► Le 28 février, 2h47, en compagnie de Sonny.
Il commençait à se tard. Maigre consolation. Cela signifiait uniquement qu'une nouvelle journée serait bientôt là. Une nouvelle journée dans ce petit paradis. Quelle chance elle avait. Cela pouvait paraître ironique et quelque part, ça l'était, mais elle ne crachait pas non plus sur l'idée de vivre ici. Si c'était le cas, elle serait partie depuis longtemps. Bien entendu, il y avait de nombreux inconvénients à être entre ces quatre murs. La présence d'autres êtres humains en était un bon exemple. Forcément que ça serait plus simple si elle était seule. Soupir. Les minutes passaient. Elle entendait l'horloge de là où elle se trouvait. Ce putain de bruit qui rappelle aisément que le temps passe. Des secondes. Puis des minutes. Des heures. Le temps passait. Pas assez vite à son goût. Les vingt-cinq dernières années de son existence lui avaient paru bien longues. Soit. Minuit passé. La nouvelle journée était là. Déjà. Enfin. Une journée de moins au compteur. Une nouvelle journée qui se trouvait derrière elle. Sans s'en rendre compte, elle commença à fixer la pendule, respirant au rythme des secondes qui s'écoulaient. A force, elle finirait par faire de l'hyperventilation... Ça importait peu. Rien n'avait vraiment d'importance. Le regard dénué de vie, elle revint finalement à elle. L'horloge avait fait un bond dans le temps. Ou peut-être s'était-elle juste perdue dans celui-ci. Il était pas loin de trois heures du matin. Baillant rapidement, elle monta dans la chambre, enfila son t-shirt trop grand, celui même qui appartenait à une partie de son passé et dont les inscriptions, au dos, étaient à présent lisibles. Elle se faufila sous les couvertures sans plus de cérémonie. Bien entendu, son partenaire, Sonny se trouvait déjà là. Soupir. Elle n'aurait jamais partagé son lit avec un même homme durant aussi longtemps... ou presque. La chose qui était certaine, c'était bien qu'elle n'avait jamais partagé chastement un quelconque lit. « Tu dors? » alla-t-elle lui murmurer à l'oreille, sans même y réfléchir davantage. Sans doute que oui. Au pire, elle trouverait une manière agréable pour le réveiller. S'il ne dormait pas, il pouvait se poser des questions sur la motivation de Síomha. Ce n'était pas souvent qu'elle l'interrogeait sur quoi que ce soit.

Me voilà sur un bateau, non loin des cotes australiennes. Je suis seul, terriblement seul. Mon bateau percute quelque chose. Un iceberg je crois. Zut. Il fait affreusement froid. Doté de ma super doudoune en fourrure de coyote et d’une chapka, me voilà plongeant dans l’eau, victime du naufrage. Je nage durant des dizaines de mètres dans l’eau glacé. Je ne sens plus mes membres. Un iceberg. Je m’y raccroche. Mais voilà que je me fais attaquer par une horde géante de morses. Ils m’agressent avec leurs défenses. Je saigne. Une hache apparait devant mes yeux. Le massacre de morses commence. Je me déchaine. Je leur coupe, je ne sais comment, la tête en une seule traite. Voilà qu’un chasseur, sortit de nulle part, me tire une flèche dessus. J’ouvre mes yeux chez moi. Tout semble allait pour le mieux au premier abord jusqu’à ce que j’approche un miroir. J’ai un énorme tatouage bleu sur tout le torse avec des inscriptions étranges. Une secte. C’était une secte. J’ai de très vagues souvenirs. Quelqu’un me parle. Gné ? « Siomha ? » J’ouvre les yeux d’un seul coup. Je suis en sueur. Je viens de faire un cauchemar plus qu’étrange. « Je ne pensais pas te le dire un jour mais merci. » La blonde vient de me réveiller. Je ne peux qu’être content de retrouver le monde réel. D’ailleurs, encore un peu sous la panique, je soulève la couette pour vérifier qu’aucune inscription ne couvre mon torse. Hallelujah ! Vieux cauchemar de merde. J'essuie avec ma main les quelques goutes qui ornent mon front.

hj : véritable cauchemar

Au final, il était bien endormi et sa petite voix l'avait réveillé. Elle n'allait pas dire qu'elle était désolée, ça serait mentir. Ouais, elle s'en foutait pas mal de le tirer du sommeil, juste pour obtenir ce qu'elle souhaitait. Lorsqu'il demanda s'il s'agissait de la belle en énonçant son prénom, elle leva les yeux au ciel. Non, c'était le pape. Ça se voit pas? Tss. Bien sûr que c'était Síomha, qui d'autre? Chose alors étonnante, il la remercia. Ah? Bah, de rien, c'est toujours un plaisir. « De rien. » répondit-elle simplement. Ouais, de rien. Une énigme, ce type, une énigme. M'enfin, qu'importe. Maintenant qu'elle avait fait sa bonne action de la journée et qu'elle l'avait aidé d'une façon dont elle n'avait pas connaissance (et dont elle se foutait pas mal), elle supposait qu'il ne lui restait plus qu'à en faire de même avec Síomha, n'est-ce pas? Après tout, c'était donnant-donnant. Chacun aide l'autre à tour de rôles... Oui, voilà, une belle relation entre deux partenaires, pas vrai? Pouhaha, bien sûr que non, mais si elle pouvait obtenir quelque chose à une heure si tardive, elle ne dirait pas non. « Tu voudrais bien faire quelque chose pour moi ? » qu'elle lui demanda alors. Si vous êtes sérieusement en train de vous demander ce qu'elle pourrait bien vouloir, c'est que vous êtes de véritables crétins. Allez savoir si Sonny, lui, allait comprendre ou non.

Horrible cauchemar. J’ai encore des images de morses et de l’étrange tatouage bleu en tête. Je ne comprends vraiment pas pourquoi j’ai rêvé de ça. Ça parait insensé. En plus, je n’ai pas l’habitude de faire de mauvais rêves. Quelque chose me préoccupe, c’est une certitude. Mais quoi ? Je ne le sais même pas. En tout cas, me voilà, presque recroquevillé dans le lit auprès de Siomha. Je reprends peu à peu mes esprits. D’un élan de folie, je décide de remercier la blonde de m’avoir réveillé. Après tout, sans elle, je serais peut-être encore entrain de combattre des morses ou.. non, pas envie d’imaginer. Je suis simplement content d’être revenu dans le monde du réel. La candidate semble d’ailleurs étonnée de ma réaction. Ça peut se comprendre. Son "de rien" me fait sourire. Il est tard et j’ai nullement envie de me prendre la tête avec elle. Une sorte de trêve semble s’être instaurée. Pas le droit de se chamailler durant la nuit. Enfin de là à ce qu’elle me demande un service, elle y va peut-être un peu fort. J’arque immédiatement un sourcil et j’hésite à la rembarrer. Peace. « Vas-y balance. » Mon ton est neutre. Je ne sais pas tellement ce qu’elle attend de moi. Je veux bien lui rendre un service mais dans la limite du possible. J’attends de voir. Très sceptique tout de même.

Elle ne s'était pas attendue à faire une bonne action en réveillant son partenaire, tout comme son but n'avait pas été de le sortir d'un affreux cauchemar. Elle s'était bien plus attendue à une engueulade qu'autre chose. Après tout, on ne pouvait pas dire que leur relation était au beau fixe et qu'une belle harmonie régnait entre eux. C'était même plutôt l'inverse. Dès le premier soir, ils avaient montré que tout ne serait pas de tout repos. Et Síomha ne le détestait pas pour autant. Elle ne détestait personne. Elle était juste indifférente à la personne qu'il était. C'était tout. Quoi qu'il en soit, elle allait de surprise en surprise puisqu'il ne la renvoya pas balader alors qu'elle lui demandait impunément un service. Il n'avait donc pas encore compris jusque-là. D'accord, ça pouvait être compréhensible: elle n'avait pas laissé grand indice quant à l'objet de ses désirs. Alors plutôt que de prendre la parole pour lui expliquer qu'elle voulait qu'il la fasse se sentir vivante le temps de vingt minutes, elle approcha son visage du sien afin de capturer ses lèvres. Sa réputation plus ce baiser: s'il ne comprenait pas, c'est qu'il était con. Le problème étant qu'elle n'était pas certaine qu'il ne l'était pas. Elle allait sans doute découvrir cela dans une seconde, probablement juste le temps qu'il comprenne qu'elle venait de l'embrasser.

Siomha est sans aucun doute la personne que j’apprécie le moins au sein du jeu. Pourtant, c’est pas faute d’avoir essayé. Mais dès le premier soir, elle s’est mise dans ma ligne de mire en refusant de me donner une clope. Quelle saleté ! Depuis, on se chamaille pour un rien. Le seul moment où j’apprécie la jeune femme c’est quand elle dort, et encore. Elle me donne de temps à autre des coups en pleines nuits et parfois-même elle me réveille. La bougresse ! Clairement, mon avis est fixé sur la blonde. Mise à part baiser, elle ne sert à rien. Autant la remplacer par une poupée Barbie gonflable, ça reviendra au même et ça fera une bouche en moins à nourrir. Bref. Là, j’ai décidé de faire un énième effort envers ma partenaire. Elle me demande un service. Je l’écoute. Qu’elle me dise ce qu’elle veut. Je suis prêt à aller lui chercher un verre d’eau en cuisine s’il le faut. Quelle naïveté ! Elle s’approche de moi pour s’emparer de mes lèvres. Si au début, surpris, je me laisse légèrement faire, je recule d’une seule traite. Les traits de mon visage s’assombrissent. J’aurais du m’en douter ! « Non mais ça va pas ! Quel est ton PUTAIN de problème ?! » J’aurais quand même pensé qu’elle ne serait pas aussi bête pour s’attaquer à moi vu notre relation. Je ne suis clairement pas le genre de mec à sauter sur tout ce qui bouge. « T’as besoin de te sentir vivante, d’un peu d’affection, c’est ça, hein ? » Je pose la main sur mon front énervé et à la fois attristé pour la jeune femme. « Tu veux me sauter, et après ? Tu crois que ça ira mieux dans ta misérable vie de merde ? GRANDIS BORDEL ! » Je me lève du lit brusquement en balançant la couverture sur la candidate. Je me fou d’avoir réveillé ceux qui dorment. C’est de sa faute. C’est qu’une pauvre conne. Elle a rien comprit à la vie. J’ai terriblement mal pour elle.

N'allez pas croire que Síomha était naïve ou confiante au point d'espérer que Sonny accepterait ce baiser avec plaisir et qu'ils pourraient s'envoyer en l'air comme ça, aussi facilement. Pour tout dire, elle n'avait pas attendu une réaction en particulier, elle s'était contentée de faire ce qu'elle souhaitait faire. Et advienne que pourra. C'était tout. A quoi bon imaginer une quelconque réaction, de toute façon? Elle ne pourrait pas influencer la façon dont il prendrait les choses, alors autant attendre et voir ce qui se passerait. Et en l'occurrence, Sonny ne prit pas les choses avec le sourire. Pas la meilleure réaction du monde, tout ça. Elle le regardait s'énerver tout seul, faisant référence à la vie misérable de la blonde. Ouais, c'est vrai, sa vie était misérable, pathétique, à chier, totalement merdique. Elle soupira une fois que son petit manège fut terminé. Il prenait vraiment la mouche pour rien. Elle décala légèrement la couverture, la rabattant afin de dégager ses épaules. Allongée sur le dos, elle regardait le plafond. Sa misérable vie. Ouais, sa putain de misérable vie. « Tu crois me connaître hein? Tu ne me connais pas. Je ne me connais pas. Il n'y a rien à connaître, rien à savoir. C'est la vie, c'est tout. » souffla-t-elle, sans même savoir s'il l'écouterait. Sûrement même que ça ne l'intéressait pas, mais peu importe. « Et crois-moi, j'ai bien grandi. Je n'ai jamais été une enfant, on ne m'a pas laissé cette chance. » Non, elle n'avait jamais pu prétendre être une enfant un jour. Elle avait très vite compris la dureté de la vie, l'avait bien intégrée et avait vécu avec. Que faire d'autre de toute façon? Quelque part, elle aimait sa misérable vie. Puisqu'elle savait qu'elle n'aurait jamais rien de mieux.

Il suffit d’un baiser de ma partenaire pour me mettre hors de moi. Quelle pauvre conne ! Je ne suis vraiment mais vraiment pas la bonne personne à qui faire ça. Et je ne me gêne pas pour lui dire. Je lui balance ses quatre vérités même. Bon sang que ça soulage ! Debout, exterminant à petit feu la colère, j’écoute ensuite ses propos. J’en suis troublé mais également touché. « Je.. Excuses-moi. » Ok, j’ai été beaucoup trop loin avec la jeune femme. J’ai perdu mon sang froid et j’ai dis des choses qui ont dépassées ma pensée. Bien que je n’apprécie pas la blonde, traiter sa vie de misère et de merde, je n’aurais pas dû. Je baisse la tête, puis décide de me rasseoir sur le lit, pas de m’allonger hein, juste m’asseoir, sans vraiment regarder la candidate. « Je te connais pas et pourtant j’ai l’impression de te connaître. Aussi bizarre que ça puisse paraitre, on a des choses en commun. » Je soupire, hésitant à continuer à me délivrer ainsi. Je ne sais pas si elle m’écoute, en tous cas, elle ne m’interrompt pas, c’est bon signe. « C’est toi qui te rends inintéressante. Tu te laisses vivre. Ton seul intérêt c’est baiser. Le jour où t’auras une MST, tu feras comment ? Qui te soutiendras ? » Ma voix est plus calme qu’auparavant. Je fais un peu plus gaffe aux candidats dormant dans la chambre à vrai dire. « Et ne me dis pas que c’est la vie et que tu t’en fou, car je sais très bien que c’est faux. » Je ne compte pas faire sortir la candidate de ses gonds. Je veux simplement la faire réfléchir. Mon histoire semble similaire à la sienne et j’ai eu la force de m’en sortir, alors pourquoi pas elle ?!

Finalement, il s'excusa. Ah. Elle allait de surprise en surprise. Soit. S'il se sentait de dire des trucs qui ne feraient pas ciller Síomha pour ensuite faire des excuses qui ne la feraient pas ciller non plus, alors qu'il en soit ainsi. Mais ce n'était pas tout et il continua, après s'être assis sur le lit. Ils avaient des choses en commun? Ouais, peut-être bien. Peut-être pas. Inintéressante? Síomha assumait totalement de l'être dans ce cas. Le jour où elle aura une MST? Personne ne sera là et alors? La solitude, c'était agréable. Elle trouvait que si. Et en effet, c'était juste la vie. Et elle s'en foutait. C'était comme ça. Elle resta silencieuse une seconde. Elle ne cherchait pas spécialement à réfléchir à ses paroles. Ou peut-être que si. Elle ne savait pas trop ce qui lui traversait l'esprit. Sûrement rien. « Et pourtant, c'est vrai. Je m'en fous. » souffla-t-elle alors. Elle était anesthésiée, elle ne ressentait plus rien. Et cela depuis bien longtemps déjà. Il y eut un temps dans sa vie où elle avait été en colère, très en colère après tout et tout le monde et Sonny pourrait aisément deviner pourquoi, mais cette colère, ce venin qui la bouffait de l'intérieur avait disparu. Ce sentiment s'était évanoui avec le temps et elle était juste devenue froide, avec l'incapacité de ressentir autre chose que cet ennui constant. Le sexe avait aidé à faire taire cet ennui et cela aidait encore un peu, mais bientôt, elle savait que ça n'aiderait plus. Et après? Eh bien, elle ne savait pas. Elle continuerait à vivre chaque jour en son temps, les uns après les autres, à continuer de survivre. Ouais. Sûrement.

J’aurai dû m’en douter, ma partenaire déclare se foutre de mes propos et de ce que je dis. Putain ! Mais quelle conne ! Et moi je suis encore plus con de me mettre en rogne pour quelqu’un qui n’en vaut pas la peine ! « T’es exactement entrain de devenir comme ma mère : une putain. Et ça te perdras un jour, sois en sûr. » Comment ne pas faire la comparaison entre celle qui m’a mit au monde et Siomha ?! Elle agit de la même manière qu’elle et ça me dégoûte réellement. Je parle de MST mais pire encore si elle se retrouve un jour avec un gosse arrivé par accident. Ce pauvre gosse c’est moi. J’en frisonne rien que d’y penser. Insouciante et égoïste, voilà ce qu’est Siomha. Elle croit peut-être ne pas l’être justement, c’est son tort. « Tu crois que t’as besoin de personne, que tu ne fais souffrir personne. Mais c’est faux, dans l’histoire c’est toi qui souffre. Tu ne vis pas, tu survis. Et je t’assure, ça ne tient qu’à toi de changer. Le jour où tu l’auras décidé, tu connaitras enfin le bonheur. Et crois-moi, ce sentiment c’est mieux qu’une partie de baise. C’est l’extase à l’état pur. » Là, je ne maitrise plus tellement mes propos. La jeune femme est forte. Presque sans rien dire, elle réussit à me faire sortir de mes gonds et à m’obliger à me délivrer. Je la déteste. C’est bien simple, qu’elle ne m’adresse plus jamais la parole. Je ne suis d’habitude pas très rancunier mais là, je revois ma mère quelque part en elle et ça m’atteins réellement. J’essaye de garder mon calme, le contrôle de la situation mais je lutte. La blonde fait ressortir toute cette rage que j’ai en moi. Je pourrai la frapper, mettre le feu au château, mais je me contrôle. Je bouillonne juste intérieurement.