C'était la première fois depuis le début de l'aventure que Sayid dormait seul. Dans les abysses il avait partagé une tente avec Clarke, tenté un court instant de passer la semaine à la belle étoile plutôt que de partager une tente avec qui que ce soit - bien qu'il ait conscience de ne pas être trop mal tombé avec le jeune homme - et depuis son premier soir dans cet hôtel il dormait aux côtés de Claudia. Au début avec la crispation du mec qui ne dormait jamais totalement bien avec une présence inconnue à côté de lui, puis il s'était habitué petit à petit, à tel point que cette nuit c'était le fait de n'avoir que le vide à côté de lui qui l'avait empêché de dormir aussi bien qu'il l'aurait souhaité. L'idée de migrer jusqu'au lit de Simone, situé pourtant à seulement quelques mètres du sien, ne lui avait pas effleuré l'esprit un seul instant, pas plus que l'idée de lui proposer de rejoindre son propre lit ... Ils avaient l'avantage du nombre de candidats ayant quitté les lieux désormais, chacun des candidats ayant perdu un partenaire était libre de dormir seul s'il le souhaitait et d'ici une ou deux nuits supplémentaire Sayid se serait de nouveau trop habitué à avoir le lit pour lui seul pour que quiconque puisse le persuader d'y renoncer. Puisqu'il était question de Simone, ce n'était assurément pas à la cuisine qu'il s'attendait à la trouver à une heure aussi matinale. Du moins il avait rapidement compris qu'à cette heure-ci une bonne partie des candidats roupillaient encore sous leur couette, quand lui profitait de la tranquillité d'une salle de bain vide et du silence qui régnait dans des pièces qui le reste de la journée étaient en permanence occupées. Et pourtant Simone était là, au milieu de la cuisine et avec un entrain qui transparaissait jusque dans le « Bon matin ! » bon matin qu'elle lui avait adressé, quand lui tentait déjà difficilement de mettre en route son mode sociabilité, rouillé à chaque réveil. « Bonjour. » Le ton était sobre, mais il avait tenté d'adresser à la jeune femme un sourire pareil à celui qu'elle venait de faire, en gage de bonne volonté. Il restait toutefois un peu perplexe devant ce qu'elle était en train de préparer, cela lui semblait bien copieux pour l'heure qu'il était, mais tout avait forcément l'air d'un fossé à côté de lui qui ne déjeunait pratiquement jamais le matin. « Je prépare le petit déjeuner, merci à mon ancienne partenaire de m’avoir apprise les bonnes manières ! » Du rire léger qui s'était échappé des lèvres de la jeune femme n'avait résulté chez Sayid qu'un éclat de rire bien plus discret, fugace, mais bel et bien présent, tandis qu'il venait s'accouder au plan de travail, face à la jeune femme. « Et elle t'as appris beaucoup d'autres choses, ta partenaire ? » Il ne ssavait pas trop s'il posait la question sérieusement ou non. Chez Sayid le second degré n'avait que très rarement sa place puisqu'il ne parvenait presque jamais à le déceler chez les autres, mais à de rares occasions il lui arrivait de l'utiliser « Vous vous entendiez bien, toutes les deux ? » Il ne savait pas, à vrai dire, elles ne devaient pas s'entendre véritablement mal sans quoi Akela se serait sans doute fait un plaisir de l'évoquer en même temps que Léo-Mylah ou Gekko-Maha, mais cela ne répondait pas à la question. Ce que Sayid savait en revanche c'était qu'il était plus fâché du départ de la partenaire de Simone que de sa partenaire à lui. « Une omelette, est-ce que ça te convient ? Tu peux même choisir tes ingrédients, il y a de tout pour tous les goûts. » Machinalement il avait reposé les yeux sur ce que Simone était en train de préparer, continuant de penser que c'était beaucoup trop copieux à cette heure de la journée, mais dans sa volonté habituelle de ne pas être contrariant il avait acquiescé d'un signe de tête « La même chose que toi, ça m'ira. Merci. » Pas contrariant, Sayid, jamais, même pas assez pour simplement avouer qu'il n'était pas du genre à avaler autre chose qu'un thé brûlant le matin; en temps normal. Et d'ailleurs pour ne pas aller contre ces habitudes auxquelles il tenait particulièrement il avait entrepris de s'en préparer « Thé ? » Il proposait à son tour, d'un ton calme mais qu'il avait tenté de rendre aussi enjoué qu'elle lorsqu'elle avait proposé de partager son omelette, cherchant après la théière dans les placards, puis après la boite de thé à la menthe qu'il avait dégoté dans la réserve et qu'il avait la sensation d'être le seul à boire. Une boite comme celle-ci à la réserve elle ne tenait pas plus d'une semaine, tant il était parvenu à convertir tout le monde. Reposant les yeux sur Simone une fois la théière sur le feu, il en était arrivé au sujet épineux, qu'il avait abordé du bout des lèvres « Parle-moi de toi. On ne se connait pas. » Epineux parce qu'en posant ce genre de question il fallait toujours s'attendre à se la voir renvoyée ensuite, et que Sayid choisissait de manière méticuleuse les informations qu'il acceptait de livrer à son sujet. Mais il n'en était pas encore là pour l'instant, la balle était dans le camp de Simone.

Inutile de se mentir, Simone faisait partie de ces candidats auxquels Sayid avait fini par ne plus trop faire attention, parce qu'ils finissaient par ne passer du temps qu'avec les candidats qu'ils avaient appris à connaitre les premières semaines. Ce qui ne voulait pas dire que c'était une bonne chose, mais c'était fatalement ainsi que les choses se passaient. Mais puisque Sayid n'était pas aussi rempli de mauvaise volonté que certains se plaisaient à le croire il essayait de tâter le terrain avec Simone ce matin ; Ils étaient partenaires désormais, autant qu'ils en profitent pour faire un peu connaissance et se rendre ainsi leur partenariat agréable ... Simone n'avait sans doute pas plus envie que lui qu'ils prennent exemple sur Gekko et Maha, ou Léo et Mylah. Mais puisque l'un et l'autre avaient commencé avec un partenaire qui n'avait pas posé trop d'encombre il y avait de l'espoir ... Simone semblait ceci dit beaucoup plus sur la même longueur d'onde que Joey que lui-même ne l'était avec Claudia. « Beaucoup d’autres choses, mais je me garde de tout te dévoiler. » En temps normal Sayid n'aurait probablement pas saisi le second degré de la phrase, comme à peu près neuf fois sur dix lorsqu'il était confronté à ce genre de chose, mais fort heureusement pour lui Simone avait eu l'idée lumineuse de rajouter un clin d’œil à la fin de sa phrase, lui indiquant ainsi ce qu'il en était. Au lieu de se ridiculiser comme il l'aurait fait en temps normal il avait donc calqué son sourire sur celui que la jeune femme venait de lui adresser. « Oui, je l’appréciais beaucoup. Elle doit être tellement heureuse d’avoir retrouver ses enfants. » Oh ça, il n'y avait aucun doute sur la question. « Tu étais aussi près d’elle, non ? » Il avait considéré la question un instant, parce que Sayid n'était proche de personne au fond, il ne savait même pas s'il pouvait dire cela des gens avec qui il vivait depuis les deux ans qu'il était à la réserve. Mais il se doutait que la question de Simone était à l'échelle du jeu, à l'échelle des préférences des candidats à fréquenter telle ou telle personne « Je ne sais pas, je crois oui. Elle aurait répondu à cette question mieux que moi. » Parce que Sayid ne se mouillait jamais, bien sûr, il préférait généralement s'en tenir à l'avis des autres, même si dans le cas présent il serait difficile de récolter l'avis de Joey sur la question « Tu penses qu'elle reviendra ? » Il demandait alors qu'en réalité lui-même n'était pas certain qu'il reviendrait, s'il été éliminé avant d'avoir pu révéler son secret. Il se disait que c'était la moindre des choses, mais il se connaissait aussi et il savait qu'une fois dehors toute sa volonté ne serait peut-être pas suffisante à le faire revenir. Traversant la cuisine il avait proposé du thé à sa désormais partenaire, à la fois parce qu'il avait lui-même besoin de thé le matin et parce que puisqu'elle était en train de cuisiner il se devait de trouver lui aussi quelque chose de similaire à faire. Préparer du thé c'était parfait. Et puisque Simone lui avait répondu par un « Volontiers. » il s'était donc mis en route, cherchant un sujet de conversation qui lui permettrait de relancer la discussion, chose souvent instinctive chez les autres mais absolument pas chez lui. A défaut de trouver mieux il avait donc demandé à ce qu'elle lui parle d'elle, parce qu'il ne savait presque rien à son sujet et que maintenant qu'ils étaient partenaires c'était à priori le moment de changer cela ... Et puis, c'était ce que faisaient les gens qui se retrouvaient partenaires, du moins c'était ce qu'il avait cru comprendre. « Commençons par l’essentiel : j’ai vingt-six ans, je vis à Lafayette en Louisiane et je travaille à l’aéroport : j’y répare les avions et les hélicoptères. Je vis seule avec mon chat, Felix, je suis célibataire, et je n’ai pas parler à mes parents depuis … un bon bout de temps. » Il notait tout cela silencieusement dans un coin de sa tête, parce que c'était ce qu'il faisait de mieux. Il n'oubliait jamais quelque chose qu'il entendait, c'était l'une des rares choses dont il pouvait se vanter et qui lui était utile dans la vie de tous les jours. « Tu veux savoir autre chose ? » Il avait ajusté la flamme sous la théière et s'était retourné vers Simone, secouant légèrement la tête avant de répondre « Je ne veux savoir que ce qu'on accepte de me révéler, généralement. » Il avait esquissé un léger sourire, et sorti deux assiettes du placard en prévision de ce qu'était en train de préparer la jeune femme. Il ne forçait jamais les gens à parler d'eux parce qu'il avait horreur qu'on le fasse avec lui ; Il se contentait d'écouter et de se contenter de ce qu'on voulait bien lui dire. « Je n'ai pas vu mes parents depuis longtemps non plus. » Il ne savait pas vraiment pourquoi il apportait cette précision, d'autant plus que ce n'était pas le point commun le plus joyeux qu'on puisse imaginer ... Il avait une nouvelle fois pensé à voix haute, à vrai dire. « Ça te vient d'où, cette passion pour les avions ? » Finalement il avait une question supplémentaire, voilà. Mais c'est qu'elle n'avait pas le physique de l'emploi, même si cette réflexion n'avait aucun sens parce qu'on ne choisissait généralement pas son métier parce qu'on avait la gueule de l'emploi.