Ranja a croisé sur son chemin vers le puit Agata, une des rares filles à qui elle n'avait pas du tout adressé la parole jusque là. Alors sur le trajet elles ont échangé des banalités, prénoms, âges, des trucs classiques mais qui font toujours du bien à savoir quand on rencontre quelqu'un pour la première fois. En approchant du lieu d'abreuvement Ranja remarque Allen, elle l'aime bien, plus par principe que par réelle alchimie, il a été le premier à qui elle a parlé et elle a développé pour lui une certaine affection, malgré l'anneau qu'il porte à l'annulaire gauche. « J'ai assez de shiny objects comme ça. Si je te dis que c'est mon anniversaire tu fais le gentleman et tu vas le chercher ? » taquine-t-elle en le saluant d'une embrassade rapide avant de se retourner vers sa nouvelle comparse. « On voudrait pas qu'Allen se retrouve avec un lumbago, hein Agata ? » fait Ranja presque plaintive à l'égard du vieux débris. Oui, elle joue la comédie de façon presque crédible. C'est qu'elle a l'habitude de jouer des rôles, les clients lui donnent souvent du fil à retordre si elle est trop gentille, si elle est trop froide, si elle est trop directive. Elle se doit d'endosser des rôles différents en fonctions des besoins de chaque situation. L'absence de seau ne l'importune pas, elle a déjà eu le soucis la veille et, incapable de construire un contenant elle-même, elle s'est débrouillée sans. « Tu as pas prévu de bouteille ? » elle demande ça sans jugement, c'est simplement qu'elle ne comprend pas comment il avait prévu de ramener de l'eau sans contenant. Elle a sa bouteille d'eau vide à la main et va reproduire la manœuvre qu'elle a déjà mise en place la veille. Attacher la bouteille vide à la corde et la plonger dans le puit, attendre un peu et la remonter. Allen lui paraît d'un coup bien moins brillant que lorsqu'il était le seul à qui elle avait parlé sur le prime. Mais bon, chacun a ses moments de faiblesse, même elle, aussi peu prompt à l'avouer qu'elle soit.

Allen doute de sa sincérité, c'est du propre, comme si elle allait mentir sur quelque chose d'aussi important ! Bon, d'accord, elle a déjà menti en soirée avec ses copines pour voir si la légende du « c'est mon anniversaire ce soir » déclenchait bel et bien un blanchiment d'addition dans un bar. Mais vu le contexte, elle n'avait aucun intérêt à mentir. « Malheureusement oui, non seulement je passe mon anniversaire loin de mon fils, mais en plus je pensais troquer ça contre un anniversaire dans un cadre super chaleureux, avec de la bonne bouffe et compagnie et je me retrouve au milieu de la forêt en terrain hostile. Tu veux pas rendre cette journée un peu moins pénible ? Pour mon vingt-quatrième anniversaire ? » Vingt-quatre ans... Dur. Elle préfère compter les années de son fils que les siennes depuis qu'il est né, elle a cessé de vivre pour elle depuis deux ans et demi. Fake Lover c'est la première chose qu'elle fait uniquement pour elle en plus de trois ans. Alors, oui, elle aimerait bien qu'Allen la prenne au sérieux mais ça serait moins drôle s'il s'était plié à sa volonté immédiatement. « Oh mais c'est qu'il est grumpy le daddy Allen ! » qu'elle continue de le taquiner en lui donnant caressant l'épaule à la façon d'une mère bienveillante qui cherche à consoler un enfant un peu capricieux. Quand il est question de ramener de l'eau à toute la petite tribu Ranja n'est pas la plus motivée. Pas qu'elle soit égoïste au dernier degré, c'est seulement qu'elle n'a pas envie de se taper l'aller-retour au campement, soit une demie-heure de marche, pour ça. « Bah moi j'ai la mienne, mais si vous voulez vraiment qu'on joue les bons samaritains, ok. » concède-t-elle avant de se rappeler d'un truc qui devrait leur faciliter la tâche. « Je crois qu'il y avait des gourdes dans la cabane abandonnée, je vais les chercher et vous vous débrouillez par remplir la bouteille ? » Au départ c'est une suggestion, mais comme elle n'a pas envie de passer deux heures à débattre de qui fait quoi elle refile sa bouteille vide à Allen et repart en trottinant dans la forêt qui l'avale en quelques secondes. Courir à une vertu apaisante chez Ranja, évidemment courir dans du cuir et un tee-shirt qu'elle porte depuis presque quatre jour n'est pas la meilleure idée qui soit, mais elle n'a pas fait sa lessive ce matin alors elle pourra largement en profiter pour utiliser un peu du gel douche pour faire partir les odeurs de transpiration sur le tee-shirt et elle le laissera sécher à l'extérieur de la tente pendant la nuit, ça sera largement suffisant. Le reste du trajet la saoule un peu, les cinq gourdes qu'elle a trouvées n'arrêtent pas de s'entrechoquer et de lui taper sur les hanches. Quand enfin elle retrouve le puit elle est franchement soulagée. « Tenez, c'est tout ce qu'il y avait. » parvient-elle à dire essoufflée par sa course avant de s'asseoir quelques secondes pour récupérer de l'effort.