La salle de détente est un endroit qu’il risque de fréquenter régulièrement. Colin étant d’un naturel plutôt flemmard depuis environ un an, il ne se fera évidemment pas prier pour squatter les lieux dès qu’il sent qu’il a besoin d’évacuer les tensions, ce qui risque d’arriver régulièrement, étant donné que sa vie est particulièrement pénible, oui. En plus d’un home cinema comme il n’en a probablement jamais vu de sa vie, il y a également un bar à leur disposition, qui ne manque pas de ravir le garçon. Il espère aussi qu’il y a une machine à pop-corn casée dans un coin, afin de satisfaire son estomac toujours plus demandeur de cochonneries. Et alors qu’il avait dans l’idée de squatter la pièce pour visionner une comédie américaine typique et vulgaire, il a la désagréable surprise de constater qu’un candidat est déjà présent. Ce dernier n’a d’ailleurs pas l’air de vouloir étoffer sa culture populaire à en croire le matériel installé au sol. Colin ne réclame pas la compagnie, mais il l’aurait acceptée dans le cas où Bollywood est du genre à réussir à se la coincer durant un film. « Na’vi. » Il lance en guise de salutations, tout en détaillant le tapis au sol. Comment ça, ce n’est pas son prénom ? Pour sa défense, on ne peut pas dire que Colin ait une mémoire infaillible quand il est question de mémoriser l’identité des autres. D’autant plus quand la personne face à lui à un prénom à consonance étrangère et qu’il n’est pas habitué à croiser régulièrement. Et, de toute façon, il préfère largement faire usage de surnom, c’est plus personnel et amical, hm. « J’avais pas la même envie, perso. » Il ajoute par la suite, après la réflexion de son camarade lui avouant qu’il espérait avoir l’occasion de discuter avec lui. Clairement, il n’a rien contre Bollywood, c’est juste pas la personne avec laquelle il s’imagine partager une multitude de points communs, au contraire. Sceptique, mais curieux, l’américain écoute attentivement son camarade qui finit par préciser le fond de sa pensée et un léger soupir s’échappe des lèvres de Colin quand il a terminé. « J’suis pas agressif, j’suis amical à ma façon. » Nuance particulièrement importante. « J’prône l’amour, la paix et les licornes, mais vous l’voyez pas. » Quelle tristesse. Il est juste incompris, en fin de compte. « Sérieux, t’arrive à tenir un site de rencontre en cernant aussi mal les gens ? » C’est bien lui qui dirige une connerie ainsi ? Si c’est effectivement le cas, pauvres clients, ce n’est pas demain qu’ils rencontreront l’amour de leur vie avec un type pareil aux commandes. « J’ai pas b’soin de trouver un stratagème pour m’rendre intéressant. » Contrairement à d’autres autour de lui. Il est ainsi, avec son sale caractère, ses bons et ses mauvais jours, même si ces derniers priment sur les premiers. Et ce que Bollywood annonce par la suite achève définitivement Colin. L’aider à évacuer les mauvaises énergies ? Méditer ? Ah, ah, la bonne blague. Inutile de préciser que cela ne tente pas le moins du monde l’américain. À moins que… « À moins que tu puisses me promettre qu’on termine en lévitation, non, ça m’intéresse pas. » C’est bien un truc qu’il doit être capable de faire, non ? Si ce n’est pas le cas, Colin préfère décliner l’offre. Car il est évident qu’en temps normal, il aurait accepté avec plaisir, hm. « Et il t’faut combien de temps en général, pour ouvrir tes chakras ? » Car il est évident que le type ne va pas déserter les lieux, d’autant plus qu’il était le premier à les occuper. Ceci dit, Colin aimerait bien savoir dans combien temps il peut repasser pour bénéficier seul, et dans la tranquillité, de cet endroit qui le faisait tant rêver il y a encore quelques minutes.  

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Depuis dimanche, Colin s’habitue difficilement à ne plus bénéficier du moindre moment de tranquillité. Lui qui s’avère particulièrement solitaire depuis quelques mois, le moins que l’on puisse dire, c’est que le choc est rude. Il croyait naïvement qu’en vue du large domaine dont ils bénéficient, il parviendrait à avoir la paix la plupart du temps, en évitant soigneusement les lieux les plus fréquentés – à l’exception de la cuisine, il ne peut se tenir éloigné très longtemps de son âme-sœur – mais c’était mal connaître la prédisposition de ses camarades à toujours se trouver sur son chemin quand il ne souhaite pas les voir. La plupart du temps, donc. Ce milieu d’après-midi ne fait donc pas exception à la règle, et bien qu’agacé de constater qu’il n’est pas le seul à avoir eu l’idée de se détendre, il n’est pas totalement surpris. Ce qui le surprend plus – quoi que, déplaire semble être un terme plus approprié – c’est le matériel disposé dans la pièce, qui ne laisse pas présager le début d’une séance cinéma ou l’organisation d’une folle soirée avec alcool à profusion. Avant même qu’il puisse faire demi-tour, Bollywood le salue. Trop tard, la convention exige qu’il en fasse de même. Il se trompe sur le prénom de son camarade, mais Colin ne s’en formalise pas, esquissant une simple moue pour signifier qu’il note, sans forcément retenir. De toute façon, dans sa tête, c’est et ça restera Bollywood. L’américain est quelque peu déstabilisé à la réflexion de celui-ci, car il ne peut pas dire qu’il partage son point de vue quant à l’espoir d’une discussion soit partagée. « Ouais, enfin, si ça peut t’rassurer, il y en a aucun qui m’inspire de meilleurs sentiments, hein. » Il a certes classé ses camarades par catégorie, les plus ou moins supportables et les cas sociaux, mais même ceux qui trouvent un minimum d’intérêt à ses yeux ne lui inspirent pas de « meilleurs sentiments ». Et si la précédente réflexion de son camarade l’a déstabilisé, celle qu’il émet par la suite l’agace. Il ne se perçoit pas comme quelqu’un d’agressif. Désagréable, peut-être, mais pas forcément agressif. Ceci dit, Colin a tendance à s’idéaliser, à force d’entendre ses parents en faire de même. « Ah mais j’espère bien, c’était pas vraiment fait pour être discret. » Il ne s’agissait pas d’une critique censée être discrète, au contraire. « C’est si tu l’avais pas capté que je me serais inquiété. » Et pas dans le sens inverse, comme la plupart des gens. Les commentaires émis par Colin n’ont pas pour but d’être bien pris. « Ah ouais, de leur vie, carrément. » On ne peut pas lui enlever qu’il est à fond dans son truc. « Attends, je t’arrête tout de suite, si tu penses à moi, j’vais faire ma bonne action, t’vois j’suis sympa j’ai pitié, j’ai pas envie que tu te fatigues. Y’a rien à comprendre chez moi, acharne-toi sur quelqu’un qui te facilitera la tâche si t’y tiens tant que ça. » Sérieux, c’est quoi leur délire à tous de vouloir absolument comprendre les autres ? C’est pas forcément nécessaire, selon lui, voire même carrément déconseillé. Si Naveen aime effectivement comprendre les gens même quand ceux-ci ne lui facilitent pas la tâche, la situation actuelle s’y prête et Colin se sent directement visé. « C’est pas mon problème s’ils sont pas à l’aise. » Il rétorque par la suite, en haussant les épaules. « J’vois pas l’intérêt de leur faire d’cadeau juste parce qu’ils sont susceptibles. » Il est comme il est, tant pis si ça gêne les autres, il ne peut pas concevoir de se moduler pour plaire aux autres, c’est justement ce qu’il cherche à éviter en venant ici. Bollywood lui confirme ensuite ce dont il se doutait, le matériel qu’il s’apprêtait à utiliser avant que Colin n’entre dans la pièce est bien lié à la méditation. D’autres se seraient sentis flattés d’une telle proposition, Colin lui s’en fiche et ne se gêne pas pour la décliner. La seule façon pour lui d’accepter la proposition, ce serait d’être assuré de finir par léviter, c’est un rêve de gosse, hm. « T’vends pas très bien ton truc, franchement. » Équilibrer les énergies, atteindre la paix intérieure… barbant. « Bon bah ta mission se sera d’essayer, comme ça t’reviens me voir quand t’as réussi et peut-être que j’accepterais. » En pensant à ça, il a limite hâte de tester la méditation, en fait. « J’vais te faciliter la tâche, t’es au paradis, t’es nourri, logé dans un lieu que tout le monde trouve hyper cool, t’as rien à faire de tes journées, donc zéro préoccupation et donc zéro nécessité de squatter la pièce. » Voilà, qu’il ne le remercie pas surtout. « Sérieux ? Et tu vas me lancer un sort ou truc comme ça parce que t’es vexé de pas avoir pu faire ton truc ? » Il préfère s’en assurer, hein, sait-on jamais. Il ne voudrait pas se réveiller un matin avec une protubérance sur le front ou avec huit bras. « Euh… » Ensemble ? Vraiment ? C’est le moment où il doit lui dire qu’il venait se branler et qu’il va donc partir sans demander son reste ? Ce serait sûrement une technique efficace. « J’voulais mater un film et me gaver de pop-corn, programme nettement plus intéressant que l’tien, t’avoueras. » Non, vraiment, il n’y a pas photo. « Par contre Bollywood c’est pas mon truc, donc y’a un souci. » Oui parce que c’est bien son genre de regarder que ça, c’est écrit sur son front.

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Na’vi, Naveen, c’est un peu du pareil au même pour l’américain. Il est partisan des surnoms ; il a déjà de la peine à se souvenir de son propre prénom, ce n’est pas pour prendre la peine de mémoriser ceux des autres, les surnoms sont donc une méthode plus facile puisqu’il peut en changer régulièrement. Et peu importe le prénom de l’indien, au final dans sa tête il sera toujours associé à « Bollywood » qui est un surnom totalement approprié en vue du style du type. Colin reste marqué par sa tenue lors du prime d’introduction, qui avait bien failli lui causer la perte d’un œil, et à chaque fois qu’il le croise dans les couloirs, il s’attend à ce que des danseurs sortent de nulle part pour entamer une folle chorégraphie avec leur chef de meute. Alors peu importe son prénom, il est peu probable qu’il l’utilise, ni aujourd’hui, ni demain, ni les prochaines semaines s’il revient à l’issue du prime. Quant au fait que Na’vi pense ne pas être celui qui lui inspire les meilleurs sentiments, il n’a pas à s’inquiéter, peu dans ce nid lui en inspirent, alors se retrouver face à lui ou un autre, de toute évidence ça ne change pas grand-chose pour Colin qui reste assez indifférent à ceux qui l’entourent. « Franchement ? Pour l’instant, non. Enfin, j’ai bien envie de connaître l’entrejambe de la brune exhibitionniste, mais j’suis pas sûr que ça compte pour une réponse. » Il continuerait volontiers de la nommer miss jolies cuisses, mais, étonnement, il doute que Bollywood soit en mesure de situer ladite personne, Colin était certain que ce n’est pas une partie du corps qu’il doit oser regarder quand il croise une femme. Plus sérieusement, il y a bien Gael avec qui il se sent obligé de se lier pour le geste en sachant qu’ils sont partenaires, mais globalement, pour l’instant personne ne se démarque à ses yeux, personne qu’il n’ait irrémédiablement envie de connaître dans les dix prochaines secondes. « Ah ouais, t’trouves ? » Lui, il ne perçoit pas les autres comme des personnes agréables, on ne peut pas dire ça. « Vas-y, fais-moi une liste, j’verrais si un nom m’inspire sur la liste et comme ça quand on me posera la question, j’me casserais pas la tête à trouver une réponse. » Et peut-être même qu’il ira faire l’effort de vérifier si ces personnes sont effectivement agréables. Peut-être. Ne se gênant ensuite pas pour se montrer moqueur envers Na’vi, Colin lui fait savoir qu’il n’a rien fait pour que cela soit dissimulé, au contraire. « Ouais, vite des confettis et du champagne pour féliciter Na’vi, et que ça saute. » Il lance, tapant deux fois dans ses mains en observant autour de lui si une feinte se fait dans le plafond, délivrant ainsi quelques confettis et la fameuse bouteille dans un seau de glaçons. Mais rien ne vient. Intense déception. Ceci dit, ce serait mentir que de dire que Colin n’est pas surpris par la réaction de son camarade, celui-ci ne semblant absolument pas vexé malgré les petites piques que le benjamin ne se prive pas de lui lancer. Ce dernier ne manque d’ailleurs pas de faire une réflexion sur le site de rencontres de son interlocuteur, car c’est bien quelque chose qui l’a marqué, suffisamment pour qu’il s’en souvienne alors que la plupart des informations concernant ses colocataires sont rentrées par une oreille afin d’en ressortir par l’autre. « Bingoooo ! » Mais pour sa défense, il a ses raisons. Bollywood ne semble pas particulièrement surpris que Colin pense une telle chose, annonce qu’il accueille par un simple haussement d’épaules. Pourtant, malgré son jeune âge, il est déjà tombé amoureux, et peut-être que si Bolly lui avait demandé son opinion deux ans plus tôt, il aurait été du même avis que lui. Là où il n’est également pas d’accord, c’est dans son envie de le comprendre, tout simplement parce que Colin n’estime pas être un cas d’étude. Ce n’est pas un mystère à décortiquer, il n’y a rien à chercher dessous. « Ah mais j’sais pourquoi j’me comporte ainsi, rassure-toi. » Si la première hypothèse consiste à penser qu’il s’agit d’une crise d’adolescence qui dure un peu trop longtemps, il n’en est rien même si on peut plus ou moins parler de crise identitaire. Les parents persistent à croire à la première hypothèse, malheureusement pour eux, malgré toute leur attention envers lui, leurs mots ne comptent pas autant que ceux de sa mère. « Écoute, j’ai donné dans l’genre on me veut du bien, alors j’estime que c’est plus mon problème maintenant. Les gens me prennent comme je suis, ou comme j’suis pas, et point barre. » Il est un peu difficile pour lui de savoir ce qu’il ou ce qu’il n’est pas, mais ça ne change rien au fait que les gens sont supposés l’accepter comme il est, avec ses mauvais côtés. « Au moins, pas d’attentes, pas de déception, j’peux qu’être une bonne surprise et pas une immense imposture. Au final, c’est l’bon plan. » Il conclut, en poussant un soupir. C’est vrai ça, Na’vi se concentre que sur le mauvais côté de la chose, et non pas sur le côté positif comme le met en avant Colin. Peut-être parce que ça n’en est pas vraiment un, en fait. Bollywood lui confirme ensuite qu’il s’apprêtait bien à exercer la méditation, et l’invite même à se joindre à lui, proposition que Colin refuse puisqu’il n’est pas question de léviter. « Eh bien t’vois, on s’connait pas, on s’parle trois secondes et tu m’parles déjà de trucs que t’abordes pas souvent, on est potos ! » Il s’exclame, faussement enthousiaste. Mais c’est bien ce que Bolly voulait ? Discuter avec lui, tout ça, bah voilà, ils y parviennent. À la rigueur, Colin veut bien faire un effort si son interlocuteur lui promet de trouver un moyen de léviter, mais sans ça, c’est inutile de tenter une nouvelle invitation à l’occasion. Na’vi le note et Colin acquiesce d’une moue entendue, sachant pertinemment que ça n’arrivera pas. Estimant toutefois qu’il n’a pas à méditer en sachant qu’il n’y a rien pour les tracasser entre ces murs, Colin se heurte à une réaction plus affirmée de l’indien, ce qu’il ne pensait pas possible. « J’croyais que l’but en venant ici, c’était de laisser ses emmerdes à la porte. » Ou de les fuir. Peut-être que ça marche pour Colin, mais ça n’a pas l’air d’être le cas pour Bollywood. Bien, dommage pour lui. Ce n’est pas Colin qui va s’amuser à lui tirer les vers du nid pour le soulager d’un poids en étant son confident. « Ouais, on va dire ça. » Il lance d’un air suspicieux en fermant un œil et en regardant du coin son colocataire. Plus sérieusement, il se doute bien que Bolly ne peut pas vraiment lancer de sorts. Et c’est bien dommage en réalité. « Ah ouais, merci, j’suis clairement plus tranquille maintenant, pfiou, heureusement que tu me l’dis, j’vais pouvoir dormir cette nuit, sinon c’était nuit blanche assurée. » Il en fait trop ? Et alors que l’américain s’attendait à ce que Na’vi quitte la pièce, n’étant plus dans l’état d’esprit nécessaire pour méditer et n’étant probablement pas encouragé par Colin à lui tenir compagnie, il décide finalement d’opter pour cette seconde option, laissant Colin surpris. Finalement, il y a peut-être quelque chose à tirer de Bolly. « Mais je t’ai pas invité à rester, hein… » C’est vrai, ce n’est pas parce que son camarade est emballé par l’idée qu’il fasse absolument quelque chose ensemble que Colin est d’accord. « Ça va, j’plaisante. » Il précise toutefois. Ouais, dans sa grande bonté, il est décidé à accepter la compagnie du type, peut-être en guise de félicitations pour sa persévérance. Colin émet toutefois une remarque sur le fait que Bollywood ne soit pas son truc, et ça ne semble pas déranger le type. « J’ai exactement ce qu’il te faaaaut ! » Il lance enjoué, en fouillant avec la télécommande pour trouver son bonheur. « Un classique, nommé aux Oscars, applaudi par la critique, que chacun doit avoir vu au moins une fois dans sa vie. » Il sélectionne ensuite ledit film, American Pie 2. « En plus, si t’es un mélomane, tu vas adorer, il y a une scène de trompette juste merveilleuse. » Oui, exactement. Roh, ça va, ce n’est ni violent, ni trop osé, ce n’est pas un porno qu’il s’apprête à lui montrer, il devrait survivre. Et faut bien l’éduquer un peu, le petit Bolly.

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