Ma main tâtonne le matelas à côté de moi. Je finis par me rendre compte que mon partenaire a déjà bougé. D'un froncement de sourcils presque étonné, je tente de savoir l'heure qu'il est. Dix heures. Abusé, il aurait pu me réveiller quand même, j'ai bien trop traîné. D'un coup de pied énergique, je jette la couette qui me recouvrait. J'enfile rapidement une tenue plus décente que celle que je portais. Je m'apprête à descendre à la cuisine lorsque je remarque que Salvador est encore au lit. Comment je sais que c'est lui ? L'instinct ? Non, j'ai juste remarqué une grosse forme sous la couette et une tignasse brune sauvage, la sienne. Sure et certaine à 1000%. Je squatte un instant l’embrasure de la porte, vérifiant que sa partenaire n'est pas encore dans le lit, je ne voudrai pas les gêner. Enola a du se lever plus tôt. Je m'approche d'un pas assez discret, jusqu'à arriver au bord de son lit. Les bras à l'horizontal, je me laisse tomber sur Salvador, sans trop de remord. Je suis pour les réveils en douceur, comme toujours. Je l'entends grogner, mais je m'en moque, je fais comme si je n'entendais rien. Je lui fais un câlin comme je peux. « Tu dors ? » je lui demande alors de mon doux cristallin avant de le libérer de mon emprise. Je roule sur le côté pour le dégager. Question stupide bien évidemment qu'il est réveillé. « Il est super tard » je précise pour le faire réagir quand même. Je m'approprie un des oreillers et je m'allonge délicatement à ses côtés.

Nouvelle insomnie. Pas facile à gérer. Trop de pensées néfastes. J’me suis endormi sous les coups de quatre heures et quelques je pense. J’ai dérangé Enola dans son sommeil involontairement. Le résultat est qu’à midi, je pionce encore et comme un bébé. Si ma partenaire, elle, a quitté notre lit, moi je suis toujours là, enseveli sous la couette la tignasse dépensant juste. J’aurai pu continuer ma nuit si une masse ne m’était pas tombée dessus me réveillant aussitôt. Je grogne alors, dans un son semblable à ceux que j’ai pu faire la semaine passée à cause de mon gage, puis j’ouvre les yeux pour découvrir l’auteur de cet attentat. Jade. Elle me demande si j’dors. « Je dormais. » Je rectifie alors tout en essayant de me débarrasser d’elle en l’envoyant sur la partie libre du lit. Elle me facilite la tâche en se roulant sur le côté. Ça va tout de suite mieux. Non pas que Jade est un poids lourd mais plutôt que le réveil était brutal. Elle m’annonce qu’il est super tard. « Ah. » Je trouve rien de mieux à dire. C’est pas grave après tout. J’ai l’habitude de me lever bien plus tôt mais tant pis. Aujourd’hui c’était grasse mat’ on va dire. « Grey a droit à ce réveil tous les matins ? » Je me redresse un peu en m’étirant sans délicatesse. Je passe ma main dans ma tignasse avant de me tourner vers celle qui siège sur mon lit. « Si Enola voit des cheveux roux sur son oreiller, elle va se poser des questions. » J’ajoute alors comme si je m’en souciais réellement. Après tout, elle n’est que ma partenaire. Si quelqu’un veut s’approprier son coussin, ça me concerne pas moi. Je refuse toute responsabilité.

Je me plais à me laisser tomber de tout mon poids sur Salvador, sans regret ni remord. Il est dix heures passés, j'estime qu'il a eu son quota d'heures, c'est pour ça. La réponse de Salvador m'arrache simplement un sourire ravi, j'avoue que je m'en doutais, mais je suis fait, de le réveiller, une mission. J'ai fait la méthode en douceur, j'aurai pu très bien lui attraper les jambes, et basculer en arrière de tout mon poids, pour le tirer hors du lit. Mais je tiens encore un minimum à ma vie. Il me demande si je réserve le même sort à mon partenaire. L'idée est tentante ... « Ah non Grey, c'est la bouche en coeur et le petit déjeuner sur un plateau, j'ai trop peur de son courroux » je ronronne alors que Salvador, pas trop. Je veux dire je dors pas avec lui, donc je ne crains pas une vengeance surprise, ou quoi, c'est quand même plus pratique. Mes prunelles se vrillent aux siennes, tandis qu'il tente d'émerger un peu plus, avant de se tourner vers moi en évoquant Enola. J'arque simplement un sourcil, presque septique. « Je ne suis pas la seule rousse du nid, le suspense sera insoutenable le temps qu'elle remonte jusqu'à moi » j'ironise simplement en haussant les épaules. Je doute qu'elle crise parce que j'ai pris sa place pendant quelques secondes. « Alors tu as rêvé de quoi ? » je lui demande avec une certaine curiosité, enfin, s'il s'en souvient bien sûr. J'aime bien essayer de décrypter les rêves des autres bien que j'ai conscience que leur interprétation est bien souvent foireuse.

La délicatesse, c’est visiblement pas le point fort de Jade. Elle me saute dessus de bon matin comme un gosse ou un chien qui viendrait faire des fêtes à son maître. Heureusement, j’ai pas droit à la partie léchouille. Je préfère autant éviter. J’suis pas du genre tactile alors faut pas bruler les étapes. Là, déjà, le câlin du matin a assez duré. Je l’incite à se pousser et prendre place de l’autre côté du lit vu qu’Enola s’est déjà levée. Puis, quand j’ai les yeux bien ouverts et que je me suis redressé, je commence à parler. Est-ce que Grey à le droit chaque matin à ce type de réveil ? Non, apparemment car elle a peur des représailles. « Il est méchant ? Il te maltraite ? » Je tente de la bombarder de questions comme si j’y croyais réellement et que je m’inquiétais à ce sujet alors que j’sais dans le fond que tout se passe bien. Du moins, il me semble. C’est peut-être un psychopathe qui se fait passer pour un flic après tout. « T’as pas peur de mon courroux à moi ? Y’en a ici qui se sont quasi pisser dessus devant moi avant même que je décroche un mot. » Je déconne pas, lors de ma première rencontre avec Pablo ou Cody, les deux étaient clairement pas rassurés face à moi et ils faisaient pas les fiers. J’ai limite abusé de la situation un instant car j’trouvais ça drôle d’effrayer les gens rien que par ma carrure. Mais bon, faut croire que le naturel revient au galop. Je suis une crème et incapable de faire du mal à une mouche. Enfin si, je suis capable d’en faire à une mouche remarque. « Alors tu préfères laisser accuser ta sœur ? » Je demande, interloqué après avoir remarqué que les deux seules rousses du nid c’est elles deux. Après tout, pourquoi pas. De toute façon, je doute qu’Enola soit du genre à faire gaffe à son oreiller et les cheveux qui se sont accrochés dessus. Quoi que le roux c’est assez visible quand j’y repense. « J’ai pas rêvé. J’ai passé une sale nuit. » Je déclare alors fermement espérant que ça décourage la demoiselle de s’aventurer sur ce terrain-là. Autant que j’sois franc. Sauf que mon ton un peu trop sec fait place à un blanc insoutenable. Je me sens responsable de cette fin de conversation si bien que je me reprends. « Pour la version exotique, j’ai rêvé de noix de coco, de palmiers et de jolies femmes. » Mon ton redevient directement plus chaleureux. J’ai pas envie d’effrayer la petite. C’est qu’elle est attachante.