Une demi-heure. Ça doit faire plus d’une demi-heure que je suis sous la douche. Physiquement du moins, mentalement, je ne suis nulle part. J’arrête pas de me torturer l’esprit et de remettre en cause ma vie, les choix que j’ai pu faire au cours de celle-ci et toutes les mauvaises choses auxquelles j’ai pu être confronté. Je dois ressembler à une victime de viol. Je suis recroquevillé dans un coin de la douche sous une eau quasi bouillante, le regard dans le vide. Et nu. Alors que d’habitude, je garde toujours de quoi cacher mes parties intimes. Pour le coup, je suis tellement plié qu’on ne peut rien voir à part mes genoux, quelques doigts par-dessus et un bout de mon visage. Ça représente assez bien la situation. Il ne reste plus grand-chose de moi. Si bien que je ne capte pas la présence de Aaron dans la douche.

Je m'en vais prendre une douche avant de dormir alors forcément, je passe par la salle de bain. Au premier abord, la salle de bain me parait vide, mais j'entends ensuite l'eau du jet actionné. Je ne vois personne, jusqu'à me rapprocher suffisamment pour voir le coin du mur, et découvrir le corps de Sacha recroquevillé sur lui-même. J'aime mais alors pas du tout cette vision. C'est juste horrible, et ça me fait un petit picotement au coeur. Il est vraiment dans un sale état et je peux comprendre pourquoi. Je me dépêche d'éteindre le jet d'eau, je ne sais pas si ça suffira à faire monter son regard vers moi mais de toute façon je ne compte pas m'arrêter là. Je me penche vers lui, pliant mes genoux pour me mettre à son niveau et le couvrir de mes bras. Je me retrouve rapidement mouillé à mon tour, tout habillé, mais je m'en fous. Je comptais me changer de toute façon, c'est pas le plus important. « Sacha... » Je souffle un peu peiné, ne sachant pas trop quoi faire dans cette situation alors je reste contre lui quelques minutes, le temps qu'il reprenne la force de se lever. Je le laisse quelques instants le temps de chercher une longue serviette et l'entourer avec pour le relever. « Viens là... » Je l'emmène avec moi et l'assit sur une chaise. J'ai l'impression de m'occuper d'un être sans vie mais ça ne me dérange pas. J'étais comme ça moi aussi, y a quelques semaines pour d'autres raisons. Je le frictionne avec la serviette pour le sécher un peu. « Je suis embêté parce que je sens que tu devrais pas dormir seul cette nuit, mais que je sais que je ne suis loin d'être la personne idéale pour ça... » Je souffle énervé de ne rien pouvoir faire sans empirer les choses en m'agenouillant pour sécher ses jambes rapidement.

Je crois bien avoir passé la pire journée de mon aventure. C’est incontestable. J’ai quasiment tout perdu. Elsa. Lou. Je suis au plus mal. La conversation avec ce dernier aujourd’hui m’a encore plus miné. J’ai perdu tout espoir et je me laisse pourrir dans la douche. Je pense plus que jamais ce que j’ai pu dire à Adnan la nuit dernière. Je suis un minable et ne vaut rien. Le fait que l’eau bouillante ne coule plus sur ma peau me fait revenir à la réalité. Ma tête oscille et mon regard noir atteint l’auteur de ce crime. Aaron. Ça ne suffit pas à le faire reculer. Il s’approche de moi, habillé et m’enlace. Je ne trouve même pas la force de le repousser. « Laisse-moi. » Ma voix est faible. Je ne dois pas être très convaincant. Pas du tout même. Et ça ne décourage d’ailleurs pas le candidat. Il reste à m’enlacer sans rien dire et je ne dis rien non plus. Je frissonne simplement tandis qu’il me sert un peu plus fort. Je ne le regarde pas. Mon regard est vide. Je ne remarque même pas quand il s’en va. Mais je le sens. Le froid happe ma peau et je frissonne encore plus. Et puis, une serviette se colle contre moi. Il est revenu et s’occupe de moi. Je suis tel un légume, faible et sans force et me retrouve assez vite installé sur une chaise avec une large serviette. J’écoute à peine ce qu’il peut me dire. « Habille-moi. » Pas de s’il-te-plait, rien. Je ne le traite pas pour autant comme un chien. Je veux juste qu’il m’aide et qu’il me soutienne. J’ai besoin de ça et peu importe la personne. « Ce qu’on a fait… on n’aurait pas dû. » Je finis par déclarer enfin d’une voix faible en brisant le silence qui s’était installé. Techniquement, Aaron et moi n’avons rien fait de mal. On s’est fait du bien même. Mais en réalité, on a fait du mal autour de nous. On a été égoïste et ce, même si l’alcool y était pour beaucoup.

« Laisse-moi. » « Même quand t'es au pire de ta forme, tu fais des blagues toi... » Je souffle sur un ton protecteur et assuré, avec un sourire qui contraste avec la situation présente. Oui, c'est une bien bonne blague qu'il me fait là, parce qu'il croit vraiment que je vais le laisser dans cet état piteux, partir comme si je n'avais rien vu ? J'ai juste envie de rire quoi... enfin pas vraiment pour le coup. Alors je m'occupe de lui, le couvre, le réchauffe, l'installe sur une chaise, le sèche même. « Habille-moi. » Et maintenant je dois l'habiller, décidément... Mais je m'en fous en réalité. Je veux juste être là pour lui, je peux comprendre dans quel état il est, j'ai pas envie de l'abandonner, de le laisser seul. Alors je m'exécute docilement. Je prends les premiers vêtements qui me passe sous la main, et ce sont les miens, que j'avais pris pour après ma douche donc bien propre. Je me mets à genoux pour faire glisser ses jambes dans mon boxer, le remontant doucement pour lui enfiler, puis je lui mets mon débardeur blanc assez échancré. « Ce qu’on a fait… on n’aurait pas dû. » Je souffle un peu, sachant pertinemment qu'il a raison. « C'est trop tard pour regretter... » C'est normal qu'il se sente coupable, mais je veux pas que ce soit au point de le mettre dans un état pareil. Je pose ma main sur son front, remonte doucement sur son crâne en une douce caresse affectueuse. « Ça va s'arranger. » Je lui dis d'un ton assuré. J'en suis persuadé, c'est obligé.