César avait été un peu intrigué lorsque Gio lui avait fait remarquer qu'il ne l'imaginait pas forcément comme quelqu'un de tactile, mais il comprit lorsqu'il reprit la parole que ça n'avait rien à voir avec un quelconque détail lié à son look, mais au fait qu'il n'avait pas encore cherché à initier de contact avec lui. « Oh tu sais, en réalité j'en instaure rarement avec qui que ce soit avant un certain stade où je commence à craindre un peu moins les réactions que mes gestes pourraient engendrer. » Il lui précisa dans un léger sourire, parce que ça l'embêterait qu'il puisse  penser que c'était parce que c'était lui ou quoi que ce soit de ce genre. « Je veux dire, dans ma situation c'est toujours délicat de faire le premier pas avec quelqu'un que j'apprends encore à connaître, parce que je peux me fier qu'à mes impressions pour savoir si une personne apprécierait ou non que je me montre tactile avec elle. Et c'est encore plus particulier quand j'ai à faire à un homme, parce que y'en aurait toujours pour réagir violemment à un geste anodin, on sait tous les deux que c'est pas ma cécité qui les empêcherait de m'en mettre une et c'est pas forcément le genre de « contact » que je cherche à initier avec les autres. » Il émit un léger rire, parce qu'il lui passait les détails mais qu'en dix ans il avait eu le temps de connaître quelques malentendus et que ça lui avait sans doute suffisamment servi de leçon pour qu'il se montre prudent et ne surestime pas la capacité de compréhension des personnes qui l'entouraient. « Je sais très bien qu'avec toi je risque pas grand chose, mais pour te donner un exemple, ici les seules personnes à avoir vraiment initié un contact physique avec moi sont presque que des femmes. Et moi je m'adapte énormément aux autres, donc j'ose tout simplement plus de choses quand je sens que mes gestes seront appréciés. » Le seul homme à avoir un peu été dans ce sens-là avec lui était Dash, lorsqu'ils étaient dans le labyrinthe et qu'il avait pris sa main pour qu'il puisse se servir en barbe à papa. Du coté des filles, il y avait forcément eu Lucy à plusieurs reprises puisqu'ils partageaient leurs nuits, Juliette pendant la première semaine qui avait déposé ses mains sur ses épaules pour s'annoncer, Penny qui lorsqu'il s'était allongé dans son lit par erreur avait saisi son bras avant de lui laisser toucher ses cheveux, mais surtout Anouchka qui comme il le lui expliqua par la suite était celle qui initiait le plus naturellement ce genre de gestes avec lui, notamment en prenant sa main dans un contact qu'il trouvait toujours très doux et apaisant. Le fait qu'elle se soit tout de suite montrée affectueuse et démonstrative avec lui l'avait rassuré sur les risques pour que les contacts physiques puissent la déranger, et c'est pour ça qu'il osait certains gestes avec elle qui ne seraient pas forcément aussi bien perçus par d'autres. Ça semblait tellement naturel pour la jeune femme d'offrir un peu de sa douceur, et en tant que non-voyant il était très réceptif à ce qui le connectait aux autres et lui donnait l'impression de ne plus être perdu dans une dimension où tout n'était qu'obscurité et solitude. Et quand c'était particulièrement tendre et qu'il sentait que c'était sincère et pas juste initié par égard pour ce qu'il était, c'était forcément encore plus précieux et c'est pour ça que sa compagnie lui était si agréable. Mais ce n'était pas parce que quelque chose de particulier s'était noué avec Anouchka que Gio ou qui que ce soit d'autre devait se sentir obligé de se montrer aussi tactile avec lui, il n'attendait pas de chaque personne qu'il rencontrait qu'elle lui ouvre grand les bras. « Alors finalement on avait tous les deux peur de brusquer l'autre. » Il reprit d'un ton complice, lorsque Gio lui avoua qu'en vérité lui non plus n'aurait jamais osé initier directement de contact physique avec lui. « Mais n'oublie pas que la plupart du temps je peux deviner quand tu t'approches de moi. Donc normalement tu peux déposer une main sur mon épaule ou faire autre chose sans que je sursaute, y'a assez peu de risques que tu me surprennes. » Ou disons au point de le prendre complètement par surprise, parce qu'il avait déjà appris à reconnaître sa démarche et qu'il savait aussi comment il sentait depuis qu'ils passaient du temps ensemble. Il retrouva un air plus sérieux lorsque Gio lui demanda s'il voulait qu'il lui prenne la main. « Il n'est pas question de moi, il faut que ce soit quelque chose qui te semble naturel, pas un geste que tu initierais pour me faire plaisir. » Parce qu'il ne lui avait pas parlé des fois où Anouchka lui prenait la main et l'apaisait pour qu'il cogite et se sente obligé de faire la même chose. Il ne voulait pas que Gio pense que c'était un passage obligé pour qu'il lui porte de l'affection, il préférerait qu'il initie un contact avec lui parce que c'était une chose dont il avait envie. Et ça lui faisait un peu de peine de l'entendre dire qu'il lui ne lui était pas toujours facile de plaire, parce qu'il percevait vraiment des choses très positives chez lui et qu'il ne savait pas trop quoi dire pour lui remonter le moral. « Je sais ce que tu ressens, parce que j'ai jamais autant manqué de confiance en moi que depuis mon accident et que tu sais déjà que ma cécité est pas ce qui donne le plus envie aux filles de s'engager. Mais c'est aussi depuis que je suis aveugle que je sais qu'on est définitivement mieux seul que mal accompagné, alors tant pis pour ceux qui ont passé leur tour, non ? » Il esquissa un léger sourire, plus à même de tenir ce genre de discours face à Gio que quand il était face à ses propres déceptions, parce que c'était toujours plus facile quand on avait un peu de recul sur ce genre de choses. Il ne savait pas si ça aiderait à ce qu'il voit les choses de façon plus positive, mais il essayait vraiment de lui faire adopter un autre point de vue, comme lui-même avait essayé au fil des années pour se sentir un peu moins esseulé. Ils retrouvèrent heureusement un peu de gaieté quand il fut question des noms que Gio avait donné à ses chats. « J'aime bien Imini, je trouve ça joli et un peu plus féminin. Tu veux bien que je te l'emprunte pour nommer la boule de poils qui m'a pas lâché depuis tout à l'heure ? Je sais pas si j'arriverai à la retrouver la prochaine fois que je viendrai ici, mais peut être qu'elle me retrouvera... » Ou peut être qu'il ne viendrait pas seul et qu'en décrivant la chatte en question à l'un de ses camarades d'après ce que Gio lui en avait dit, il remettrait la main sur Imini si celle-ci ne lui avait pas sauté dessus la première. Il aimerait bien lui donner un petit nom, ce serait comme créer un lien avec elle et ça l'aiderait un peu à remplir le vide laissé par son chien. Ils tombèrent d'accord au sujet de Daredevil qui n'était pas une série qui le pousserait à se relever en pleine nuit, même si de base le fait de suivre un show en audio-description était un peu particulier et d'autant plus quand comme lui on avait déjà vu. Il pourrait très bien ne pas du tout écouter la télé, mais ça lui manquerait. Le problème, c'était plus de trouver des personnes pour profiter de ce genre de moments avec lui. « En fait, l'image apparaît aussi en audio-description, ce qui pour un aveugle ne change absolument rien. Pour un voyant, ça dépend comment c'est raconté parce que ça peut être divertissant mais aussi un peu lourd d'entendre quelqu'un nous décrire ce qu'on a déjà sous les yeux. Moi, je dis toujours à mes proches de les fermer mais je sais pas s'ils le font. » C'est sûrement pour ça qu'il ne leur proposait pas trop souvent de regarder un film avec lui, par peur de les embêter et parce que quand ils passaient du temps tous ensemble, chez lui ou bien chez son oncle, il aimait mieux que ce ne soit pas devant une télé. Il vivait seul depuis plusieurs années et ils lui manquaient toujours aussi souvent. « T'es sûr ? Tu sais pas dans quoi tu t'embarques, je t'assure. » Il reprit dans un rire lorsque Gio se proposa de continuer à lui décrire leurs camarades, parce qu'il risquait vraiment de s'emballer et de lui demander toujours plus d'informations tellement il était curieux au contact d'autant de personnes. « Je vais réfléchir, te préparer une liste longue comme le bras et prier pour que tu regrettes pas de m'avoir proposé ton aide. » Son ton se voulait amusé, mais il espérait vraiment que Gio n'allait pas se dire qu'il avait eu tort d'endosser ce rôle pour lui, la dernière chose qu'il souhaitait c'était embêter les autres et c'était d'autant plus vrai quand il commençait à vraiment bien les apprécier. Si Gio décrétait du jour au lendemain qu'il fallait que César lui laisse un peu d'air, il le vivrait forcément mal. En attendant, il se proposa de lui communiquer un indice sur son secret histoire de le consoler de n'avoir pas remporté ceux qui avaient été mis aux enchères, se levant bientôt avec prudence pour venir le lui souffler presque à l'oreille avant que Gio fasse de même avec le chat. « Dis bien à Amaran que je compte sur lui pour tenir parole et pas rapporter mon indice au premier candidat qui va rentrer ici et le caresser. » Il voulait bien se mettre un peu en danger, mais avec deux indices entre les mains de Rhéa et un troisième entre celles de Gio, il l'était déjà un petit peu et ça lui suffisait pour le moment.