Ft PALOMA

Elle s'agite du côté de son lit. Paloma se décide à aller courir, je sais très bien que ce n'est pas la première fois. Elle aime bien cela, je ne comprendrais jamais. J'imagine que c'est pour elle une façon d'évacuer le trop plein d'émotion. Ou alors, tout banalement, entretenir son corps. Mais je ne peux me résoudre à cette option, la deuxième est bien plus poétique, avouez. Bien au chaud dans ma couette, je l'observe entrain de se préparer. Puis prise d'une soudaine impulsion, je me décide à la soutenir moralement dans cette dure épreuve que représente le sport pour moi. « Bon ok, je t'accompagne » je lui dis alors en me sortant du lit avec une énergie insoupçonnée, je m'étonne moi-même. Je m'habille très rapidement, dans une tenue qui pourrait presque penser que je vais faire un effort physique moi aussi. Je la laisse prendre de l'avance, le temps de me brosser les dents et de nouer mes lacets. Je finis par la rejoindre au stade, elle est entrain de s'échauffer, enfin, je crois. Vu que je ne le fais jamais ... « Finalement, tu sais quoi, je vais simplement te regarder » je lui dis, on ne sait jamais. « Faire ce que je fais de mieux: être ta fan » je plaisante alors en esquissant quelques pas vers la droite pour me frayer une porte de sortie en esquissant un sourire rayonnant pour faire un peu plus diversion, je commence réellement à devenir une expert des apparences ici. Je sais comment ça marche, enfin, le mécanisme de Paloma est un peu plus compliqué que les autres, surement parce qu'il est enrayé, mais c'est un défi de tous les jours. J'ai beau me dire que c'est l'une de personnes dont je suis la plus proche ici, parfois je me réveille en me disant que je ne connais rien d'elle. Alors j'improvise, j'esquisse, je me foire parfois, ça arrive même aux meilleurs. De plus, je trouve mon idée assez crédible puisque tout le monde sait que j'éprouve beaucoup d'admiration pour la brunette. Oui, oui, c'est vrai ! « Tu te souviens, c'est ici qu'on s'est réellement parlé pour la première fois » je souligne alors en lui glissant un doux regard avant d'esquisser un léger sourire. « Ça commence à dater » je remarque bêtement, presque deux mois, le temps passe tellement vite ici, c'est affolant.

Paloma a souvent besoin de relâcher la pression sous peine de se retrouver à exploser comme une cocotte minute mal armée. Ou trop bien armée. A l'extérieur c'est plus facile de le faire, il lui suffit de l'ambiance ouatée d'un musée, d'une oeuvre qu'elle adore et ça l'apaise. Ici c'est plus dur. Elle se perd dans la lecture, recherche le bruit des vagues qui l'apaise et puis quand ça suffit pas ou plus, Paloma court. Elle cherche pas la distance, elle s'en fout d'avaler les kilomètres, elle a juste besoin d'atteindre les limites de son corps et de les dépasser jusqu'à ce qu'il débande ses muscles, relâche la tension et que son coeur expulse tout son trop-plein. Ce matin, elle en ressent le besoin, Paloma. Comme souvent elle a mal dormi parce que même quand elle va relativement bien, y'a les nuits pour lui rappeler que son spleen même quand il est tapi dans l'ombre, il disparaît pas. Elle a fait un mauvais rêve qui pourrait plomber sa semaine et elle veut pas l'laisser faire. Alors elle se lève, doucement, file à la salle de bains se faire une toilette express et revient se préparer sous l'oeil alerte de Clémentine. Paloma la fixe d'un oeil curieux alors qu'elle enfile un short et un t-shirt. « T'es... sûre ? » Voir Clémentine se lever aussi rapidement et se mettre en ordre de marche sans plainte ou grognement de grand matin c'est un petit miracle qu'elle n'aurait jamais pensé admirer. La blonde finit par disparaître et Paloma suit sa chevelure platine du regard avant de continuer sa route sans savoir si elle va la suivre ou si elle s'est dérobée. Mais non, elle arrive Clémentine, et Paloma lui sourit avant de laisser à ses doigts le soin de toucher le bout de ses chaussures sans plier les jambes. Plusieurs fois. Jusqu'à ce que les mots de Clémi la frappent, en fait. « Dégonflée » qu'elle souffle de sa voix délicate, suave, juste pour plaisanter. Paloma s'attend pas à ce que sa petite provocation fonctionne aussi facilement sur elle et c'est pas le but : elle n'a besoin de personne pour courir parce qu'elle court pas pépère en comptant les tours de stade tout en racontant son week-end avec ses copines. Elle court à en perdre haleine, à s'en exploser le coeur, à le laisser sur le carreau jusqu'à ce que son corps soit trop crevé, trop secoué, pour protester. « Et c'est moi ta fan pas l'inverse » note Paloma en rivant un regard on ne peut plus sérieux dans les iris polaires de Clémentine. Elle a jamais caché tout le bien qu'elle pense d'elle, à elle comme à personne en fait. Blondie porte sur elle quelque chose de bouleversant, de fascinant. Elle irradie d'une aura particulière qui fait sens pour elle et lui effleure l'âme. Ca s'explique pas ce genre de choses, ça s'vit, alors Paloma se contente de savourer une relation simple, juste, vraie. « Bien sûr que je me souviens, Antigone » réplique-t-elle avec une pointe de malice qui coule sur le dernier mot et l'enveloppe de miel. Antiogne, elle lui fera toujours penser à Clémentine maintenant et vice-versa. C'est sa perspective biaisée d'il y a deux mois mais elle peut pas s'empêcher de l'imaginer sous ses traits, maintenant, même si elle ressemble bien plus à Ismène la belle. « Pourquoi c'était si important pour toi de savoir ce que t'inspirait ? » Paloma, ça l'intrigue. Maintenant qu'elle la connaît mieux elle voit bien que Clémentine n'est pas vraiment le genre à attacher une importance démesurée à ce que pensent les autres. Alors ouais, ça la surprend et maintenant y'a prescription alors elle a pas d'autres choix que celui de lui répondre. C'est ça ou courir avec elle en lui collant aux talons et Paloma doute que Clémentine aime cette seconde option.

Pour une fois je m'active. La voix de Paloma raisonne rapidement, je redresse simplement ma petite tête blonde, concentrée, coulant simplement regard à la jeune femme. « La façon dont tu doutes de ma motivation pourrait presque être vexante tu sais ... » je laisse échapper d'une voix blanche avant de poser mes prunelles sur la demoiselle tout en finissant de lacer mes chaussures en me dépêchant tout de même parce que je ne veux pas la faire attendre. Je la laisse s'échapper, partir devant avant de la rejoindre cinq minutes plus tard Paloma m'assène d'un "dégonflée", une légère moue faussement attristée se peint pendant une poignée de secondes sur mon visage de poupée. Je pince simplement les lèvres un instant pour continuer l'illusion qui semble dire que ce qu'elle dit me touche. Mais je n'ai pas besoin de sport pour me défouler, pour extérioriser « Je n'ai jamais prétendu le contraire » je miaule en la regardant en battant des cils façon Bambi. Je ne suis pas une sportive, je ne l'ai jamais été, je déteste user et faire mal à mon petit corps déjà malmené par la vie. Et puis je suis fragile comme fille, ça se voit à ma dégaine. Je ne suis pas mince, je suis squelettique. Mon corps a déjà bien vécu je trouve. Paloma me corrige alors. « C'est vrai » je fais mine de me souvenir en enroulant une mèche platine autour de mon index comme une idiote. « Il faudrait même soigner cette obsession avant qu'elle ne te soit nocive » je déclare en esquissant un sourire éblouissant pour la peine. Sa réflexion me fait sourire parce que ce n'est pas soit pas la première fois qu'on s'associe à un personnage littéraire. La plupart du temps c'est Juliette. Paloma s'interroge sur ma demande datant de quelques semaines déjà. J'esquisse un sourire mutin. « Parce que ton avis est important » je réponds comme s'il s'agissait d'une évidence en fronçant les sourcils étonnée que cela nous lui saute pas à gueule. « Et maintenant je dirais qu'il est cruciale » je corrige alors en esquissant un léger geste de la main, frôlant l'une de ses épaules au passage. « Et aussi parce que j'avais envie de te faire parler » je me moque simplement parce qu'il me semblait que la brune avait été étonnée de ma question, mais je ne l'avais jamais autant entendu parler qu'à ce moment là. Je m'approche de la demoiselle pour enrouler brièvement mes bras autour d''elle. Juste une seconde. Ou deux. Je la relâche ensuite. « Avant que tu ne sois toute transpirante » je me justifie en mimant un air dégoûté.