SAYID & @SAILOR
mercredi 22 avril - 16:18

Inutile de se mentir, Sayid avait depuis longtemps maintenant passé l'âge des films de Disney, et puisqu'il n'avait officiellement aucun enfant dont il se déclare être le père, autant dire que cela faisait un éternité qu'il n'était pas tombé devant un dessin animé du géant américain. Rien d'étonnant à cela dans un sens, le britannique n'avait pas vraiment l'allure du mec qui retombait enfance pour un oui ou pour un non durant son temps libre, mais ce qui était beaucoup plus étonnant en revanche c'était du coup bien le fait qu'il se soit laissé entrainer par Sailor. Entrainé dans la pénombre du cinéma de l'hôtel pour regarder un Disney que selon elle, il ne pouvait pas ne jamais avoir vu ; Pourtant il pouvait, oui, d'autant plus qu'il était ici question d'un film d'animation sorti à la limite entre le vingtième et le vingt-et-unième siècle ... Autrement dit à une époque où Sayid ne se laissait plus embobiner par une jolie histoire et des personnages colorés. Tarzan, puisque c'était bien de ce film là dont il était question, aurait pourtant pu avoir de quoi fasciner le britannique de part sa proximité avec un animal qu'il ne connaissait que trop bien : le gorille. Mais incapable de reprendre les choses dans leur contexte et de ne pas réfléchir au premier degré, le primatologue n' avait vu pendant une heure et demi qu'une déformement grossier des agissements de l'espèce qui le passionnaient, afin de coller aux standards de l'espèce humaine et de toucher les enfants qui regardaient ce film pour les jolies images, l'histoire d'amour et les chansons chantées tout du long par Phil Collins. Phil Collins, c'était bien le seul truc que Sayid avait finalement trouvé de valable à ce film, poussé sans doute par le souvenir de Genesis qui avait marqué la partie de son adolescence qu'il n'occultait pas totalement. « Ils ne se comportent pas comme nous. Les gorilles. Ce ne sont pas des humains. » C'était le seul commentaire qu'il avait trouvé à faire, comme si le parti prix de Disney à ce sujet lui semblait tellement aberrant qu'il en craignait presque que quiconque s'imagine qu'il s'agissait de la réalité. Devant le regard pourtant visiblement un peu déçu de la jeune femme, qui espérait sans doute amadouer Sayid avec ce dessin animé tout en restant dans un univers qu'elle connaissait, le britannique avait maladroitement essayé de se rattraper « Je crois que je suis trop vieux pour ça. » Pour ce genre de film, pour tout ce qui nécessitait d'avoir gardé son âme d'enfant ... Déjà enfant Sayid n'était pas comme les autres, de toute façon. Ce qui s'appliquait aux autres ne s'était jamais appliqué à lui, ou très rarement, et la tendance n'était pas allée en s'améliorant au fil des années.

Elle s'ennuyait, cet après-midi, alors elle a juste trouvé comme occupation le cinéma, vide. Et si c'est vide, c'est que personne n'a décidé d'un film, alors elle peut décider toute seule. Mais toute seule, c'est pas très drôle non plus, elle aime pas regarder des films toute seule, ça lui rappelle des trucs tristes. Quand Sayid est passé par là dans le hall, elle en a profité pour lui demander s'il était partant pour regarder un film, et qui en plus, elle a eu une idée, alors c'est encore mieux. Une fois arrivés dans le cinéma, elle lance Tarzan, parce que pour lui qui s'occupe de gorilles, c'est plutôt pertinent. Alors elle est assise sagement et regarde, fascinée, comme d'habitude, quand quelques minutes après le début du film, Sayid fait une remarque. Sailor tourne la tête vers lui, tirée de sa concentration. « Hein ? Oh, oui, enfin, non, bien sûr que non qu'ils ne se comportent pas comme nous, c'est quand même évident, je trouve, non ? » répond-elle, comme si c'était naturel. Faut être stupide pour se dire que les gorilles agissent exactement comme les humains, déjà, il viendrait jamais à l'esprit d'un gorille de faire autant de bêtises que Sailor, par exemple. C'est peut-être un bien. Sayid grommelle un truc comme quoi il est trop vieux pour ça, mais Sailor poursuit sur sa pensée. « Mais je crois que... des gorilles qui se comportent comme des humains, à se faire des câlins avec leurs bébés, ou à pleurer quand ils sont tristes... on se prend plus facilement d'affection ? Et puis d'un côté, peut-être que les enfants qui ont bien aimé ce film, bah ils se souviendront de ça quand ils verront des gorilles en vrai et ils leur feront pas de mal... » explique-t-elle dans des phrases un peu bancales, en essayant d'être claire. Humaniser les animaux, elle espère bien que ça permet aux gens de se prendre d'affection et de ne pas leur faire de mal, comme si on les considérait comme nos égaux. Et puis elle rajoute une remarque, avec un petit sourire un peu triste cela dit. « Vos braconniers, là, ce que tu m'as dit l'autre fois. Eux, ils ont jamais vu Tarzan, j'en suis sûre, de toutes façons, pour s'en prendre aux animaux, faut pas avoir de coeur ni d'âme d'enfant, » fait-elle en haussant les épaules. Elle reste silencieuse un instant, alors que Tarzan grandit joyeusement au sein de sa famille, et puis elle ne peut pas s'empêcher de dire autre chose, en fait. Quand elle est lancée... « N'empêche que faire du surf sur les branches, là, ça doit être chouette, » remarque-t-elle avec un petit rire amusé.

Nul besoin de préciser que la dernière fois que Sayid avait vu un film de Disney au cinéma remontait à un sacré bout de temps ... Non, à vrai dire s'il avait eu la capacité de faire remonter ses souvenirs suffisamment loin dans son enfance il saurait que ce n'était pour ainsi dire jamais arrivé. Parce que ce n'était pas le genre de cinéma acceptable chez lui lorsqu'il était plus jeune, bien trop américanisant et bourré d'idéologies occidentales dont les parents de Sayid tentaient de se protéger, et que le peu de culture Disney - et autres choses - qu'il possédait il le devait uniquement à sa curiosité. Celle qui l'avait poussé à voir les principaux en cachette arrivé à l'adolescence, lassé de passer pour un blaireau et de ne rien comprendre aux références de ses petits camarades, et qui peinait déjà à ne pas être uniquement le mouton noir de sa classe. Tout cela n'aurait en tout cas rien changé au fait qu'il n'avait jamais vu Tarzan, ce film était bien trop récent et il avait déjà passé l'âge des Disney depuis un moment à la sortie de celui-ci ; Pourtant il n'avait pas bronché et s'était contenté de suivre le mouvement lorsque Sailor s'était plantée devant avec lui. Cela semblait lui faire plaisir, et Sayid n'avait rien de mieux à faire de toute façon, alors à quoi bon contrarier la jeune fille. Il n'avait cependant pas pu s'empêcher de tiquer sur la façon dont étaient dépeints les animaux du film, d'une façon qui à lui paraissait totalement grotesque. « Hein ? Oh, oui, enfin, non, bien sûr que non qu'ils ne se comportent pas comme nous, c'est quand même évident, je trouve, non ? » Si c'était à ce point évident les concepteurs du films n'auraient pas commis une telle erreur, du moins c'était ainsi que Sayid voyait les choses. Il trouvait les primates tellement fascinants dans leur façon de vivre, de fonctionner en communauté, que c'était une aberration totale pour lui que de tenter de les asservir à un modèle similaire à l'être humain. L'être humain était tellement arrogant, ceci n'en était qu'une preuve supplémentaire. « Mais je crois que ... des gorilles qui se comportent comme des humains, à se faire des câlins avec leurs bébés, ou à pleurer quand ils sont tristes ... on se prend plus facilement d'affection ? Et puis d'un côté, peut-être que les enfants qui ont bien aimé ce film, bah ils se souviendront de ça quand ils verront des gorilles en vrai et ils leur feront pas de mal ... » Un sourire amer s'était dessiné sur les lèvres de Sayid, parce que forcément ce n'était pas aussi simple mais que cela pourrait changer et améliorer tellement de choses si Sailor venait de trouver là la recette miracle. « Ils savent témoigner leur affection et leur tristesse eux aussi. Mais pas comme vous, pas avec des mots ou des larmes. » Il avait dit vous parce qu'il était bien temps maintenant, d'avoir remarqué que Sayid n'était lui-même pas un expert dans ce domaine, et ce malgré son appartenance à l'espèce humaine. « Et les enfants deviennent ce qu'on les élève à être. Un dessin animé n'y changera rien. » Il avait baissé les yeux, soudain désœuvré par cette constatation. Il se demandait s'il était ce pour quoi ses parents l'avaient élevé, lui aussi. Il espérait que non, il avait tellement sacrifié pour s'en éloigner, pour être autre chose, une autre personne. Et parce que des années après les méthodes de sa famille continuaient de lui glacer le sang, Sayid se rassurait en se disant qu'il était encore loin de suivre les mêmes travers. « Vos braconniers, là, ce que tu m'as dit l'autre fois. Eux, ils ont jamais vu Tarzan, j'en suis sûre, de toutes façons, pour s'en prendre aux animaux, faut pas avoir de cœur ni d'âme d'enfant. » Il avait quitté des yeux l'écran tandis que le générique s'achevait pour de bon, et avait posé sur Sailor un regard presque attendri. Il oubliait parfois, durant quelques fugaces instants, qu'elle n'était au fond encore qu'une enfant ou presque, et qu'elle voyait le monde on ainsi, avec ses raisonnements simplistes et qui ne méritaient pas d'être salis par le sang, les larmes et la haine des adultes. « Avoir du cœur ne les intéresse pas, uniquement l'argent. Quand ils voient un gorille ils ne voient que la somme qu'il réussiront à en tirer vivant, ou mort. » Il n'avait pas directement pris conscience de la tournure désagréable que prenait la conversation, se contentant de resserrer ses doigts contre son propre genou, comme s'il faisait tous les efforts du monde pour tenter de contenir sa haine à l'égard des hommes dont il était question. Sayid n'était pas quelqu'un qui possédait en lui une once de violence, en réalité, mais voir de ses yeux de quoi ces hommes étaient capables en avait fait dans l'esprit du britannique l'exception à sa propre règle, et le peu de haine qu'il parvenait à emmagasiner en lui était forcément dirigée contre eux. « N'empêche que faire du surf sur les branches, là, ça doit être chouette. » Le changement de conversation avait été tellement brutal - mais néanmoins bienvenu - que Sayid était resté un instant décontenancé, avant de décrisper sa main et de se concentrer pour récupérer son allure neutre et "résignée" comme la qualifiait Gigi. Un sourire léger s'était même dessiné sur son visage tandis qu'il demandait « Vous faites du surf, à Guam ? Dans mon quartier c'était plutôt le skateboard. Ou les patins à roulettes pour les moins adroits, mais surtout le skateboard. » Cela lui semblait loin tout cela, dans ses souvenirs. A la fois parce que ça l'était véritablement, loin, et aussi parce que le skateboard faisait partie de ces activités dont il avait du se séparer après avoir perdu ses jambes ... Bien que le skateboard n'avait pas attendu cela pour rentrer au placard, au profit d'une moto toute neuve et dont Sayid n'avait eu que peu le temps de profiter.

Sailor écoute patiemment ce que Sayid a à dire sur les gorilles, tout en laissant son regard fixé sur l'écran. C'est lui le pro, après tout, et c'est aussi tout intéressant d'en savoir un peu plus. Elle sait bien qu'elle n'aura jamais les moyens d'entreprendre des études pour faire un tel métier, mais ça l'intéresse tout de même d'écouter les autres en parler. Sa remarque sur les émotions des gorilles la fait sourire. « Je pleure pas non plus, ça fait peut-être de moi quelqu'un d'un peu gorille, » fait-elle d'une petite voix avec un léger sourire, pour souligner la plaisanterie. Elle n'a rien d'intéressant à rajouter, alors elle plaisante, comme d'habitude. Et elle qui essaie de dérider un peu Sayid avec des idées plus légères, c'est un peu raté, parce qu'il commence directement à parler des réelles intentions des braconniers malgré tout. C'est vrai, et c'est triste, mais elle aurait préféré en parler sur un ton un peu plus léger. « C'est nul. » Le fond de sa pensée, voilà. Rien d'intéressant. Et puis elle tourne la tête vers Sayid avec un sourire amusé. « Va vraiment falloir que je t'apprenne un peu d'optimisme je crois, ça fait pas trop de mal ! Bon, pas à propos des braconniers, eux, c'est des crétins, et on y pourra jamais rien, sauf si on développe un virus exprès pour les braconniers qui les rendent inoffensifs, du genre, ils auraient peur des animaux et ne pourraient plus les approcher, ou un truc comme ça, » fait-elle, sourire aux lèvres. Elle a bien compris que son contexte professionnel n'impliquait pas beaucoup d'humour ou de légèreté, ni la raison pour laquelle il est là, mais peut-être que le jeu pourrait aussi être une pause là-dedans et lui permettre de se sentir mieux alors qu'il ne peut pas faire grand chose d'autre qu'espérer. « Ca t'aidera sans doute pas dans ton problème avec la réserve mais... tant que tu es ici, faut sourire un peu plus. Essayer de voir le bon côté des choses, le verre à moitié plein, ces trucs-là ! » continue-t-elle en haussant les épaules. En voilà un autre, un cours de philosophie made in Sailor. Elle devrait peut-être se taire mais elle aimerait bien pouvoir faire quelque chose, et à part ça, y'a pas beaucoup de choses qu'elle peut faire pour aider Sayid ou sa réserve. « Les choses ont toujours un bon côté. Sauf les braconniers. Eux, ils sont, euh... unilatéraux, voilà » conclut-elle avec un certain manque de panache, c'est sûr. Et puis Tarzan se met à surfer sur les arbres, et sa remarque fait poser une question à Sayid. Qui rajoute même un petit détail personnel, y'a du mieux depuis le début du jeu. Elle hoche la tête. « Oh oui, un peu, pas autant qu'à Hawaii parce que c'est moins touristique et qu'on a la fosse des Mariannes et je sais pas trop pourquoi mais on a pas autant de grosses vagues, mais on surfe aussi ! Enfin, pas moi, mais les gens, à Guam... » fait-elle, animant la phrase de gestes et de mouvements de la tête comme à son habitude. Ca lui rappelle une anecdote, le skate, comme pas mal de choses en fait. Finalement, elle a pas mal roulé sa bosse, même à l'hosto. « J'ai essayé un skateboard, une fois, mais à plat ventre. Dans le couloir de l'hôpital. Je me suis crashée dans les jambes d'une infirmière et un meuble à médicaments, et je me suis fait gronder par ma mère et mon médecin en même temps, c'était joli à voir, » fait-elle en riant légèrement à l'évocation de ce souvenir. Et puis elle hausse les épaules. « Je faisais vraiment n'importe quoi pour passer le temps, là-bas, » ajoute-t-elle d'un air un peu gêné, en piochant dans le pot de pop-corn à côté d'elle pour enfourner une poignée de maïs soufflé.