ft Reed

Une pause s'imposait, un truc du genre. La chaleur dans le salon, due aux corps qui s'y activaient, n'était plus supportable pour un être humain, et tandis que des candidats commençaient à se répandre dans le jardin, sur la terrasse et le balcon, Joanee, prostituée de luxe de son état, fumait sa clope non loin de la piscine, jambes croisées l'une par dessus l'autre. Il était bien difficile de ne pas trouver ce soir dans le nid d'amour des femmes ou hommes splendides et attirants: chacun semblait avoir donné le meilleur de lui-même, et elle en venait à se demander simplement « pourquoi? » Pourquoi les femmes s'étaient-elles préparées devant le miroir une heure entière, si ce n'était plus? Il y avait bien entendu beaucoup de rivalité cachée entre les femmes, rivalité qu'elle avait du mal à ressentir naturellement. Elle était assez sûre d'elle-même, assez contente d'elle, pour savoir se permettre de s'oublier et d'apprécier la beauté, l'élégance des autres, quand bien même elles étaient du même sexe qu'elle et donc, des potentielles rivales. Plus semblable aux hommes sur ce sujet, elle ne s'était jamais disputée ou battue pour un homme, sa façon de penser était simple: il y a des millions d'hommes sur terre, si je ne plais pas à celui-là, tant pis pour lui. De même, elle n'aurait jamais eu l'idée de piquer l'homme d'une femme amoureuse, il fallait être bien peu sûre de soi pour faire ce genre de chose, avoir un grand besoin d'être rassurée, aimée, un besoin à jamais inassouvi. Heureusement pour elle, ce mode de fonctionnement ne lui faisait jamais tort, car étant très jolie – pour le siècle, évidemment, au temps de Louis, elle aurait été bonne pour faire la vaisselle, mince comme elle l'était – les hommes qu'elle se mettait en tête de séduire ne lui refusaient jamais rien. Elle en était là de ses réflexions quand une fille s'approcha de la piscine éclairée. Reed était en complet Moulin Rouge de danseuse, une tenue qui contrastait avec sa façon d'être habituelle, moins exubérante, il est vrai. Son visage avait gardé une fraicheur de prime jeunesse, et n'avait rien de vulgaire. Elle se souvint de leur froid, il y a peu, et s'entoura de fumée. « Fais voir tes pompes? » Les talons qui complétaient la sublime tenue de Reed étaient invisibles, cachés par la pénombre.

Peu après avoir devant l'assemblée usé de mes talents de danseuses certainement enfouis dans les méandres d'une jeunesse qui s’effritait au fil des jours, j'avais décidé de prendre un peu l'air. La chaleur étouffante du salon avait eu raison de mon corps essoufflé et fatigué, preuve que je ne pratiquais pas autant d'exercices que mon corps en réclamait. Néanmoins, j'avais choisi de me dérober à cette soirée qui me plaisait tant par le thème que par l'ambiance qui en émanait. Faisant glisser l'une des portes fenêtres du salon, dissimulée pour l'occasion par un voilage noir que j'avais décidé d'emprunter pour le déposer autour de mes épaules nues, je m'avançais dans la pénombre de la nuit sans but précis que celui de respirer un peu plus. La piscine de par son éclairage sûrement avait attiré mon attention, n'allez pas croire que la pénombre m'effraye, non bien au contraire. Il s'agissait là d'une envie, une sorte de lubie qui ne se commandait pas. Une lubie que j'allais finir par regretter puisque tout prêt de là, se trouvait Joanee avec qui l'entente n'était clairement pas au beau fixe. Néanmoins, je l'avais observée, détaillant sa tenue de la soirée qui la mettait tout à fait en valeur par ailleurs. J'aurais pu faire demi-tour sauf qu'au lieu de ça, j'avais continué ma marche et m'étais installé non loin d'elle sur une marche de la terrasse, essayant de ne pas trébucher dans la piscine avec mes immenses chaussures. D'ailleurs, elles furent au centre de l'intérêt puisque la blonde ne tarda pas à me demander de voir mes chaussures, hum, pourquoi pas. Je haussais les épaules pour seule réponse, avant de finalement m'approcher de plus près lui laissant tout le loisir d'examiner le talon translucide de ma chaussure. « Tu me passerais une cigarette ? » La discussion était assez sommaire, si tenté qu'elle en soit une, deux phrases échangé ne faisait rarement office de discussion.