+Jaheim

J'ai juste envie de m'isoler cet après-midi, loin des candidats, loin de tout. Je ne tente pas de jouer les caliméros, je ne cherche pas à me faire plaindre. Tout ce que je souhaite, c'est m'évader, c'est laisser mon imagination m'emmener loin, très loin voir jusqu'à me perdre. Alors je monte dans la barque et au dernier moment, avant de prendre le large, je vois Jaheim. Non clairement, je n'ai pas envie de l'envoyer bouler. C'est encore l'une des rares personnes qui m'apprécient toujours, et j'ai tout sauf envie de le perdre lui aussi. « Allez viens. » Je tente une sourire, mais il est toujours empreint de tristesse. La barque s'éloigne petit à petit du large et lorsqu'on est en plein milieu de l'eau, je la stabilise. Je ne suis pas là pour pécher. Je m'allonge tout au long, les mains derrière la tête pour avoir les yeux rivés au ciel, ce ciel bleu bien dégagé qui se reflète dans mon regard, le rendant plus clair qu'à l'accoutumé. « Dis-le moi honnêtement, t'as ce ressenti aussi, que je joue avec tes sentiments ? » Ma voix est monotone. Je me rappelle de cette question posée lors du prime, j'avais répondu non mais je me posais tout de même des questions. Est-ce que j'ai joué avec leur sentiment malgré moi ? Cela m'aiderait beaucoup que Jaheim réponde sincèrement.

Je cours, je sollicite violemment mes mollets pour accélérer la cadence, je sprint à en perdre haleine. J’ai le palpitant au bord de la rupture, mon cœur tambourine dans l’intégralité de mon corps si bien que j’ai l’impression que mes tempes vont exploser, je ne regarde pas devant moi… Non, je reste concentré sur un point, sur cet homme qui tente de fuir et que je veux absolument rattraper. Aaron a été très silencieux dimanche soir et il en a pris pour son grade, je pourrais être blessé par tout ce que j’ai pu apprendre mais ce n’est pas le cas. Bien-sûr que ça me fait chier qu’il soit globalement derrière les fesses de tous les mecs bisexuels du nid mais bon, on ne s’est rien promis alors je n’ai rien à dire. Ne serais-je pas dégueulasse d’agir ainsi ? Qui suis-je pour lui reprocher d’avoir flirté comme j’aurais librement pu le faire si… Si je n’étais pas aussi obnubilé par ce qui se passe entre nous. C’est dingue d’ailleurs, je ne suis pas le mec fleur bleue par définition mais Aaron me bouleverse, je me sens spécial lorsqu’il me regarde et c’est ce qui m’importe. J’ai malheureusement l’impression que je risque de le perdre, je ne le possède pas mais j’ai cette désagréable impression qu’il va me fuir pour se rattraper auprès d’Adnan, ou de Sacha… Ou de Lou, ouais j’sais pas qui est vraiment celui d’entre nous duquel il se sent réellement le plus proche et c’est ce qui m’embête le plus. A première vue je dirais que c’est Adnan, j’aurais aimé en apprendre plus sur ce qu’il s’est passé dans la loveroom mais je crois qu’ils ont pu s’ouvrir chacun l’un à l’autre et je jalouserais presque cette proximité. Je dirais bien presque, nous n’avons pas la même relation avec Aaron, pas le même angle d’approche ni même la manière d’atteindre un objectif qui nous est peut-être commun, une relation dont j’ignore toutes les modalités… Dont je ne sais rien finalement. Je suis essoufflé, j’ai envie de m’époumoner pour qu’il m’attende avant de se lancer sur cette barque mais il m’a repéré et il s’arrête. « Allez viens. » Mon cœur pompe du sang en énorme quantité et même si je sens qu’il n’est à nouveau au top de sa forme je suis heureux et j’espère parvenir à lui remonter le moral. « Merci ! » Je grimpe dans la barque en prenant soin de ne pas me prendre une gamelle en perdant l’équilibre. Le silence règne à nouveau pendant toute la durée du trajet, je cherche les bons mots pour mettre les pieds dans le plat mais je me sens… Je ne sais pas, fébrile, je ne veux pas le brusquer, c’est la seule personne avec qui je me sens réellement proche alors je ne veux surtout pas qu’il arrête de me parler si je me suis mal exprimé. Il s’allonge sur la barque et me contente de l’observer. « Dis-le moi honnêtement, t'as ce ressenti aussi, que je joue avec tes sentiments ? » Difficile à dire, je me mordille la lèvre nerveusement. « Je ne sais pas sur quel pied danser avec toi ! » Autant jouer la carte de l’honnêteté, quel intérêt à être hypocrite alors qu’il me demande mon avis. « Quand tu me regardes… J’ai l’impression d’être un Dieu vivant, je me sens désiré et parfait mais d’un autre côté je me demande si tu fais ça avec chaque mec tu vois ? » Je marque une petite pause, cherchant les bons mots, je dois m’exprimer avec tact mais c’est relativement difficile pour moi qui suis d’ordinaire brut de décoffrage et qui dis les choses comme elles me viennent. « T’es le premier qui me fait me sentir comme ça alors j’sais pas, j’ai peut-être besoin d’être un peu rassuré, de savoir ce que tu attends de moi pour pouvoir me faire une idée précise de quoi penser. » Vous avez déjà eu l’impression d’en avoir trop dit ? Je me suis confié, pas seulement pour répondre à sa question, je lui ai parlé à cœur ouvert et j’ai mis pour la première fois des mots sur ce qu’il me fait ressentir.

Jaheim est vraiment mignon. Je veux dire... il me remercie pour quoi au juste ? Pour lui faire subir ma mauvaise humeur ? Pour lui donner la chance de... de me réconforter ? C'est moi qui devrait le remercier franchement, d'être toujours là pour moi, d'être aussi compréhensif. On s'éloigne du rivage, plus d'échappatoire maintenant, à moins de plonger dans l'eau. Je vais lui poser une question qui va peut-être tout remettre en cause, mais j'ai besoin qu'il me dise ce qu'il ressent. Évidemment j'ai peur, j'ai pas envie de le perdre. « Je ne sais pas sur quel pied danser avec toi ! » Je le regarde sans ciller, buvant ses paroles avec attention. Je comprends tout à fait ce qu'il veut dire. Je n'ai jamais été clair dans mes intentions, et je m'en rends bien compte aujourd'hui, peut-être trop tard. « Quand tu me regardes… J’ai l’impression d’être un Dieu vivant, je me sens désiré et parfait mais d’un autre côté je me demande si tu fais ça avec chaque mec tu vois ? » Mes lèvres se pincent, je ravale ma salive difficilement. « Je te donne l'impression d'être unique.  » Je souffle en y voyant plus clair. Je me rends pas compte comment je regarde les gens, et en particulier ceux que j'apprécie.  « Je... je crois que je fais ça inconsciemment. » Et c'est bien nul de faire ça, j'en ai conscience par contre. « T’es le premier qui me fait me sentir comme ça alors j’sais pas, j’ai peut-être besoin d’être un peu rassuré, de savoir ce que tu attends de moi pour pouvoir me faire une idée précise de quoi penser. » Je ravale de nouveau ma salive, sentant ma gorge assoiffée, complètement sèche. Je pose ma main sur la sienne et la caresse doucement avec le pouce, signe d'affection. « J'aurais du stopper mon jeu avec toi quand je sentais que tu tombais dedans... A la place j'ai continué égoïstement, j'ai pensé qu'à moi, à mon plaisir personnel. Et maintenant tu risques de perdre ta famille pour... pour un homme qui... ne t'aime pas. » Mon coeur se soulève et je me sens pas bien. C'est horrible, j'ai l'impression de le rejeter alors que je n'ai jamais voulu être dans cette position. J'adore Jaheim, je veux vraiment pas me séparer de lui, mais je suis obligé de risquer notre relation en étant honnête avec lui. Et je me rends compte que ce que j'ai fais, c'est vraiment pas bien, même si je ne voyais pas le mal dans tout ça, que ce n'était en aucun cas dans ce but là. Il pourrait me détester, ou prendre du recul je comprendrais. « Je suis désolé... »

J’ai le cœur qui bat tellement fort à cet instant, je sais très bien que cette discussion va mettre fin à ce que nous partageons et, honnêtement, ça me fait vraiment chier. Je tente cependant de faire face avec dignité, ce n’est pas mon genre d’en faire des tonnes lorsque je me retrouve au milieu d’une déception de ce genre alors je vais l’écouter, accepter ce qu’il a à me dire et poser les bonnes questions pour savoir comment évoluer avec ce que j’éprouve pour lui. Ressentir, c’est un mot fort qui fait immédiatement songer à de l’amour mais ce n’est pas ça, ce n’est pas encore le cas. Il me faut toujours beaucoup de temps pour tomber amoureux, être avec la personne depuis un petit moment en couple et partager bien plus que tout ce que nous avons partagé pour le moment. Non, je ne suis pas amoureux mais je suis diablement attiré par lui au point de me demander si je ne l’ai pas dans la peau. Est-ce le fantasme qu’il représente qui me fait me sentir ainsi ? Je me le demande parfois mais ce n’est pas un simple fantasme, c’est bien plus, je me suis attaché à lui, je l’apprécie et ça entre énormément en jeu. « Je te donne l'impression d'être unique. » Je sens le mais qui arrive. « En quelque sorte oui. Même si je sais très bien que ce n’est pas le cas. » Je ne suis pas stupide, je sais très bien qu’il ne le fait surement pas exprès et qu’il l’a peut-être fait ressentir à d’autres. « Je... je crois que je fais ça inconsciemment. » Je souris bêtement, qu’ajouter de plus ? Je pense que je sais déjà ce qu’il va suivre et pourtant je me dois d’être complètement sincère avec lui alors je vide mon sac, c’est dur de parler ainsi quand tu sais très bien que tu seras le second choix… Ou le troisième, ou le quatrième d’ailleurs parce que je ne sais pas vraiment ce que je suis pour lui. S’il y avait une personne avec qui sortir je n’aurais pas hésité, Aaron est le seul candidat avec qui j’éprouve une telle attraction mais lui… Non, je ne suis qu’un plan drague et il aurait été stupide de ma part de faire comme si je ne m’en étais pas douté. « J'aurais du stopper mon jeu avec toi quand je sentais que tu tombais dedans... A la place j'ai continué égoïstement, j'ai pensé qu'à moi, à mon plaisir personnel. Et maintenant tu risques de perdre ta famille pour... pour un homme qui... ne t'aime pas. » Je grimace, mon cœur se serre même s’il ne m’apprend rien. « Je ne suis pas amoureux, ne fais pas des conclusions trop rapides. » Je ne suis pas amoureux mais c’est quelque chose qui m’aurait peut-être tenté sur le long-terme. Aaron est un garçon formidable, il a du caractère, de la malice, il est intéressant et il y a énormément de choses que j’aimerais encore apprendre à connaitre sur son passé. « Je suis désolé... » C’est un moment gênant que nous vivons, isolés sur une barque dans laquelle je me serais bien laissé aller à des échanges beaucoup plus intimes et là… Seul le silence règne et il me met sacrément mal à l’aise. « Tu sais, je ne suis pas stupide, je sais depuis le début que je ne suis qu’une occupation pour toi, un moyen de te divertir jusqu’à ce qu’Adnan soit prêt à sauter le pas avec toi. Je le sais et pourtant j’ai choisi de continuer parce que j’en avais envie, pas parce que tu m’as forcé la main… Et j’en ai toujours cruellement envie ! » Je marque une pause, continuant d’être honnête à cent pourcent comme il l’a été avec moi. « Il ne se passera probablement plus rien entre nous mais ça ne m’empêche pas d’avoir envie de t’embrasser, de dépasser les bornes à tes côtés et de m’abandonner. Pour la première fois je me suis vraiment senti libre à tes côtés et je me sens horrible parce que… » Parce que je suis partagé entre deux décisions à présent. « Parce que je devrais te laisser reconquérir Adnan, ne plus t’approcher le temps que tout s’arrange en essayant de chasser tout ce qui m’attire chez toi, de trouver un moyen d’être à nouveau insensible mais… Mais d’un autre côté j’ai envie d’être égoïste et de profiter de ce que je pourrais obtenir maintenant et je me sens monstrueux pour ça… » Ses doigts caressant le bout de mon pouce me perturbent, j’ai envie de les embrasser, de remonter sensuellement le long de son bras pour pouvoir retrouver ses lèvres comme s’il s’agissait du plus beau cadeau au monde, de mon Graal, savoureux et hypnotisant. J’en frissonne rien que d’y penser. « On devrait rentrer. » J’essaye d’être sage, de penser à lui alors qu’une bataille s’est lancée à l’intérieur, je suppose qu’il aurait dû me vacciner à vie mais non, je me sens toujours autant attiré et peut-être que… Peut-être que si je laisse s’exprimer mes envies, mes désirs, mes sentiments, si je vais jusqu’au bout peut-être que je serais moins frustré ? Peut-être que je parviendrais à me dire que c’est terminé sans avoir de regrets ? Je ne sais pas, je suis complètement à côté de mes pompes et cela s’illustre dans mes réflexions intérieures.

« En quelque sorte oui. Même si je sais très bien que ce n’est pas le cas. » J'hésite à prendre la parole, je bute. Il se trompe. Pour moi il est unique, c'est clair, j'ai aucun doute là dessus. Chaque relation est unique, et il n'y a qu'avec lui qui je pourrais partager certains moments. « Je ne suis pas amoureux, ne fais pas des conclusions trop rapides. » Mon regard reste planté dans le sien, inexpressif, le temps qu'il continue, le temps aussi que je sache quoi lui dire. Non, je ne suis amoureux de lui et il ne l'est pas non plus mais... mais il attendait peut-être plus de notre relation et j'ai tout fait pour, pour qu'il y ait plus que de l'amitié, depuis plusieurs semaines et maintenant, je change du tout au tout. Alors je peux comprendre que ça peut être déroutant pour lui. « Je te donne l'impression d'être unique.  » Je souffle en y voyant plus clair. Je me rends pas compte comment je regarde les gens, et en particulier ceux que j'apprécie. « Tu sais, je ne suis pas stupide, je sais depuis le début que je ne suis qu’une occupation pour toi, un moyen de te divertir jusqu’à ce qu’Adnan soit prêt à sauter le pas avec toi. Je le sais et pourtant j’ai choisi de continuer parce que j’en avais envie, pas parce que tu m’as forcé la main… Et j’en ai toujours cruellement envie ! » Je secoue la tête plusieurs fois, les sourcils froncés.  « Non non non non non... » Je répète plusieurs fois, parce qu'il se trompe une nouvelle fois sur plein de choses. Je devrais pas le contredire, ça serait tellement plus facile d'accepter sa version, mais ce n'est pas la vraie version, et j'ai envie de lui dire la vérité, pas pour le faire espérer mais pour être sincère avec lui.  « Non, t'es pas juste une simple distraction que je vais lâcher. Je tiens vraiment à toi, mais je peux plus avoir la même relation qu'avant. » J'ai vu ce que mes rapprochements avec lui ont causé, j'ai pas envie de recommencer. Mais son discours me fait douter, j'avoue. Il me perturbe, les rôles s'inversent. Ce n'est plus moi qui lui fait du rentre dedans mais c'est lui. Mon imagination me rejoue des tours, et je m'imagine ses paroles, comme si lorsqu'il parlait de m'embrasser, il m'embrassait vraiment. J'ai envie de lui faire découvrir tout ça, les plaisirs d'une relation avec un homme. J'ai même le réflexe d'aller vers lui, oh juste quelques centimètres pas de quoi se remarquer mais moi je le remarque et je me reprends aussitôt, perdu dans ses yeux. « C'est plus possible tout ça. » Je réponds fermement avec un sourire, alors que je me sens tellement fragile. « On devrait rentrer. » « On va rentrer oui  » Pagaie à la main, je préfère rentrer, ça vaut mieux...

Plus les heures s’écoulent et plus j’ai l’impression que cette semaine ne sera pas la meilleure de mon aventure. Dimanche soir j’ai remporté un Award loin d’être flatteur, je suis celui que l’on veut voir dehors avant la finale et même si c’est un moyen comme un autre d’avancer avec rage ça me fait peur. Forcément, tout le monde se remettrait en question à ma place non ? Qu’est-ce qui peut bien attirer la haine de cette manière ? A vrai dire je n’en sais rien, le naturel ne plait pas toujours et j’en suis donc resté à cette conclusion pour le moment. Je possède d’ores et déjà huit voix contre moi aux nominations avant même que nous soyons passés au confessionnal pour donner le nom de deux couples, il est donc presque certain que je serais sur la sellette dimanche soir et j’ai peur de partir. En revenant suite à ma première élimination il y a certaines choses sur lesquelles je devais travailler pour éviter le sentiment d’inachevé et je me rends compte que je n’ai pas avancé assez rapidement, il me reste énormément de mots à dire, de sentiments à confesser, de mouvements à faire… Et voilà qu’Aaron s’ouvre à moi d’une manière que je redoutais, il est prêt à nous sacrifier pour Adnan et même si je le savais déjà et que je réponds avec fierté ça me fait mal parce qu’il m’a ouvert à quelque chose de nouveau. Il est celui qui m’a transformé et je n’ai pas envie d’abandonner cela, pas envie de tuer ce qui pourrait être une belle histoire dans l’œuf sous prétexte qu’un autre mec est dans les parages. Adnan et moi n’avons pas du tout le même angle d’approche, je pense que ce dernier est nettement plus romantique, posé… Là où moi je suis nettement plus dans l’impulsivité, dans le jour-le-jour et pour le coup je ne saurais dire si j’ai ce qu’il faut pour plaire à Aaron, pour l’inspirer. « Non non non non non... » Je relève un sourcil, le toisant du regard sans réellement tenter de capter son regard. « Non, t'es pas juste une simple distraction que je vais lâcher. Je tiens vraiment à toi, mais je peux plus avoir la même relation qu'avant. » C’est bien là que le bât blesse, on ne veut plus la même chose, nous ne sommes plus du tout sur la même longueur d’ondes à priori même si je pense que la situation est bien différente de ce qu’il dit. « J’ai une question pour toi ! » Je ne sais pas dans quel terrain je m’engage mais j’ai du mal à renoncer, ce n’est pas moi, ce n’est pas mon attitude d’accepter quelque chose de ce genre lorsque je ne suis pas d’accord. Au quotidien je suis un bagarreur, je ne lâche rien, jusqu’au bout. « Tu ne peux plus mais n’en as-tu plus envie ? Pourquoi combattre tes réels désirs ? Pour te rattraper auprès d’Adnan ça je l’ai bien compris mais n’est-ce pas la preuve flagrante que lui et toi ce n’est peut-être pas… Assez ? Es-tu certain d’être heureux avec lui, d’être prêt à sacrifier le reste pour ses beaux yeux ? » Je marque une pause, mes paroles sont violentes, tranchantes comme des lames de rasoir mais il a besoin de réfléchir et je lui donne des pistes, pas sûr que ça ne joue en ma faveur mais je m’en fiche, c’est pour lui… Pour un lointain et très hypothétique nous que je fais cela. « Ne réagis-tu pas comme ça uniquement parce que tu l’as blessé parce qu’il attendait plus ? N’est-ce pas une manière de te rattraper au prix de ce qui toi te fais vibrer, te rends heureux ? » Mes veines pompent mon sang à toute vitesse et me donnent le sentiment d’être le plus stupide des hommes. Quand suis-je devenu si… Faible ? Me sentir aussi en danger à cause d’une histoire dont les limites n’avaient jamais été fixées jusque-là ce n’est pas moi et pourtant… Et pourtant je ne m’imagine pas simplement croiser Aaron, lui sourire comme un bon vieux pote, je ne peux me résilier à ne plus le dévorer du regard, à ne plus rêver de lui, à ne plus être l’homme que j’ai envie d’être à ses côtés. « C'est plus possible tout ça. » Il sourit mais ça n’apaise rien. « Tout est possible. » Je creuse peut-être ma tombe en disant cela, je m’enfonce plus profondément mais je n’ai plus rien à perdre alors je m’en fiche. « On va rentrer oui » Je mets la main à la pâte en me penchant pour pouvoir pagayer à la main et rendre le chemin moins long, moins silencieux. Lorsque nous arrivons de nouveau près du petit embarcadère je me retourne, un sourire sûr de moi et confiant. « Peut-être à plus tard alors. » Je ne supplierais pas même si je le désire diablement, ce n’est pas juste physique, c’est tellement plus que cela mais le moment n’est pas opportun, moi aussi j’ai besoin de réfléchir à tout cela pour réellement comprendre ce que je veux de lui, de nous. Je réduis la distance qui nous sépare, je me cambre et nos lèvres se côtoient le temps d’un bref instant, elles flirtent dangereusement jusqu’à ce que je dévie pour déposer un très court baiser à la commissure de ses lippes dont j’apprécie tant les saveurs. C’est dur de résister à la tentation, pourquoi le fais-je ? Par respect ? Peut-être mais je ne suis pas certain que je pourrais être ce gentil petit mec respectueux longtemps, je ne suis pas un gentil petit animal domestique qui suit les ordres bien sagement, je suis l’animal sauvage dont tout le monde redoute les réactions, personne ne pourra jamais prévoir mon prochain mouvement, pas même Aaron. Nos regards se croisent et je retrouve l’intensité de chacun de nos moments passés l’un avec l’autre, mes yeux parlent pour moi, ils sont tellement plus bavards que je ne le suis, ne sont-ils pas le miroir de l’âme ? Un frisson me ramène à la réalité, je ne dois pas craquer, les choses n’en deviendraient que plus difficiles encore alors je recule, prudemment, sans le quitter des yeux et opte pour la situation de facilité, je prends la fuite.