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Mylah bénéficie désormais d’un grand lit, puisque Léo a déserté pour rejoindre celui laissé vacant par Hugo, la remplaçant au passage par Maha. Elle est très déçue, bien évidemment, hm. Il est vrai qu’elle s’était habituée à la présence de Léo et à se battre avec lui pour obtenir la couette, mais cela ne l’a pas empêchée de trouver le sommeil. Elle aurait pu partir avant que son partenaire en prenne l’initiative, mais elle est désormais trop habituée à ce lit pour en changer. C’était donc lui ou rien, elle aurait très bien pu supporter de continuer à partager le matelas avec Léo. Quoi qu’il en soit, elle dort désormais seule, ce qui devrait l’aider à passer de merveilleuses nuits. Et de manière générale, c’est le cas, sauf aujourd’hui, puisqu’aux alentours des deux heures trente, elle s’est réveillée en sursaut. Elle est persuadée de ne pas avoir éteint la cuisinière. Pourtant, si cela avait été le cas, elle aurait dû s’en rendre compte plus tôt. Et puis, il est probable qu’un candidat soit passé après elle et se soit occupé de l’éteindre. Mais rien n’y fait, elle n’arrive pas à en être sûre, il faut qu’elle vérifie par elle-même. Alors, la tête dans les nuages, elle se rend jusqu’à la cuisine où elle constate qu’elle n’avait rien à craindre. Elle remonte sans tarder jusqu’à sa chambre, s’apprête à traverser délicatement celle-ci pour rejoindre son lit sans risquer d’enclencher les grilles d’aération au sol. Elle y parvient, mais son attention est ensuite captée par une silhouette qui semble assise sur l’un des lits. Grâce à la lumière émanant du couloir, elle reconnait Agata. « Je suis désolée si je t’ai réveillée. » Murmure-t-elle, à peine audible. Mylah n’est pas du genre à faire du bruit à la moindre occasion et elle déteste hurler, elle n’a donc aucune peine à se faire comprendre même en murmurant. Elle constate qu’Agata semble seule, ce qui la pousse à s’arrêter alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre son lit. « Dimanche, tu m’as dit qu’il y a des choses que tu as encore du mal à t’avouer à toi-même. » Commence-t-elle, toujours sur le même ton, se rapprochant à nouveau d’Agata pour se faire comprendre sans risquer d’éveiller la pièce, bien qu’entre les quelques ronflements et les lits vides, il y a peu de chances que cela arrive. « Je crois que je suis dans la même situation. » Avoue-t-elle, en pinçant légèrement la lèvre, profitant de l’obscurité pour laisser transparaître le doute sur son visage. « Tu veux en parler ? »Oui, c’est bien elle, Mylah, qui s’improvise bonne oreille. À vrai dire, son comportement est un peu égoïste, même si leurs questionnements sont probablement différents, elle est presque satisfaite de ne pas être la seule dans cette situation. Tout semble si facile pour d’autres, alors que c’est loin de l’être pour elle. « Je suppose que les micros doivent être éteints, maintenant. » Il est tard, il n’y a plus d’intérêt à ce que ceux-ci soient allumés, la plupart des conversations intéressantes ne se déroulant sûrement pas au milieu de la nuit ni au petit matin. Enfin selon elle, puisque tout le monde est censé dormir à cette heure-ci. C’est bien pour cela qu’elle murmure, d’ailleurs. En parlant de dormir, justement, peut-être qu’Agata aimerait retrouver le sommeil. Et elle-aussi devrait en faire de même, sans quoi elle sera décalée dès le réveil. « Tu veux sûrement dormir. Désolée. » Elle ne s’en serait pas préoccupée en temps normal, mais elle peut être censée avec les gens qu’elle apprécie, oui, cela lui arrive.

Elle ne fait pas partie de ces gens qui parviennent à rester couché même quand quelque chose leur occupe l’esprit. Elle n’est pas en mesure de s’assurer qu’elle a refermé le gaz, raison pour laquelle elle est forcée de se sortir de son lit douillet pour se rendre à la cuisine. C’est le seul moyen pour elle de retrouver le sommeil. Elle fait attention à ne réveiller personne en quittant la pièce, de même lorsqu’elle essaie de rejoindre son lit après être remontée du rez-de-chaussée. Sauf que c’est peine perdue, une silhouette se distingue dans la pénombre, silhouette qu’elle associe à Agata et la blonde ne tarde pas à s’excuser de l’avoir réveillée, si elle en est effectivement responsable. Et c’est le cas. Mais Mylah passe bien vite à autre chose et se retrouve à questionner Agata sur ce dont elle lui a parlé lors du prime dimanche. Ce sont des propos qui lui sont inévitablement restés en mémoire, puisqu’elle se retrouve dans la même situation. Alors oui, si Agata veut lui en parler, elle n’est pas contre, au contraire, cela l’aiderait sûrement à accepter sa propre situation de constater qu’elle n’est pas la seule dans ce cas-là. Les micros doivent être éteints. Enfin, peut-être qu’elles peuvent remettre cette conversation à plus tard, Agata voulant probablement se rendormir. Ce qui n’est pas le cas. « Encore désolée. » Commente-t-elle avec un sourire gêné aux lèvres, bien que sa camarade ne puisse le distinguer. Elle ne se serait sûrement pas excusée une seconde fois s’il ne s’était pas s’agit d’Agata, mais depuis qu’elle est ici, elle a toujours pris soin de ne pas réveiller les autres les rares fois où elle s’est levée au milieu de la nuit ou de très bon matin. Le sommeil, c’est précieux, elle en sait quelque chose. Et il est vrai qu’apprendre que la brune ne va pas s’en rendormir de sitôt n’est pas pour lui faire plaisir, puisqu’elle est responsable de son réveil. Agata s’imagine qu’elle peut en parler puisque les micros sont éteints, chose que Mylah espère fortement. Elle ne peut pas en avoir la certitude, c’est bien pour cela qu’elle a seulement supposé et non affirmé, mais elle ne voit pas l’intérêt de les laisser allumer à une heure pareille, à moins de vouloir enregistrer des ronflements. Elle écoute attentivement la brune quand elle accepte d’en dire plus et Mylah reste silencieuse quelques instants. Elle n’est pas douée pour écouter, ni pour réconforter, même lorsqu’il s’agit de personnes qu’elle apprécie. « Tu penses que tes parents t’en voudraient si tu t’émancipais un peu ? » Agata n’a pas parlé explicitement de ses parents, mais elle se doute que ceux-ci doivent exercer une grande pression sur elle, il n’y a qu’à repenser au poste de sénatrice auquel elle semble vouée. Alors oui, sûrement qu’ils seraient déçus si elle venait à prendre quelques libertés, mais ils ne pourraient pas lui tourner indéfiniment le dos, quand même. Du moins, elle l’espère pour la jeune femme. « Et tu crois que tu serais capable de poursuivre ce mensonge trente ans de plus pour ne décevoir personne ? » Elle pose beaucoup de questions, elle en a conscience, mais elle est véritablement intéressée par les réponses d’Agata. Elle n’a pas vraiment conscience du mensonge en question, Mylah a besoin d’être éclairée explicitement, mais elle part du principe que, parfois, il faut se libérer de l’emprise des autres. Elle, elle n’y est parvenue qu’une seule fois, en fondant son entreprise qui est loin de faire l’unanimité et qui a failli la déshériter, mais elle ne regrette pas de s’être éloignée de ses parents, même si aujourd’hui leurs rapports sont uniquement cordiaux. Agata lui retourne la question et elle marque une courte pause, pour trouver ses mots. Non pas pour s’abstenir de blesser ses parents s’ils viennent par miracle à tomber sur cette conversation, mais pour parvenir à expliquer correctement le fond de sa pensée, qui est encore vague pour elle. « Je réalise que mon comportement n’est pas approprié et qu’il est même plutôt extrême. Je ne pense pas que je vais pouvoir en changer rapidement, mais je crois que j’en ai envie. Et c’est difficile à admettre, parce que j’ai vécu ainsi pendant vingt-six ans, j’ai l’impression de me trahir moi-même. » Elle ne comprenait jamais où les autres voulaient en venir en évoquant son comportement, mais maintenant qu’elle commence à avoir des réponses, il est vrai que c’est difficile de l’accepter et qu’elle peine à se faire à l’idée que, peut-être, sa façon de vivre n’est pas la plus adaptée qu’il soit. « Je crois que mes parents m’ont transformée en bête de foire. » C’est un peu extrême comme terme, mais elle n’en trouve pas de plus approprié. « Ils auraient pu faire quelque chose, mais ils ont préféré rejeter la faute sur moi. » Elle conclut, un peu défaitiste. Elle n’est pas malheureuse pour autant, elle sait que d’autres vivent bien pire qu’elle, mais il lui est arrivé de se demander si elle n’aurait pas été une autre personne si son éducation avait été différente. Ses parents ont très bien vu qu’elle commençait à développer des troubles du comportement, mais à part l’accuser d’être tarée et de l’obliger à rester assise à une table pour qu’elle s’oblige à manger des aliments de la mauvaise couleur, ils n’ont pas pris d’initiative alors qu'ils en sont responsables, et on voit le résultat aujourd’hui.