19h34 feat léo + La nuit vient de tomber, l’heure du repas n’a pas encore sonné, donc notre homme d’affaire cherche à s’occuper. Même s’il vit dorénavant en communauté, il a gardé certaines habitudes, comme le fait de manger à 20h00 pile, d’aller faire sa toilette du soir avant de filer se coucher à 21h00 pile. Oui, c’est un papy avant l’heure. Mettons ça sur le compte de l’organisation. Il aime les choses carrés, il n’y a rien de mal à ça. De plus, il conserve un rythme régulier, sain pour sa tête et son corps. Sauf qu’il n’est pas encore 20h00 et que tourner en rond ne rythme à rien. Il traverse donc le salon, suit un couloir et pénètre dans le bar lounge. Quelques guignols qui chantent, d’autres qui sont installés autour d’un cocktail, Gekko se pose au comptoir. La semaine dernière il s’est avoir à attendre qu’on vienne prendre sa commande. Sauf que non, pas de barman. Donc il ne fait pas la même connerie deux fois et se fait lui-même son cocktail. En gros, il renverse du jus d’orange dans un verre. Ce n’est pas fou, mais c’est suffisant. Pas d’alcool pour lui. Seul, pour ne pas changer, il déguste son jus en toute tranquillité. Ou presque.

J’suis ravi de constater qu’on ne perd pas les bonnes vieilles habitudes même enfermés dans un hôtel des plus luxueux. C’aurait pu monter à la tête de certains mais non, la tradition de l’apéro est toujours vivante et j’suis content de la simplicité de l’acte. J’me bouge du canapé sur lequel je suis terré depuis des heures pour rejoindre tous ceux qui ont déserté le salon précédemment. On est encore tellement de candidats après seulement une semaine de jeu officiel qu’on se croirait presque dans un bar à l’extérieur du contexte de l’émission. J’dis bien presque parce que c’est pas la grosse foule non plus. D’ailleurs y a un mec qui est tout seul. J’le reconnais assez aisément, c’est le frigide. Celui qui laisse la pauvre Maha dans une frustration totale. Ca me fait sourire rien qu’à y penser et pour la peine je viens m’asseoir à ses côtés, une bière la main. J’approuve l’idée de pouvoir se servir à la pompe de la plus gratuite des manières. « Fais pas la gueule, les autres enfants sont pas si méchants. » Je lui pose une main compatissante sur l’épaule afin de venir m’asseoir face à lui. « Ca ira mieux en grandissant. » Je m’octroie une gorgée de l’abreuvage ambré, prêt à continuer sur ma lancée. « C’était ce que te disais ta maman pour te réconforter ? Non ne me remercie pas c’est un plaisir de faire la substitution.» Elle et moi on se connait bien. Ca c’est la partie vaseuse de mes remarques lourdes que je lui passe sous silence par compassion.

Alors qu'il sirote tranquillement son jus d'orange, un type vient lui parler. Encore il aurait fait un effort en se montrant plus sociable que d'habitude, sauf qu'il a le malheur de poser sa main sur son épaule. Il a un geste de recule, mais n'en fait pas un scandale. Seulement, on ne le touche pas. Il n'aime pas ça. Certains détestent les choux, Gekko ce sont les contacts physiques. C'est d'un autre niveau, il le conçoit. Il parle, parle, mais ce n'est que du vent aux oreilles de notre homme d'affaire. Certaines personnes dans ce nid sont vraiment ennuyantes. Oui, c'est l'hôpital qui se fout de la charité sachant que le type le plus barbant doit sans aucun doute être notre homme. « Si ça peut vous faire plaisir ... » lâche-t-il sans trop être véritablement intéressé par la conversation. Installé à côté de Gekko, il se retourne légèrement pour faire face l'individu qui vient l'emmerder. Mais au lieu d'enchaîner sur un autre sujet, d'alimenter la discussion, il sort ... « Votre braguette ... elle est ouverte ! » Ce n'est pas un pervers, pas de pensée vicieuse derrière, c'est juste du à sa manie de la propreté, du « je suis classe partout où je vais » et il a tendance à remarquer dès que quelque chose ne va pas chez quelqu'un. Bien sûr il aurait pu se taire, mais ça le perturbe. Une allure débraillée, il déteste. Oui, il déteste beaucoup de choses. Mais ce n'est pas nouveau.

Gekko, hein… j’en ai pas entendu que du bien d’ce type mais en même temps en conversant avec Maha j’me demande pour qui exactement j’pourrais obtenir un avis positif. J’le sort un discours assommant parce que j’aime saouler, parce que c’est drôle et parce que j’aime parler pour rien dire aussi. J’me dis aussi qu’avec ce genre de type faut donner de la matière pour obtenir un semblant de réponse et j’crois que ça marche puisqu’il répond à la dernier de mes remarques. C’est pas que ça me fait plaisir mais si ça lui fait plaisir de penser que ça me fait plaisir… enfin bref de toute façon j’suis as sauvage donc je m’assois face à lui ma binche à la main et prêt à la siroter. Ce que je fais sans plus attendre tant son rafraichissement me fait du bien. M’humectant les lèvres pour me débarrasser de la mousse, mes sourcils se froncent lorsque le type s’agite. « Quoi ? » J’beug un peu là parce que forcément ça m’parait improbable. J’suis le genre de mec qui ferme sa braguette chaque fois que j’remets mon pantalon donc forcément ça m’étonne mais un simple coup d’œil sur l’endroit supposé et je m’aperçois qu’il a raison. « Ah. » Je pose mon verre, zippe le tout et pose de nouveau mes pupilles sur l’asiat en face de moi. « Le vouvoiement c’est pour aller avec ton costard ou parce que tu considères que même après avoir vu mon calecif on est encore des étrangers ? » Je le sauve de sa solitude et tout et lui... ah. Ingratitude.

Un bouton de chemise mal boutonné, une chaussette trouée ou une braguette dézippée, oui notre Gekko est facilement perturbé et est très à cheval sur l'apparence. Ses employés le maudissent et craignent toujours une inspection. Il veut que ça soit irréprochable. Alors même s'il n'est pas au boulot, déformation professionnelle oblige, il indique au jeune homme que sa braguette est ouverte. Pervers, pas pervers, il s'en fiche un peu de comment peut être perçu sa remarque. Continuant de siroter son jus d'orange il a encore le droit à des reproches vis-à-vis de son vouvoiement. Certains sont grossiers, vulgaires, lui il utilise simplement le « vous » pour communiquer et il s'en prend plein la tronche. Que c'est lassant. Il pousse un léger soupire. « Parce que vous me connaissez assez bien pour vous permettre de me tutoyer ? Vivre ensemble ne signifie pas connaître l'autre. La preuve, je ne sais rien de vous ... » Lui qui n'a pas l'habitude d'aller vers les autres, de faire de nouvelles rencontres « amicales », la notion d'étranger persiste tant qu'il n'en sait pas un minimum sur la personne. Donc oui, cet individu reste un étranger aux yeux de notre homme d'affaire. Ils n'ont pas gardé les moutons ensemble. Il est surtout très renfermé sur lui-même pour s'ouvrir aux autres et les voir autrement. Il va falloir qu'il se décoince le derrière et qu'il arrête de repousser les gens, sauf que pour l'instant les choses sont ainsi. Difficile de changer une personnalité ancrée depuis de longues années.