@Cecil

« C’est pas possible… » Je sais que je ne devrais pas m’emporter de la sorte, je crois que le manque de sommeil n’y est pas pour rien. Après tout, ce n’est qu’un ingrédient. Mais c’est l’ingrédient indispensable à la recette que je veux préparer pour ce soir, ayant l’intention de nourrir le plus de candidat possible. Oui, on est dans la nature, mais ce n’est pas une raison pour mal manger. La bouffe, c’est tout aussi important que… tout en fait. C’est aussi important que mes enfants, tiens. Là, ça démontre à quel point la bouffe à une place de choix dans mon cœur. Ok, j’exagère peut-être un peu. Sauf que là, ma recette de poulet risque d’être gâché parce que la production n’a pas écouté une de mes demandes. Et je sais que cela sonne comme si j’étais une petite princesse, ce que je ne suis pas. Mais merde, je n’ai pas demandé un matelas king pour mettre dans ma tente non plus. Non, moi tout ce que je voulais, c’était du paprika. Ouais, du paprika. Je crois que c’était raisonnable. Mais non. Pas de trace de paprika. J’ai beau chercher, cela ne prend pas une éternité pour remarquer qu’il n’y en a pas, vu la grandeur de la pièce. Les cheveux roux en bataille, je me sens presque devenir hystérique pour une simple épice. Du calme Joey… Du calme. Comme ça, je me ferais bien penser à ma mère tiens. Et cette seule idée à le don de me faire dresser les poils de bras. Et de jambes, vu que les rasoirs ne sont pas disponibles ici. Classe, je sais. Soupirant, j’abandonne ma recherche au moment même où le grand noir, qui avait été notre chef à intérim durant le premier soir ne fasse son apparition dans la petite cabane. Il a une carrure imposante, s’en est presque intimidant aux premiers abords. Enfin, si j’étais le genre de femme à me laisser intimider par un homme. « C’est toi qui a volé le paprika? » Bonjour, je suis Joey, enchantée. Je le regarde, presque menaçante alors qu’il me domine de sa grandeur. J’ai vraiment l’air d’une belle parano, c’est pas croyable. Je soupire à nouveau, comme si c’était la seule façon qui m’apparaissait pour me calmer. « Je ne dis pas ça parce que t’es noir. » Parce que bon… Ça serait le summum qu’il pense que je suis raciste quoi. Je n’aurais peut-être pas dû ajouter cette phrase. « Désolé… La nature commence à me rendre à bout de nerfs. » C’est bien deux trois jours, mais là, je commence à avoir hâte de prendre une douche et d’avoir un vrai lit. Je tente un sourire, histoire d’établir une bonne relation. D’essayer au moins…

Je me balade, je siffle un air, les mains dans les poches, les cheveux aux vents même s'ils sont pas assez longs pour que ça ait un quelconque effet sur ma coupe. Au moins c'est bien, j'ai pas besoin de les coiffer. Je pourrais les brosser tous les soirs avant d'aller au lit mais le lendemain je me réveillerais avec la tête d'un des Jackson 5 alors je crois qu'on va évité, j'ai déjà assez souffert de ça étant jeune. Et maintenant c'est les cheveux blancs qui commencent à se ramener. Bon, c'est pas la fin du monde en fait. C'est même plutôt cool, ça me donne un petit côté grand sage à la Morgan Freeman, je trouve, et j'aime bien. De toute façon il leur fallait bien un aîné à respecter à ces jeunots, hein. Remarque, on doit pouvoir former un petit club de cinq ou six trentenaires si j'en juge rien que par l'aspect physique de certains, après il se peut que je me trompe donc je vais pas aller les chercher et les prendre par la main en leur annonçant gaiement qu'ils font partie du club du troisième âge alors que c'est peut-être pas le cas. Ça pourrait être mal pris, c'est pas forcément toujours une bonne chose d'avoir l'air plus vieux qu'on ne l'est. Ça complexe vachement les nanas d'ailleurs, ça, je crois. Moi je pense surtout que ça me rapproche de la retraite, youhou ! Bon et de la mort aussi... Mais c'est pas comme si ça allait me tomber dessus demain justement parce que j'y ai pensé. Quoi que, avec les tarés qui peuvent se balader parmi les potentiels candidats de la saison, on sait jamais. Non mais j'ai pas peur, je suis baraqué, mais quand même. Ce serait con de crever ici. Enfin au moins se serait médiatisé et je deviendrais sans doute célèbre pour être le seul homme mort pendant la dernière épreuve des sélections pour un casting. La lose, ouais. Après ça dépend, je peux mourir en grosse bouse ou en héros, ou juste en me faisant tabasser par une rousse qui a l'air sur le point d'exploser et qui me demande direct si c'est moi qui ait piqué son paprika. Je lève les mains en l'air, hands up don't shoot, je veux pas d'ennui moi. « Non, m'dame, j'le jure. » C'est pas très crédible je souris à moitié. Finalement elle soupire et je crois qu'elle essaye d'arranger son cas mais c'est pas trop ça. Enfin ça me fait rire quand même. « Oh, y a pas de mal, pendant un moment j'ai bien cru que t'étais de la famille de Molly Weasley. » Ouais, je sais que maintenant c'est plus Hunger Games qu'elle lit ma fille mais je suis vieux, j'ai toujours un poudlard express de retard, que voulez-vous. « Mais je dis pas ça parce que t'es rousse. » Nan, du tout, c'est à cause de son air trop adorable que je dis ça. Surtout qu'il doit y avoir que moi pour voir le rapport, m'enfin c'est pas grave, je m'y suis fait avec le temps. Finalement la rouquine s'excuse, la faute à la nature qui lui monte à la tête. « Je comprends, c'est vrai que si on a pas l'habitude... » Je fais des petites cercles avec mes doigts, genre "ça peut rendre marteau". « Tu veux que je t'aide à chercher peut-être ? Il se pourrait qu'ils l'ait planqué tout au fond de la dernière étagère et que tu puisses pas l'atteindre. » Je hausse les épaules parce que ça se pourrait bien, ouais. Avec ces vicieux de la production, on sait jamais.