feat. vadim

Trois heure du matin, trois heure, et j'étais là, dehors, à respirer l'air frais de Dublin. Mon lit me réclamait sans doutes mais comme depuis un bon bout de temps maintenant, Morphée oubliait de venir m'y chercher me laissant éveillée durant une bonne partie de la nuit. Cette fois-ci, je traînais sur le toit, observant la vue, ou du moins les quelques lumières que l'on percevait au loin en faisant les cents pas, écouteurs dans les oreilles, coupée de tout autres sons. Je me laissais avancer au rythme de ce que j'écoutais, jusqu'à ce qu'une chanson qui bougeait plutôt pas mal ne me fasse débarquer sur l'une des tables. J'y montais et, comme auparavant, me laissais emporter par le rythme de la chanson. La tête d'un côté, les bras de l'autre, je dansais sur la table, multipliant les mouvements au fur et à mesure. De ce que j'avais pu constater, j'étais seule ici, raison de plus pour en profiter en me lâchant complétement et, je m'y donnais d'ailleurs à coeur joie. Assez pour en oublier ce qu'il y avait autour de moi en tout cas, que ce soit de simples pensées, le paysage, l'aventure ou les autres candidats, debout sur la table, la musique dans les oreilles c'était comme si j'étais carrément déconnectée du monde, en exagérant, évidemment.

Cela faisait quelques jours que Vadim avait été sauvé, qu'il avait signé pour une semaine de plus alors que sa partenaire, elle, était partie du jeu, et c'était un peu la faute du russe. Il l'avait nominée d'office lors du prime précédent, mais il fallait se mettre à sa place : il préférait Lullaby à Robyn, et même s'il avait quelques idées concernant la blonde, il n'allait pas la trahir, il préférait sacrifier Robyn et rester dans l'inconnu, pour l'instant, concernant le secret de la poupée blond. Il était donc seul, dans son lit, personne à l'horizon, hormis les ronflements incessants des autres candidats. N'arrivant pas à dormir, il enfila un pantalon, un t-shirt et un pull, puis grimpa les escaliers un à un, arrivant sur le toit, sortant une cigarette. Il l'alluma, et décida de faire un tour près des tables. Tables qui, d'ailleurs, avaient déjà de la compagnie en la personne d'Hivana. Elle dansait sur les tables, ce qui eut le don de faire décrocher un sourire au russe, qui s'installa à celle adjacente de sa camarade. Il se contenta de la saluer d'un simple signe de main, inutile de gaspiller sa salive avec une personne qui, de toutes évidences, ne vous entendra pas. Il replaça son regard sur ses mains, qu'il tritura, ne trouvant rien de mieux à faire, tirant de temps à autres sur sa clope alors que la brune était toujours en train de se déhancher sur la table voisine, et qui avait l'air de ne pas se soucier de lui, pour l'instant. Ça ne dérangeait pas Vadim, elle avait le droit de s'amuser, pas vrai ? Oui, même à trois heures du matin. Chacun son délire, après tout.

Emportée par Kelly Rowland j'en ignorais carrément Vadim qui venait de se placer devant moi. En retour de son signe de main, je lui envoyais un bref sourire avant de me replonger dans la chanson. Je m'agitais en suivant le tempo, envoyant mes cheveux ici et là. Je fermais les yeux, me visualisant ailleurs, suivant ce que la musique m'inspirait. J'imaginais une belle plage digne de Miami, le couché de soleil et les palmiers. A ce moment-ci je me promettais d'aller faire un tour en Floride et ceux, dès que je ne serai plus de cette aventure. Mes rêveries furent interrompues lorsque la batterie de mon baladeur passa l'arme à gauche, enfin, de manière exagérée. Cette brusque fin me coupa dans mon élan, et tous les bruits extérieurs se firent de nouveau entendre. Je retirais mes écouteurs, et les passais autour de l'iPod avant de poser mes yeux sur le Russe. « Excuse-moi, j'étais.. tu sais.. à fond dedans. » lançais-je en souriant au jeune blond.. enfin, au jeune brun puisqu'il avait très récemment changé de couleur de cheveux. J'avais d'ailleurs à mal fou à m'y faire, ne l'ayant jamais vu autrement qu'avec sa chevelure blonde. Je me baissais, m'asseyant sur le bord de la table, les pieds dans le vide. « Qu'est-ce que tu fabriques encore debout ? Mon insomnie est si contagieuse que ça ? » lâchais-je d'un ton plutôt faible, fatiguée.

Trois heures du matin et visiblement la belle brune ne semblait pas dormir. A croire que ça commençait à devenir une habitude : il y a quelques semaines encore, il l'avait vue encore debout, alors qu'il avait crié sur un passant. L'insomnie, quand tu nous tiens. Mais c'était également le cas du brun, qui n'arrivait plus à dormir depuis quelques jours, voire quelques semaines. Il semblait détaché, à son tour, savourant la cigarette qui avaient pris possession de ses lèvres à présent. Grattant avec ses mains la table à laquelle il était assis, il remarqua qu'Hivana était, il y a encore quelques secondes, à fond dans sa danse endiablée alors qu'à présent elle semblait coupée dans son élan. Il afficha alors un rictus moqueur lorsqu'elle vint se laisser choir à ses côtés. Il tira une nouvelle fois sur sa clope, arquant un sourcil, écoutant sa remarque. « Pas de soucis. » Il détourna son regard de celui de sa camarade, pour le poser un peu n'importe où en fait. Si on lui aurait dit un jour que ses deux énergumènes allaient, un jour, s'apprécier, le russe aurait sûrement rit au nez de cette personne. Ils étaient différents en tous points. Autant dire qu'entre eux, c'était peine perdue. Cependant, il a fallu d'une chose. Une seule petite chose pour que sa vision de la jeune femme change. Le fait qu'elle l'ait "choisi" pour pleurer l'avait touché, vraiment, et même si elle ne pouvait pas parler à ce moment là, il l'appréciait de plus en plus et sentait vraiment, qu'entre eux, il pourrait y avoir une belle amitié. Il regarda s'échapper la fumée un court instant, avant de reposer ses iris émeraudes en la personne d'Hivana. « T'es amoureuse de Kenneth ? » Il se mordilla la lèvre inférieure, reprenant par la suite. « Non parce que tu as fait une tête trop bizarre lorsque nous nous sommes sauvagement sautés dessus dans la salle de bain.. » Il ponctua sa phrase d'une pointe d'ironie. Bien sûr, c'était faux. Enfin, il l'avait bel et bien embrassé, mais en aucuns cas ils ne s'étaient sautés dessus. Mentir était une chose que le russe appréciait, alors pourquoi se priver ?

Vadim semblait autant déconnecté que moi, le regard dans le vague, les yeux marqués par la fatigue. Je l'observais en train de fumer sa cigarette, concentrée sur la fumée qu'il rejetait, jusqu'à ce qu'il me pose une question qui me réveilla en un seul coup. A croire qu'en quelques mots il avait su me tenir éveiller pour les trente prochaines années, tant j'étais surprise. « Je.. non, je ne le suis pas ! Je ne suis pas amoureuse de Kenneth ! » Je bredouillais, bâclant ma phrase en me rendant compte que ce que je racontais n'avait ni queue ni tête. Je décollais mon regard du brun et regardais maintenant mes pieds. Ma voix retomba et j'enchaînais, plus tard, d'une façon bien plus douce, plus calme et bien plus distinct. « C'est absurde, pourquoi je serai amoureuse ? » lâchais-je en compagnie d'un léger rire plutôt amer. Ce qu'il venait de me demander m'embrouillait clairement l'esprit. Je me tournais soudainement vers lui, le dévisageant. « Enfin de toutes façons, pourquoi tu l'as embrassé ? » Je voulais savoir, dans tous les cas j'aurais fini par lui poser la question. Pourquoi Kenneth ? Pourquoi l'embrassé lui ? Et surtout pourquoi cette absence de réaction quand je les avais vus la semaine précédente dans la salle de bain ? Un tant grand lot de pourquoi auquel je mourais d'envie d'accrocher enfin des réponses.

Pourquoi le russe venait-il de poser cette question à Hivana ? Elle le turlupinait, il avait remarqué que, depuis quelques jours, voire quelques semaines, elle se comportait bizarrement, et il savait aussi qu'elle était proche du jeune homme. Il avait donc fait le rapprochement, comme n'importe qu'elle personne l'aurait fait. Il affichait un certain rictus, secouant de temps à autres sa tête de droite à gauche, écoutant sa réponse qu'il ressentait comme un gros mensonge. C'était tellement flagrant, ma pauvre. Elle avait fait une tête bizarre lorsque Vadim l'avait embrassé, et elle ne semblait pas du tout contente que ça se soit passé. Seulement, c'était le cas, et aucuns d'entre-eux ne possédait le don de retourner en arrière. Pas Vadim, en tout cas. « D'accord. » Il se contenta d'un seul mot alors qu'il en pensait le contraire. Il était du genre à tanner les gens pour qu'ils disent la vérité, mais ce soir, il était fatigué et n'avait pas envie de le faire. Et puis, connaissant Hivana, le morceau n'allait pas mettre longtemps pour être craché. Il tira sur sa clope, une dernière taffe, la jeta par terre et l'écrasa avec son pied. Rien ne le retenait à ces tables, il pourrait très bien s'en aller regagner son lit, mais Hivana était là et il comptait bien la faire chier avec ce candidat qu'elle, il était à présent sûr, aimait tant. « Tu serais amoureuse parce que... tu l'es ? » Blague pourrie, ok, mais il était trois heures du matin passées, il y avait prescription. Il esquissa à nouveau un sourire, alors qu'elle demandait pourquoi il l'avait embrassé. Elle en posait beaucoup, des questions, et Vadim ne lui demandait pas le nombre de mecs à qui elle avait déjà roulé des pelles ici. Tous, sûrement. Ou presque. Il secoua la tête à nouveau, rejetant ses yeux émeraudes au ciel, se passant la langue au dessus de sa lèvre supérieure rasé la veille. « J'en avais juste... envie ? » Il afficha un sourire malicieux avant de replanter son regard dans celui de sa camarade. Après tout, tout le monde avait envie d'embrasser quelqu'un, non ? Et puis, Kenneth était sexy, et ses lèvres ne demandaient que celles du russe. C'était presque indéniable. « Tu m'en veux pas, hein ? » Il la taquinait presque. Le slave n'était pas un professionnel des potins du nid, mais quelque chose avait du se passer entre-eux deux. Ou allait. Ce n'était qu'une question de temps, en fait.

Bon sang, faites le taire. Nan mais franchement, moi amoureuse ! On aura tout entendu. Ca ne m'était jamais arrivé à l'extérieur, je ne vois pas en quoi le fait d'être enfermé dans un nid puisse faire changer les choses ! Quoique.. peut-être me persuadais-je trop vite que cela ne pouvait pas arriver, pas à moi.. Ressaisis toi abrutie ! Se remettre en questions pour l'opinion de Vadim, il ne manquerait plus que je commence à demander l'avis des plantes du jardin aussi. « Je viens de te dire que je ne l'étais pas, Vadim ! » Je haussais le ton, accentuant bien sur son prénom comme j'avais l'habitude de le faire. « Tu sais aussi bien que moi que.. mais.. roh ça me fait chier ! » J'étais énervée, enfin, je l'étais, je crois que je l'étais. Plus ça allait plus j'avais l'impression qu'il insistait, et plus j'étais nerveuse, confuse. La tête baissée, je lui répondais. « Je ne suis pas amoureuse de lui.. donc.. pourquoi est-ce que je t'en voudrais ? Mais j'ai quand même une question.. une autre question. » Je me mordais les lèvres un instant, fixant le sol de mes yeux bleus. Puis, je me redressais d'un seul coup. « Si tu prétextes que j'ai un faible pour Kenneth, tu prétends le savoir, mais alors dans ce cas.. non, rien oublies.. » Je me paumais dans mes propres paroles, oubliant mes mots en essayant de former une phrase un tant soit peu correcte. Ma voix tremblait un peu, un peu trop d'ailleurs, la fatigue probablement.. j'espère, du moins. Je passais mes deux mains sur mon visage, laissant l'une d'entre elle finir sa trajectoire dans ma longue chevelure brune. Je voulais à tous prix qu'il arrête de m'assembler avec ce mot là.. amoureuse. Ca ne rimait franchement à rien. J'essayais de divaguer sur autre chose, de chercher un moyen de détourner la conversation, de conclure ce sujet. Je n'avais rien à en dire de plus. « Et admettons, ce qui n'est qu'une hypothèse car je soutiens que ce n'est pas le cas, que je craque pour Kenneth, il en est bien de même pour toi envers Micah je me trompe ? » Il avait voulu me piquer, très bien, à mon tour. Il savait que j'étais plutôt proche de Kenneth, et je savais qu'il en était de même pour lui et le candidat, le parfait moyen de me venger, en quelques sortes.

Provocation provocation. Jusqu'ici, le russe avait réussi tous ces objectifs : faire chier les gens. Et par les gens, on voulait bien sûr entendre Hivana. Il prenait un plaisir considérable à la taquiner, jour et nuit. Bon, elle était pas tellement intelligente, et lui faire croire n'importe quoi était simple. Cependant, il en était convaincu, elle était amoureuse de lui. Pourquoi aurait-elle fait une tête aussi ébahie lorsque le blond avait collé ses lèvres à celle du jeune homme alors qu'elle, comme elle le disait, ne ressentait rien pour lui ? Il était clair qu'il y a avait quelque chose, ou il y aura : ce n'était qu'une question de temps. Et, pour couronner le tout, ils étaient devenus partenaires, histoire que les idées refusent dans l'esprit du russe. « Ouais mais... d'accord. » Il laissa planer un silence avant qu'elle ne reprenne, énervée cette fois. Bon. Il venait de, visiblement, toucher un point sensible. Elle qui ne se disait pas amoureuse de lui, elle en prouvait le contraire à chaque fois un peu plus lorsqu'elle ouvrait la bouche. Pas étonnant en soit, chaque fois qu'elle disait quelque chose, c'était une simple et pure connerie ou alors c'était un mensonge. Elle se trahissait de jours en jours, pathétique. Il arqua un sourcil, un fin sourire aux lèvres alors qu'elle avait une question a posé au russe. Très bien. Il hocha positivement de la tête alors qu'elle se tripotait la chevelure au fil des secondes. Bon. Il l'écouta, attentivement. D'une seconde à l'autre, sa main se retrouva sur la joue de sa camarade et un air dépité lui arrivait au visage. « C'est pas parce que j'aime son sexe que je suis amoureux de lui ! T'es tarée ! » Il arqua à nouveau un sourcil et quitta les tables, nonchalant. Enervé. Il ne savait pas où il en était. Il était perdu depuis des jours, voire des semaines. Il se sentait léger à présent : il venait de baffer Hivana, une chose qu'il souhaitait faire depuis des lustres. Finalement, il continuait sa route, nonchalant, comme à son habitude, vers la chambre Casanova pour se laisser choir dans son lit, bien plus douiller que l'endroit où il séjournait il y a quelques minutes avec la pétasse pas capable de se mêler de son cul. Comme par hasard, c'était l'endroit où Micah et le russe avait fait des galipettes, bien...

C'était la première fois, la toute première fois qu'il osait lever sa main sur moi. J'étais sans mots, je n'avais aucunes réactions, si ce n'est ce regard que je lui lançais. Jamais, jamais, je ne me serais douté de ça. Je me mordais la lèvre, les poings serrés, je sentais les larmes remontées, je me levais, daignant enfin porter mes yeux autre part que sur Vadim. Alors, comme ça, il pouvait me blesser, m'enquiquiner, me tirailler.. ou tout du moins entamer une conversation qui me rendait mal à l'aise, et moi je devais simplement me taire, lui laisser le droit de me marcher dessus sans riposter ? Je respirais l'air frais de Dublin, tentant de calmer les battements incessants de mon coeur qui, je l'avoue, avaient totalement changé de rythme depuis le geste du candidat, et sans même accorder un seul coup d'oeil au brun, je m'en allais, quittant les tables pour aller rejoindre le côté opposé du balcon en croisant mes bras sur ma poitrine. L'entrevue fut des plus brèves, mais cela avait clairement suffit pour me retourner, pour que je me remette en question, que je remette mes sentiments en question, pour que ma vision des choses, et notamment du Russe, change. Depuis quelques jours je pensais pouvoir le compter parmi les candidats avec lesquels je m'entendais un tant soit peu, il était clair que je m'étais franchement trompée. Et honnêtement, j'étais déçue. J'avançais sans lui porter la moindre intention, me contentant simplement du bruit de ses pas, ses pas qui le ramenaient à l'intérieur du nid alors que j'allais, de mon côté, rejoindre la rambarde, tentant tant bien que mal d'avaler les derniers actes du Russe à mon égard.

topic terminé.