SAYID & @ADDIL
vendredi 13 mars - 16:27

Il n'était pas particulièrement fan de cette idée, se laver dans le lac. Pas qu'il ne soit du genre chochotte, il avait déjà testé conditions plus précaires que celle-ci, et même si la capitale avait su se développer à vitesse fulgurante ces vingt dernières années Kinshasa possédait encore des quartiers où l'eau courante restait un luxe que tout le monde ne pouvait pas s'offrir. Mais là, alors qu'une bâtisse immense trônait de l'autre côté d'un portail repeint en doré, les priver du confort minimal qu'était celui d'un véritable endroit pour se laver faisait grincer des dents un Sayid qui ne voyait rien de romancé ou de romantique au fait de jouer au pauvre, jouer au sauvage, ou peu importe quelle vision des choses en avait la production. Il se faisait à la chose sans broncher pourtant, condition sine qua non au fait de ne pas gicler dimanche, condition sine qua non à l'obtention d'une cagnotte ... Après resterait à la conserver aussi longtemps que possible, mais chaque chose en son temps. Sans broncher mais pas sans y mettre ses propres conditions, aussi s'il avait imposé à Clarke le fait qu'il avait décidé de dormir au dessus du sac de couchage et sans ôter ses chaussures, il avait aussi imposé le fait qu'il irait se laver la nuit, pour être tranquille, et tant pis si cela signifiait mettre deux fois plus de temps à effectuer le trajet d'aller-retour dans la pénombre ; Il avait un très bon sens de l'orientation, il était temps de le mettre à profit pour quelque chose d'utile. Il n'y avait donc aucune raison apparente au fait qu'il traine aux abords du lac en pleine journée, et celui qui parviendrait à se persuader de faire trempette n'était pas encore né, mais pourtant il était là. Adossé à un tronc d'arbre il zonait, utilisant quelques cailloux plats ramassés au hasard pour tenter quelques ricochets malheureux, sans grand espoir de réussite s'il ne se décidait pas à se décoller de son arbre. Fallait qu'il se bouge, qu'il fasse un effort ... qu'il se sociabilise. Mais cela lui demandait toujours de prendre tellement sur lui et de se concentrer, il avait parfois du mal à rassembler assez de courage et de motivation pour se faire violence. Et comme pour le punir voilà que le hasard avait décidé de mettre sur sa route un autre participant, comme pour le forcer à faire un effort, et tandis que ses prunelles glissaient sur la silhouette d'Addil de façon aussi calculée que le chat qui guettait la souris, il s'était entendu demander d'une voix neutre « Tu es superstitieux, Addil ? » Il avait retenu son prénom sans mal, comme tous les autres, même si la réciproque n'était probablement pas vraie. Il s'en fichait bien Sayid, que l'on retienne son prénom facilement ounon, si passait le cap de cette semaine les autres auraient tout le temps pour l'imprimer dans un coin de leur tête. « J'ai entendu quelqu'un se plaindre du vendredi treize. » avait-il finalement rajouté d'une voix blanche, comme pour expliquer sa précédente question. Mais à quoi s'attendaient-ils au juste, à ce qu'il pleuve des grenouilles ou que des sauterelles envahissent le campement à la nuit tombée ? Le vendredi treize n'était pas plus différent que le jeudi douze.

Addil n'avait plus envie de faire la même erreur que la dernière fois. Aller tout nu dans le lac était définitivement une mauvaise idée en raison des nombreux candidats que l'on pouvait trouver et cela même tôt le matin. De plus cette fois-ci il était un peu plus tard et tout le monde devait-être debout, donc il n'avait pas envie d'aller faire une baignade à cette heure-ci. Surtout qu'il y avait déjà été quelques heures plus tôt. L'eau glacé lui donnait encore quelques frissons. Il faut dire que la première fois qu'il était rentré dans cette eau glacée il l'avait senti s'introduire dans son corps et cela ne lui avait pas fait que du bien. Marchant tranquillement depuis au moins trois minutes, Addil savait qu'il était bientôt arrivé. Mais une voix l'interpella alors que lui était toujours dans ses pensées. Bizarrement cette personne connaissait son prénom, il regardait l'homme qui était plutôt charmant. Il fallait dire qu'il y avait rarement de garçons avec un physique dégueulasse dans des émissions comme Fake Lover. Addil en avait la preuve. Une question totalement stupide. Lui superstitieux ? Et puis quoi encore. Le vendredi treize n'est pour le jeune homme qu'une superstition idiote. Il rit au nez de ceux qui y croient. « Non pour moi les superstitions ne sont que des mythes. A l'image des contes pour endormir les enfants. Par contre pour ton prénom je sais qu'il commence par Sa ... Mais après j'ai comme un trou de mémoire. » dit-il en laissant échapper un léger rire. « Pourquoi crois-tu vraiment que le vendredi treize est maudit ? Je pense surtout que tout est relié au cerveau. Les personnes qui pensent que le vendredi treize est un jour malheureux sont tellement persuadés que ce jour est malheureux. Qu'il le devient à cause de la pensée qui devient plus forte. Oui peut-être que je me suis un peu trop emballé sur mon explication. » répondit-il en plongeant son regard dans le sien. Un jeu de regard pouvait dire beaucoup, Addil voulait surtout jauger son adversaire. Voir s'il se laissait intimider, si au contre il était sur la défensive ou dernier cas s'il s'en foutait royalement. Ce bel homme l'intriguait, comme quelques personnes ici qui avaient attiré depuis le début son attention. Et il est parfois difficile d'obtenir l'attention d'un garçon comme Addil.

Il ne croyait en rien Sayid, en rien qui ne soit pas tangible et scientifiquement prouvé tout du moins. Pour les gens normaux il passerait simplement pour quelqu'un de cartésien, ou éventuellement de trop sérieux, aux yeux de ses parents il passait pour un horrible mécréant. Bon, et au fond il ne s'agissait que d'une expression de la vérité, Sayid était effectivement un mécréant, et si les convictions de ses parents n'avaient pas suffit à faire de lui un homme de foi, que dire de boniments culturels qui ne le rendraient assurément jamais superstitieux. Il était cependant empreint d'une certaine curiosité quant à tenter de comprendre pourquoi certaines personnes se laissaient guider par ces peurs irrationnelles concernant un chiffre, une couleur ou un jour de l'année ... Toutefois ce n'était pas Addil qui l'aiderait à comprendre ce phénomène, puisque sans avoir besoin de prendre le temps de la réflexion ce dernier avait répondu « Non pour moi les superstitions ne sont que des mythes. A l'image des contes pour endormir les enfants. Par contre pour ton prénom je sais qu'il commence par Sa ... Mais après j'ai comme un trou de mémoire. » Il avait tenté d'esquisser un sourire, se calquant pour cela sur l'expression qu'arborait Addil sur son propre visage mais sans aucune garantie de succès. Il ne lui reprochait pas de ne pas avoir retenu son prénom, à vrai dire il était tellement habitué à retenir celui des autres avant que la réciproque soit vraie qu'il ne s'en formalisait plus désormais « Sayid. Avec un Y. » depuis que Clarke avait butté sur son prénom le barbu se sentait presque obligé de le préciser, afin que la chose ne se reproduise pas, et ce même si le côté tranché de son accent typiquement britannique laissait généralement peu de doute quant à la prononciation adéquate. « Pourquoi crois-tu vraiment que le vendredi treize est maudit ? Je pense surtout que tout est relié au cerveau. Les personnes qui pensent que le vendredi treize est un jour malheureux sont tellement persuadés que ce jour est malheureux. Qu'il le devient à cause de la pensée qui devient plus forte. Oui peut-être que je me suis un peu trop emballé sur mon explication. » Sayid était resté interdit un instant, le débit de parole d'Addil l'obligeant à se concentrer pour saisir le bon ton, l'ironie éventuelle, ou le second degré potentiel. Il n'avait l'impression de rien de tout cela pourtant, à vrai dire Addil lui donnait l'impression de parler comme le ferait un scientifique et la chose le rendait naturellement aussi curieux que méfiant. Alors que dans un sens il en était lui-même un, de scientifique, mais Sayid n'affirmait pas un instant fonctionner de manière rationnelle et logique. « Non, je vois ce que tu veux dire. » Que de la même manière qu'une expression voulait que la chance arrivait lorsqu'on savait la provoquer, il en serait donc d'après lui de même pour la malchance, que l'on attirait forcément si l'on se mettait à y croire. « Mais les gens ont besoin de croire tout un tas d'âneries pour se dédouaner et se trouver des excuses. » Là encore il suffisait de voir ses parents, toujours à se cacher derrière la religion pour expliquer la moindre de leur décision ou action, et au final ne jamais rien assumer. Jamais. Balançant à l'eau le dernier de ses cailloux, non sans qu'un sourire légèrement satisfait ne s'étire sur son visage quand l'objet avait ricoché trois fois avant de terminer sa course au fond du lac, Sayid avait reporté son attention sur le jeune homme, et changé totalement de sujet « Tu fais quoi dans la vie ? Tu parles comme un scientifique. » Est-ce qu'il venait une nouvelle fois de penser à voix haute ? Oops. Mais bizarrement cela ne lui faisait pas le même effet que d'habitude, il se sentait méfiant, mais pas autant ... C'était peut-être le prénom. Dans sa culture à lui c'était un prénom courant, cela lui semblait moins incongru qu'à d'autres, assurément.

Le prénom de l'homme qui était en face de toi te revenait en plein fouet quand il t'avoua qu'il s'appelait Sayid. Et il précisa avec un Y, de toute façon il n'avait pas besoin de savoir écrire son prénom. Quoi que c'était toujours pratique. Addil parlait trop, il agaçait, il énervait rapidement. Sa prise de parole était souvent comparée à de la prétention ou de l'égocentrisme alors que pas du tout. Il voulait juste exprimer son point de vue, il ne pensait pas être plus intelligent qu'une autre, juste parce qu'il est psychologue. Mais il aime juste ça la psychologie. Des personnes aiment le foot, la danse, le chant, lui sa passion était de comprendre le cerveau et les actes des personnes. Mais Sayid ne semblait pas le prendre comme d'autres, il partageait même le point de vue du beau brun, ce qui était une bonne chose pour lui. Il s'était dit qu'il devrait peut-être revoir sa méthode d'approche avec les autres, mais il était tellement naturel que ça sortait tout seul. Addil ne jouait pas un jeu, du moins il en joue un petit. Mais juste pour cacher ses émotions et tenter de manipuler les autres, mais les phrases il arrive à les sortir naturellement. « Au moins s'ils aiment y croire qu'ils y croient. La croyance a été inventée pour donner espoir. Lorsqu'on croit en une chose on a toujours un espoir même dans les mauvais moments. »  dit-il. Peut-être qu'il allait un peu trop loin ? Peut-être qu'il partait dans un délire philosophique trop complexe ? « Non j'ai horreur de la science. Pour moi les maths c'est 2 + 2 = 4. » » dit-il en laissant échapper un léger rire. « Je suis psychologue. Je suis sans doute fou et pourtant mon métier et de soigner des personnes. Peut-être que je devrais me faire soigner moi aussi ? Enfin bref je change de sujet. Et puis parler de moi c'est tellement ennuyeux. Toi je peux savoir ce que tu fais dans la vie. Tu es es marié ? Tu as des enfants ? » demande t-il sur un ton calme et naturel. Il avait envie de poser cette question et il ne se gênait pas pour la poser. De toute façon s'il ne voulait pas lui répondre, il ne lui répondrait pas.

Le bonhomme n'avait sans doute pas totalement tort, il devait bien y avoir une part de psychosomatique dans la superstition, lorsqu'elle muait en malchance. Mais il y avait aussi des gens dont la malchance était simplement congénitale et semblait faire partie de l'ADN, même quand ils ne faisaient rien pour. Sayid en était l'exemple parfait, et même s'il avait appris avec les années à toujours regretter à côté pour se rendre compte qu'il y avait toujours pire que soi, il se rainait tout de même une poisse monumentale et ce même alors qu'il ne croyait en rien, que ce soit religion, karma ou conneries de ce genre. Il n'y avait que le hasard, et il n'était pas souvent en sa faveur, la tombola de la veille en était encore un exemple frappant. « Au moins s'ils aiment y croire qu'ils y croient. La croyance a été inventée pour donner espoir. Lorsqu'on croit en une chose on a toujours un espoir même dans les mauvais moments. » avait en tout cas raisonné Addil, en se basant sans doute sur des choses vraies, mais que le regard biaisé de Sayid ne pouvait s'empêcher de révoquer intérieurement. C'était au dessus de ses forces à lui, de lui demander d'associer croyance à espoir, mais au fond chacun voyait midi à sa porte, comme le voulait l'expression. « On a surtout quelqu'un d'autre à blâmer quand quelque chose ne va pas. » C'était sorti tout seul finalement, il n'avait pas pu s'en empêcher. Mais c'est que cela l'agaçait tellement, d'entendre les gens se plaindre parce que dieu, le karma ou la superstition leur avait fait un sale coup, c'était tellement plus simple que de se remettre en question. Réalisant qu'il s'aventurait sur une pente glissante, Sayid avait finalement préféré changer de sujet, questionnant Addil sur ce qu'il faisait dans la vie, sa façon de s'exprimer et d'analyser lui donnant une fausse impression de déjà-vu. « Non j'ai horreur de la science. Pour moi les maths c'est 2 + 2 = 4. » Ce qui en soit restait une définition un peu simpliste de la science, même aux yeux de Sayid. Puisqu'au fond ce n'était pas la science qui lui posait souci, il aurait été mal placé, mais simplement les scientifiques. Certains scientifiques. « Je suis psychologue. Je suis sans doute fou et pourtant mon métier et de soigner des personnes. Peut-être que je devrais me faire soigner moi aussi ? Enfin bref je change de sujet. Et puis parler de moi c'est tellement ennuyeux. Toi je peux savoir ce que tu fais dans la vie. Tu es es marié ? Tu as des enfants ? » Sayid s'était raidi au mot psychologue, sans même en avoir conscience. Eux non plus il ne les aimait pas beaucoup, eux et leur façon de vouloir rentrer dans la tête des gens, de vouloir tout comprendre, tout analyser ... comme si chaque comportement avait forcément besoin de trouver une explication rationnelle. Et puis finalement, le malaise du britannique s'était dissipé - du moins en surface - lorsqu'Addil lui avait posé non pas une mais deux questions à son tour. Un rictus teinté d'ironie s'était étiré sur ses lèvres tandis qu'il répondait d'un ton tranchant « Moi ? Non. » Comme si la réponse coulait forcément de source, comme s'il ne pouvait pas en être autrement parce que Sayid n'avait tout simplement pas la tête de l'emploi. « J'aime mon boulot. » avait-il par ailleurs ajouté comme si cela faisait une justification suffisante à sa réponse précédente. Mais cela l'était pour lui, il ne voyait pas comment aimer son boulot - et donc, s'y donner corps et âme - pouvait autoriser d'avoir autre chose à côté. « Je suppose que tu dois avoir une théorie de psy à ce sujet ? » La question était posée sans méchanceté, mais d'un ton malgré tout légèrement moqueur. Sans doute parce que Sayid voulait lui tendre la perche et voir si Addil était comme tous les autres de sa profession, et si oui quelles théories fumeuses allai-il lui sortir. Il y avait le grand classique du bourreau de travail en quête de reconnaissance, le couplet du garçon qui ne souhaitait pas reproduire le schéma - chaotique ou non - de ses parents ... Les idées ne manquaient pas.