@César

J’adore ce lundi. Ce lundi est parfait. Entre ma non-élimination de la veille et le retour de Leon et Joaquim dans le palais, je ne pourrais tout simplement rien demander de mieux. J’ai surement l’air trop joyeuse. Genre à sautiller comme une gamine de cinq ans lorsque je me promène dans les couloirs. Je me taperais presque sur les nerfs tellement ma bonne humeur est excessive. Ça fait du bien de se sentir de cette façon. D’avoir le cœur léger pour un rien. Je me dirige vers l’institut de beauté ayant en tête d’aller trouver le meilleur masque d’argile pour me le badigeonner sur le visage. Je ne fais jamais ce genre d’activité parce qu’honnêtement, j’ai toujours trouvé ça ridicule. Peut-être que c’était juste de la jalousie aussi parce que je n’avais pas l’argent pour dépenser vingt dollars pour un masque qui ne changera rien à ma peau. C’est un truc de riche de s’acheter des petits pots en croyant que ça va nous donner la beauté éternelle. Ouais, finalement, c’est de la jalousie. Comme ici dans le palais c’est gratuit, j’en profite. Je suis là à tenter de lire les étiquettes remplies de termes et de symboles que je ne comprends pas. Pour une fille qui a appris à lire sur une boîte de céréales, on peut remarquer qu’après toutes ces années il n’y a pas eu une grande amélioration. Je relève les yeux lorsque la porte s’ouvre et que je vois du mouvement à ma droite. Je suis un peu surprise de reconnaître César, alors que je ne pensais pas qu’il était le genre à se réfugier ici. Ou peut-être qu’il m’a entendu parler dans le couloir avec Joa et qu’il m’a suivi. Je ne sais pas. Pour le coup, je le fixe un moment silencieusement. Il y a quelque chose de différent depuis la semaine dernière et je n’arrive pas à mettre le doigt sur le meilleur mot pour décrire la situation. De la distance? Pas nécessairement. De la tension? Non plus. « Toi aussi t’avais l’irrésistible envie de te faire un masque d’argile? » je brise la glace et annonce par le fait même ma présence dans la pièce. C’est aussi parce que je sais que ma voix pourra le guider et l’aider à s’avancer dans la pièce. On n’a pas pris l’occasion de discuter lui et moi suite à l’épisode de la semaine dernière, à l’exception d’une ou deux petites références lors du prime d’hier et je me demande si quelque part il ne m’a pas un peu évité. Je sais que de mon côté, je n’ai pas hésité une seconde à dormir aux côtés de Joaquim la veille même si je n’avais pas l’intention de squatter le lit de mon frère pour le reste de l’aventure comme je le faisais au tout début. Après tout, César l’avait bien dit en décrivant notre partenariat, pour le meilleur et pour le pire. « Tu l’as dit à Anouchka? » Pour le baiser. J’imagine que oui. Et c’est une bonne chose, n’allez pas croire le contraire. Ça me dérangerait encore plus qu’il ne soit pas honnête avec elle dans toute cette histoire. Surtout que je lui avais promis que je n’interfèrerais pas dans leur histoire et finalement, telle la gracieuseté d’un éléphant, je m’étais imposée dans leur histoire sans grande subtilité. Rien de bien étonnant, venant de moi. Le pire, c’est que je crois que j’agis ainsi pour toutes les mauvaises raisons. « Je devrais dire que je regrette, mais c’est faux. » Je ne vais pas jouer les fausses innocentes et surtout pas avec César. Je ne suis pas le genre de personne qui se laisse ronger par le regret. J'assume. Mais il reste que ce soir-là, certaines de mes émotions avaient été refoulées pour en générer d’autres. Encore une fois, j'avais été mené par mes impulsions avant ma raison. « Ça te met mal à l’aise toute cette histoire et pour cette raison, je suis désolée. » Je ne veux pas lui causer du tort. Il le sait ça.

César passait un début de semaine en demi teinte malgré le soulagement qu'il éprouvait d'avoir réchappé aux dernières nominations au même titre que la plupart des personnes qui lui étaient proches dans cette aventure. Le départ de Rhéa lui avait fait beaucoup de peine mais il le percevait peut être différemment depuis que les anciens candidats étaient autorisés à revenir jusqu'à la fin de l'aventure, comme certains d'entre eux avaient déjà réintégré le palais et ranimé un peu les lieux qui désemplissaient un peu plus à chaque élimination. Ce qu'il ne vivait pas très bien depuis dimanche, c'était d'avoir inconsciemment mis un peu de distance entre Penny et lui depuis le baiser de la semaine dernière, parce qu'il avait compris en discutant de cet épisode avec Anouchka que ce n'était pas tenable comme situation, et qu'il avait vraiment besoin d'en parler avec Penny qui avait peut être senti la veille au soir, lors du prime, qu'il était un peu mal à l'aise vis à vis de tout ça et pas très adroit pour l'exprimer. Il se doutait que les retours de Leon et Joaquim avaient du soulager Penny qui n'avait pas très bien vécu leurs départs et une petite partie de lui se demandait depuis ce matin si les choses changeraient entre eux maintenant qu'ils étaient revenus. Il avait constaté la veille au soir qu'elle n'avait pas dormi dans leur lit, probablement pour rejoindre Joaquim, ce qu'il pouvait comprendre et certainement que ça avait aussi rendu les choses un peu plus évidentes pour lui sur le moment, après sa discussion avec Anouchka qui l'avait un peu éprouvé. Il aurait été difficile pour lui de parler à Penny à ce moment-là, alors il avait préféré attendre aujourd'hui pour le faire. César avait attendu toute la journée de pouvoir passer un moment seul avec elle, et c'est lorsqu'il quitta la cuisine qu'il l'entendit discuter avec Joaquim et décida de lui emboîter le pas lorsque Penny sembla prendre la direction du spa. Il s'aida de son parfum et du son de sa démarche pour la suivre sur le chemin, pas très discrètement à cause de sa canne mais il ne comptait pas forcément sur l'effet de surprise, le principal étant de ne pas la perdre. Il l'entendit pousser une porte qu'il identifia comme étant celle de l'institut, et attendit quelques secondes avant de l'ouvrir à son tour, mettant un pied à l'intérieur tandis que Penny s'adressa à lui. « En réalité, c'est pour toi que je suis là. » Il souffla dans un sourire un peu timide, avançant de quelques pas pour refermer la porte derrière lui et lui faire face à nouveau. « Mais si le masque est compris dans la formule... » Il prit un air un peu plus amusé, tentant lui aussi à sa manière de détendre l'atmosphère parce qu'il sentait bien que c'était un peu particulier et qu'il n'aimait pas avoir le sentiment qu'une forme de gêne s'était installée entre eux. Il l'avait suivie dans l'institut comme il l'aurait fait si Penny avait décidé de se perdre dans la labyrinthe, mais il devait reconnaître que le cadre était plutôt agréable. Les odeurs et l'atmosphère avaient ce petit coté apaisant auquel il était sensible. « Je l'ai fait hier soir, oui. Mais je sais que j'aurais du le faire plus tôt. » Il reprit doucement, lorsque Penny chercha à savoir s'il avait pu parler à Anouchka du baiser. Il avait attendu plus longtemps qu'il n'aurait voulu, mais il se sentait plus léger maintenant qu'il l'avait fait parce que ça n'avait jamais été son genre de garder ce genre de choses pour lui, quand bien même ça n'avait pas été un moment évident et qu'il savait qu'Anouchka ne l'avait pas très bien vécu. Penny reprit la parole et il se pinça les lèvres, restant silencieux une seconde. Elle disait ne pas regretter, et quelque part il n'était pas surpris parce qu'avec le temps il avait appris à la cerner et qu'il se reconnaissait beaucoup en elle tel qu'il avait pu être à une époque qui parfois lui paraissait lointaine et d'autres fois un peu moins. « Pas même maintenant que Leon et Joaquim sont revenus ? » Il demanda tout bas, sans savoir si le sujet avait été mis sur le tapis avec eux, parce qu'il était autant probable qu'ils n'aient pas jugé important d'y faire allusion, que l'inverse. César ne savait pas comment la scène avait pu être montrée à la télévision, si la production s'y était attardée ou si ça avait paru banal au milieu des rebondissements qu'il avait du y avoir, mais il savait qu'on prenait toujours plus à cœur le point de vue de ceux qui nous étaient proches. « Je suis content pour toi que tu les aies retrouvés. » Son sourire s'étira sincèrement, parce qu'il avait été le premier témoin de l'émotion que leurs départs avaient provoqué chez Penny, et que ça l'avait affecté qu'elle garde certaines choses pour elle sans qu'il soit forcément parvenu à lui permettre de complètement les libérer. Il s'adossa finalement contre le mur et baissa doucement la tête. « Je me sens un peu nul par rapport à tout ça, j'ai l'impression... d'avoir perdu le contrôle sur la situation, et j'arrive pas à savoir à quel moment c'est arrivé. » Il y avait eu ce baiser, mais il avait le sentiment que ce n'était pas une bonne idée au départ de boire avec elle dans un moment déjà chargé émotionnellement pour Penny. Seulement il avait voulu lui redonner le sourire, apaiser un peu de ce qu'elle éprouvait après le départ de Leon, et lui montrer qu'elle n'était pas seule surtout parce que c'était vraiment l'envie qui l'avait animé ce soir-là. Et malgré tout ça, il avait l'impression d'avoir mal fait, et ça lui pesait beaucoup. « Pourquoi tu m'as embrassé ? » Il demanda après quelques secondes, d'une voix empreinte de douceur qui n'avait rien d'un reproche, plutôt d'une envie de savoir pour pouvoir gérer au mieux cette situation. Il avait sa petite idée mais il y avait tellement repensé depuis l'autre soir que ça l'aiderait beaucoup de l'entendre de sa bouche.

C’est sans grande surprise que César m’annonce qu’il n’était pas présent dans cette pièce avec le seul et unique but de se faire un masque pour le visage. Je m’en doutais bien maintenant qu’il se retrouve devant moi. L’hypothèse qu’il m’a suivie jusqu’ici est beaucoup plus crédible. Quand que j’y pense, ça me rend un peu triste de me dire qu’il a dû suivre mes traces pour passer un moment seul avec moi. « Ce sera un combo dans ce cas. » je réponds à sa plaisanterie. Un moment avec moi ainsi qu’un masque pour faire passer le temps. Je viens en package deal. Je m’affaire à trouver le masque qui nous conviendrait tous les deux, alors qu’on soit honnête, celui-ci n’est qu’accessoire et une façon pour ne pas attaquer directement la conversation. Au fond, ça ne donne rien de tourner autour du pot et c’est surement ce qui me pousse à lui demander s’il a abordé le sujet avec Anouchka. S’il lui a avoué ce qui s’est passé la semaine dernière. Je ne suis pas certaine de comprendre pourquoi il a attendu aussi longtemps. Une pointe de soulagement s’empare de moi lorsqu’il me confirme que ce n’est plus un secret pour la candidate. Tant mieux. J’imagine que ça a dû la mettre dans tout un état et à ce niveau, je m’en veux un peu. Dans toute situation, je n’ai jamais voulu faire de mal à personne. Je comprends que d’un point de vue extérieur, mes intentions peuvent paraitre mal placées. Jamais je ne me suis dit : tiens, je vais embrasser César pour briser ce qui se passe entre lui et la rousse. « Et vous êtes ok tous les deux ? Je veux dire, elle ne t’en veut pas trop ? » Je me garde de lui demander si elle a envie de m’arracher la tête, ça je ne suis pas certaine que j’ai envie de le savoir. J’ai cette habitude de vivre avec l’imprévu, de me faufiler dans le l’inconnu et d’assumer mes faits et gestes sans toujours me soucier de l’impact que cela aura sur les autres. Techniquement, ça s’appelle de l’égoïsme pur et dur. Je suis pourtant touchée par ce que vivent les autres, je me soucie du bien-être des personnes qui me sont importantes. Je ferais tout et n’importe quoi pour ceux qui décrochent une place de choix dans mon petit monde. Comme je reconnais que toute cette histoire met mal à l’aise César, je devrais surement regretter mon geste. Mais lorsque je repense à la situation, j’ai de la difficulté à vivre du regret. Ce n’était pas si mal que ça, non ? Est-ce que je devrais regretter maintenant que Leon et Joaquim sont de retour ? Dans un réflexe que ne peut remarquer César, je viens me mordiller la lèvre inférieure, repensant à mes discussions avec mon frère et Leon. Ça ne change absolument rien, non ? Non. Enfin… Je soupire, plus fort que je ne le voudrais. César il me dit qu’il est content pour moi que les deux jeunes hommes soient revenus dans le palais. « Moi aussi… » je souffle, cherchant mes mots face à sa question précédente. J’étire le temps. Moi qui n’arrête pas de parler et de toujours dire des conneries, il est rare que je me retrouve dans une situation où je n’ai rien à répondre. « Je ne regrette pas. » Je finis par ajouter, d’une voix un peu plus ferme pour être certaine qu’il ne doute pas cette fois-ci. C’est la vérité. Peu importe l’opinion de Joaquim ou de Leon, je ne vais commencer à remettre en question mes moindres faits et gestes. Les choses auraient peut-être été différentes si Leon n’avait pas été éliminé ce soir-là. Peut-être pas non plus. Qui sait ? César il parle d’avoir perdu le contrôle, moi je ne le vois pas de cette façon. Encore une fois, c’est surement moi qui manque de jugement. C’est que diront les autres certainement. Ils n’étaient pas présents dans la pièce, ils n’ont pas vécu le moment comme nous l’avons vécu. Je ne sais pas quoi lui répondre pour le coup parce que ma perception est surement biaisée. Pourquoi est-ce que je l’ai embrassé ? J’apprécie que sa question ne soit pas un reproche. Qu’il n’essaie que d’évoluer dans ce moment qui nous a capturés. « Pourquoi pas ? » je rétorque sans malice avec autant de douceur dans la voix. Il doit déjà s’en douter César. Il avait bien cerné mon état d’esprit lors de notre échange. « Je gère étrangement mes émotions dans la vie. Autant je peux avoir de la facilité à aller vers n’importe qui dans un bar, autant quand ça représente réellement quelque chose pour moi… Je fais n’importe quoi. » Et ici, je ne veux pas dire que César est n’importe qui ou n’importe quoi. Absolument pas. « Le départ de Leon, me rendre compte que j’étais beaucoup… beaucoup plus attaché à lui que je ne le pensais… L’alcool. J’ai juste… » Il avait été mon échappatoire. Ma façon de chasser et de mettre mes émotions dans une petite boîte au fond de ma tête. Aussi horrible que ça peut sonner.  « T’avais l’air plutôt réceptif. On vivait un moment tous les deux. Tu ne peux pas le nier César… » Je ne l’aurais jamais embrassé si je l’avais senti complètement fermé à l’idée. Ça ne change rien à ce qu’il ressent pour Anouchka ou l’importance de leur relation pour lui. Je crois juste que je n’étais pas toute seule à avoir envie, sur le coup, et encore une fois pour toutes les mauvaises raisons, avoir envie de l’embrasser. « Tu veux que je te l’applique ce masque ? » je demande en changeant complètement de sujet. Parce que c’est moi qui est mal à l’aise pour le coup.

César aurait certainement pu entrer dans l'institut et prétendre que c'était un hasard s'il avait choisi le moment précis où Penny s'y trouvait pour le faire, mais il ne voyait pas l'intérêt de lui cacher qu'il l'y avait rejointe, il y avait peut être des mensonges utiles mais celui-ci ne lui paraissait pas nécessaire et il préférait que sa partenaire sache que ça lui tenait à cœur de passer un moment avec elle pour discuter. Ils n'en avaient pas eu beaucoup l'occasion depuis la veille et ça tenait probablement autant au fait que toute cette situation l'embarrassait, qu'au fait qu'il avait voulu lui laisser profiter des retours de Leon et Joaquim après que Penny n'ait pas vécu des semaines évidentes sans eux dans cette aventure. Mais ça lui pesait et c'est pour ça qu'il s'était dit que le moment était peut être bien choisi pour briser la glace, parce que ce n'était pas un sentiment naturel de se sentir gêné en sa présence. Penny, c'était quelqu'un qu'il aimait beaucoup et avec qui le contact avait toujours été facile, et jusqu'à la semaine dernière il n'y avait jamais eu le moindre malaise entre eux. Pas même la fois où il s'était glissé par erreur dans son lit, parce qu'ils en avaient ri, que c'était peut être même là que leur complicité avait commencé à naître. Alors oui, il était venu ici avec l'espoir d'arriver à mettre des mots sur ce qu'il n'avait pas réussi à formuler avant, et alors que le souvenir de sa conversation avec Anouchka était encore très présent dans son esprit. Il se sentait mal et n'arrêtait pas de se demander ce qu'il aurait pu dire ou faire de mieux pour l'apaiser et la rassurer, mais il savait aussi que c'était des questionnements inutiles et que ce qui devrait lui importer, c'était le fait qu'il perçoive dans la voix de Penny une envie de s'assurer que les choses étaient rentrées dans l'ordre entre la jeune femme et lui. « Disons que ça n'a pas été un moment évident. La soirée avait déjà été éprouvante pour elle, et je n'ai rien arrangé... Mais je l'ai rassurée comme j'ai pu, et j'ai passé la nuit près d'elle ensuite. » Ce qui aurait probablement de toute façon été le cas après qu'ils aient appris qu'ils réintégraient tous les deux l'aventure, mais ça avait été une nécessité d'autant plus grande après cet échange très chargé émotionnellement et alors qu'il s'était refusé à la laisser ressasser ça seule dans son coin. « Tu n'as pas dormi dans notre lit toi non plus. » Il reprit d'un ton un peu plus léger, peut être pour détendre l'atmosphère. Ce n'était pas un reproche parce que ça avait certainement été beaucoup plus évident de cette façon et qu'il n'aurait pas pu retourner directement dormir près de Penny après avoir été témoin de la peine que cette histoire avait provoqué chez Anouchka, et si comme il l'imaginait elle était partie dormir avec Joaquim, il trouverait ça normal. « Anouchka m'a dit la semaine dernière qu'elle avait peur qu'on se rapproche et que je finisse par te préférer à elle... » Sa voix resta calme mais se teignit de tristesse, alors qu'une pointe de culpabilité le piqua à la gorge. Il avait compris trop tard qu'Anouchka se faisait vraiment beaucoup de souci par rapport à sa relation avec Penny, et il s'en voulait parce qu'il aurait certainement pu lui éviter de souffrir s'il avait eu connaissance de ses craintes plus tôt. « Elle m'a dit aussi que tu lui avais assuré que tu ne tenterais rien. » Son expression resta neutre, mais une partie de lui aimerait comprendre comment ils en étaient arrivés là alors qu'au départ tout le monde semblait avoir à cœur de protéger Anouchka. Lui, évidemment. Mais Penny aussi, parce qu'il était convaincu qu'elle n'avait pas brusquement décidé de revenir sur sa parole, que c'était autre chose qu'un désir de blesser quelqu'un qu'elle savait inquiète. Elle disait ne pas regretter le baiser et il n'était pas surpris parce qu'elle était comme ça, Penny, il le savait. Mais il envisagea l'idée que les retours de Joaquim et Leon aient pu changer la donne, d'une certaine façon, si le sujet avait été évoqué avec eux et qu'elle avait eu deux regards extérieurs sur la situation, de deux personnes qui comptaient beaucoup pour elle. Mais Penny renchérit, et il hocha doucement la tête lorsqu'elle lui assura ne pas regretter, même après ça. Dans un sens il l'enviait, parce que lui était un peu perdu depuis ce soir-là et n'arrivait pas vraiment à savoir quand les choses avaient précisément échappé à son contrôle. Parce qu'il se rappelait en détail de cette soirée mais un peu moins bien des secondes qui avaient précédé et suivi ce baiser. Il avait le sentiment qu'il aurait pu faire les choses autrement et peut être que ça l'aiderait de savoir pourquoi Penny l'avait embrassé. Il avait une idée de la vraie raison, parce qu'il savait depuis le temps comment Penny fonctionnait et c'était certainement pour ça qu'il avait besoin qu'elle le lui dise. Il eut un sourire doucement gêné lorsqu'elle reprit la parole, parce qu'elle aussi devait savoir qu'il y avait peu de risques pour que sa réponse le surprenne. Alors il l'écouta, comprenant que c'était surtout ce soir-là un geste impulsif guidé par l'émotion qu'elle avait éprouvé après l'élimination de Leon. Oui, c'était logique et cohérent avec ce qu'il savait être la personnalité de Penny, mais aussi avec l'attachement qu'il lui connaissait pour leur ancien camarade. « Tu m'as juste utilisé dans un moment où tu te sentais mal. » Il souffla doucement, pas nécessairement sur le ton d'un reproche mais avec une sorte de fatalité dans la voix qui traduisait le fait que finalement, c'était assez blessant pour lui de savoir que Penny l'avait placé dans cette situation parce qu'elle l'avait indirectement vu au départ comme un moyen d'échapper à la peine qu'elle éprouvait. Logique, mais blessant. « T'en fais pas, je m'en doutais. Je crois que c'est aussi pour ça que je voulais te l'entendre dire. » Est-ce que ça rendait la situation plus évidente ? Probablement pas, mais c'était certainement rassurant dans un sens de savoir qu'il avait surtout été un échappatoire qu'elle avait trouvé à ce moment-là pour se sentir un peu moins mal. Peut être qu'elle le trouvait séduisant comme elle l'avait laissé entendre la semaine dernière, mais sans doute que que ça n'avait pas eu autant d'importance que ça sur le moment. Peut être que c'était aussi plus simple de le penser. Sa remarque, en tout cas, le laissa silencieux une seconde. « On vivait un moment tous les deux, oui. Mais tu sais que je ne suis pas resté près de toi à faire en sorte que tu te sentes mieux pour profiter de la situation... » Il expira d'un ton troublé, parce qu'en dehors même du fait qu'il ne voulait faire aucun mal à Anouchka à qui il tenait profondément, il ne voulait pas non plus en faire à Penny qui à ce moment-là était triste et alcoolisée. Alors quand elle lui disait qu'elle avait eu l'impression qu'il voulait que ça se passe comme ça, il ne savait plus quoi penser parce qu'il avait ce soir-là été animé par l'envie de lui remonter le moral, c'est pour ça qu'il avait fait en sorte de lui changer les idées, de rire avec elle, de boire à son tour. Et il avait certainement mal évalué la situation au départ et les risques que présentaient l'état de Penny et l'alcool qu'elle avait bu. « Mais j'ai conscience que c'est aussi par ma faute que c'est arrivé et je crois... que tu aurais du choisir la bouteille, au moins vous ne seriez pas entrain d'avoir cette conversation. » Il reprit doucement et en esquissant un sourire gêné mais à demi amusé, parce qu'il savait que c'était peut être la chose à dire pour détendre l'atmosphère à ce moment précis. Le genre de choses que Penny et lui pouvaient dire. Et parce que c'était certainement de là que tout était parti et qu'il réalisait qu'il aurait du renoncer à boire à son tour quand il en avait eu l'occasion parce que ça n'avait certainement rien arrangé. « Tu penseras à me l'enlever ensuite ? Parce que si oui, je veux bien. » Ses lèvres esquissèrent un plus fin sourire quand elle proposa de lui appliquer le masque d'argile, parce qu'il savait bien que Penny cherchait elle aussi un moyen de détendre l'atmosphère lorsqu'une brèche semblait se présenter et que le moins qu'il puisse faire, c'était de l'y aider et de s'y engouffrer à son tour. « Je connais des gens à New York qui pourraient vous aider Joaquim et toi à prendre un nouveau départ si jamais vous en ressentiez un jour le besoin. » Il ajouta après quelques secondes, comme une confession sortie de nulle part, mais finalement pas tant que ça. Parce que Penny savait certaines choses sur lui que les autres ignoraient, et que c'est pour ça qu'il pouvait lui en parler tout en sachant qu'elle saurait pourquoi il le faisait.

Je ne sais pas exactement comment César a présenté les faits à Anouchka. De quelle façon il a finalement avoué la scène qui a suivi le prime de la semaine dernière. Le baiser. Pour l’instant, tout ce qui me rassure c’est qu’il n’a pas gardé le secret encore plus longtemps. Il aurait été difficile de conserver celui-ci, surtout que la production n’est pas passée à côté d’un tel moment. Anouchka aurait fini par le savoir d’une façon ou d’une autre et si César ne l’avait pas fait la veille, j’aurais moi-même entrepris de la mettre au parfum. Je me contente de hocher la tête lorsque mon partenaire me raconte que l’annonce n’a pas été des plus facile, ce dont je me doute. Mais s’il a passé la nuit avec elle, c’est que la tension a peut-être laissé place à la compréhension. C’est beau de rêver. « J’ai dormi avec Joaquim. C’est comme retrouver de vieilles pantoufles. » je tente avec une touche d’humour, me foutant de traiter mon frère de tous les surnoms les moins glorieux possible comme pour marquer l’affection profonde et particulière que j’ai pour ce dernier. Je n’avais pas l’intention de dormir avec Joaquim toute la semaine. Je pensais retrouver notre lit dès ce soir, mais d’un côté, je ne voulais pas empirer la situation pour César face à Anouchka. Anouchka qui avait peur que César me préfère à elle. Anouchka à qui j’ai assuré que je ne tenterais rien. Je ne peux m’empêcher de soupirer. C’est plus fort que moi. J’ai vraiment le rôle de la grosse vilaine dans cette histoire. La salope. Briseuse de ménage ou je ne sais quoi. Il y a la voix de Joaquim qui fait écho dans ma tête, ses paroles de la veille me revenant à l’esprit. Son regard critique sur les événements. Sa protection fraternelle à mon égard. Et ma position dans tout ça. Je ne vais pas le nier, j’ai bien dit à Anouchka que je ne tenterais rien pour lui voler César. Ce que je considère encore d’actualité aujourd’hui, même si je suis probablement la seule à avoir ce point de vue. « Ça t’aurait fait changer ta façon d’agir avec moi si t’avais appris plus tôt qu’Anouchka était jalouse? » je ne sais pas si cette question est politiquement correcte à poser, mais je me dis que rendu-là, autant être le plus vrai possible l’un envers l’autre. Je n’ai pas envie de mâcher mes mots, tout comme je sais que je suis capable d’avoir une conversation honnête avec César. J’ai envie de savoir aussi. De connaître son point de vu à lui sur la situation. Lui et seulement lui. « Je ne me suis pas réveillé ce matin-là en me disant : ce soir, je vais embrasser César pour ruiner sa relation avec Anouchka et blesser cette dernière pour le plaisir. » Et j’espère qu’il n’en avait jamais cru le contraire, parce qu’honnêtement, je me sentirais blesser. J’ai envie de dire que je ne saisis pas toute la gravité qu’on accorde à ce baiser, et non parce que je suis insensible à la situation. Une impulsion ne définit pas automatiquement une action. Je trouve aussi que de rejeter ses insécurités sur moi et mes agissements est une façon injuste de voir les choses. Mais je ne vais pas m’avancer sur ce sujet, ne voulant pas confronter César à propos de sa relation naissante avec la rousse, ayant déjà joué un trop grand rôle dans cette histoire que je ne l’aurais voulu finalement. Ce qui explique pourquoi je ne regrette pas ce baiser. César il a raison cependant, je lui dois des explications, il a droit de comprendre l’état d’esprit dans lequel je me trouvais cette soirée-là. C’est déjà difficile pour moi de mettre en place les pièces du puzzle, alors lorsqu’il est question de le verbaliser, j’ai l’impression que tout sort mal de ma bouche. C’est chaotique dans ma tête, ce n’est pas plus clair en parole je me rends compte. « Je ne veux pas que tu le perçoives comme ça César… » Je souffle, ayant parfaitement conscience de l’impact de mes mots, qui ne sont pas des plus doux pour lui à comprendre. Oui, il avait été un échappatoire, non je ne l’avais pas utilisé. Pas à mes yeux. « Sur le moment, j’avais vraiment envie de t’embrasser. Toi. » Et pas quelqu’un d’autre, juste pour qu’on soit claire. « Avec du recul, je crois que je l’ai surement fait pour les mauvaises raisons, c’est vrai. Après, tout n’est pas blanc ou noir. Tu sais, Leon serait resté ce soir-là et peut-être que les choses se seraient déroulées de la même façon. » Ou pas. Qui sait? Je ne suis pas certaine du point que je tente de prouver ici. Dans un sens, je crois que je ressens réellement quelque chose pour Leon et c’est son départ qui a été un déclic pour moi. De l’autre, ma relation avec César est unique et j’avais apprécié chaque minute de nos moments passés ensemble depuis le début de cette aventure. Il avait été présent pour moi ce soir-là et je lui en étais reconnaissante. Je ne sais pas jusqu’à quel point je dois le rassurer ici. J’ai presque envie de le secouer un peu lorsque je l’entends parler. Je sais que ce qui va suivre ne fera pas l’unanimité, mais encore une fois, j’ai envie d’être la plus franche possible avec lui. « Ce n’est pas si grave César. Échanger un baiser avec moi n’est pas la fin du monde. Ça n’enlève absolument rien à ce que tu éprouves pour Anouchka et toute l’affection que tu as pour elle. » J’aimerais qu’il arrive à relativiser les choses. Admettre qu’on avait vécu un moment tous les deux, qu’on avait eu envie de se rapprocher. Ce sont des choses qui arrivent. Inutile de mettre la faute sur l’alcool ici. Je crois qu’on devait franchir la limite pour se rendre compte que ce n’était peut-être pas la meilleure idée qui soit. « Ça c’est sur. » Mais tu ne voulais pas que je choisisse la bouteille César. Au fond de lui, à cet instant précis, il ne voulait pas que je choisisse cette bouteille. C’est ce que ma petite voix intérieure me dit. Je préfère ne pas le dire à voix haute, puisque ça ne donne rien d’en ajouter une couche et je pense que j’ai déjà fait comprendre ma vision des choses. Je change de sujet. Je crois que j’ai fait le tour. J’ai atteint le maximum de mes capacités à mettre des mots sur mes émotions. Je m’avance vers mon partenaire, le masque en main, un sourire s’invitant sur mes lèvres alors que je tente de chasser le malaise de la pièce. « Non, je vais te le laisser et tu vas te promener avec le masque sur le visage toute la soirée. » Évidemment que j’allais le lui retirer. Je rigole doucement lorsque mes doigts viennent doucement étendre le masque sur ses joues, dessinant les traits de son visage. Je suis silencieuse, m’appliquant à la tâche, surprise de la proposition qui suit. En fait, je ne devrais pas être si surprise. Je connaissais cette partie de la vie de César. J’apprécie son offre aussi. « C’est gentil… Je ne crois pas que Joaquim accepterait l’offre. » Enfin, je crois. Si César en connait beaucoup sur moi, il y a aussi des parties de mon histoire qui sont manquantes. Il y a certains détails qu’il ne connaît pas. Surtout la partie de l’histoire concernant Joaquim. « Il a aussi des contacts. » Mais il est préférable de ne pas aller là. « J’aimerais bien découvrir New York par contre. Je crois que j’aimerais bien la ville. » Surtout si je connais quelqu’un qui y habite. Mais je fabule, je ne quitterai surement jamais Kissimmee.