Je ne sais pas à quoi elle joue, Paloma, à quoi elle s'attend en me réveillant à cette heure-là. Heureusement que je suis conciliant au réveil, même plus que d'ordinaire puisque je suis encore dans les vapes, comme un enfant perdu incapable de prendre une décision seule et suffisamment influençable pour dire amen à n'importe quoi. Est-ce que c'est n'importe quoi, de la suivre ? Pour le moment je ne sais pas mais j'ai envie de le savoir. J'enfile le jogging qui traine au pied du lit ainsi que la veste à capuche qui va avec pour couvrir mon torse et je la suis docilement. Jusqu'à retirer mes baskets, jusqu'à que mes pieds foulent les grains de sable et bien sur, je vois où elle veut en venir. Je m'installe à côté d'elle, à une distance d'un bras donc suffisamment loin par réflexe. Un sourire nait sur mon visage en me perdant dans l'horizon. Elle triche Paloma, elle connait mon faible pour les levers de soleil. Pour autant, il s'éteint en douceur lorsqu'elle prend la parole, pour me faire revenir à la réalité. « J'ai cru que c'était pour moi, l'annonce de Cupidon. Ou pour toi. » J'ai eu peur aussi d'être concerné, comme tout le monde mais sans aucune raison particulière. J'estimais ne rien avoir à me reprocher finalement, mais une connerie peut tellement vite passée la barrière des lèvres sans que l'on s'en rende compte. « C'est peut-être notre dernière semaine ici, ensemble, alors j'me suis dit qu'on devrait finir l'aventure comme on l'a commencée... malgré tout » Je ne sais pas moi, si ça en vaut la peine, ou même si j'en suis vraiment capable. Je fais des efforts, je vous assure mais ça reste difficile encore et toujours. J'arrive pas, à lui rendre son sourire, à lui parler avec douceur. « A quoi bon ? » Elle peut pas rendre ce que l'on a partagé beau, cette page ne peut pas se terminer proprement. J'en suis désolé, parce qu'elle, elle fait des efforts mais moi j'y arrive pas. Je pourrais pas penser à ses souvenirs de façon positive, ou tout ce qui la concerne elle en général. Je sais bien qu'elle n'est pas méchante Paloma, bien au contraire. Je sais qu'elle ne mérite pas autant de rancune de ma part, et même qu'elle mérite vraiment d'être heureuse. Elle a traversé des choses difficiles, je le sais aussi. Je baisse les yeux sur le sable, sur mon doigt qui s'amuse à faire des cercles jusqu'à que le soleil fasse son apparition et m'arrache un demi-sourire malgré moi. « Tu comptes faire quoi après Fake Lover ? » « Je vais me trouver un job de commercial, ou peut-être pas tout de suite tout de suite... Je ne sais pas. » Tout dépend de beaucoup de choses à vrai dire, de comment va évoluer ma relation avec Adnan, de comment va passer ma sortie, de l'argent que je vais gagner. « Tu sais, même quand je te haïssais, je n'ai jamais pensé que tu étais quelqu'un de mauvais... Et quoique tu fasses à la sortie, je te souhaite d'être heureuse. » Je fais sincèrement. On ne se reverra plus, on perdra rapidement contact après l'émission, c'est sur alors c'est maintenant ou jamais que je peux lui dire.

Je ne sais pas à quoi elle s'attend Paloma, je ne comprends pas quel est son but. Je suis ouvert à la discussion, à entendre ses explications pour refermer cette page sans l'arracher mais là j'ai l'impression que ça va au delà, et ça me déplait, comme si notre complicité revenait malgré nous à cause des ses bonnes intentions dégoulinantes de bons sentiments. Non, je veux pas moi. On commence comme ça et après quoi, tout redevient comme avant ? Je n'attends pas à ce qu'elle répare quoique ce soit, juste qu'elle me donne son point de vue, cette vision de l'histoire que je ne connais pas.  « Contente-toi des explications... s'il te plait. » Mon ton n'est pas froid, c'est presque un ton suppliant que je prends, pour pas tomber dans le piège de sa gentillesse, vouloir au final garder contact. Je sais très bien que ce serait de la torture si ça arrivait parce que j'aurais toujours cette rancune contre elle, qui reviendrait sans arrêt faire du mal, à elle, à moi. On ne serait pas heureux dans la même vie. Alors il vaut mieux qu'elle ne tente rien de réparer, quitte à ce que j'ai un moins bon souvenir d'elle, parce que c'est mieux pour nous deux au final. « De... commercial ? » Elle ne me connait pas comme ça Paloma, tout simplement parce que ce n'est pas une partie intéressante, ni pour les autre, ni pour moi. « Mais enfin... t'es à mille lieux de ça » Je sais ce qu'elle pense et elle a raison, je suis à mille lieux de ça. Elle, elle connait mon côté artistique, sensible et écorché. Elle connait et reconnait en moi cette partie de lui et c'est tout, parce que c'est ce que je lui ai montré ces derniers quelques mois, parce qu'elle faisait ressortir ça chez moi, ce qu'il y avait de plus fragile. Elle a raison sur toute la ligne, sur tout ce qu'elle dit, sur les raisons qui me poussent à aller dans ce milieu là et abandonner l'autre qui lui plait tant. Selon elle, ce sont de mauvaises raisons mais moi j'en suis pas aussi sur qu'elle. « Ne dit rien Paloma, s'il te plait... » C'est déjà difficile de laisser tomber ce qui plait autant, alors il ne faut pas non, que quelqu'un me dissuade parce que je pourrais facilement me faire influencer. Mais surtout, je ne veux plus l'entendre parler parce qu'elle me fait sentir important à ses yeux et ça me fait mal au coeur, de me dire que je vais devoir abandonner une personne qui l'ait tout autant pour moi. Je préfèrerais qu'elle fasse semblant d'en avoir rien à faire, ça aiderait tellement... Mais elle est pas comme ça Paloma, je la connais moi aussi. Elle commet des fautes, de lourdes fautes mais elle n'est pas mauvaise et elle mérite tellement d'être heureuse. Son merci laisse place à un silence complaisant, loin de rendre mal à l'aise. « Tu crois que le bonheur a une date de péremption ? » Mon regard se pose un instant sur elle avant de retrouver l'horizon de vue. Je fronce un peu les sourcils, parce que je suis pas doué pour ça, pour ses théories philosophiques. J'en sais rien, si le bonheur a une date de péremption mais j'ai pas envie qu'elle le pense elle en tout cas. Forcément, on sera plus apte à accueillir le bonheur qui nous vient si on pense qu'il est illimité. « Bien sur que non... Il faut juste bien le déceler lorsqu'il arrive... » Ne pas perdre une occasion d'être heureux, c'est tout. Je dis ça avec assurance, pour qu'elle elle le croit aussi. Elle mérite d'être heureuse Paloma, je lui ai dis, je le pense sincèrement. Même si ça sera difficile, elle peut l'être.