14h50 feat sayid + Il attaque sa cinquième semaine de sevrage. Ce dépendant au travail subit des vacances, alors que jusqu'à là il n'avait jamais pris un jour de congé, même pour le nouvel an. Si accroché à son travail, difficile de ne pas y penser. Certains trouvent du plaisir en faisant du shopping, en allant en rendez-vous avec son ou sa chérie, en faisant du sport jusqu'à s'en exploser les biceps, Gekko, c'est son travail qui le fait vivre. Vivre, pas que dans le sens premier du terme, certes son travail lui permet d'avoir une vie convenable et confortable, mais dans son cas, c'est carrément vital, c'est son plaisir à lui, la seule chose qui puisse le satisfaire. Comme à un drogué à qui on vient de supprimer sa came, Gekko encaisse le coup et doit occuper ses pensées pour oublier et combler le manque qui se ressent chaque jour. Du coup alors qu'il y a quelques semaines il passait devant ce couloir aquarium sans forcément s'arrêter, aujourd'hui il s'y attarde et se stoppe un instant le temps d'observer cette méduse. Il a entendu par d'autres qu'elle avait un pouvoir hypnotisant. Parfait pour guérir les symptômes de notre homme et lui faire oublier le temps de quelques minutes son boulot. Observant avec attention l'animal, il vient de se rendre compte qu'il n'a jamais été dans un aquarium. Il n'est pas attristé par ce constat. Ce n'est qu'un aquarium. Mais pour le coup toute son attention étant centrée sur cette fichue méduse, il n'aperçoit pas le candidat qui approche.

Voilà, c'était typiquement l'autre raison pour laquelle Sayid préférait manger seul. Il y avait d'abord sa volonté de solitude et de tranquillité, au moins un peu chaque jour pour ne pas devenir zinzin à force de côtoyer tant de monde quand le simple fait que plusieurs personnes parlent en même temps et ne forment un brouhaha réveillait chez lui des angoisses. Mais ce n'était pas la seule raison, manger avec quelqu'un c'était aussi prendre le risque de de devoir être de corvée de vaisselle si le quelqu'un en question décidait de l'être aussi, et s'il les faisait toujours par obligation Sayid détestait comme à peu près tout le monde effectuer les tâches ménagères de façon générale. Il n'y avait bien que Mylah, pour faire de cela un passe-temps. Voilà pourquoi à presque quinze heures le britannique sortait tout juste de la cuisine, où il lui avait fallu pendant un certain temps tenter d'avoir l'air bavard aux côtés d'une Sailor qui ne manquait jamais de sujets de conversation, de la météo parfois capricieuse de son île à la grippe qui clouait parait-il Shay au lit depuis le début de la semaine. Sayid compatissait, mais pas assez pour aller vérifier par lui-même, la dernière chose dont il avait envie c'était d'attraper la grippe, et s'il était à la place de Sailor il sauterait probablement sur l'occasion pour changer de lit, au moins temporairement. Bref, même s'il estimait beaucoup Sailor et qu'elle faisait partie des personnes ici dont il préférait la compagnie, il avait sérieusement besoin de faire une pause avec son côté moulin à paroles et s'était éclipsé dès la vaisselle terminée. L'ennui c'est qu'il ne savait pas trop pourquoi faire, comme chaque après-midi il allait passer un temps fou à tenter de s'occuper et finirait une nouvelle fois maussade, à se dire qu'il serait mieux chez lui, avec ses animaux, qu'au moins il serait utile, alors qu'ici pas vraiment. Rejoignant le deuxième étage il s'était arrêté, comme souvent, dans le couloir aquarium pour observer la faune marine que la production avait condamné à vivre ici. « Ils auraient mieux fait d'investir dans une bibliothèque. » Comme cela arrivait parfois Sayid n'avait pas conscience d'avoir exprimé le fond de sa pensée à voix haute, pas plus qu'il n'avait conscience de la présence de Gekko pourtant à quelques mètres de lui. L'aquarium avait toujours tendance à l'obnubiler, comme doté d'un pouvoir hypnotisant, et plus que n'importe quel autre endroit du nid ce couloir faisait ressortir ces côtés de son comportement qu'il tentait maladroitement de gommer.

Ce n'est pas dans les habitudes de notre homme d'affaire que de rester bêtement planté devant une méduse se baladant dans son aquarium. Ce n'est pas intéressant. Pourtant il ne bouge pas, profite de ce moment de calme, calme qui n'est qu'apparent, parce que dans le nid il est impossible d'avoir plus de cinq minutes de tranquillité. Quoi que depuis que les départs se sont enchaînés, la probabilité pour être dérangé par un candidat est moindre. Et ça, c'est quelque chose d'apprécier par le candidat. Bien qu'il fasse certains efforts de communication, il aime la solitude et on ne va pas lui enlever ça. Certains désirent être constamment entourés, aiment sentir une présence à côté, parler, Gekko respecte ce type d'envie, chacun à ses préférences. Sauf qu'à contrario, il aimerait également qu'on respecte le fait qu'il n'aime pas trop bavarder, qu'il préfère être seul et qu'on ne vienne pas perpétuellement l'emmerder. Bien sûr il a réduit ses attentes concernant les candidats et s'attend toujours à être dérangé. Surtout que certains se plaignent de son asociabilité. S'il répond et n'ignore pas la personne, c'est un grand pas. En demander plus, ça serait abusé. Cependant au fil des semaines il s'étonne de rétorquer de lui-même, sans se forcer, face à certains propos de candidats. Comme si la conversation lui venait naturellement. Le contact avec une brochette d'inconnus, ça a son influence. « Je ne peux que soutenir vos propos sur ce point » Il ne sait pas à qui il s'adresse et exprime, lui aussi, sa façon de penser à haute voix. Toujours obnubilé par la méduse, soudain lui vient en tête une recette chinoise à base de méduse qui est exquise. « Vous savez avec cette belle bête on pourrait nourrir un régiment. De l'huile de sésame, un peu de coriandre ... » Puis il se tût. Qu'est-ce qu'il raconte. On va le prendre pour un fou, pire, un ogre. Mais la cuisine est bien l'une des seules choses qu'il apprécie en dehors de son travail. Donc à défaut de pouvoir trouver un sujet de conversation, il parle de choses qu'il connaît : la cuisine. Bien sûr il est maladroit lorsqu'il s'exprime et ne pense pas que ça peut choquer de discuter ouvertement sur le fait de dévorer la méduse qui nage tranquillement sous son nez dans son bassin.

Il n'avait pas vraiment eu dans l'idée d'engager la conversation, à vrai dire il n'avait même pas remarqué qu'il ne se trouvait pas seul dans ce couloir et donc que sa tendance à parler à voix haute sans s'en apercevoir pourrait encore une fois lui jouer des tours ... Mais réalisant ce qu'il venait de faire une nouvelle fois, lorsqu'une voix à laquelle il n'était pas habitué avant répondu « Je ne peux que soutenir vos propos sur ce point. » il avait tenté de garder une contenance et de faire comme si de rien n'était, tandis que son regard se détachait de l'aquarium et des poissons qui y faisaient des allers-retours pour se déposer sur Gekko. Sayid ne connaissait pas Gekko, ou du moins il n'avait jamais vraiment eu l'occasion, ou l'envie, d'aller vers lui pour engager la conversation. Il l'avait rangé, un peu vite c'est vrai, dans la catégorie des candidats matérialistes et intéressés, deux traits que Sayid tolérait de plus en plus mal depuis qu'il vivait à la réserve, et que chaque centime avait son importance. L'asiatique lui n'avait pas bougé, toujours hypnotisé par le coin d'aquarium réservé à la méduse, « Vous savez avec cette belle bête on pourrait nourrir un régiment. De l'huile de sésame, un peu de coriandre ... » Machinalement le britannique avait reposé les yeux sur la méduse, essayant d'imaginer cela dans son assiette mais sans que cela ne lui donne le moins du monde l'eau à la bouche. « Vous voulez dire que c'est comestible ? » Il ne l'aurait pas cru, lui, et pourtant depuis qu'il vivait à Kinshasa il avait eu l'occasion d'en voir, des plats incongrus et qu'il n'aurait jamais pu imaginer exister avant ... Mais il avait grandi en Angleterre, et il avait maintes fois entendu que son pays n'était pas une référence en matière de cuisine.