@MAHA - LE 31/03 À 23H00

On prend les mêmes et on recommence. J’aime assez cette expression. Surtout lorsqu’elle fait référence à une soirée cocktail et confidences entre filles. Ici, il n’y a pas Jane, Deana ou encore Lucy, mais y’a Maha. Le genre de fille que je pourrai aisément côtoyer à l’extérieur. Je l’aime bien et ce, même si elle semble avoir un caractère encore plus dure que le mien. Du coup, lorsque je l’ai vu dans un des couloirs il y a moins d’une heure, je lui ai demandé si elle voulait venir boire un verre ce soir au  bar et elle m’a répondu qu’elle était partante. Le temps qu’elle fasse je-ne-sais-quoi et elle me rejoint. Du coup, cette fois-ci, c’est moi qui arrive la première et qui me place derrière le comptoir. Je compte m’improviser barmaid ce soir. Et je commence à feuilleter un petit bouquin sur des cocktails. J’avoue avoir envie de tenter la Caipirinha. Alors je m’empare de citrons verts que je lave et je m’attelle au découpage de ceux-ci tout en faisant attention à ne pas m’entailler. Lorsque je relève la tête, je remarque Maha qui s’est installée sur une chaise de bar. Elle me regarde faire. « Ça te tente une Caipirinha ? Tu aimes le citron ? » Si elle me dit que non, tant pis, je lui ferai autre chose et moi je boirai ce cocktail. Peu importe. « C’est dommage qu’ils n’aient pas fait un bar en plein air. Ça aurait été sympa. » J’imagine carrément le truc avec de vrais barmans puis des musiciens, une piste de dance et.. ouais, non, on est dans Fake Lover avec un nombre restreint de personne et pas forcément que des fêtards. Impossible donc. C’est que parfois j’en oublie le contexte et je me croirai en vacances. « Je suis contente. Hier je me suis décidée à tourner la cagnotte pour la première fois et j’ai gagnée 10 000€. » Et voilà que j’en crâne presque. Faut dire que je suis très méfiante avec tous les jeux du genre. Pourtant, jusque-là je dois avouer être plutôt chanceuse. « Malheureuse en amour, heureuse aux jeux, non ? » Je me rappelle encore du préservatif phosphorescent que j’ai gagné la semaine passée au casino et qui s’est retrouvé sur la tête de Lamine. « Et toi ? Tu racontes quoi de spécial ? » Bon, je lui ai pas dit grand-chose de très intéressant au final mais ça viendra j’imagine dans la conversation plus tard. Pour l’instant, on reste soft et une fois que l’alcool sera monté à nos cerveaux, on commencera à se lâcher niveau confidences j’imagine.

Shay me demande si je veux bien me joindre à elle pour finir la soirée. Je lui réponds positivement, évidemment. Je me hâte de rejoindre notre petit bar, oui, il est de nature publique qu'il est notre propriété désormais. Je m'installe lorsqu'elle commence à s'essayer niveau alcool. « Fais-moi ce qui t'inspire » je lui réponds avec un vague geste de la main. « Tant que c'est fort » je pose quand même cette condition. Je fais toujours attention à ce qu'elle peut me dire. J'esquisse un léger sourire. Elle m'annonce qu'elle a gagné de l'argent à la roulette, je ne préfère même pas la tirer, surtout quand je vois les candidats déjà nominés, cela refroidit déjà. « Depuis quand tu es malheureuse en amour toi ? » je m'étonne quand même en écarquillant temporairement les yeux. « Tu as connu des déceptions à l'extérieur ? » je demande alors en m'y intéressant un peu tout de même. « Fais attention à la qualité ici, tout de même, elle n'est pas toujours au rendez-vous » je veux la prévenir si jamais elle a dans l'idée de renverser la situation ici en jetant son dévolu sur un des candidats, pour son bien. Pour moi, je pense qu'il n'y en a que trois ou quatre de potables, le reste ... Non, je ne préfère même pas me prononcer à vrai dire. Elle me demande ce qui a pu se passer de spécial récemment, je cherche du côté des moments négatifs, parce qu'il y en a tellement en fait. « Je cherche un moyen efficace de pourrir la vie du psychologue en carton » je lui balance d'une voix monotone. Oui, on m'a autoproclamé peste de la saison aussi, je prends mon rôle à coeur. « Le gars balance que je suis une plante qu'on arrose et qui tente de s'exprimer » je lui explique pour qu'elle comprenne bien la situation et sa pseudo gravité. Y a des gens qui sont quand même sans pression ici. Moi je trouve qu'il fait surtout honte à sa profession. Il renvoie une image d'imbécile mais bref, chacun sa came. « Alors que c'est un abruti dont on ne reconnait l'existence que depuis une semaine» je souligne, réaliste, sans vouloir être mauvaise parce que j'ai appris son existence au moment du paintball et pas avant.

Je continue de m’atteler à mon découpage de citron en espérant que la candidate répondra positivement à ma proposition. Disons que je suis sur ma lancée. Vu que ça lui est égal, je continue ma préparation. « Alors va pour une grande Caipi. » Du coup, je compte mettre la dose d’alcool et la servir dans un grand verre plutôt qu’un petit truc carré qui se finit en quatre gorgées. Je crois que j’aurai la flemme de refaire un cocktail de ce genre plus tard donc autant lui en faire un très grand dès maintenant et pareil pour moi. Au pire, si on a toujours soif après ça, on prendra quelque chose d’autre de plus fort et de plus simple à réaliser aussi. Bref, j’annonce mon gain de la veille à la roulette avec joie en concluant qu’à défaut d’être heureuse en amour, je le suis aux jeux. Et cela semble étonnée Maha qui me demande depuis quand je suis malheureuse en amour. « Depuis toujours voyons ! » J’essaye d’ironiser avec un faux sourire mais ça ne semble pas vraiment marcher puisque la demoiselle se montre curieuse et s’aventure sur ce sujet ô combien complexe. J’aurai préféré passer mon tour mais vu qu’on est que toute les deux, j’imagine que je ne peux pas m’éclipser comme ça. Du coup, je vais opter pour la technique de la réponse vague. « Des déceptions ? hm.. je dirai que j’ai rencontré que des connards, voilà tout. » J’ai l’air d’une féministe là avec mon discours du genre les hommes c’est tous des cons mais voilà, tant pis. J’assume. C’est pas de ma faute après tout si j’ai pas eu de chance jusqu’à là. « Mais passons. » Vraiment pas besoin de s’attarder là-dessus. Je sais qu’on a du temps à tuer mais là y’a des limites, ça pourrait prendre toute la nuit si je m’aventurais sur ce sujet. Et franchement, je préfère lui éviter ça. « Ça j’avais remarqué. » Je ris un peu après que la brunette ait décrété que la qualité des hommes ici n’est pas des meilleures. Il est vrai que j’ai été beaucoup déçu du cru masculin de cette saison. On en avait déjà discuté d’ailleurs avec Maha il y a quelques temps. Cette année la prod’ a un peu merdé. Enfin tant pis. J’écoute la demoiselle me raconter ensuite ses malheurs ou du moins se plaindre d’un certain psychologue qu’elle estime comme nul. J’en ris. C’est vrai que la traiter de plante verte, c’est vraiment naze. Et encore plus s’il a décrété ça avec sa profession de psy. « Si j’étais toi, j’irai déposer une vraie plante sur son lit - carnivore ou cactus de préférence sinon c’est pas drôle – et je lui laisserai un mot du genre : arrose-moi et tu verras de quoi je suis capable. » Afin de lui montrer qu’elle existe bel et bien et qu’elle n’est absolument pas inutile. Bon, après, y’a d’autres options évidemment.

Tout en continuant de préparer le cocktail du soir, j’écoute attentivement le schéma que Maha me dresse sur les filles biens qui tombent sur des connards et les mecs bien sur des salopes. C’est assez cliché et presque navrant mais pourtant ça reste vrai. « C’est un peu ça. » Finit de couper les citrons, maintenant place au sucre en poudre que je m’empresse d’ajouter sur les tranches de citron déjà empilés au fond des verres. « Ça c’est sûr ! Je trouve ça navrant les gens qui cherchent à se mettre en couple à tout prix juste parce qu’ils ne supportent pas d’être seul. » Après ça donne des couples qui ne tiennent pas une seconde la route et qui sont ensemble par dépit sans qu’il y ait réellement d’amour ou de sentiments. Je trouve ça inutile et inintéressant. Du coup, je ne peux qu’être d’accord avec le dicton du « mieux vaut être seule que mal accompagnée » et jusqu’à présent, je l’applique bien d’ailleurs. « Singe car ils sont poilus ou car on a affaire à des pitres ? » Je réponds pas vraiment à la question de la brune mais ce point m’amuse et je tiens à avoir une réponse. « Non, pas vraiment. » Bon, d’accord, il y en a surement un ou deux qui seraient susceptibles de me plaire mais pas la peine de les citer. De toute façon, je ne cherche pas l’amour. Bref, assez parler de ça. A elle de me raconter des trucs un peu. La conversation tourne autour d’Addil avec qui le courant ne semble pas passer. Je donne une ou deux astuces à la candidate qui cherche à se venger du mec en question. Elle prend avec ironie mes propos et opte pour quelque chose qui semble plus simple : faire de la sous-traitance avec Léo. Un rire précis s’échappe de mes lèvres. Ça ressemble presque à de l’esclavagisme ce qu’elle sort mais je sais bien que c’est ironique. Moi-même je serai capable de sortir ce genre de blague. « Et ce Léo serait prêt à tout pour toi tu crois ? » J’imagine qu’elle ne sortira pas le fouet pour lui. Peut-être une carotte à la limite ? Tout est une question de motivation. « Ma vie ? » Je pouffe un bref instant avant de réfléchir à ce que je vais bien pouvoir lui dévoiler. « J’ai mon petit cercle d’amies à San Francisco. La plupart sont mes collègues mais pas que. J’ai donc l’habitude des soirées cocktails entre filles et des bars dansants. Mais je suis pas une grande fêtarde non plus. J’essaye d’avoir une vie assez équilibrée entre le sport, le boulot, les tâches ménagères, les sorties. » Et les loisirs aussi. Mais voilà à quoi ressemble ma petite vie. Je ne sais pas si ça l’aura éclairée. « Et à quoi ressemble un jour typique dans la vie de Maha ? » Après avoir pilé le sucre, les citrons et surtout les glaçons, me voilà en train de remuer le tout avec vivacité à l’aide de jolies touilleurs en forme de palmiers. Les cocktails sont fin prêts. « Et voici. » Je tends un grand verre à Maha et m’empare du deuxième.

Evidemment, je fais couler la cachaça à flot après avoir empilé les citrons au fond des verres. Hors-de-question d’oublier l’ingrédient majeur du cocktail. Je crois que Maha m’en voudrait si j’omettais d’ajouter l’alcool. Surtout qu’elle semble avoir envie d’un verre bien dosé. Et je la comprends. Faut décompresser de tous ces singes comme elle dit ! En attendant, je ne manque pas de rire avec elle. Surtout lorsqu’elle annonce qu’elle me surveille. J’en ai pas vraiment besoin mais j’apprécie tout de même. C’est ce que je pourrai dire à une copine. « Je ne doute pas que tu réussiras à le dompter. » Je plaisante aussi, bien évidemment, sur le fameux Léo. Et puis, voilà que je me dévoile un peu. Mais différemment de d’habitude. J’explique mon quotidien sous un autre angle sans évoquer mon âge ou ma profession pour une fois. Sauf que là, je vais devoir le faire. « Traductrice juridique. » Flemme de détailler je crois. A elle de se dévoiler maintenant. J’en ai assez dit sur moi pour la soirée je crois. Voilà que la brune m’annonce que je vais être déçu. J’arque un sourcil, à la fois étonnée et septique tout en écoutant le discours de la belle. « Si ! Mais je comprends pas, tu l’aides comment ton professeur ? » J’avoue que j’ai un peu de mal à saisir comment on peut écrire un livre à deux. A moins que Maha soit la source d’inspiration de ce professeur. Et là, ça suscite en moi un tas de questions. « Ton père est diplomate ? » J’imagine que j’atterri et que les ¾ des candidats doivent être au courant mais moi, pour le coup, j’en savais rien. J’avoue que j’imaginais assez mal Maha fille de diplomate, Agata en a clairement plus le profil. « Je suis déjà experte en smoothie et je fais des Mojitos pas trop mal à ce qu’il paraît. » Loin de moi l’idée de me venter mais il est vrai que si on continue nos soirées cocktails, ce que j’espère, je pourrai largement me perfectionner en tant que barmaid. Déjà, mes Caipirinha sont pas trop dégueu. Y’a du potentiel j’imagine. « Toujours partante pour une soirée comme ça. » Autrement dit, elle peut déjà noter le prochain rendez-vous.