W. DONIA.

Il y a du mouvement dans le château ce soir, les gens semblent excités, pas d’humeur à se reposer, ça gueule, ça rit fort, ça piaille un peu aussi, et je décide de me glisser vers dix-neuf heures dans la cave à vins, avant de réaliser qu’elle est déjà peuplée de candidats. Mince. Tant pis, je redescendrai à une heure plus improbable, j’avoue que j’apprécie l’intimité lorsque je me décide à goûter un bon vin. J’ai fait des efforts, la semaine dernière, je n’ai bu que de l’eau (aucun soda), j’ai fait mon sport, j’ai mené un rythme de vie exemplaire et quasi ascétique (c’est le cas de le dire, à tous les niveaux…), je peux m’autoriser un ou deux verres de vin ce soir. Lorsque je m’y rends de nouveau, il est vingt-deux heures trente, par-là, et quelque chose me dit que je ne serai pas dérangé, du moins pas par un troupeau de candidats. Revenir dans ces lieux me rappelle la soirée passée ici avec Freddie. Je l’avais prise par surprise et empêchée de me frapper, elle avait été vexée, et je revois encore cette moue boudeuse sur son visage qui ne plaisantait pas du tout. Elle me manque, je songe en regardant autour de moi, naturel à présent comme si les caméras n’existaient pas. Je me dirige vers les bouteilles alignées et opte pour un château inconnu, année 2011. C’est un Saint-Chinian, plutôt doux, que j’ouvre avec délicatesse avant d’en verser un fond dans un verre de cristal et de le faire légèrement tourner à la lumière ambrée. Je suis loin d’être connaisseur en la matière mais disons… Des pas résonnent sur les marches de pierre, et, très vite, une jambe suivie d’un corps pénètre dans la salle. De longs cheveux noirs d’indienne glissent sur le côté comme une rivière, et le visage curieux de Donia scrute l’endroit, son regard tombe sur le mien. Je souris. Je souris malgré notre dernière entrevue, à laquelle j’avais brutalement mis fin tout en sachant que j’avais dit ce que j’avais à dire. Je souris parce qu’au prime d’hier, Donia s’est révélée à mes yeux : elle a été jalouse de Judith, non ? La façon dont elle a parlé à Orson, ses yeux jetant des éclairs… Tout m’est clair à présent, Donia aime encore Orson, et son attitude envers moi n’était rien de plus que celle d’une femme blessée. Tout est pardonné, du moins je l’imagine, et je la salue d’un signe de tête. « Gentille notation à mon égard, hier soir », j’annonce à voix-basse dans un nouveau sourire en faisant écho à l’excellente note qu’elle m’a décernée et qui m’a, entre autres, value une place en demi-finale. Je souris aussi parce que j’ai fait de même pour elle : Orson et moi lui avons donné le maximum. « Je te remercie. » Je désire la mettre à l’aise, à présent, lui montrer qu’il n’y a pas (plus ?) de problème. Mais je me trompe peut-être, je n’ai jamais eu aucun sixième sens, jamais compris la complexité des femmes, pourtant, je suis presque sûr d’avoir interprété avec justesse son regard pour Orson, hier soir. Je lui désigne d'une main la bouteille que je viens d’ouvrir. « Tu te laisses tenter ? » Je demande en l’observant, le regard brillant.