Le prime s’est terminé. Sur l’élimination de Sailor et Mylah. Pour sur, je ne m’attendais pas à de tels résultats. Je ne comprends pas. Comment peut on vouloir sauver un Gekko associable et antipathique, aux détriments d’une Sailor, rayon de soleil de l’aventure ? Je n’ai rien contre le bonhomme – si ce n’est les notes catastrophiques qu’il m’a mit – mais la pilule a du mal à passer. Elle méritait tellement d’aller plus loin. Et de savoir qu’en plus, elle ne compte pas rester…Vraiment, je crois qu’on aurait pas pu faire pire comme fin de prime. L’élimination de deux candidates que j’apprécie beaucoup, rajouté à ça ma nomination… Et pour couronner le tout, les choses sont assez bizarres entre Sailor et moi. Il y a un certain malaise qui s’est installé, et je détesterais qu’on se quitte ainsi, sur cette impression là. Alors je la vois serrer dans ses bras les autres candidats, faire ses adieux… J’attends mon tour, qui n’arrive jamais. C’est à peine si elle ne me dit pas pousse toi de mon chemin, j’ai des trucs à faire. Alors c’est comme ça qu’elle veut que ça se termine ? Il en est hors de question. Alors je grimpe les marches, dans le but de la retrouver. Chose assez simple, puisqu’elle est dans sa chambre, à boucler sa valise. « Je suppose que tenter de te convaincre de rester est inutile. » Elle a prit sa décision. Et ça serait purement égoïste de ma part de vouloir qu’elle reste parmi nous, quand apparemment elle n’a plus de désir d'être là. D’autant que plein de belles choses doivent l’attendre à l’extérieur. « Tu comptais vraiment partir sans me dire au revoir ? »

Voilà, c'est fini. Faut croire qu'elle n'apportait plus rien au jeu et que le public en a eu assez, alors elle est éliminée, c'est comme ça, c'est tout. Sans secret, elle savait bien qu'elle partait avec un handicap par rapport aux autres nominés, finalement. Si le prime n'avait pas été si bizarre, elle aurait filé directement en grandes pompes. Mais là, elle sait plus trop quoi faire, en plus elle peut rester, mais elle n'est pas sûre de vouloir. Elle est comme ça Sailor, quand une étape se termine, elle le sait, et elle préfère vite passer à autre chose pour pas s'embourber dans une routine ennuyeuse. Et là, maintenant, tout de suite, tout ce qu'elle veut éviter, c'est entendre l'habituel discours désolé de Leandro, désolé t'es une super copine quand même, blablabla, ces trucs là. Non, ça craint, c'est encore pire après, vaut mieux directement passer à autre chose, c'est comme un pansement qu'on arrache. Elle a fui dans la chambre pour éviter ça, et essaie de plier correctement ses affaires dans sa valise, pour que tout rentre. Elle arriverait à l'hôtel de Disneyland tard, tant pis, mais elle a toute la semaine pour rattraper son sommeil et s'amuser comme une folle sur les manèges. Sauf que voilà, Leandro, lui, il l'a suivie, et il vient là pour essayer de faire en sorte qu'elle reste, sauf que non, vraiment, elle ne resterait pas. « Oh, non, vraiment, de toutes façons, je n'ai plus vraiment grand chose à faire ici, j'ai tout exploré, j'ai plus de cagnotte ni de secret en jeu... » fait-elle en haussant les épaules, tout en pliant ses tee-shirts soigneusement, les empilant correctement dans un coin de la valise. « Rester enfermée dans un bâtiment à attendre je-ne-sais-quoi sans but, j'ai déjà donné, je vais faire autre chose, maintenant ! » ajoute-t-elle avec un petit rire. Jouer les poissons rouges, elle l'a déjà fait pendant des années à l'hôpital, à juste attendre qu'un jour, "ça passe" et que la chimio fasse son effet pour de bon, et non, elle n'a pas envie de remettre ça. C'est fini, c'est tout, maintenant, elle a des milliards de choses à faire dehors, voyager, visiter, tant qu'elle le peut, tant que les finances débloquées par la fondation le permettent. Et puis y'a aussi le reste. « Et puis je veux pas m'imposer ou que ça soit bizarre avec Adélie parce que je suis là ou quoi que ce soit, alors, euh, bah je range, » précise-t-elle en fourrant ses paires de chaussettes dans un sac en plastique, avant de le fermer et le comprimer pour le rendre le plus petit possible. « J'ai un rendez-vous romantique avec Mickey, cette semaine, de toutes façons, » fait Sailor en s'efforçant de rire un peu. Ca va être chouette, Disney, même si elle sera toute seule, ça sera chouette quand même. Elle aurait aimé que Janette puisse venir, mais elle n'a pas le droit à un voyage cancer, elle. Et voilà que Leandro râle à peine parce qu'elle a pas dit au revoir sur le plateau comme pour les autres. Mais bon, si c'était pour entendre ce qu'elle sait qu'elle va entendre, elle préfère disparaître normalement et éviter des adieux larmoyants qui ne seraient qu'encore plus gênants. Comme si elle ne partait que pour la soirée, quoi, ni vu ni connu. En plus, elle a déjà recyclé son Twitter pour un compte public. « Je suis pas partie, regarde, je range, et c'est le bazar en plus ! D'ailleurs, elle est où ma console ? C'est Lamine qui l'avait empruntée, il a dû la laisser à côté dans l'autre chambre... » fait-elle, histoire de détourner un peu la question. Ca va, c'est pas comme si elle partait à l'abattoir non plus, même si une fois à Guam, elle n'aura jamais les moyens d'en repartir, en fait, maintenant qu'elle n'a rien gagné pour rembourser les factures médicales de la famille.

A peine ais je retrouvé Sailor, qu’elle repart déjà. Un petit tour et puis s’en va. Je ne comprends vraiment pas le public. Je ne sais pas ce qui leur faut de plus. J’aimais bien les téléspectateurs jusqu’à présent, mais là ils me déçoivent. Et quelque chose me dit que je ne vais pas tarder à la suivre dans les éliminations. Mais peut importe, pour l’instant, je suis bien loin de penser à ma nomination. Mais plutôt à Sailor, qui semble bien décidée à partir fissa. Et a priori, sans même me dire au revoir. C’est surement ça le pire. « D’accord, je comprends. » Oui je comprends son choix de partir, et d’avoir envie de voir autre chose. Je le respecte, et je ne vais pas essayer de l’en dissuader. De toute façon, elle a déjà prit sa décision, et quoi que je pourrais dire à mon avis n’y changera rien. Par contre, elle parle de ne pas s’imposer avec Adélie tout ça. « Arrêtes tu t’imposes pas du tout. Je suis certain qu’elle aurait aimé que tu restes aussi. » Bon présentement je ne sais pas où elle est, mais elle a surement une bonne excuse pour son absence au prime. D’ailleurs, je m’en inquiéterais une fois Sailor partie, parce que ça se trouve elle n’est pas bien. « Si t’attendais, on aurait pu y  aller ensemble. » A Disneyland. Plutôt que d’y aller toute seule. « Surtout que j'ai toujours voulu y aller. » Mais bon tant pis. De toute façon là, j’en viens même à me demander si elle souhaite me revoir à l’extérieur. Parce qu’elle comptait tout de même se casser sans me voir. Sans qu’on ait parlé de tout ça. De l’après Fake Lover. Et d’ailleurs là, elle joue à l’autruche, et parle de sa DS et du bazar. « Tu peux arrêter deux minutes ? C’est bon ta console sera toujours là. » Son comportement m’agace là. « C'est vraiment comme ça que tu veux la jouer ? Alors quoi, on se sert la main, c’était bien sympa, merci au revoir, à dans une autre vie ? »

Elle sait même plus quoi dire, tout ce qu'elle veut, c'est rentrer chez elle, et retourner manger des glaces sur la plage avec sa soeur, aller finir l'école sans s'impliquer, aider ses parents au magasin. Elle s'est trop impliquée dans ce jeu, beaucoup trop, elle qui s'est toujours promis de ne jamais faire ça, pour ne dépendre de rien et pouvoir faire ce qu'elle veut. Les choses lui échappent, et elle est tiraillée entre ses principes contradictoires. Elle voudrait bien rester et profiter avec des amis, mais le contexte la pousse à ne pas le vouloir non plus. Elle veut pas être la troisième roue du carrosse et finir par se sentir encore plus mal parce qu'elle aura essayé de contenter tout le monde. Elle a pas signé pour ça, non, après l'hôpital, après David, c'était fini, tous ces trucs, elle est sensée être optimiste, prendre les choses à la légère et passer d'une chose à l'autre sans souci. Manger des glaces sur la plage avec Janette et aller au lycée juste histoire d'écouter les cours, et puis papoter avec les clients. Entendre dire qu'Adélie aurait voulu qu'elle reste, non, certainement pas, ou du moins, si ses camarades pouvaient comprendre que sa position n'en serait qu'encore pire, ils ne le souhaiteraient sans doute pas, surtout pour Sailor. « Non, je... » commence-t-elle, avant de se rendre compte qu'elle n'a rien de constructif à dire, pour une fois. Non, elle n'est pas le genre de fille avec qui on s'implique, ou qu'on voit comme plus qu'une bonne amie qui sait vous écouter, mais elle ne sera pas non plus celle qui reste sur le carreau à observer d'autres vivre ce qu'elle a raté. La chandelle, non, très peu pour elle, surtout dans te telles conditions. Et alors quand Leandro dit vouloir venir à Disneyland, non, c'est toujours la même histoire. Elle secoue la tête avec un sourire. C'est pas avec elle qu'il faut y aller, c'est pas elle la bonne candidate pour tous ces trucs, elle l'a bien compris depuis longtemps, et ça sert à rien d'essayer de noyer le poisson en affirmant le contraire. Comme son détecteur, en disant qu'elle lui plaisait. Elle apprécie le geste de politesse, mais c'est encore pire, elle déteste se voir elle-même espérer des choses qui n'arriveront jamais. Un peu comme tous ces gosses à l'hôpital. Elle a eu du bol deux fois, c'est déjà pas mal. Ca agace Leandro qu'elle essaie d'éviter le coup de la conversation larmoyante bourrée de pitié, mais vraiment, elle veut pas voir ça, ça lui rappelle la tête que faisaient les gens quand ils apprenaient qu'elle était gravement malade, elle déteste ça. « Je suis pas... » commence-t-elle, en s'arrêtant net, immobile, son sourire s'évanouissant pour laisser place à une expression surprise et décontenancée. Ca la met devant le fait accompli, à vrai dire, faire face, c'est le genre de trucs qu'elle ne fait plus, elle fuit, elle s'occupe l'esprit, elle vole d'une chose à l'autre et prend tout au trente-sixième degré, pour ne pas avoir à faire face aux vraies choses. Les mots dépassent même sa pensée, pour le coup. « Ah bah ça m'arrangerait parce que l'autre vie elle peut peut-être arriver drôlement vite hein ! » s'exclame-t-elle avec un rire, avant d'afficher une expression complètement perdue, une main sur sa bouche. Elle a pas dit ça, non ? Vraiment ? C'est comme si elle venait d'entendre les mots de quelqu'un d'autre, elle qui refuse ce genre de pensées ou d'idées depuis des années, finalement, c'est sans doute la première fois depuis bien longtemps qu'elle met des mots sur la réalité. « Heu... » bafouille-t-elle en se rendant compte de ce qu'elle vient de dire. Elle est perdue, plus vraiment par rapport à Leandro, finalement, mais par rapport à elle-même. Une nouvelle contradiction. Sailor ne sait plus quoi dire ni faire, alors elle attrape des objets d'une main fébrile, essaie de les placer de manière plus ou moins logique dans la valise, le regard digne d'un animal pris en plein phares. « Il faut que je range... » s'entend-elle souffler d'une petite voix. Mais plus ça va, moins elle sait quoi faire, plus tout est flou, ses idées, ce qu'elle veut, ce qu'elle ne veut pas, ses convictions, tout, et elle sent que ça tremble. Ses mains tremblent, son menton tremble, elle essaie de toutes ses forces de reculer l'échéance, mais voilà, c'est foutu. « Il faut que... » commence-t-elle à répéter, avant que sa voix ne se brise dans un sanglot. Et puis voilà, pour la première fois depuis des années, elle se retrouve face à la réalité, face à son monde qui n'est que complètement factice. Ce n'était qu'une question de temps, de toutes façons, tout humain normalement constitué ne peut passer tant de temps sans faire face aux choses, sauf en cas de maladie mentale. Elle qui était accroupie à côté de sa valise, elle tombe les genoux au sol, une main sur le visage en essayant de dissimuler son expression. D'un côté, ça fait du bien, de pleurer un coup, de tout laisser sortir, finalement, Leandro, il n'y est pas pour grand chose, ça a juste été la goutte d'eau qui a fait déborder un vase bien trop grand.


(oups )

Le prime ne s’est définitivement pas déroulé comme je l’aurais souhaité. Ma nomination. L’élimination de Mylah. Le départ de Sailor. Et maintenant ça… Ce n’est clairement pas ainsi que j’aurais aimé qu’on se quitte. Non je voyais ça bien plus joyeux. Alors oui l’attitude de Sailor m’agace. Si ce n’est presque blessante. Pour quelqu’un qui se dit avoir des sentiments pour moi, ou en tout cas que je lui plais, elle semble bien prompte à se débarasser de moi. Elle veut éviter la conversation, éviter d’affronter une situation qui ne tournerait pas comme elle veut. Alors quoi ça devient un peu trop sérieux pour elle, et pouf y a plus personne ? Prendre les choses à la légère, ça va bien deux minutes, mais parfois il faut aussi savoir affronter la réalité. Non je.. Non quoi ? C’est bien la première fois que je vois Sailor à court de mots, elle qui d’habitude à toujours quelque chose à dire. Je lui parle de se voir dans une autre vie, peut être que les mots sont mal choisi compte tenu de sa situation. Je n’en sais rien, mais c’est alors qu’elle sort une phrase que je n’aurais pas pensé entendre de sa bouche. Elle qui d’habitude est toujours optimiste, à ne pas se laisser démonter…Jamais je ne l’ai entendu parler de sa possible mort. Et voilà qu’elle continue à ranger, de manière presque obsessionnelle. J’allais l’arrêter, mais elle le fait toute seule, tombant au sol, et éclatant en sanglots. Je ne suis pas très à l’aise dans ce genre de situation, mais je ne vais clairement pas la laisser seule. Je me laisse tomber à ses côtés, et la serre dans mes bras. C’est tout ce que je peux faire. ” Là, laisse toi aller…” Pour une fois, elle peut bien se laisser aller à craquer. C’est humain après tout. Je ne sais déjà pas comment elle fait pour garder le sourire, être tout le temps joyeuse malgré les circonstances…  Alors pour une fois, elle a le droit de céder.  De tout laisser sortir. Ça lui fera du bien. Je ne pense pas qu'il y ait grand chose à dire de plus dans ce genre de circonstances. Tout ce qu'il y a faire, c'est être là pour elle.

Fallait bien que ça arrive un jour, finalement, si c'était pas maintenant, ça aurait été plus tard, pour d'autres raisons. Mais l'accumulation des échecs ont eu raison de son optimisme. Elle qui était venue en espérant un peu montrer qu'elle est autre chose qu'une gamine malade, c'est bel et bien raté, puisqu'elle n'a pas réussi à se défaire de cette image. C'est frustrant, vexant, et même si elle a bien essayé de fuir et d'éviter le sujet pour pas se laisser démonter, ça aussi, elle n'a pas réussi. Elle doit donc rentrer chez elle bredouille, sans même de quoi aider ses parents, et elle sait bien que pour le coup, c'est bel et bien raté pour entamer des études quelconques. Au moins, si jamais un jour quelqu'un voulait venir la voir, ils sauraient où la trouver. De toutes façons, tant qu'elle n'aura pas entendu le mot "guérison" à la place de "rémission", elle ne sera jamais le genre de fille qui sera vue autrement qu'une source d'inquiétude et de stress constant. Elle pleure, comme une gosse, assise par terre, entourée des bras de Leandro pendant quelques minutes, avant que finalement elle ne se calme d'elle-même. Sailor renifle, s'essuie les joues du plat de la main, essaie de reprendre ses esprits et dire quelque chose, parce qu'elle n'est franchement pas un modèle de communication, là, maintenant, tout de suite. « Je... je suis désolée, je peux pas rester, » s'excuse-t-elle entre deux reniflements et en essuyant ses joues une nouvelle fois. Elle aurait bien aimé montrer son soutien à ceux qu'elle apprécie, mais elle n'est pas sûre de tenir le coup. Elle aurait pu tenir si le prime n'avait pas pris un malin plaisir à hurler sur tous les toits ce qu'elle avait dans le coeur, en fait. Elle est douée pour dissimuler les choses et les mettre de côté, mais maintenant que tout le monde sait ce qu'elle pense, les moindres regards reflètent tout ça et dissimuler est nettement moins facile. Elle resterait au milieu des autres candidats et anciens candidats, qui la regarderaient tous d'un air désolé plein de pitié, pour la pauvre gosse malade qui en plus s'est pris un râteau en direct à la télé devant des millions de téléspectateurs. Déjà qu'elle déteste le regard de pitié pour les cancéreux, en rajouter une couche, non merci. Sailor se redresse, essuie le dessous et le coin de ses yeux avec ses index. « Je savais même pas que je pouvais encore pleurer de cet oeil-là, » fait-elle avec un rire un peu humide, en désignant son oeil factice, préférant retourner sur le côté humoristique de la chose et arrêter de pleurer. Bon, okay, elle a sûrement déjà dû pleurer même après la greffe de son oeil de verre, étant donné que c'était quand elle était toute petite et que tout le monde sait que les gosses pleurent souvent, mais disons qu'elle l'avait oublié. Et puis techniquement, les glandes lacrymales sont intactes, seul le globe oculaire avait été endommagé par les métastases, y'a de ça quinze ans maintenant. Ca l'embête sincèrement d'être incapable de faire ce que Leandro fait pour elle en ce moment, juste rester et la soutenir, mais elle préfère aussi se retirer et s'éloigner pour l'aider à lui aussi, éviter que ça soit bizarre, qu'elle soit là à traîner dans leurs pattes, avec Adélie, et freiner quoi que ce soit, même involontairement. D'autant plus que tant qu'elle ne sera pas annoncée comme guérie, elle court toujours des risques. Causer des inquiétudes à sa famille, c'est inévitable, mais si elle peut épargner Leandro et Adélie aussi, ça serait encore mieux. Sailor entoure à son tour Leandro de ses bras, histoire de se rattraper un peu. « Merci, » fait-elle simplement. Pour quoi, pour un peu tout, en fait. C'est quelqu'un de vraiment bien, qui mérite de réussir et de trouver de quoi être heureux. Une fois rentrée à Guam, il faudrait un miracle pour que Sailor puisse retourner sur le continent, comme gagner à la loterie, par exemple, mais elle accueillera volontiers les anciens candidats sur son île si l'envie les prenait. Quand elle sera complètement guérie, surtout. « Tu diras merci et bonne chance à Adélie de ma part, hein ? » ajoute-t-elle. Elle est un peu triste et déçue que la jeune fille de soit pas venue la saluer, mais d'un côté, c'est peut-être mieux comme ça, elle n'aurait sans doute pas pu gérer son regard à elle et celui de Leandro à la fois. Déjà qu'elle galère à l'instant même...

Sailor laisse libre court à ses émotions, et se met à pleurer. Je suppose que c’est une accumulation de beaucoup de choses. A force de tout garder en soit, il fallait bien que ça sorte à un moment donné ou un autre. Ne sachant quoi faire d’autre, que la prendre dans mes bras, et lui montrer que je suis là pour elle, je la serre fort. Je resterais le temps qu’il faudra. Finalement au bout de quelques minutes, elle semble se calmer. Elle essuie quelques larmes, avant de s’excuser de ne pas pouvoir rester. C’est bien le dernier de mes soucis en ce moment. « Ce n’est pas grave, je comprends. Fais ce qui est le mieux pour toi. » Qu’elle pense d’abord à elle. Puis ce n’est pas comme si partir du jeu équivalait à un abandon ou quoi. Elle nous laisse pas dans une jungle sauvage, perdus, avec pas grand-chose pour survivre. On est dans un hôtel de luxe. Je pense que je devrais réussir à m’en sortir. C’est juste qu’elle va laisser un vide une fois de plus. Et que les journées seront bien plus longues. Elle plaisante alors sur le fait qu’elle arrive à pleurer avec son œil factice. « Comme quoi, tout peut arriver. » que je réplique dans un sourire. Elle me sert alors dans ses bras, avant de me remercier. Et de penser à remercier Adélie aussi. « Je n’y manquerais pas. » Même si elle aurait du le faire elle-même. Où est passé Adélie ? J’espère qu’elle a une très bonne raison quand même de manquer le départ de Sailor. « Ce ne sont pas des adieux, mais seulement un au revoir, d’accord ? » Hors de question que ça soit des adieux. « Tu es quelqu’un d’exceptionnelle Sailor. Et je ne veux pas que tu quittes ma vie. » D’accord, je ne ressens peut être pas les sentiments qu’elle souhaiterait à son égard, mais ça n’empêche que je tiens à elle. Quoi qu’elle en dise ou pense, elle peut inspirer des sentiments plus profonds. Mais cela n’a pas forcément à être amoureux. « Tu comptes revenir pour les demies finale, ou la finale ? » Ou alors c’est fini, on ne la verra plus dans ce jeu ?

Ca l'agace tellement que tout ça vire en un bordel monstre de principes et d'idées contraires. D'ordinaire, elle reste à sa place et tout va bien, mais non, il a fallu qu'elle s'entiche, et voilà le travail. C'est bien pour cette raison qu'elle s'efforce de rester loin de tout ça, d'habitude, qu'elle se répète qu'elle n'est pas assez bien de toutes manières et que ce serait prétentieux d'espérer quelque chose, et ça lui a toujours réussi. Elle essaie de se redresser et de continuer à faire de l'humour comme d'habitude, mais le mécanisme est un peu bancal et ça a du mal à passer. Elle aimerait bien promettre que ce ne sont pas des adieux, mais le contexte est difficile, que ce soit une volonté ou non. Certaines choses ne dépendent pas simplement d'elle. Elle baisse les yeux, assise par terre. « Je... j'ai été éliminée avant la demi-finale et... c'était le seul moyen de rentrer chez moi avec de quoi aider ma famille, alors... » commence-t-elle en hésitant. Et voilà, elle a aussi perdu le jeu, comme quoi le proverbe "malheureux au jeux, heureux en amour", c'est aussi des grosses conneries. « Si vous avez de quoi, vous... vous êtes les bienvenus à Guam, mais je crois pas pouvoir en repartir tout de suite... » ajoute-t-elle. C'est dit, c'est tout. Elle ne s'est jamais cachée, elle n'a jamais caché venir d'un milieu très modeste, et la sécurité sociale américaine laisse à désirer depuis bien longtemps. Les billets d'avions depuis Guam, ça coûte plus cher que New York ou Los Angeles. Les compliments, c'est toujours le fort de Leandro, mais parfois, elle aimerait que ça ne soit pas le cas. Ne serait-ce qu'avoir répondu "oui" à la question du détecteur sur si Sailor lui plaisait, probablement par politesse, ça n'avait pas arrangé ses affaires. « Je suis vraiment pas comme ça je... » nie-t-elle en secouant la tête, les yeux toujours baissés. Si elle va revenir, ça aussi, c'est une bonne question. Dans l'état actuel, elle est incapable de fournir une réponse, en fait, elle est incapable de répondre à quoi que ce soit. « Je ne sais pas... » répond-elle en détournant la tête. Non, exceptionnelle, c'est vraiment pas l'adjectif qui lui convient, peureuse, vivant dans la désillusion, oui, mais pas exceptionnelle. Elle détourne le regard et se mord la lèvre pour éviter de pleurer encore une fois. « J'aurais dû rien dire, je... je suis très forte pour faire comme si de rien n'était, mais dès que je dois assumer, je panique complètement... tout le monde dit que je suis courageuse mais en fait, je le suis pas du tout, » fait-elle en secouant la tête. Elle a tout gâché en parlant trop, comme d'habitude, elle aurait dû prétendre ne rien savoir et ne rien penser, et ça aurait été plus facile pour mettre ses sentiments de côté. Maintenant qu'on lui renvoie tout ça à la figure où qu'elle aille, c'est foutu. « Je sais pas si j'ai le courage de continuer à me montrer alors que tout le monde me regarde avec pitié comme la cancéreuse qui s'est pris un râteau... » fait Sailor avec un léger rire un peu amer. Elle est venue pour prouver qu'elle n'est pas que ça, pas juste une môme malade, et elle repart sans grand succès. Non seulement on la voit toujours juste comme une gosse malade, mais en plus, il a fallu qu'elle fasse des conneries avec les sentiments. Elle fuit, comme d'habitude, c'est aussi ça son mécanisme. Elle rigole pour fuir, elle fait des blagues pour fuir, pour éviter de penser au fait qu'elle peut rechuter à tout moment, et là aussi, elle fuit, mais physiquement. Et sincèrement, si elle ne peut pas éviter à sa famille la douleur et l'inquiétude d'une fille ou d'une soeur malade, elle veut vraiment éviter que d'autres subissent tout ça. Tant qu'elle n'aura pas entendu le mot "guérison" de la bouche de son médecin, elle s'évertuera à se rappeler sa place et à survivre entre deux eaux, comme elle se l'est promis. Mais revenir, retourner sur le plateau, devant les caméras, devant les autres, ça, elle n'en sait rien. « Je veux rien promettre, c'est nul, de pas tenir ses promesses, et je les tiens toujours alors... je préfère dire que je sais pas ? » fait-elle en relevant le nez vers Leandro. Elle est bien nulle là dedans, de toutes façons, elle n'a jamais prétendu être une amie irréprochable ni une super-héroïne bourrée de courage. Elle aimerait bien rester et soutenir les candidats restants comme une vraie amie, mais il a fallu qu'elle parle trop et qu'elle se rende la tâche difficile. Il vaut peut-être mieux pour elle de prendre ses distances et rentrer à la maison, au final.

Je ne souhaite pas que ça soit des adieux. Je refuse cette possibilité. Mais Sailor marque un point. Sans argent, il va être compliqué de se voir. On habite pas exactement à côté. C’est cruel.  Pourquoi font ils une émission, avec des candidats habitant aux quatre coins du monde ? Ne peuvent il pas regrouper des gens, habitant tous, ne serait ce que dans le même pays ? Parce qu’on s’attache…Et puis après, on doit se séparer, et il devient très difficile de se revoir. A moins d’être fortuné, ce qui n’est malheureusement pas notre cas. « J’aimerais pouvoir t’aider… » Malheureusement je n’ai pas un rond non plus, alors ça va être compliqué. Tout comme le voyage à Guam. Ceci dit, je suis encore dans l’aventure, alors j’ai encore une petite chance de remporter ma cagnotte. « Toi qui connait bien le jeu, c’est quand qu’ils valident la cagnotte ? » En finale ou en demie finale ? J’espère la demie, parce que autant  j’ai mes petites chances de l’atteindre, autant la finale me parait beaucoup trop hors de portée. « Mais t’sais, même si t’as pas gagné de l’argent directement via l’émission, je suis sur qu’il y a de quoi s’en faire à l’extérieur… » Les propositions vont surement affluées. Après faut voir ce qu’elle est prête à faire pour remporter de l’argent. Mais il me semble qu’il y en a qui sont genre payés, et grassement, juste pour montrer leur gueule en boite de nuit. Franchement, ça serait idiot de refuser ça. Surtout si c’est pour aider sa famille. Je la qualifie d’exceptionnelle, elle nie. « Pourquoi tu passes ton temps à te rabaisser ? Tu sais, je ne t’ai jamais menti. »  Pas même pour la question du détecteur de mensonge. Seulement il y avait plusieurs interprétations à la question. Je l’ai pris dans le sens « elle te plait physiquement ? ». Puisqu’après tout la phrase d’avant c’était un truc du genre, elle est jolie Sailor hein. Alors si on parle d’un point de vue strictement physique, oui elle me plait. Après il y a des trucs qui font que…Mais c’est qu’elle est jeune. 18 ans et encore au lycée…Après vous me direz, l’âge n’a rien avoir, mais parfois si. Parce qu’on peut très bien faire plus mature que son âge, seulement ce n’est pas le cas de Sailor. Elle est encore très jeune dans sa tête aussi. Et puis, de toute façon, on ne choisit pas vraiment ses sentiments… C’est comme ça…Combien de fois aurais je préféré avoir des sentiments pour une autre ? Cela aurait été bien plus simple. Mais non. Je lui demande alors si elle compte revenir pour les demies ou la finale, et même là, elle n’est pas sure. Elle ne sait pas si elle a le courage d’affronter les regards de pitié, la cancéreuse qui s’est prit un rateau. Je tourne la tête de gauche à droite en signe de négation.   « Mais personne ne te regarde comme ça, je t’assure. » Pas dans le jeu en tout cas, pas les autres candidats. « Regardes, t’as l’impression qu’on a changé lorsqu’on a apprit pour ta maladie ? Parce que moi je ne crois pas… » Alors tout ça, c’est peut être dans sa tête. En attendant, elle ne me fait aucunes promesses, parce qu’elle déteste ne pas pouvoir les tenir. « D’accord. J’espère vraiment que tu reviendras quand même… » Surtout en sachant que ça sera peut être les seules occasions de la voir, avant longtemps. « Ou que tu n’iras pas trop loin. Qu’on ait l’occasion de se voir à l’extérieur, sans les caméras…Dans la vraie vie quoi. » Au moins une fois.