@simone

Lorsqu’elle a besoin de se détendre la salle zen n’est pas la première pièce à laquelle elle pense. Elle ira plutôt faire un tour du côté du jacuzzi ou du terrain de tennis. Rester assise à regarder des paysages, aussi beaux soient-ils n’est pas l’idée qu’elle se fait de la détente. Pourtant, elle est là, à regarder des paysages qu’elle a déjà eu l’occasion de voir en vrai, et cela ne remplace pas la réalité. Elle ne perd pas le fil des images qui défilent, se demandant d’où elles proviennent. Elle ne sait pas tellement pourquoi elle reste là, pourquoi elle ne choisit pas plutôt de partir et de vaquer à d’autres occupations. Il va falloir qu’elle se lève, qu’elle aille s’occuper d’une autre manière. Mais à peine a-t-elle le temps de faire cette réflexion qu’elle entend la porte s’ouvrir, cela lui donnera une raison de rester sagement assise à sa place. Elle tourne la tête et aperçoit Simone qu’elle salue rapidement. « Tu voyages souvent ? » finit-elle par demander, comme si cette question était le fruit d’une profonde réflexion, mais c’est tout ce à quoi lui fait penser cette pièce, les voyages, l’évasion. « Tu choisirais lequel parmi tous ces paysages pour partir en vacances ? » C’est aussi ce qu’elle se demande depuis qu’elle est arrivée dans la salle, lequel choisirait-elle si elle ne pouvait en visiter qu’un, plus qu’un seul dans sa vie. Le choix est difficile, d’autant plus qu’elle les a déjà connus.

Je fréquentais la salle zen d’une façon quotidienne, m’y réfugiant quand l’envie d’être seule m’envahissait, car elle ne figurait pas au centre des priorités de la plupart de mes camarades. Ainsi, je pouvais aisément m’y installée sans crainte d’être dérangée. Aujourd’hui, pourtant, je la trouvais déjà occupée par l’une de mes camarades, qui après m’avoir sommairement accueilli, me questionna sur mes habitudes de voyage.   « Non, enfin, pas à l’extérieur du pays. Je fais beaucoup de routes, j’aime aller dans les parcs nationaux, par exemple, mais je n’ai jamais quitté les États-Unis. Sauf une fois, pour aller au Canada. » Rouler pendant des heures ne me dérangeait pas, tant et aussi longtemps qu’il y avait de la bonne musique et une bonne ambiance dans la voiture – quand je ne voyageais pas en solitaire. Je pouvais aisément faire six à huit heures sans m’arrêter, ne serait-ce que pour une rapide pause pour aller aux toilettes ou pour manger. Je dormais dans ma voiture quand il le fallait, je campais même parfois, selon la longueur du parcours ou quand je n’avais pas d’itinéraire fixe. M’installant sur un siège non loin d’Agata, je jetais un coup d’œil à la projection afin de trouver la bonne, qui représenterait bien le genre de paysage que j’avais envie de voir, lors de me retour à la civilisation. Deux univers m’inspiraient plus que les autres. Mais un seul m’interpelait réellement. « Tout ce qui touche la nature m’attire beaucoup, alors j’avoue que la forêt amazonienne serait sans doute ma destination de rêve. » Avec le bon équipement et le compagnon idéal – je ne partais que très rarement seule, en expédition - ce serait en plein le genre de défi que j’aimerais relever. La forêt, presque à l’état sauvage, qui avait repris son droit sur le territoire qu’elle occupait, ces grands arbres majestueux, ces plantes exotiques, ces petites bêtes qui régnaient en rois et maitres sur ces lieux inhabités de l’homme. Un endroit parmi tant d’autres que je souhaitais voir de mes yeux vus, mais j’avais si peu de temps libres pour le faire. Une seule vie ne suffirait pas à combler toutes mes envies. « Et toi? » Il était tout naturel que je lui retourne la question.

Elle ne sait pas tellement pourquoi elle reste là à ne rien faire, ce n’est pas dans ses habitudes. D’ordinaire, elle a toujours de quoi s’occuper, et les minutes de libre dans son emploi du temps sont bien rares. Ici c’est tout le contraire. Regardant encore les images qui défilent devant elle, elle entend du bruit derrière elle et remarque que Simone vient d’entrer à son tour. Elle la questionne sur ses voyages, ça lui paraît être la question la plus pertinente, et la réponse l’intéresse. Elle aime savoir ce que les autres ont vu, les endroits qu’ils ont pu découvrir. « Oh c’est dommage, même s’il y a déjà beaucoup de choses à voir aux Etats-Unis, j’en conviens. » Mais peut-être n’a-t-elle pas les moyens de voyager ailleurs, Agata, elle peut aller où elle veut en un claquement de doigts mais elle a aussi conscience que ce n’est pas le cas de tout le monde. Elle lui pose une autre question qui lui semble être la suite logique de la première, à savoir quel paysage elle aurait le plus envie de voir parmi tous ceux présents. « C’est vrai que ça doit être quelque chose à voir au moins une fois dans sa vie, mais je te trouve courageuse, je ne pense pas que j’oserais m’y aventurer. » Même avec un bon guide, c’est une fille de la ville Agata, une enfant pourrie gâtée, même si elle aspire à devenir autre chose. « Je voyage assez souvent oui, pour des voyages d’affaires ou pour les vacances. J’ai vu beaucoup de pays, beaucoup de plages aussi. J’imagine que j’aimerais sortir de ce contexte-là un peu. Peut-être visiter l’Italie. » Elle a déjà été en Italie bien sûr, mais elle ne visite toujours que très sommairement, elle voudrait en apprendre plus, voir des endroits dont on n’entend jamais parler.