je la sert même pas trop fort, j'aimerais bien, mais j'y arrive pas. Je penche légèrement la tête sur le côté. « Je crois que j'ai besoin d'un câlin. » Juste qu'il me prenne dans ses bras. J'en ai besoin, je crois. Mais je suis même pas sûre. Je suis plus sûre de rien. J'étais pratiquement certaine qu'Eryk resterait, et en fait non. Y a plus que sa veste que je porte depuis tôt ce matin, et quelques souvenirs que je devrais m'efforcer de garder en mémoire jusqu'à ce qu'on se retrouve, mais c'est même pas sûre, ça non plus. Voilà, maintenant, je doute de tout. Même de moi. Oui, de moi, surtout.

Tout n'était pas qu'un jeu, pour Andreja, même si c'était la facette de sa personnalité qu'il tendait à montrer le plus lorsqu'il était en présence de Jessica. Sans doute parce qu'ils avaient débuté ainsi, et qu'il n'avait pas vu de raison de changer par la suite. Mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'il n'était capable que de cela avec elle, à vrai dire il en était même le premier surpris parce que ce n'était pas vraiment ainsi qu'évoluaient les relations entre personnes ayant décidé d'un commun accord d'échanger leurs fluides sans forcément se revoir par la suite, mais il avait appris à la connaître. Assez pour se soucier d'elle, assez pour qu'elle devienne au sein du nid une personne dont il tenait à la présence, mais assez surtout pour que la voir si dépitée à la fin du prime et hésitant entre verser et sécher ses larmes ne lui serre le coeur, un peu. Un peu plus qu'un peu peut-être, parce que le serbe n'était de toute façon pas du genre à rester de marbre face à la tristesse des autres, aussi dérisoires les raisons puissent lui apparaitre à lui. Alors ce n'était probablement qu'une question de temps, avant qu'il n'ose dépasser le stade de la petite voix au fond de sa tête qui lui disait "peut-être qu'elle n'a pas envie de te parler, tu sais, peut-être qu'elle ne reviendra te voir que si elle a envie de se faire sauter" ; Et c'était totalement stupide dans un sens, cela faisait six semaines qu'ils se côtoyaient et Andreja osait espérer qu'il avait dépassé ce stade, à ses yeux, au moins un peu. Elle l'avait dépassé à ses yeux à lui en tout cas, et à vrai dire la seule chose dont il avait eu envie en la trouvant là, toute seule dans le salon avec son cafard, c'était de la prendre dans ses bras. Mais il n'avait rien fait, ayant appris avec le temps que si lui était du genre à avoir le contact facile ce n'était pas le cas de tout le monde, et au lieu de cela il s'était simplement accoudé sur l'accoudoir à côté d'elle, déposant un baiser sur le sommet de son crâne et attendant de voir si elle lui donnait l'autorisation de rester. Un autorisation tacite lorsqu'elle avait glissé sa main dans la sienne, et tenté un espèce de sourire qui ressemblait plutôt à une grimace s'il devait être tout à fait honnête. « Je crois que j'ai besoin d'un câlin. » Si ce n'était que cela, il était encore en mesure de faire quelque chose. Lâchant la main de Jessica il avait passé un bras autour de ses épaules, attirant doucement la jeune femme contre lui sans trop savoir ce qu'il pourrait dire pour essayer de la consoler un peu. Peut-être qu'elle n'avait pas envie qu'il parle de toute façon, il ne se doutait même pas que Jessica était du genre sentimentale jusqu'à aujourd'hui. Il passait sa main dans son dos, doucement, et puis au bout d'un moment il avait brisé le silence, dans ce qui ne restait pourtant qu'un murmure « Tu me promettre tu recommencer à sourire la semaine prochaine ? » Elle avait le droit d'être déprimée pour l'instant, lui trouvait cela un peu excessif pour quelqu'un qu'elle ne connaissait que depuis six semaines mais soit, il se disait qu'il ne ferait peut-être pas le malin non plus si on lui enlevait Pia ou Tilda, mais elle ne pouvait pas passer le reste de son aventure à broyer du noir. Déjà parce qu'elle finirait par le regretter, et aussi parce que clairement si elle restait dans son coin comme Noah pouvait le faire par nature, les téléspectateurs risquaient de finir par le lui faire payer, et elle méritait mieux que cela. Mieux que de quitter le nid en laissant l'image d'une fille au maquillage qui dégoulinait et à la larme facile. « Et puis si Eryk regarde la télé tu croire il vouloir te voir pleurer ? » Non, Andreja en doutait fortement.

Je suis un peu surprise quand Andreja m'embrasse sur le front. Je ne m'y attendais pas. Pourtant, je savais que j'aurais envie, besoin d'aller le voir à un moment donné, ou que lui viendrait. Sans vouloir trop m'avancer, je crois que c'est l'une des personnes sur lesquelles je compte le plus ici, et finalement, je me rends compte qu'elles se comptent à peine sur les doigts d'une main. Il pose la sienne sur mon épaule et je la sers un peu jusqu'à ce que j'ose dire que j'ai sans doute besoin d'un câlin. Alors il passe son bras autour de mes épaules. C'est gentil, mais pas assez efficace. Je vais donc me réfugier contre lui, la tête collée contre sa poitrine, mes bras faisant le tour complet de son torse. Ça c'est un vrai câlin pour consoler les pauvres petites filles tristes comme moi. Mais je le lâche finalement assez vite, alors qu'il me demande de lui promettre de recommencer à sourire la semaine prochaine. « Je pourrais même recommencer dès demain, tu sais. » Je dis d'un air convaincu. Oui, je pourrais, si je le voulais, mais ce ne seront pas forcément de vrais sourires. Ce ne sont que rarement de vrais sourires. Je me force toujours un peu, pour avoir l'air gentil, sympa, pour me cacher un peu, c'est plus facile. Je suis le genre de personne qui sourit sans découvrir ses dents, et il paraît que c'est suspect. Mais j'ai toujours fait comme ça, souvent sourire, beaucoup trop, même quand rien ne va. Alors oui, demain je pourrais sourire à nouveau sans problèmes, mais ça n'aura probablement rien de franc. Aujourd'hui, en revanche, j'ai décidé de m'accorder une pause, c'est que ça fatigue les zygomatiques de faire aussi souvent semblant. Et puis, je suis aussi le genre de personnes à faire des accumulations de sentiments. Et hier soir, je crois que j'ai un peu craqué. Déjà je me suis nominée moi-même à la roulette, je me sentais bête. Puis j'étais stressée, puis j'ai été frustrée, agacée, énervée, par Paloma et tous ses prix. Je me suis sentie invisible à côté d'elle. Puis les éliminations et le stresse qui remonte, et se retrouver face à Eryk à la fin, savoir que l'un de nous partirais, c'était juste horrible. Et je me suis sentie tellement coupable. Je me suis mis à tout refaire avec des si, et ça c'est tellement stupide. Je suis remontée loin en plus, même avant l'émission, c'est pour dire. Et remuer le passé, la merde, en fait, c'est jamais, jamais, jamais bon. Non, ça pue grave même. Et voilà, on en arrive à devenir une pauvre petite loque sur un canapé, emmitouflée dans la veste d'un type qu'elle reverra pas de si tôt et pour qui elle est même pas sûre d'avoir le moindre sentiment, mais sur le moment, c'est vrai qu'elle avait ressenti un petit truc, assez nul d'ailleurs, et elle s'est dit "ah bah...c'est vraiment trop con" et puis voilà. Je soupire un peu en pensant encore à tout ça. C'est comme ça depuis hier soir, alors bon, autant dire que je commence à en avoir marre, mais je suis pratiquement sûre que demain ça ira mieux, ça ne peut qu'aller mieux, de toute façon. Andreja, dont j'avais presque oublié la présence tellement je pense à tout sauf à lui, me demande si je pense qu'Eryk voudrait me voir pleurer, s'il regardait l'émission à la télé. Non, évidement que non. Et il me l'a dit, en plus, pas de larmes. « Non mais je pleure même pas, regarde. » Je relève un peu la tête pour sécher les gouttes qui brillent un peu dans mes yeux, je les tamponne avec mes petits doigts, la manche de sa veste aussi et voilà, j'ai pas du tout pleuré, je vois pas de quoi il parle. « Enfin, même si je pleurais, et c'est absolument pas le cas, ce serait pas que pour ça. » Que pour lui, je veux dire. Il va évidement plus me manquer que n'importe quel autre candidat éliminé jusqu'à présent et je trouve son élimination très injuste, oui, mais c'est le jeu. En plus, je suis pas du genre à pleurer que pour un truc comme ça. Je suis plutôt du genre stupide, à mélanger des trucs qui vont pas franchement ensemble, à en faire un cocktail explosif et ça finit toujours par me péter à la gueule. Alors disons que cette fois, les ingrédients, c'est deux tiers d'Eryk, son élimination et ce que j'aurais éventuellement pu ressentir pour lui, un tiers du prime et de tout ce qu'il a pu se passer avant les éliminations, et un dernier tiers de ma vie en général. Et tout ça, hm, ça fait vraiment pas bon ménage.

Cela ne voulait pas dire grand chose au fond, qu'ils se soient retrouvés ici sans être de parfaits inconnus, cela ne changeait rien au fait qu'ils ne se connaissaient pas. Il l'avait écouté lui débiter des banalités la dernière fois, c'est vrai, mais pour être parfaitement honnête il n'en avait pas retenu grand-chose, parce qu'il ne comprenait pas tout et parce qu'il n'était pas vraiment intéressé non plus il faut bien le dire ... On était rarement intéressé par la petite vie tranquille de ses plans culs, aussi charmants soient-ils. Andreja ne connaissait pas la façon de fonctionner de Jessica, il ne savait pas si elle était plutôt du genre à pleurer beaucoup et facilement, ou bien si le prime de la veille avait vraiment été la goutte d'eau qui aurait fait déborder un vase trop plein d'autres choses. Et au fond cela ne lui importait pas vraiment la raison, pas si elle n'avait pas envie de la dévoiler, tout ce qu'il voulait lui c'était qu'elle ne gâche pas sa semaine, et surtout les semaines qui suivraient, avec des pensées négatives qu'elle regretterait sans doute par la suite, parce que leur séjour dans le nid n'était pas éternel, il avait même une durée de plus en plus limitée au fil des jours qui passaient. « Je pourrais même recommencer dès demain, tu sais. » A sourire, oui elle pourrait c'est vrai, elle pourrait recommencer à sourire dès le lendemain parce que c'était toujours possible de se forcer si on savait un tant soit peu se maitriser. « A sourire parce que tu as envie, pas parce que tu être obligée. » avait-il alors jugé bon de préciser d'un ton gentiment réprobateur, refermant finalement ses bras autour de la jeune femme comme elle venait de le faire avec lui. Il avait malgré tout un peu conscience de ne pas servir à grand-chose, et de n'avoir ni le vocabulaire ni la connaissance suffisante de Jessica pour parvenir à trouver les mots juste pour la réconforter pour de bon, mais à défaut il tenait quand même à lui signifier qu'il était là, si elle avait encore besoin d'une oreille pour l'écouter, pour parler de choses sérieuses ou bien de futilités, si cela pouvait lui faire plaisir et lui changer les idées. Lui en tout cas était persuadé que Eryk n'aurait pas envie de la voir pleurer ainsi, si il allumait sa télévision. « Non mais je pleure même pas, regarde. » Elle avait relevé des yeux brillants de larmes vers lui, mais pourtant s'était évertuée à essuyer ses joues humides dans une tentative d'estomper un peu la chose. « Enfin, même si je pleurais, et c'est absolument pas le cas, ce serait pas que pour ça. » Fronçant légèrement les sourcils Andreja avait fixé la jeune femme dans les yeux, en se demandant bien ce qu'elle pouvait vouloir dire par là mais sans pour autant oser se montrer trop invasif. Il était mal placé, particulièrement cette semaine, alors que la question dont il avait hérité au prime concernant le rapport entre son secret et la guerre qui s'était déclarée dans son pays alors qu'il n'était encore qu'un môme l'avait à ce point contrarié, sans pour autant qu'il n'ait la moindre envie de revenir là-dessus avec qui que ce soit. « Tu envie de parler ? » Il proposait juste, il ne la forçait pas, il lui tendait simplement une perche au cas où elle ait envie de la saisir. Mais sinon, si elle préférait, il pouvait simplement remonter l'une de ses mains le long de son dos pour venir la glisser derrière sa nuque, et l'attirer à nouveau contre lui, c'était bien aussi.