Je me traîne dans les couloirs d’un air paisible, presque heureux d’avoir retrouvé ce royaume que j’ai toujours dominé même si personne n’irait l’admettre. Ou même remarquer, mais après plusieurs semaines passées dans ce château à étudier et jauger mes camarades, je sais qu’ils souffrent tous d’une certaine forme sévère d’aveuglement. Une injure en italien étouffée par les murs en pierres parvient jusqu’à mes oreilles et me fait dresser la tête avec intérêt. J’aligne les pas vers la cuisine où un rapide coup d’œil dessine automatiquement un sourire satisfait en y découvrant Pia. Le doigt coincé entre ses lèvres légèrement étirées pour parfaire le tableau. « Tu veux ma cazzo ? » je me moque ouvertement, puisque dans ma tête elle mériterait bien plus d’être suçotée à la place de son index. Je m’avance un peu plus dans la pièce en arborant mon air de branleur un peu trop confiant. Elle me parle d’une tarte aux pommes qui me tire aussitôt un ricanement. Comme si j’étais le genre de types à enfiler un tablier pour me mettre derrière les fourneaux. Non, dans mon monde c’est un truc de gonzesses ou de types comme Mallaury ou je ne sais quelle autre tapette qui fréquente le nid de s’adonner à ce genre d’activités. Je préfère me mettre les pieds sous la table et profiter, plutôt que de travailler pour trouver mon salut. J’ai toujours fonctionné ainsi et pas uniquement en ce qui concerne l’heure du diner. « Non. » je me contente de souffler d’un air moqueur face à la naïveté d’une telle question. Pia me tend une pomme tentatrice qui me fait hausser un sourcil. « Je n’envisageais pas ce genre de fruit défendu. » Le péché ce n’est pas censé être inscrit dans ses gènes ou quelque chose comme ça ? Parce que moi j’ai toujours cru à l’hérédité des traits de personnalités. Ma mère était une sacré salope, alors je suis un salop, question de logique. Tout comme ses parents ont transgressés les lois divines en cédant à la luxure, Pia ne doit pas vivre d’après une pure chasteté. Pourtant, j’ai l’impression que ça traîne en longueur cette histoire et automatiquement ça me frustre. Je plante mes dents dans la pomme pour en goûter un bout juteux à défaut de pouvoir me mettre autre chose sous la dent cet après-midi. Elle me parle de mon retour, tout comme Paloma l’a fait en premier lieu la nuit dernière comme si celui-ci était si inenvisageable. « Compte tenu de la dégénérescence que connait le nid depuis mon départ, je me devais de venir relever un peu le niveau. Je ne veux pas qu’on m’associe trop à un mauvais cru de candidats. » Je sais que ce n’est pas évident d’arriver à mon niveau, mais peut-être qu’en faisant quelques efforts… J’hausse les épaules négligemment en lui fournissant comme à la bonne époque où ma peine de prison était sur toutes les lèvres une toute autre raison que celle que j’ai donné à l’espagnole. « Oh. Et pour la place en finale, je t’avais prévenu… » j’argue dans un sourire. Ça ne m’étonne pas que Paloma soit arrivé à ce stade du jeu, c’est la seule à avoir su bien me prendre pour tirer tous les bénéfices de ma queue miraculeuse.