Même ici, Adélie a ses petits rituels qui l'aident à ne pas perdre pied et à conserver un semblant de stabilité. Chez elle, chaque mardi elle se rend à la piscine après le travail pour aller nager des les profondeurs du bassins jusqu'à la fermeture et l'épuisement. Elle met son endurance à rude épreuve pour toujours aller plus vite, être plus performante sans pour autant participer à une quelconque compétition. Elle le fait pour elle. Dans le nid, elle évite soigneusement de se rendre à la piscine pendant la journée où tous les autres candidats en profitent pour lézarder autour du bassin. Trop de gens, trop de regards indiscrets et curieux. La française sait d'avance qu'elle ne sera pas à l'aise au milieu des autres candidats, les moments qu'elles s'accordent près de la piscine sont rares. Elle s'extirpe souvent de son lit à l'aube pour filer à l'anglaise et se rendre directement sur le toit à l'abri des regards. Elle n'a aucune notion du temps, elle ne sait pas depuis combien de temps elle flotte à la surface du bassin, les yeux clos à se laisser porter par les clapotis de l'eau contre le rebord du bassin. Les premiers rayons du soleil commencent à illuminer et à réchauffer les hauteurs de Los Angeles au moment où elle décide de sortir du bassin pour s’emmitoufler dans sa serviette de bain. La rouquine prend alors la direction de la terrasse où elle est très vite rejoint par un autre de ses camarades qu'elle reconnaît comme Léandro. Elle l’accueille avec un sourire, elle n'a pas à se forcer, elle apprécie le jeune homme qui est d'une simplicité rare et sans égale dans cette aventure.   « Tu es à combien de kilomètres de chez toi ? ». Elle demande brisant le silence environnant, elle se sent un peu nostalgique comme si elle avait le mal du pays. Sa maison à elle était à des milliers de kilomètres de Los Angeles, pour Léandro c'était différent, le Texas n'était pas si loin que ça en comparaison. « Qu'est-ce qui te manque le plus à l'extérieur ? ». La vie ici avait beau être tranquille et sans encombre il devait bien y avoir quelqu'un ou quelque chose qui devait lui manquer plus que tout. « Oh, j'ai oublié de te dire, tu seras pas étonné si Sailor vient passer le prochain prime avec toi habillée en licorne, hein. Ce sera de ma faute. ». Elle le prévient qu'il ne soit pas trop surpris en voyant la lumineuse Sailor bondir vers lui dans un tel accoutrement.    

Comme à mes habitudes, je me lève tôt, très tôt pour certains. Il leur est difficile de comprendre qu’on puisse se lever à 6/7h quand on à rien à faire derrière. Aucunes obligations professionnelles. Mais je ne sais pas, c’est l’habitude. Au boulot, j’ai des horaires assez exigeants… Et puis, j’aurais l’impression de perdre mon temps en émergeant que vers 11h. La moitié de la journée est quasiment déjà passée. Une fois douché, je décide d’aller profiter du soleil, alors je grimpe sur le toit, une tasse de café fumante en main. Adélie se trouve déjà sur la terrasse, les cheveux mouillés, enroulée dans une serviette de bain. J’en déduis qu’elle a fait un petit passage par la piscine. Je viens m’installer à ses côtés, alors qu’elle me demande à combien de kilomètres j’habite d’ici. « Hm je ne sais pas…Je dirais dans les 2000 km. » Autant dire que ça fait une sacré distance quand même. On est peut être resté aux Etats-Unis, mon pays natal, il n’en reste pas moins que ça fait très éloigné de chez moi. La Californie et le Texas ce n’est clairement pas la porte à côté. Je ne risque pas de m’y rendre sur un coup de tête le week-end. On est quand même le 4ème pays le plus vaste du monde. Je me demande pourquoi elle me pose une telle question, mais je comprends quand vient la suite. Elle doit se sentir quelque peu nostalgique de son chez soit, ce qui est parfaitement compréhensible. « Ce qui me manque le plus ? Hm c’est difficile de choisir… » Parce qu’il y a beaucoup de choses qui me manquent. « Mais je dirais ma sœur. On n’a jamais été séparés aussi longtemps… » On habite plus ensemble mais je la vois régulièrement. « On a l’habitude de s’appeler quasiment tous les jours… » Pour certains cela peut paraître beaucoup, j’en conviens. « Et mon frère bien sur aussi me manque… » Je me sens presque obligé de rajouter, de peur qu’il écoute ça. Je ne voudrais pas faire de favoritisme. Je l’aime tout autant, ce n’est juste pas pareil. « Et toi ? T’as le mal du pays ? » Surement un peu oui. C’est alors qu’elle me fait part d’une information qu’elle avait oublié de me dire concernant Sailor. Qu’elle risque de venir passer le prochain prime à mes côtés habillée en licorne. J’esquisse un sourire. « Et pourquoi donc ? Elle a perdu un pari ou quoi ? » Sinon quelle idée saugrenue de débarquer ainsi.

 Emmitouflée dans sa serviette, ses yeux se perdent dans l'immensité des grattes-ciels de la cité des Anges, plus les minutes passent et plus la ville semble s'éveiller. Elle se demande combien de personne pestent contre leur réveil en ce moment même, probablement des milliers si on prend en compte l'immensité de cette ville. Au loin on aperçoit même le fameux panneaux Hollywood si célèbre dans le monde entier, tout est beaucoup plus démesuré dans ce pays, sa France natale avait un charme plus pittoresque. Elle a un peu le mal du pays, la ville où elle a toujours vécu lui manque, elle se permet de relativiser en se disant qu'elle ne doit sûrement pas être la seule. Il fallait la comprendre, elle n'avait pas eu de nouvelles de ses proches depuis plus d'un mois, un vrai déchirement quand on savait qu'elle vivait toujours bien entourée de sa famille dans ce grand chalet près des monts enneigés. Leandro arrive sur le balcon, ce qui a le don de la tirer un peu de sa nostalgie même si l'image de sa maison bien tranquille reste toujours dans un coin de son esprit. La française sait qu'il vient du Texas, elle n'avait pas conscience de la distance qui le séparait lui aussi de sa famille. Les États-Unis étaient beaucoup plus vastes que son pays natale, 2000km à l'échelle du territoire américain ce n'était rien mais en comparaison avec la France c'était tout un monde. « C'est la première fois que tu pars aussi loin de ta famille ? ». Elle le questionne en espérant qu'il lui réponde que c'est le cas,  pour ne pas se sentir seule de n'avoir jamais mis un pied en dehors des frontières françaises de toute sa vie. Cette aventure représentait son premier vrai voyage dans un pays étranger, c'était à la fois électrisant et terrifiant. Leandro finit par évoquer ce qui lui manque le plus, même si le choix paraît difficile au premier abord il finit par mentionner sa sœur et son frère. « Ils te ressemblent tes frères et sœurs ? Tu as pas de photos d'eux avec toi je suppose, j'adorerai voir leur petite tête. ». Si Adélie avait soigneusement mis dans sa valise quelques clichés de sa famille ce n'était sûrement pas le cas de tout le monde, elle ne se voyait pas survivre plus d'un mois sans jeter un œil de temps à des visages qui lui sont plus familiers. Naturellement, il lui retourne la question ce qui a le don de raviver sa petite nostalgie du jour. « Ma famille me manque bien sûr, parler français aussi, la nourriture me manque surtout au petit-déjeuner, je veux pas vous insultez mais vous faîtes du pain et des viennoiseries immondes en Amérique. Peut être la montagne et la neige. Ça fait beaucoup de choses je sais mais je suis contente d'être là aussi. ». Elle rectifie immédiatement, elle espérait que les téléspectateurs ne s'imaginaient pas qu'elle souhaitait rentrer chez elle à tout prix. Même si pleins de petites choses de son quotidien lui manquaient il y a bien toute une liste de chose qu'elle ne regrettait pas de sa vie d'avant. Elle finit par informer son camarade que Sailor risque de passer le prochain prime à ses côtés habillée en licorne ce qui arrache un sourire à son camarade. L'idée pouvait sembler étrange sur le coup. « Exact, elle a ramassé le moins de chocolat pendant la chasse aux œufs dimanche dernier du coup je vais lui prêter la grenouillère licorne de ma sœur pour le prochain prime. Vu que tu t'entends bien avec elle et que tu aimes les chevaux et bas j'ai décidé que tu serais palefrenier de licorne pour une soirée. ». Elle pouvait aller loin dans ses délires la petite française si on ne l'arrêtait pas.    
     

« C'est la première fois que tu pars aussi loin de ta famille ? » Je réfléchis un instant, essayant de me rappeler d’une fois que j’aurais peut être oublié. « Aussi longtemps, oui. Je suis déjà parti quelques jours… Mais là encore, il y avait toujours le téléphone. » Peut importe la distance, il y avait toujours un moyen de communiquer. Alors que là, non seulement on est loin, mais surtout, on est coupé du monde. « Au final, 10 km, 2000km…ça ne change pas grand-chose. On est tout autant coupé de nos proches. » Ils pourraient être à 5 minutes de nous depuis tout ce temps qu’on ne serait même pas au courant. Donc dans cette situation ce n’est pas la distance physique qui compte, elle n’a guère d’importance. Quoi que à la réflexion, il y a quand même une petite différence pour Adélie : la langue. Elle est dans une émission, où elle se doit de parler anglais pour se faire comprendre. Et malheureusement pour elle ce n’est pas sa langue natale. Adélie me demande si mes frères et sœurs me ressemblent, et si je n’aurais pas une photo par hasard. « Physiquement ? Plus ou moins… On m’a toujours dis que je tenais de mon père, et les deux autres de ma mère. On a une assez grande différence d’âge. Naya va avoir 30 ans cette année et Kaiden vient tout juste d’en avoir 18. Je te montrerais une photo si tu veux, j’en ai une dans ma valise. Mais elle date un peu par contre… » Oui parce qu’elle a été prise lorsque mes parents étaient toujours vivants. Il y a au moins plus de 6 ans donc. Je l’écoute alors parler à son tour de ce qui lui manque. Beaucoup de choses, ce que je comprends parfaitement. Parce que moi aussi la liste est longue, je n’ai parlé que de mes frangins seulement parce qu’elle m’a demandé de citer ce qui me manqué le plus. « Tu peux parler français avec moi si tu veux…Bon je ne comprendrais probablement rien mais… » Que je dis en souriant. « Et t’attaques pas à nos viennoiseries steuplait ! Elles sont très bien, c’est juste que t’es difficile. » En réalité je m’en fiche, et elle a surement raison. Je n’en sais rien, ce n’est pas comme si j’habitais en France et que je pouvais comparer. Elle me raconte alors comment Sailor a perdu un pari et va devoir se déguiser en licorne lors du prime. « Va falloir que je la nourrisse, que je lui brosse le poil et tout ? » Bien sur. « Et tu me parles de ta soeur...Elle doit être petite alors non ? Et t'en as d'autres ? » Pour avoir un costume de licorne j'imagine que c'est une enfant.

Ils en viennent à parler de leurs familles respectives, de leur vie à l'extérieur et de ce qui leur manquait à l'extérieur du nid. Adélie évoque la distance qui les sépare de leur famille. Elle est contente de trouver quelqu'un avec qui parler à cœur ouvert de ce genre de sujet, certains auraient pu se moquer de sa petite faiblesse mais pas Leandro qui a l'air d'être un garçon plus sensible que les autres. Tout comme elle, il n'est jamais parti loin de sa famille aussi longtemps, ce n'était pas finalement la distance qui importait mais plutôt la solitude et le manque de nouvelles. « Tu as raison, c'est tellement incroyable de se dire que j'ai réussi à tenir jusque là. Je ne passe pas une journée sans un coup de fil ou même un sms pour ma sœur. ».  Passer du tout au rien était sûrement le plus dur, elle arrivait à peu près à encaisser la distance géographique avec ses proches mais pas la distance physique. Quand Leandro évoque sa sœur et son frère, elle ne peut s'empêcher des les imaginer, elle en vient même à se demander s'il existe une ressemblance physique avec les autres membres de sa fratrie. Il l'informe que la ressemblance est plus ou moins flagrante et qu'il sera ravi de lui montrer une photo un de ces jours, la jeune femme répond par un sourire chaleureux. Elle adore les histoires des famille, les liens de parenté et les photos. « Ça a jamais été un problème cette différence d'âge que tu as avec tes frères et sœurs ? ». Elle lui demande curieuse, elle n'a qu'une sœur et on ne peut pas dire que la différence d'âge soit un problème, elles n'ont que deux ans d'écarts alors elle a souvent l'impression qu'elle ont le même âge. Peut être qu'avec quelques printemps d'écart les relations étaient différentes. La rouquine finit par évoquer ce qui lui manque à l'extérieur et notamment la langue française qu'elle ne peut plus parler couramment si elle souhaite se faire comprendre de la majorité des autres candidats. Parler anglais était devenu automatisme si bien que l'idée de faire des conversations en français avec ses compatriotes ne s'était même pas posé, de toute façon elle doutait vraiment que la production apprécierait d'engager des traducteurs pour offrir une version sous-titrée de l'émission. « Je m'en souviendrais en tout cas, dis, faut que je te demande, c'est vrai ce que les gens disent. Tu sais que l'accent français a la côte chez les américains, hmmm ? Tout le monde trouve ça mignon, en vrai c'est juste horrible franchement, non ? ». Qu'elle demande, elle a besoin de savoir sa vie en dépend après tout. Peut être que sa vie était basée sur un mensonge et qu'elle allait se mettre à complexer par rapport à ce petit accent qu'elle traîne à chaque fois qu'elle s'exprime dans la langue de Shakespeare. « Je te prouverais que tu as tord ». Elle ajoute avec une œillade complice, peut être que s'il se montrait sympa avec elle, la jeune femme pourrait songer à faire quelques croissant rien que pour lui. Elle sait faire, sa grand-mère lui a appris. La conversation dérive alors sur Sailor et son défi pour le prochain prime et la remarque de Leandro ne manque pas de la faire sourire. « Tu peux la nourrir si tu veux, après si tu veux brosser son poil, c'est comme tu veux hein,  je pense que ça ne me regarde pas ». Elle réplique avec un clin d'oeil. Leandro/Sailor ? Sailor/Leandro ? Elle soupçonne un petit rapprochement. Le jeune homme demande à la française de lui parler de sa sœur, il ne faut pas lui demander deux fois. « Non c'est pas une petite fille, elle est juste un peu délurée. Elle a dix-neuf ans, bientôt vingt. Tout le monde dit qu'on se ressemble. Elle est blonde, enfin elle l'a pas toujours été, non c'est pas sa vraie couleur de cheveux. Elle est magnifique, même toi tu la trouverais belle. ». Elle pourrait s'étendre pendant des heures sur sa sœur mais elle doute que Leandro soit d'accord alors elle se contente du minimum.