@Maha

D’ici quelques jours j’aurais plus accès à tout ce confort et ce qui me manquera le plus sera sûrement la piscine. Même si j’en ai bien profité à un rythme régulier de trois plongeons minimum par semaines. Enfin ça c’était avant qu’Hugo ne soit éliminé, c’était notre truc les séjours au bord de l’eau. Que voulez-vous c’était à la fois romantique et détendu, parfait pour nous deux en somme. Blague à part, puisqu’il est évident que le romantisme c’est pas mon dada, j’ai décidé de me racheter ce soir. Pas auprès d’Hugo parce que ça y a pas besoin, mais auprès de Maha. C’est vrai que j’ai déconné avec l’ascenseur, ça vend pas du rêve et j’ai un peu chié. D’autant plus que j’ai quelque chose à lui annoncer alors autant marquer d’une pierre deux coups. Le truc c’est que je suis pas taillé pour assurer de base, la preuve j’suis encore en train de barboter dans la piscine quand je me souviens qu’il serait peut-être temps que je m’active. Je sors de l’eau dans un semblant de précipitation –parce qu’il faut pas trop en demander non plus- pour jeter un coup d’œil à ma montre qui m’affiche une heure plus avancée que ce que j’avais prévu. Merde. Je parcours des couloirs trempé, l’eau dégoulinant de mes cheveux et laissant sur mon passage de nombreuses gouttes d’eau. C’est clairement moins bordélique que le Petit Pousset et ses cailloux. Surplombé par les poissons, je croise Maha qui va avoir le droit à mon plus bel air de crooner pressé par le temps. « Rendez-vous dans deux heures au resto princess » Je claque des doigts avant de la pointer de mon index et de continuer ma route que je n’ai pas stoppé ; j’ai des priorités. Deux secondes plus tard je ressens le besoin de me retourner et de lui préciser quelque chose de plutôt primordial. « Et c’est pas une blague, hein ! » J’ai pas envie de me prendre une défaite sous prétexte qu’elle a zappé en pensant que c’était pas sérieux. Je m’active rapidement sous la douche et je mets même plus de temps à m’habiller qu’à me laver, d’où l’effort vestimentaire. Je mets le paquet là. D’ailleurs direction la cuisine pour m’atteler à un repas autant italien que végétarien, je me permets un signe de croix avant dans l’espoir que rien ne crame. Je jette un coup d’œil à ma montre entre deux coups de couteaux, Maha devrait déjà être là. Je vais checker en arrivant comme un héros et elle est bel et bien là. J’expulse un sifflement de gros lourd pour marquer ma présence. « Hola bienvenida ! Madre mia qué bella. » J’imite le parfait restaurateur italien et je finis par me rapprocher d’elle. « Oune cocktail ? Un désir ? Une volonté ? Je prends toutes les commandes. » C’est une façon comme une autre de commander l’apéro et de gagner du temps car rien est chaud.

Mes doigts fébriles jouent avec ma clope et parfois je regarde la flamme de mon briquet danser, on s'occupe comme on peut sur le chemin. Je me dirige vers le balcon pour consommer ma dose quotidienne de nicotine, j'ai réellement du mal à m'en passer. Je croise Léo qui a l'air dépassé ou simplement en retard. J'ai rendez-vous dans deux heures. Mes mains se déposent automatiquement sur mes hanches. Je lui lance un regard surpris parce que c'est quand même bizarre de la part de Léo non ? « Pourquoi ? » est la seule connerie qui s'échappe de mes lèvres avant que je ne fronce simplement les sourcils mais il trace sa route sans me donner d'explication. Je suis convoquée sans raison apparemment. Et Monsieur précise que ce n'est pas une blague, il fait bien de le dire quand même. « Oui, chef ! » je ronronne alors puisqu'il insiste bien que j'ai quand même un peu de mal à y croire. Je suis bien évidemment exclue de son délire puisqu'il disparais, mon rôle doit être simplement de me pointer à l'heure au lieu convenu. Il n'empêche que j'ai quand même deux heures à tuer en attendant. Je m'en vais chercher Gigi pour passer le temps. Histoire de profiter d'elle la dernière semaine. On se pose sur le toit pour parfaire notre bronzage avec les derniers rayons du soleil. C'est d'ailleurs la demoiselle qui guette plus l'heure que moi en plus. Je finis par migrer dans la salle de bain pour me doucher alors qu'elle me conseille de bien m'habiller. Je lui montre que peu importe la tenue, elle sera surement un peu classe que celle de Léo, vu son style vestimentaire. J'opte pour un slim noir et un haut rose pâle. Je l'abandonne pour l'instant bien que je demande ce que je risque de trouver dans le restaurant. J'attache rapidement ma chevelure en un haut chignon avant d'entendre rapidement sa voix. Je pivote sensiblement dans sa direction. Il m'accueille avec un accent italien. Oulah. J'affiche une légère moue étonnée en me demandant ce qu'il est entrain de me faire. « Je trouve cette situation très très suspecte » j'annonce d'emblée en plissant les yeux avant d'afficher un sourire moqueur. Déjà on commence par sa tenue, je le dévisage pendant une poignée de secondes, il a fait un effort non négligeable avec la chemise, limite si on ne l'a jamais vu aussi élégant sans exagérer. Je peux commander un cocktail. « Sers-moi ce que tu sais faire » je lui dis parce que je ne préfère pas prendre de risque, je ne voudrais pas mourir empoisonnée même si je sais que Léo est de bonne volonté hein. « Donc le dîner ? C'est pour quelle occasion ? » je siffle alors que mes opales glissent sur son visage pendant quelques secondes. « Tu ne me tires pas la chaise ? » je fais mine de m'insurger en battant mes cils pendant une fraction de seconde.

Pourquoi ? Une surprise est une surprise. J’vais pas casser l’effet d’annonce pour mademoiselle, tout comme je ne casse pas ma trajectoire d’ailleurs. Elle devra se contenter de ça et j’espère que ça lui suffira à se souvenir du rendez-vous mais juste au cas où ça lui sortirait de la tête par inadvertance je crois bon de lui préciser que pour une fois je suis sérieux. D’ici quelques jours je ne pourrais pas lui offrir le quart de ce à quoi on a droit ici donc autant en profiter et tenter de faire quelque chose de bien, dans la limite du possible bien entendu. D’où le fait qu’après avoir manqué de me casser la gueule sur le carrelage de la salle de bain –être pressé est quelque chose qui ne me convient décidemment pas- je tente une opération transformation. Genre être un mec bien sappé avec des cheveux à peu près rangés… bon pas plus que d’habitude en fait. Je me protège même d’un tablier en faisant la cuisine, je m’étonne moi-même à avoir anticipé les éventuelles tâches sur la chemise blanche. Bon quand même je prends le soin de m’en débarrasser avant d’aller voir si Maha est arrivée, ce qui est le cas. Je note la surprise et la réaction très chaleureuse de mon invitée. C’est presque gênant ce moment où elle m’analyse sans rien dire. J’ai dû oublier un truc. Je baisse la tête pour vérifier si j’ai pas oublié d’enlever le tablier ou de fermer un bouton, voir même ma braguette mais non tout est dans l’ordre. Bon j’imagine qu’elle est juste choquée alors. « C’est bizarre à ce point ? » Je vais en profiter pour prendre sa commande ça enlèvera le côté inhabituel de la situation, l’alcool c’est déjà un sujet qui rapproche. « Mais le problème ma chère c’est que je sais tout faire. » J’hausse les sourcils avec mon air de grand restaurateur crâneur, les mains croisées à hauteur de mon torse. « Cela dit je peux vous confectionner un Margarita dans la minute. » Je me souviens de son affection pour la tequila alors j’ai déjà prévu en ramenant la bouteille du bar, du coup ça m’emmerderait assez qu’elle choisisse autre chose en fait. Maha s’impatiente. « On peut au moins attendre l’apéro avant que je te le dise non ? Ca va tout péter. » Qu’elle respecte mes efforts quoi. Enfin « efforts » visiblement pas assez accentués puisque j’ai pas pensé une seconde à lui tirer la chaise. Le temps que je cogite je lui lâche un « …euh… oui. » un peu forcé. Si ça peut lui faire plaisir mais bon j’estime qu’elle avait la force de le faire elle-même. Je tire rapidos sa chaise avant de déjà reprendre le chemin de la cuisine. « Ca va cramer, on dit tequila ?! » je lui balance pour être bien sûr de son choix, et surtout pour ne pas trop le lui laisser, et voilà que je m’éclipse sur un pas pressé.

C'est un spectacle super surprenant qui m'accueille dans le restaurant. Je pousse un léger sifflement admiratif avant de dessiner un vague sourire sur mon visage de poupée. Léo ne tarde pas à le remarquer. Si c'est bizarre ? « C'est à cause de ma remarque de la semaine dernière ? » je demande soudainement en plissant les yeux, du coup il a voulu rectifié le tir pour amener un peu de romantisme entre nous en voulant organiser une soirée. Pourtant je lui avais  dit que j'étais pas une romantique de base hein. Bref, je crois qu'il attend toujours ma réponse. « Un peu quand même » je laisse entendre avec une esquisse de rictus sur mon minois. Mais qu'il ne le prenne pas mal non plus ! Je lui offre un doux rire en compensation. « C'est rare que tu fasses autant d'effort » je souligne parce qu'il a surement préparer le repas et la tenue, c'est du jamais vu depuis trois mois qu'on se le dise, assez pour que je le note. Je vais me taire et le laisser faire, c'est lui le maître. Il me propose un apéro pour commencer. Il peut me faire un beau mélange apparemment. « J'avais oublié ton côté multi-fonctions, pardon » je lâche de ma voix caressante en roulant des yeux d'un air narquois. Faut croire que la prétention est contagieuse, à force de trop traîner avec moi ... Léo me calme toute de suite. Docilement, je l'écoute avec attention. Sa réponse me fait tiquer, attention. Je suis tout de suite plus attentive, la tête redressée directement. « Pété en négatif ou positif ? » je tente quand même de savoir histoire de me préparer mentalement. Je déteste attendre et je vais devoir prendre mon mal en patience et suivre ce qu'il nous a prévu. Je m'assois rapidement. « Oui, on part sur tequila » je conclus parce que je sens que c'est Léo qui va rapidement s'impatienter si je ne décide pas rapidement. « Tu as préparé quoi ? » je demande en manquant quasiment de me lever pour le suivre en cuisine pour constater par moi-même, je me retiens. Mais il a quand même une grande probabilité que je me fasse jeter, alors je vais tenter de rester à ma place. Je me contiens. Et j'imagine que le fait de m'avoir dans ses pattes ne risque pas de l'aider, pour une fois qu'il est lancé je ne vais pas l'arrêter. Je ne voudrais pas l'entendre râler parce que je regarde par dessus son épaule histoire de vérifier ce qu'il fait. Je n'ai pas l'air conne d'être toute seule, dans le restaurant. Je coince mon menton entre mes deux mains. « Léo » je l'appelle de ma plus belle voix alors comme si cela allait le presser un peu plus. Je n'aime pas être toute seule, j'aimerai bien que monsieur revienne ! C'est comme si dieu avait entendu mes désirs et l'ancien candidat réapparaît dans mon champ de vision. « Tu as quand même essayé de te donner » je constate simplement de ma voix cristalline alors que mes prunelles se vrillent aux siennes. Je tapote la main sur la place en face de moi pour l'inviter à prendre place, le tout accompagné d'un sourire radieux. J'attends qu'il se décide pour la suite.

Ce n’est pas dans deux semaines que je paierai le restaurant à Maha, la raison est toute simple : j’ai pas une thune. Je n’ai de toute façon aucun budget réservé à ce genre de chose, mes ex pourront en témoigner puisque je m’estime pas en mesure de me ruiner plus que je le suis déjà pour ce genre de futilité, un paquet de pâtes fait très bien l’affaire. Pas ce soir effectivement puisque je profite enfin de tout ce qu’on a à disposition pour tenter quelque chose de bien et c’est pas essentiellement pour coller à sa remarque de la semaine dernière. « Y a un peu de ça. » Je l’avoue quand même mais c’est aussi pour la « grande » annonce que j’ai à lui faire, enfin disons que c’est un prétexte déjà plus adapté. Ca rassurera sans doute Maha d’en être informée parce que là elle a limite l’air sur la défensive tellement ça a l’air de la perturber. « C’est vrai, je crois que tu mesures même pas le quart de la chance que t’as. » Qu’on se le dise à ce stade c’est une privilégiée. Je mime un petit écart entre mon pouce et mon index avant de prendre son désir comme un ordre concernant ce qu’elle souhaite boire et j’ai le droit au sarcasme. Minute papillon. « Je t’autorise à te moquer que si c’est dégueulasse, pas avant. » Je veux bien avouer ne pas être spécialement doué dans aucun des domaines mais j’aimerais qu’elle me laisse au moins une chance, tout comme je m’en laisse une moi-même en fait. Maha ressemble à un petit chiot, d’abord hésitante j’ai l’impression d’avoir attisé sa curiosité avec un os. « … tu verras. Suspens. » Je sais à quel point c’est agaçant, encore plus quand la personne d’en face vous le sort avec un air tout à fait sérieux et les sourcils gigotant de haut en bas comme je suis actuellement en train de le faire. « Parfait. » Je m’éclipse en me jetant sur le four, soupirant de soulagement en constatant que c’est finalement très loin d’être cuit. « De quoi manger. » Je suis sûr que c’est exactement la réponse qu’elle voulait entendre. Je m’attèle au cocktail de madame tandis que sa voix résonne de nouveau. Elle a raison de s'impatienter, je me sens tellement pas dans mon rôle que j’ai l’impression d’aller à deux à l’heure. Un « Merde. » filtre mes lèvres quand je constate que si j’ai pensé à la tequila j’ai complètement oublié de me compter dans l’équation. Pas le temps de faire un aller-retour au bar, je vais me contenter de mettre du jus de fruit là-dedans ça fera l’affaire. Je reviens donc vers mon élégante invitée, un cocktail sympa dans une main et un verre un peu plus… rustique dans l’autre. J’esquisse un sourire tandis qu’elle souligne mes efforts. « Ouais je me suis dit que c’était l’occasion ou jamais. » Le jamais m’aurait aussi convenu mais Maha peut-être un peu moins. Déposant les verres sur la table je m'assoie enfin. Putain ça faisait un bail. « Et j’avais envie de te vendre un peu de rêve avant que le mythe s’écroule. » Je suis un mythe, c’est archi-connu de tous ici. « Tu sais bien que j’ai pas un rond, toutes mes dernières –maigres- économies sont parties y a deux semaines, j’ai plus de travail… bref. J’ai quand même pris la décision de tenter l’Italie avec toi. » Le dernier prime m’a conforté dans l'idée. En voyant la situation d’Hugo par exemple je me suis dit qu’il avait raison : pourquoi subir une vie qui ne nous convient pas. La mienne m’allait très bien jusqu’à ce que je me rende compte à quel point elle pouvait être pauvre. « Au moins quelques mois, pour voir où tout ça peut nous mener. » Je ne sais pas dans quoi je m’embarque mais je demande qu’à être surpris. Au pire je rentrerais chez moi tout simplement.

Je tente d'en savoir un peu plus sur sa soudaine pulsion romantique comme ça. Je pourrais presque m'en méfier lorsque je le vois s'activer de la sorte. J'ai de la chance que Léo se donne autant pour moi, mais qu'on se le dise, je ferai rarement la même chose. Tout simplement parce que mes talents culinaires sont inexistant pour commencer. « Je commence simplement à en prendre conscience » je papillonne avec ma voix sucrée comme si je savourais ce privilège, évidemment, j'en fais des tonnes, comme toujours. Il me met en garde, j'hoche docilement de la tête. « Promis » je jure alors en levant mes mains en signe de défense, je ne dirai rien, plus rien. Aucune critique infondée ne franchira mes lèvres. Il se donne à fond, il retourne en cuisine pour chercher les plats j'imagine et je dois patienter. Ce que je ne sais pas faire, alors je le réclame, pour qu'il se presse. Il revient avec deux verres. « Merci » je souffle alors en réceptionnant le mien avec un léger sourire alors je lui laisse quelques secondes pour se reposer, il a l'air dépassé mais je ne vais rien dire. Je le laisse mener le dîner, hein. Il commence par planter sa situation avant d’enchaîner. Hm il me balance sa petite bombe, je croyais qu'il avait encore besoin de réfléchir. En tout cas il ne fallait pas se donner tout ce mal pour cela. Il veut bien venir en Italie pour tester quelques mois. Je m'attendais pas à une décision aussi rapide, je pensais qu'il allait attendre le dernier jour pour le faire à l'arrache. J’accueille la nouvelle avec un simple sourire. Il précise bien qu'il n'a plus d'argent et bien on est deux, je ne possède plus rien maintenant. Je n'ai vécu qu'avec la richesse des autres. « Ça me fait plaisir mais il faut que tu sois sûr » je lui annonce alors que je me penche un peu vers lui malgré la table qui nous sépare. Faut se poser les bonnes questions quand même. « Et si ça foire complet ? » je l'interroge en arquant un sourcil, parce que c'est une hypothèse non négligeable. « Si on se lasse de l'Italie, qu'on arrive pas à s'intégrer là-bas ou qu'on ne puisse plus se supporter tous les deux ? » je souligne, comme ça, l'air de rien. « Parce que je n'ai pas envie que tu me le reproches plus tard, d'avoir gâché quelques mois pour arriver à rien au final » je lance prudente parce que c'est ce qui pourrait arriver à la finl. Et les gens ont tendance à faire ça, après, lorsqu'ils sont énervés, ils reprochent tout à l'autre, c'est plus facile. D'ailleurs autre point sensible ... « Et tu comptes m'appeler comment maintenant ? » je demande en redressant rapidement la tête avant de croiser ses prunelles. Je me souviens de la fois où il m'a dit qu'il préférait Maha. Je suis sûre qu'il s'est déjà posé la question: s'il apprécie plus le personnage que moi. « T'as bien conscience que je ne possède rien, que je n'ai quasiment fait d'études supérieures, que la seule éducation que j'ai est celle que j'ai dû rapidement apprendre pour me fondre dans le milieu » je résume rapidement parce que j'ai toujours peur qu'il reste sur son idée de Maha la fortunée ou je ne sais pas quoi. « Et qu'on y va là-bas en touriste quoi » je lui dis, enfin ce n'est qu'une expression. Il va falloir se débrouiller et ça va être la galère au début.

C’est un cadeau plutôt bien emballé que je fais à Maha, j’aurais pu lui balancer l’info rapidement au coucher ou au détour d’un couloir. J’avais initialement prévu une annonce du genre, c'est-à-dire sans fioriture, mais je commence à croire que je suis quelqu’un de bien que voulez-vous. En même temps il y a de quoi quand on est entouré de meurtriers et de foufous en tout genre. Le prime m’a conforté dans ma décision et puis rien n’est définitif dans la vie alors pourquoi pas essayer, du moins je donne une chance à tout ça. Tout ce bordel imminent. Honnêtement je m’attendais pas à cette réaction de Maha, elle devait probablement s’attendre à l’inverse. La facilité est une solution qui me correspond beaucoup plus mais pour une fois ce n’est pas ce que je choisis directement. « Si je te le dis. » Ma décision est annoncée je ne reviendrai pas dessus, même en considérant l’hypothèse d’un craquage total. Il y a de nombreux points sur lesquels on peut se foirer et je constate que Maha a tenu sa liste à jour. J’estime pas avoir trouvé le grand amour et je ne me projette pas dans un mariage donc en soit tout va bien. Il y aura forcément un moment où je plierai bagages pour rentrer chez moi. C’est pas pessimiste, c’est réaliste. « Je rentrerai et tu te débrouilleras. » que j’annonce platement en haussant les épaules. « Et si ça n’a rien à voir avec nous deux on avisera. » J’sais pas, faut voir sur le moment mais moi ça me préoccupe pas. Ou plus. « J’ai déjà soulevé ces points la dernière fois, j’y ai réfléchi c’est bon ça va aller. » Je tente de la rassurer distraitement parce que j’ai déjà retourné le problème dans tous les sens depuis sa proposition. J’ai dit que j’allais essayer, un essai c’est fait pour voir si ça fonctionne ou pas non ? A sa prochaine remarque mes sourcils se froncent par incompréhension ou agacement je saurais pas trop dire. « Pourquoi je te le reprocherais ? » C’est quoi son problème depuis tout à l’heure, elle me pense trop futile pour prendre mes propres décisions peut-être ? J’assume l’entièreté de mes actes au cas où elle aurait pas encore remarqué. Gâcher quelques mois après avoir foutu trois ans en l’air honnêtement c’est pas grand-chose. « Pardon ? » Ma question se fait rapide et sans équivoque pourtant je suis conscient d’avoir très bien compris. Comment je vais l’appeler. Elle se fou de ma gueule ou pas ? Je sens que cette discussion va rapidement me taper sur les nerfs, l’ambiance s’est tendue depuis déjà quelques minutes et le résumé de sa situation n’est pas pour arranger les choses. De sa vraie situation j’entends, celle que j’ai cerné depuis un moment mais qu’elle me croit visiblement incapable de restituer. Très bien. « Quitte à la jouer cartes sur tables j’aimerais savoir pour qui tu te fais passer comme ça je pourrais mettre un nom sur ton visage. Enfin j’veux dire celui qui te convient. Le problème avec le vaste sujet de ton identité c’est que j’ai l’impression que tu changes de discours toutes les semaines donc « Maha » dis-moi une bonne fois pour toute qui tu es car c’est la vraie question que je me pose. » Très calme, je garde la face car je suis bien incapable de m’énerver. Cela dit elle peut se sentir encore plus privilégiée, elle aura été la seule ici à voir mon côté sérieux. Sérieux et saoulé. « Je préfère te le dire directement si t’as encore une fois joué en me prenant pour un énième pion autant mettre une fin à tout ça dès maintenant. » Le regard dur planté dans le sien je me fais presque intransigeant. J'ai conscience de rien lui apporter contrairement aux autres mais je me suis souvent demandé si une addiction au changement de personnalité n'avait pas conduit à sa propre perte tant et si bien qu'elle ne pouvait faire autrement pour survivre que d'usurper diverses identités. C'est con mais c'est le moment de mettre tout ça au clair.

Au pire on se séparera tranquillement. De toute façon, pour l'instant je doute arriver à rester un an en Italie, qu'on se le dise. Je suis trop habituée à bouger. Mais je crois que j'aurai dû me taire en fait. « D'accord » je réponds simplement en hochant docilement parce que je vois au moins qu'il y a réfléchit. J'évoque des reproches. « Parce que je t'ai demandé de venir avec moi » je réponds simplement en sentant qu'il est un peu entrain de s'énerver. Je n'ai jamais vu Léo comme ça, je crois qu'il faut une première à tout non. Je ne sais pas trop ce que j'ai déclenché mais les paroles coulent à flots chez Léo. Je me contente de froncer les sourcils suite à ces paroles. Je ne peux pas m'empêcher d'être blasée par la suite. « Je ne change pas de discours » je proteste en croisant mes jambes pour m'asseoir en tailleur en zappant les bonnes manières pendant une seconde. « Je m'en fous de comment tu m'appelles mais ne me confonds pas avec la personne du tout début » je lui balance sur le même ton que lui, un peu plus sèchement que voulu néanmoins. Quand à qui je suis ... « J'ai 26 ans, aucun talent particulier si ce n'est celui de parler plusieurs langues, je suis égoïste si on fait un plan de mes priorités c'est: famille, Palestine et moi-même et c'est déjà suffisant, tu m'entendras souvent parler de cela et je fermerai rarement ma gueule » j'commence parce qu'il voulait bien savoir qui je suis non ? Je suis le genre de fille accroc aux informations, souffrant s'il y a un nouvel attentat, m'énervant lorsque j'entends les gens dirent qu'il y a un espoir puisque le Pape a reçu Mahmoud Abbas. Mais je ne pouvais pas en parler ici parce que cela risque de me griller et d'envoyer valser mon secret. On continue ? « Je suis capricieuse, pas très rationnelle et assez susceptible aussi et je suis une sensible qui ne s'assume absolument pas, je suis aussi très chiante mais ça tu le savais et je ne supporte pas d'avoir tord aussi mais tout ça, je le vis bien» je ponctue d'une voix assez neutre. « Je crois que c'est déjà pas mal non » je dis sans qu'il ne s'agisse d'une question pour autant. Mes doigts tapotent en rythme le bord de la table lorsqu'il continue. Je vois, on est obligé d'avoir une conversation super désagréable comme cela, maintenant. Autant dire que cela gâche tout. Je soutiens son regard sans ciller bien que j'arque quand même un sourcil. « Tu n'es pas sérieux ? » je demande inutilement mais cela traduit mon consternement face à sa remarque. « Si cela avait été le cas, rien n'aurait commencé » je lui fais remarquer parce que c'est la vérité, on ne va pas se mentir, Léo n'a ni relations politiques intéressantes ni fortune colossale comme Hugo. Voilà, à la limite si j'avais dû me trouver un pion, je me serai plus tournée vers Hugo que Léo franchement. Quelqu'un qui pourra apporter un truc d'utile pour ma cause quoi. C'est vraiment une réflexion conne, qu'on se le dise. Il n'empêche que je reste silencieuse, l'ambiance est un peu gâchée maintenant. Faut croire que passer des repas tranquillement ici, ce n'est pas pour moi, bon oui, j'y suis sûrement pour quelque chose aussi, on ne va pas se mentir. J'étire un peu mon bras pour récupérer mon verre pour jouer avec.

Je suis habitué à garder mon calme en de nombreuses circonstances, j’ai acquis un grand self-control avec le temps mais là sa remarque est de trop. « Je l’ai pas considéré comme un de tes caprices. » Voilà qui devrait la fixer sur la question si jamais le doute subsiste puisque je compte assumer mon choix comme un grand. Le pompon reste sa question fatidique sur son appellation. La question de son identité est et restera un sujet compliqué quoi qu’il arrive, c’est quand même assez étrange de se dire que la personne à laquelle on s’est accroché a joué un rôle pendant près de deux mois. Depuis j’ai saisi qui elle était, je pense même l’avoir découvert au fur et à mesure du jeu mais à l’entendre j’ai toujours un doute sur cette seconde partie et je déteste quand elle l’éveille à nouveau. « Mais bien sûr que non. » Je balance agacé, sourcils violemment froncés. J’ai cessé de la voir comme cette prétentieuse qu’elle était au début du jeu par contre sa force de caractère moi j’y crois et c’est ce que j’ai aimé chez elle. Ses centres d’intérêts prouvent qu’on a bel et bien rien en commun. J’hoche la tête et continue de l’écouter avant de conclure d’un air blasé. « En fait à t’entendre vivre avec toi c’est l’enfer sur terre quoi. » Elle exagère légèrement et je note le faible taux d’estime qu’elle a pour elle-même contrairement à ce qu’elle voulait faire croire. L’impression qu’elle me donne depuis tout à l’heure c’est l’envie de me convaincre d’avoir fait le mauvais choix. Sauf qu’elle le sait : j’ai rien à perdre mis à part un quotidien monotone. Quoi qu’il arrive je sais que quand je reviendrais rien n’aura changé. Cela dit si elle continue comme ça je vais vraiment finir par me sentir de trop et laisser tomber l’idée, j’ai presque l’impression de devenir envahissant. « En défauts ouais c’est déjà pas mal. » Je confirme rapidement avant d’enchainer pour conclure le sujet une bonne fois pour toute. Ça peut paraître futile mais c’est pour moi c’est le point de départ d’une identité. « Et donc cette personne invivable que tu viens de décrire on l’appelle comment ? Je compte pas varier au gré de mes préférences et encore moins m’aventurer avec quelqu’un qui sait pas sous quel prénom elle souhaite être considérée. » Mes paroles sont sans filtres, je ne sais de toute façon pas faire dans la diplomatie. J’ai aucune leçon à lui donner mais je crois être en droit de lui demander qu’elle m’éclaire pour de bon à ce sujet qu’on a fait que retarder. Je garde le silence quand elle me questionne car la réponse coule de source. Je suis tout à fait sérieux c’est même d’ailleurs la question sur laquelle j’aimerais être rassuré depuis qu’elle m’a exposé la vérité. Elle m’avait semblée trop inappropriée pour être exposée mais là dans cette situation le timing est parfait puisqu’on en est à un semblant de règlement de compte. Je lâche un « Ok c’est tout ce que je voulais savoir. » froid en guise de conclusion afin de mettre un terme à cette discussion qui me gave plus qu’autre chose. Un long silence s’installe. Ce genre de silence qui fait cogiter et duquel on ne sait pas comment se sortir. Je la dévisage un moment puis je reporte mon attention sur les tables à l’autre bout de la pièce. Quand même au bout d’un moment il faut amorcer. « Bon. » De nouveau mes prunelles viennent se déposer sur elle. Elle aura beau dire mais moi je la trouve cultivée, drôle et maline en plus d’être belle. « C’est assez éloigné de ce que j’avais imaginé. » Au cas où personne ne s’en doutait.

On est quand même plus en mode interrogatoire que petit repas tranquille. Je ne peux pas m'empêcher de l'observer, les lèvres pincées parce que plus je parle et plus je constate que ses sourcils sont de plus en plus froncés et ce n'est pas très bon signe en général. J'ai l'impression que pour lui, je lui balance que des absurdités. Il exagère un peu. Je roule machinalement des yeux. « Il faut bien brosser le pire des cas histoire d'être préparé » je réponds simplement en haussant les épaules. C'est ce que je fais, je vise toujours le pire pour ne pas être déçue après. C'est comme ça. Je tente de lui offrir toute ma concentration. Sa remarque m'agace légèrement. Je serre une seconde la mâchoire alors que mes opales se vrillent aux siennes. « Raïssa » je balance fermement parce que Maha n'a jamais existé. Un prénom choisi au hasard qui devait simplement sonner arabe. C'est juste un prénom sur un papier. Je suis Raïssa et au cas où il se le demande je ne souffre pas de crise identitaire où une connerie du genre On embarque sur autre chose, aller, c'est parti, lorsqu'une question est réglée, on passe à la suivante. Je pousse un léger soupir. Je ne peux pas m'empêcher d'être presque étonnée par sa question parce que je pensais avoir été claire les semaines précédentes avec lui. J'pensais qu'il le savait sinon il ne continuerait pas à traîner avec moi, ça me semblait assez logique pour une fois. Mais ce n'est pas le cas. Apparemment on s'en arrête là. Ok. Je vais pouvoir souffler un peu. « Très bien » je réponds distraite et distante alors que mes prunelles se perdent dans un décor que je connais déjà bien. S'en suit un silence plus que gênant franchement, même pour moi. Du genre où tu ne sais pas où poser tes prunelles, j'évite de le regarder parce qu'il pourrait rapidement avoir l'impression que je le toise, ce qui n'est pas le cas. Je sens son regard posé sur moi, ça ne me fait pas réagir non plus. C'est la voix de Léo qui finit par me raccrocher, je pivote rapidement mon minois de poupée dans sa direction. J'espère qu'il ne parle que de la tournure du repas pas encore commencé d'ailleurs et pas du reste. Sinon y a quoi mal le prendre. Je préfère ne penser qu'à la première option. « Evidemment » je conclus en roulant des billes sans pour autant rebondir parce que l'ambiance est encore un peu tendue là franchement. J'étire ma main plus loin, le dos courbé vers lui, mes doigts s'en vont chercher les siens pour finir par atterrir au creux de son poignet. Qu'il se détende, cette mine sérieuse et saoulée ne lui va pas du tout. Et surtout si c'est pour continuer comme cela, on peut partir maintenant pour aller dormir ou autre, ça nous évitera de faire des efforts supplémentaires. « On va essayer de bien finir, ou de commencer plutôt » je balance en haussant les épaules parce qu'on est sensé en être qu'à l'apéro en plus. « Bon quel est le plat ? » je demande pour qu'on essaie de passer à autre chose. « Histoire de voir si tu comptes encore plus m'achever ce soir » je plaisante avant de me reculer, le lâchant rapidement. Mais je crois qu'il semble se débrouiller pas trop mal en cuisine.