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Aussi étonnant que cela puisse paraître, Alistair est plutôt de bonne humeur depuis quelques jours. Il n’en est pas au point d’afficher un sourire constant sur son visage, mais il est plus disposé à se mêler aux autres et tente même des petits traits d’humour dans ses conversations. Pourtant, il commence la semaine d’une façon peu réjouissante, en étant nominé. Mais le fait d’avoir ce poids sur les épaules depuis le prime l’aide à profiter de ce qui pourrait, peut-être, être sa dernière semaine. Alors, certes, quand Clémentine l’a nominée involontairement à la roulette, il était au courant de son sort depuis le début de la semaine et sa mise en danger, il l’a eu plutôt mauvaise. Ce qui est plus surprenant puisqu’il juge ses concurrents de cette semaine beaucoup plus dangereux de ceux d’il y a deux semaines. Mais lors de sa précédente nomination, il a un peu tiré la gueule toute la semaine, l’empêchant de profiter de celle-ci, raison pour laquelle il ne se laissera pas abattre cette fois-ci. Et puis, s’il vient à quitter l’aventure, il sera relativement satisfait de son parcours, contrairement à il y a deux semaines. Et s’il accorde peu d’importance à la façon dont les autres peuvent le percevoir, il doit reconnaître que le fait d’avoir gagné plus de dix places dans la côte de popularité en quinze jours l’aide fortement à penser que son parcours ici n’est pas totalement inutile. Alors oui, s’il vient à partir dimanche, il aura la satisfaction de constater qu’il est parvenu à créer des liens avec les autres et à se faire apprécier malgré son caractère un peu particulier, ce qui fait qu’il sera parvenu à son but (même si l’argent reste une motivation, ça n’est pas la principale). Son état d’esprit plutôt positif lui permet d’oser quelques dérogations à ses habitudes, notamment celle l’obligeant à prendre l’escalier dès qu’il veut monter ou descendre à un étage. Car oui, aujourd’hui, fait exceptionnel, le voilà en train de patienter sagement devant l’ascenseur pour se rendre à la cuisine. Et l’idée que celui-ci décide de lui jouer un mauvais tour en restant coincé ne l’effraie même pas, c’est dire à quel point il est détendu. Reste plus qu’à espérer que cela continue. L’ascenseur arrive enfin et il n’hésite pas avant d’entrer à l’intérieur. Quand il se retourne dans la cage d’ascenseur pour faire face aux portes, la silhouette de Paloma entre dans son champ de vision et il bloque l’ascenseur à l’aide de son pied le temps qu’elle parvienne à le rejoindre. Les portes se renferment par la suite et il presse sur le bouton du rez de chaussée, mais rien ne se passe dans l’immédiat. Il laisse échapper un léger soupir, bien qu’il préfère que l’ascenseur soit lent plutôt qu’il cesse radicalement de fonctionner. Ils verront bien s’ils devront emprunter les escaliers, s’ils vont rester coincés ici ou s’ils pourront arriver à destination sans trop de souci. Il s’appuie sur l’une des parois de l’ascenseur et détaille l’espagnole un court instant. Pour une fois que c’est lui et non elle qui détaille l’autre. « Ce n’est toujours pas la grande forme ? » Il a remarqué à l’issue du prime qu’elle ne semblait pas dans son assiette. Et ce serait mentir que de dire qu’il n’a pas remarqué la morosité de la jeune femme depuis deux semaines, tant cela saute aux yeux. Ceci dit, la semaine dernière, il a eu l’occasion de passer du temps en compagnie de Paloma, à l’initiative de celle-ci et grâce à la surprise qu’elle lui avait préparée pour son anniversaire et il a pu constater que son humeur semblait s’améliorer. Visiblement, cela fut de courte durée, bien qu’il soit le dernier à la juger si elle est de mauvaise humeur, car ce serait l’hôpital qui se fout de la charité, très clairement. Disons juste qu’il tente de s’intéresser à elle, ce qui tombe bien puisqu’il n’a plus à faire sembler puisqu’il commence à apprécier chacun de ses colocataires et qu’il ne s’agit plus d’une corvée de prétendre être intéressé par ce qu’ils peuvent avoir à l’esprit.

Quand il se retourne, il bloque l’ascenseur pour laisser le temps à Paloma de le rejoindre. Quelques semaines auparavant, il n’aurait pas eu un tel geste, quel que soit le candidat qui venait en sa direction. Mais il commence à être serviable, gentiment, mais sûrement, même si ce n’est pas demain la veille qu’il commencera à se plier en quatre pour les autres. Il veut bien essayer d’être gentil, mais dans la limite du raisonnable. Quand Paloma entre dans l’ascenseur, il la détaille. C’est un acte égoïste et un peu cruel. Bien évidemment, il est dans un premier temps intrigué par le fait qu’elle ne semble toujours pas dans son assiette. Mais cette semaine les rôles semblent inversés, elle est celle qui est torturée et il est celui qui veut l’aider. Quitte à la mettre ma à l’aise. Oui, car le malaise, c’est ce qu’il ressent quand elle le fixe. Alors il la fixe pour une fois, peut-être un peu moins longtemps qu’elle ne peut le faire. Il est parfois cruel, Alistair, il a des réactions qui peuvent paraître disproportionnées. Mais il cesse bien vite, plus vite qu’elle et il ne la regarde pas comme une bête de foire, comme il a parfois l’impression qu’elle le fait. Il l’aime bien Paloma, mais il est parfois partagé vis-à-vis de ce qu’il ressent pour elle. Est-ce de la sympathie, parce qu’elle reste une jeune femme gentille et qui n’a pas eu peur de l’approcher ou de l’agacement, car, sans le vouloir, elle appuie parfois là où cela fait mal ? Après avoir cessé de l’observer, il lui fait tout de même une réflexion concernant la tête qu’elle affiche. Oh, elle est toujours la jolie Paloma à première vue, mais il commence à la connaître un peu, à force de la côtoyer et cela se lit sur son visage que ce n’est toujours pas sa semaine. Enfin, elle demande tout de même confirmation. « Oui. » Il déclare sans prendre de pincettes. Il essaie, pourtant, de faire preuve de tact, mais c’est encore une notion qui a tendance à lui échapper parfois, comme c’est le cas en ce moment-même. Paloma, sans être la personne la plus expressive du nid, l’est tout de même suffisamment pour que son visage trahisse son état d’esprit. Le prime a été éprouvant selon ses dires. Il est sceptique. Si ses souvenirs sont bons, Paloma n’a pas bénéficié d’un malus particulièrement désagréable, contrairement à d’autres, comme lui par exemple, qui se retrouve avec une nomination au-dessus de la tête. Peut-être qu’elle était mal accompagnée. Ou peut-être est-ce le départ d’Isaac, même si cette hypothèse le surprend. « C’est le départ d’Isaac ? » Il se décide finalement à demander, bien que l’hésitation dans sa voix le trahisse. Il n’est pas du genre à se mêler des affaires des autres, ça, Paloma l’a sûrement compris et saura qu’il ne s’agit pas forcément d’un jugement sur ce qu’ils ont pu faire dans la forêt. C’est juste que sans juger, il ne comprend pas pour autant. Elle s’est attachée à Isaac, à sa façon, mais il ne comprend pas comment son départ peut potentiellement influencer sur le moral de l’espagnole, quand on sait la façon dont Isaac traite les autres. Alors, certes, Alistair n’a pas eu le temps de percer la carapace d’Isaac puisqu’ils n’ont eu qu’une rencontre rapide et basée sur les apparences, peut-être que l’ancien taulard était plus profond que ce qu’il laissait croire. Mais oui, ça l’échappe, qu’elle semble lui donner autant d’importance alors qu’elle laissait encore entendre, il n’y a pas si longtemps que le petit jeu de Percy et Isaac la dépassait. Et pourtant, il a l’impression qu’elle est tombée dans le panneau. Mais encore une fois, il ne juge pas, elle fait ce qu’elle veut de sa vie, et comme il l’a dit lors de son bilan, il n’en a absolument rien à foutre de ce qu’ils ont pu faire. Il est juste curieux, curieux de savoir comment on peut s’attacher à une personnalité aussi agaçante que celle d’Isaac, même s’il ne s’agit pas du genre d’attachement dont on a l’habitude. Par la suite, elle fait référence à des conséquences. Les conséquences liées à ce qu’elle a pu faire avec Isaac ? Parce que Siomha les a questionnés sur cela lors de leurs bilans et si lui ne s’est pas épanché sur la question, peut-être que d’autres l’ont fait, il n’a pas vraiment écouté. Ou peut-être qu’elle parle de toute autre chose, il n’a pas suivi le prime en sa compagnie et s’est contenté de voir qu’elle n’avait pas l’air ravie par celui-ci sans se soucier du pourquoi du comment. « Tu veux en parler ? » Qu’il finit par demander. Parler de ses fameuses conséquences. Il pose beaucoup de questions aujourd’hui, du moins, beaucoup venant de sa part. Mais il est fatigué. Fatigué de toujours être celui qui se dévoile face à elle et aujourd’hui, il veut inverser les rôles.

Il ne pensait pas qu’il en viendrait à parler d’Isaac avec Paloma. Tout simplement parce que le candidat ne l’intéressait pas plus que ça puisqu’ils n’ont pas vraiment eu le temps de se rapprocher. Mais Paloma, elle, a eu le temps, et plus qu’un rapprochement platonique, alors il s’étonne lui-même de mettre le sujet sur le tapis, lui qui met un point d’honneur à ne pas mettre le nez dans les affaires des autres. Mais là, il ne s’agit pas d’une curiosité pour avoir sa dose quotidienne de potins, il tente simplement de prendre de ses nouvelles, à Paloma, elle qui ne semblait pas dans son assiette la semaine dernière, qui ne l’était pas plus lors du prime et dont la morosité semble s’éterniser. Ainsi, il s’intéresse à elle, d’une façon peut-être un peu maladroite, mais il fait des efforts pour paraître soucieux de son bien-être. Il n’a pas non plus besoin de se forcer à l’extrême, au bout de six semaines, il commence à apprécier certaines personnes. Peut-être pas au point de les considérer comme des amis ou de s’attacher à eux, mais suffisamment pour se soucier de leur état d’esprit quand celui-ci ne semble pas être celui dont il a l’habitude. Alors oui, cela se voit sur le visage de Paloma que ce n’est pas la grande forme et il opte pour la solution Isaac, bien qu’elle ne tarde pas à lui faire comprendre qu’il a tort, en lui demandant pourquoi il pense cela. « Parce que c’est la seule idée qui me vient en tête. » C’est aussi simple que cela. Parce qu’il lui arrive de ne pas chercher très loin et c’est exactement la façon dont il procède dans l’immédiat. Il ne réfléchit pas et opte pour la première option qui se présente à lui, à savoir le départ d’Isaac, même si cela peut paraitre une solution de facilité. Et puis, il n’est pas vraiment calé quant aux liens qui unissent les uns aux autres, mais Isaac et elle ont … eu un contact plutôt rapproché, alors il s’imagine, peut-être à tort, qu’il y a une certaine affection là-dessous, bien particulière mais pour autant bien présente. Finalement, elle lui explique que si son départ lui fait toutefois bizarre, elle n’en est pas triste et cela n’influence pas son humeur. « D’accord. » Il répond simplement. D’accord, il ne demandait pas forcément de précisions, mais il les a écoutées, alors il le montre. Quand elle évoque le prime éprouvant et surtout les conséquences qui s’en imposent, il finit par lui demander si elle veut en parler. Parce qu’elle le sait, à présent, qu’il est un meilleur auditeur qu’un orateur, que sa spécialité c’est d’écouter sagement. Ce n’est pas dit qu’il puisse être d’une grande aide en l’aidant à faire le tri dans ses soucis, mais au moins, elle sait qu’elle peut parler librement, qu’il ne jugera pas et surtout, que cela ne s’ébruitera pas en dehors de cet ascenseur. Mais elle ne veut pas vraiment en parler. Très bien, il accepte aussi cette réponse, ce n’est pas un problème pour lui. Ceci dit, elle décide de faire un effort s’il se montre indulgent sur la forme. Il hoche simplement la tête. Ce n’est pas lui qui va juger sa façon de s’exprimer, oh ça non, quand on connait la peine qu’il avait, il y a encore quelques semaines, à s’exprimer. Et même si cela va un peu mieux, les mots ne sont toujours pas son truc, la preuve en est par son manque de tact encore bien présent. « J’estime être indulgent. » Et tant pis s’il passe pour un gros prétentieux qui s’envisage d’une façon dont il n'est pas réellement. Mais oui, malgré tout, il estime être tolérant. Peut-être est-ce parce qu’il est très mal placé pour juger les autres ou parce qu’il a été élevé de la sorte, quoi qu’il en soit, c’est un point de son caractère qui est difficilement discutable. Il l’écoute par la suite quand elle lui explique ce qui influence sur son humeur. Ce n’est donc pas le départ d’Isaac, il s’est trompé, mais plutôt les réactions des autres vis-à-vis de ce qu’elle a fait avec lui – d’après ce qu’il pense avoir compris. Et c’est surtout sa passivité qui l’agace, à vrai dire. « Je peux comprendre. » Il déclare, en haussant les épaules. Oui, il peut comprendre, il s’est déjà retrouvé dans des situations similaires bien que la gravité de celles-ci ne soient pas comparables. « Mais je ne peux pas t’aider. » Oui, c’est un manque flagrant de tact, mais c’est la vérité. Il essaie malgré tout de se rattraper. « J’ai tendance à préférer la fuite quand ce genre de situations se présente à moi. » Et ce n’est donc pas parce qu’il se fiche complètement des problèmes de la jeune femme et qu’il n’a donc aucune intention de l’aider à y voir plus clair, simplement qu’il n’est pas le plus apte à lui porter son aide compte tenu de la situation. « Malheureusement, ce n’est pas une option qui s’offre à toi. » Au cas où elle n’aurait pas encore saisi la chose. Quoi que, techniquement, oui, c’est une option qui s’offre à elle, mais cela impliquerait de mettre un terme à son parcours ici et il pense, sûrement à raison, que ce n’est pas ce qu’elle veut. « Alors sois honnête. Quitte à les perdre, autant que tu puisses donner ton opinion. » Il termine, pinçant les lèvres, comme si son idée n’était pas la meilleure, mais bien la seule qui se présente actuellement à elle. Libre à Paloma de l’écouter ou non, il n’est pas vraiment connu pour être de bons conseils et il est le premier à admettre qu’il n’a pas toujours de bonnes idées, mais puisqu’il lui a demandé plus d’explications, il tâche tout de même de faire l’effort de trouver une potentielle solution à ses soucis. Et une fois n’est pas coutume, les prochaines paroles de Paloma ont le don de taper là où ça fait mal. Et pas juste une petite égratignure, un véritable trou dans le cœur. Mais ça, elle ne le sait pas, bien que le silence qu’il marque volontairement, le temps de se reprendre, de chercher, dans son esprit soudainement complètement désordonné, des mots capables de former une réponse correcte, doivent l’aiguiller sur le fait qu’elle vient de toucher un point sensible. « Oui. » Il finit par prononcer, péniblement. Il n’avait plus pensé à cela depuis quelques jours, son esprit était apaisé. Et il a suffi de quelques mots pour que tout lui revienne en plein visage. Pour que sa bonne humeur fasse place à son état habituel. Peut-être que demain, il aura surmonté cela. Peut-être que ce n’est que passager. Mais il sait que ça ne l’est jamais, bien qu’il l’aimerait. « Tu n’imagines pas à quel point. » Il déclare ensuite, reprenant un peu le contrôle de lui-même, osant à nouveau relever les yeux en direction de Paloma. « Je suis un spécialiste en la matière, si tu veux tout savoir. » Aucune pointe d’ironie ni de plaisanterie dans sa voix, il la module comme à son habitude : neutre et à peine assurée. Et il ne lui en faut pas plus pour décider de reprendre ses bonnes vieilles habitudes, à savoir se laisser porter par le silence.