C'est l'ennui qui vient la frapper de temps en temps Pia quand elle se trouve dans la maison et qu'aucun autre candidat ne semble avoir l'envie de lui tenir compagnie. Au début c'était plus simple parce qu'avec une trentaine de personne, si on en est pas au point de se marcher dessus, il est quand même plutôt rare de se retrouver tout seul à se morfondre dans son coin. La population se clairsème, pourtant, une petite douzaine de survivants. Bientôt on pourra les compter sur les doigts de la main. C'est l'heure des paris. Qui sautera dimanche prochain, alors ? Qui n'aura pas l'honneur de faire partie des dix élus ? C'est difficile à dire parce qu'à ce stade, ils le méritent tous. Elle aime bien penser comme ça la rouquine. Chacun d'entre eux a fait ses preuves dorénavant. Ils vont passer la dernière ligne droite. Plus qu'un simple virage. Un virage comme celui qu'elle s'amuse à suivre du regard. Elle se rappelle de ce qu'elle avait dit Pia un soir à la blonde potiche qui est payée pour les écouter parler en baillant. Elle voulait pas partir avant d'avoir pu faire un tour de karting. Pas avant d'avoir découvert ce que ça faisait, de conduire une voiture digne de ce nom qui ne risquait pas de se disloquer en passant la seconde. Elle cherche du regard un adversaire parce que concourir contre soi-même ça assure la victoire mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus drôle. Elle finit par la trouver, sa victime et s'approche de lui pour venir le traîner par la main.  « Yo Aaron aller viens, viens s'il te plaît on va faire du kart c'est trop cool dis-oui s'il te plait. ». Elle laisse pas le temps à son camarade d'ouvrir la bouche, comme d'habitude, se contentant de lui adresser un simili regard de chaton mignon.

Je ne vais pas mentir en disant que je ne m'attendais pas à arriver jusque-là, pour la simple et bonne raison que je ne me suis jamais posé la question. J'avais un objectif en intégrant l'émission oui, mais ce n'était pas d'aller le plus loin possible, voir de gagner, pas du tout. Alors en arriver jusqu'ici, à trois semaines de la fin il me semble, c'est inespéré. J'ai eu beaucoup de bas mais aussi beaucoup de haut et aujourd'hui tant qu'à faire, je vise la finale oui, je vise la fin de cette aventure. Je compte profiter de chaque instants dorénavant, parce que je ne pourrais plus vivre tout ça quand ce sera fini. « Yo Aaron aller viens, viens s'il te plaît on va faire du kart c'est trop cool dis-oui s'il te plait. » Evidemment, toujours dans cette optique de profiter de chaque moment, je ne lui dirais pas non, surtout pas si elle prend cette petite bouille adorable mais je me la joue un peu réticent, la dévisageant avant qu'elle ne m'attrape la main alors que je traîne des pieds pour la suivre. « T'as dis deux fois s'il te plait. » Je murmure avec un léger sourire, comme si j'étais finalement convaincu. Je finis par arrêter de traîner pour prendre les devants et courir, vite, très vite au point que ça devient moi qui la traîne. « Allez ! » Je m'exclame en souriant, comme un vrai gamin. Oui c'est ce que nous sommes finalement, deux enfants excités à l'idée de jouer à un nouveau jeu ensemble. On arrive à la piste de karting et je monte immédiatement sur l'un des véhicule. « Le perdant a un gage ! » Je lui fais gentiment, préparé à commencer la course.

Elle l'attrape par la manche comme un gosse le ferait avec les jupons de sa mère, et c'est un peu l'idée. Elle est enfant, Pia, enfant femme et femme enfant, du moins elle veut l'être pour un instant. Et elle sait qu'Aaron est parfait pour ça, parce que c'est lui qui le lui a prouvé la dernière fois alors qu'ils faisaient un peu n'importe quoi dans les bois. Elle ne veut, pas penser, pas réfléchir, pas savoir. Rien de ce qui ne les attend tout à l'heure ne l'intéresse, Pia, elle préfère s'amuser avec ses petites voitures et son camarade de jeu plutôt que de faire des pronostics sur les prochaines nominations à s'en retourner le crâne. « Je sais. C'était pour être sûre que t'acceptes. », elle lui fait, une étincelle dans le regard, un peu puérile. Elle n'y pense pas, que ça pourrait être son dernier jeu avec Aaron. Elle ne veut pas songer que, dimanche, elle pourrait tout comme lui sauter. Dire adieu au nid, adieu à cette aventure de deux mois déjà, adieu à tout. Ils savaient tous en venant s'inscrire que ce serait une expérience en temps limité. C'était seulement beaucoup plus facile à accepter sur le papier. Elle sourit encore plus gros lorsqu'il la dépasse pour finalement prendre les devants, et accélère pour rattraper son retard. Vite, vite, ils n'ont pas le temps. Qui sait si ils auront encore l'humeur à jouer tout à l'heure. Elle se jette à l'intérieur d'un kart. Rouge. Comme toute petite voiture qui se doit. « Le perdant a un gage ! ». Elle acquiesce, l'esprit de compétition resurgissant. « Prépare toi à exécuter tout mes désirs, alors ! ». Et sans le prévenir, elle appuie à fond sur la pédale. Elle aime jouer, la rouquine, mais elle n'a jamais prétendu être fair play. Et là, plus rien ne compte, à part la vitesse qui fait voler ses cheveux et Aaron, qu'elle se doit de distancer. Elle aurait regretté toute sa vie de quitter le nid sans avoir essayé de rouler.