EMRYS

Cela faisait maintenant toute une journée que Castiell résidait dans le nid d'amour, et autant dire qu'il n'avait pas perdu ses habitudes. Toujours loin des autres personnes, préférant se reclure seul dans son coin pour ne pas être importuné, le trentenaire avait réussi à se faire oublier de tous les autres. Il cherchait surtout à fuir la candidate de la veille, Wendy, qui lui avait fait quelques misères lors du prime. Y repenser le fit grimacer alors qu'il se tenait assis en tailleur, face à l'imposante porte interdite. Il restait dans cette position, fixant sans trop la voir cette énorme entrée qui créait le mystère. Et puis, c'était désert à l'extérieur.

Soudain, un bruit derrière lui le fit sursauter alors qu'il se retournait brusquement, agrippant la cheville de la personne qui se tenait derrière lui. Dans un geste brusque, il fit basculer le pauvre candidat, en faisait en sorte qu'il lui tombe dans les bras plutôt que par terre. Après avoir pris conscience de son geste, Castiell bredouilla quelques excuses maladroites envers la jeune femme qu'il venait de faire tomber sans aucune grâce.

Je suis confus.. pardonne-moi.. je..

Il l'aida à se redresser, s'insultant intérieurement d'avoir été aussi brusque avec elle. Cette technique qu'il avait utilisé contre la jolie blonde avait été une sorte de déclic, causé par son arrivée surprenante.

Je suis sincèrement désolée, j'espère ne pas t'avoir fais peur. Tu dois me prendre pour un dingue..

Aujourd'hui, et pour la toute première fois dans l'intégralité de mon existence, j'avais réussi à me perdre une bonne quinzaine de fois au travers d'une maison, ou devrais-je dire d'une villa vu la superficie du nid d'amour, et c'était pour le moins agaçant. Pousser la porte de la bibliothèque alors que vous cherchez les toilettes, traverser la salle de bain alors que vous essayez d'atteindre la salle de sport, un véritable enfer ! Du coup, ce soir, je m'étais amusée, enfin, amusée si on veut, à refaire plusieurs fois le tour des lieux, espérant que cette fois-ci je réussisse au moins à imprimer les quelques pièces les plus importantes de la maison. En échange de quoi, je m'offrais un tour vers cette fameuse porte interdite qui m'intriguait vraiment très fortement. Prenant le temps de me repérer dans l'entre de Cupidon, je suivais ensuite la direction qui, théoriquement, était censée me mener jusqu'à cette épaisse plaque de bois et son énorme point d'interrogation rouge. Doucement j'avançais jusqu'à là-bas y retrouvant un candidat, assis sur le sol. J'allais jusqu'à lui, presque heureuse de voir que je n'étais pas la seule à être attirée par cette fameuse ouverture vers l'extérieur, avant de me retrouver, en quelques secondes, à voltiger d'une façon tellement soudaine que je n'eus pas le temps de comprendre ce qu'il m'arriva. Quand le candidat m'aida à me relever, enchaînant excuse sur excuse, j'essayais de lui marmonner quelque chose. « Je.. non, ça va, c'est rien.. » Je n'avais rien vu, rien anticipé, rien compris. C'était la confusion totale. Je passais l'une de mes mains dans mes cheveux, jetant un regard ailleurs, avant de me retourner vers le candidat qui apparemment était à l'origine de ma pseudo-chute. « En général, on se sert la main, on se fait la bise.. mais c'est bon, c'est cool, on va dire que ça rendait la chose un peu plus originale. » Rares étaient les fois durant lesquelles je m'autorisais à montrer un tant soit peu d'optimisme dans ce que je disais. « Et puis la vérité c'est que tu m'as complétement faite flipper, en fait. » relançais-je en quittant le jeune homme du regard et en allant le reposer sur la porte marquée à la peinture. Je m'y avançais, passant le bout de mes doigts contre son bois, me questionnant intérieurement sur les conséquences que le tirage de cette poignet pourraient causer.. et autant être franche, je n'en avais pas la moindre idée.

Castiell lui avait fait peur, et d'ailleurs, lui même, étant plongé dans ses pensées et ses souvenirs, avait eu très peur de l'arrivée soudaine de la jolie candidate. Ce n'était pas la meilleure façon de se présenter à une dame, et même s'il l'avait rendue confuse de ce qu'il venait de se passer, il avait néanmoins réussi à la faire sourire. C'était un mal pour un bien en quelque sorte. Alors qu'il la tenait toujours par les mains, ayant peur qu'elle ne soit pas remise de ses émotions et qu'elle ne tombe, il l'observa regarder la porte.

A ton avis, qu'est-ce qu'il peut y avoir derrière? demanda-t-il tout de suite. Il décida de la lâcher, trouvant gênant ce soudain rapprochement avec cette inconnue. D'ailleurs, il n'avait pas souvenir de s'être présentée à elle, ce qu'il prit l'initiative de faire. Je suis Castiell, encore navré pour... ça.

Ce qu'il venait de se passer s'effaçait plus ou moins rapidement tandis que je renvoyais toute mon attention sur cette fameuse porte. L'envie de l'ouvrir me démangeait grandement, braver l'interdit ne m'effrayait pas tant que ça en général, mais cette fois-ci j'étais réellement hésitante. Et peut-être que toutes ses menaces la concernant n'était en fait qu'une sorte de ruse pour que personne ne l'ouvre alors que derrière se cache peut-être un tas d'avantages pour la suite du jeu.. Le temps d'un instant, j'en oubliais presque la présence du candidat, tout du moins jusqu'à ce que ça voix ne résonne et que je ne me retourne vers lui. « A ton avis, qu'est-ce qu'il peut y avoir derrière? » Si je le savais.. Un bref coup d'oeil à la porte puis je me replaçais face à lui. « Je n'en ai pas la moindre idée.. ce que je sais juste, c'est que j'ai vraiment envie de l'ouvrir.. mais j'hésite.. c'est affreux. » J'étais en totale concertation avec ma conscience, avec mon petit ange sur une épaule et mon petit diablotin sur l'autre, comme dans les dessins animés. Le premier me disait de laisser cette porte tranquille, mais le second m'obligeait presque à saisir cette poignée pour mettre fin au suspens et ainsi révéler à tous ce qu'il se trouvait derrière. Une nouvelle fois, le jeune homme m'extirpa de mes pensées, se présentant, et s'excusant une nouvelle fois. « Ravie de te connaître Castiell. Moi c'est Emrys. Et pas la peine de te ré-excuser, j'avais presque déjà oublié mon tour de voltige. » lui répondais-je en souriant. Maladroitement, et après quelques secondes, je me rendis compte que je le fixais toujours, le dévisageant presque presque. Il faut dire qu'avant ça, je n'avais pas eu le temps de remarquer ses yeux, son visage.. c'est comme si finalement je ne l'avais pas remarqué du tout, si ce n'est pour la chute qu'il m'avait causé. Je plaçais mon regard vers le sol, assez gênée par ce que je venais de faire.

Castiell admira un peu plus longuement la jeune femme à ses côtés. Elle était très jolie, et ressemblait presque à une poupée de porcelaine si ses traits faisaient moins poupins qu’il n’y paraissait. Elle semblait petite et fragile à ses côtés, et il s’en aurait voulu terriblement s’il lui avait fait quoique ce soit. Néanmoins, elle le rassura une fois de plus sur son état et se présenta à son tour. Aussitôt, l’anglais fut conquis par le charme non négligeable de Emrys. Elle était gentille avec lui alors que bon nombre de donzelles auraient sorti leurs griffes contre lui. Ils restèrent quelques secondes à se fixer, mais quelques unes de trop avant qu’il ne pose son regard sur un coin de la pièce, gêné par cette connexion.

Hum, tu.. tu sais ce qu’on dit sur la morale? qu’elle interdit tout ce qui est bon. Et la mienne m’interdit d’ouvrir cette porte. Pourtant j’en crêve d’envie.. lança-t-il maladroitement pour briser le silence.

Comme Emrys, Castiell ne savait pas ce qui pouvait l’attendre derrière, et bien sur, la production avait fait en sorte de faire psycoter les habitants à propos de cette porte mystère. Même si au final, il se peut qu’elle n’apporte que des bonnes choses au courageux qui l’ouvrira.

C'était drôle, la façon dont je m'étais retrouvé gênée face à Castiell. J'étais tombée dans la timidité alors que je ne l'avais pas été une seule fois depuis mon entrée dans le jeu. Je ne savais pas si je devais traduire ça comme un signe de faiblesse de ma part ou bien.. Par chance, il brisa le silence qui s'était installé, ce qui me ramena à lui, me laissant abandonner mes songes, pour mon plus grand bonheur. « Hum, tu.. tu sais ce qu’on dit sur la morale? qu’elle interdit tout ce qui est bon. Et la mienne m’interdit d’ouvrir cette porte. Pourtant j’en crêve d’envie.. » Moi aussi, j'en mourais d'envie, moi aussi, je pensais que ce qu'il se trouvait à l'arrière de cette porte n'était finalement pas si mauvais, mais moi aussi, je me sentais retenue. Je m'amusais déjà à imaginer les téléspectateurs, assis dans leurs canapés, en train de râler, espérant que l'un d'entre nous aurait l'audace de mettre fin à l'intrigue qu'instaurait cette porte. « On a qu'à faire un trou dans la porte, on nous a interdit de l'ouvrir, pas de la trouer pour voir à travers.. » Je souriais à mon idiotie rebaissant les yeux vers le sol. « Désolée.. je suis pleine d'idées farfelues. » Je me sentais soudainement bien bête, plus gênée, plus timide, mais bel et bien bête. Je cherchais où me mettre, et décidais de me faire entendre, encore une fois, en faisant mine de rien. « Et si on.. s'asseyait là ? Je veux dire, on pourrait.. parler ? et voir si cette porte mérite tant d'être ouverte ? » C'était surtout la bonne excuse pour en savoir un peu plus sur lui. La réaction que j'avais eu face à lui m'intriguait maintenant presque autant que ce qu'il se trouvait de l'autre côté de cette porte, et je me persuadais qu'en en apprenant plus sur lui, je saurais pourquoi je m'étais retrouvée les yeux rivés sur le sol..

Castiell se sentait maladroit. Comme il l’avait dit dans sa présentation à son entrée dans le jeu, les relations humaines n’étaient pas son fort. Alors, avec les filles, enfin, les femmes, encore moins. Il les connaissait de loin, les voyant plus comme des droguées de shopping à la recherche du prince charmant, pour la plupart. Mais il ne savait pas comment voir Emrys, ni comment capturer son attention sans paraître trop idiot. Lorsqu’elle proposa de trouer la porte, l’anglais laissa échapper un petit rire nerveux. Nerveux. Il ne savait pas comment se sentir à ses côtés, mais quand elle proposa avec maladresse de discuter avec lui, il n’hésita pas à saisir la perche qu’elle lui tendait.

Ou..Oui bien sûr, répondit-il en bafouillant minablement.

Il se laissa doucement tomber par terre, accompagnant Emrys dans son geste avec un peu plus de délicatesse que tout à l’heure. Pour éviter qu’un silence gênant comme celui de tout à l’heure ne s’installe, il décida de s’interesser à elle.

Alors, est-ce que tu te plais ici?

Stupide, stupide, stupide.

Délicatement, le candidat m'aida à m'installer au sol, à ses côtés. Et je l'en remerciais d'un sourire. Le temps d'un moment, la porte interdite s'échappa complétement de mes pensées. Castiell étant passé devant cette envie insoutenable qui me disait de braver l'interdit. Durant quelques secondes, je pensais qu'une fois de plus, le silence allait s'imposer, et je commençais déjà à renouer avec mes pensées, me demandant qu'elle était la partenaire de Castiell, mais il n'en eut pas le temps puisque le jeune homme à mes côtés lança la discussion. « Alors, est-ce que tu te plais ici? » « Oui, oui. Enfin, je suppose que oui. On est là que depuis vingt-quatre heures, si ce n'est moins, ça serait assez précipité si j'affirmais directement que oui. Et toi, ça va, tu t'y fais ? » Aurais-je du préciser que je galérais à me retrouver dans le nid ? que je me paumais une fois sur trois dans la mauvaise pièce ou que je finissais dehors quand je tentais d'aller retrouver les chambres ? Non, en fait, c'était mieux qu'il reste dans l'ignorance à ce niveau-là si je ne voulais pas repasser pour la pire abrutie de ce monde. Je me retournais vers lui, enchaînant avec une seconde question. « Tiens, d'ailleurs, d'où viens-tu ? » A un moment ou un autre, cette question aurait fini par sortir, de toutes façons. Et j'étais curieuse de connaître le lieu où vivait Castiell, il avait tout d'un anglais, mais peut-être que je me trompais, finalement.

Désolée.. c'est nul comme réponse ça..

[C'est très bien ma poulette, arrête de dire ça !]
La maison avait tout d’un grand palace triple de luxe. La production n’avait pas lésiné sur les moyens pour satisfaire leurs candidats et les faire sentir comme les rois du monde. Castiell n’était pas à l’aise dans tout ça. Sa maison à lui, est bien plus petite, moins fournie en meubles et en décoration et pourtant, il s’y sent nettement mieux. A moins que ce soit juste le début. Peut être qu’après, il s’y sentira comme chez lui, dans ce nid d’amour.

Je fais en sorte que oui, répondit l’anglais en souriant timidement.

Castiell aurait tout le temps de s’y faire avec les semaines à venir - enfin, semaines, si il n’est pas nominé au premier tour. Tout en parlant, il avait ramené ses jambes contre lui et avait posé ses bras dessus. Pour éviter de trop fixer Emrys, il « s’amusait » à tirer sur les manches de son sweet, encore et encore. Puis elle s’interessa à lui en lui demandant d’où il venait. Ca le touchait parce que jusqu’à présent, personne ne lui avait posé ce genre de questions.

Je suis installé en France.. mais je suis né en Angleterre et j’ai énormément voyagé pendant très longtemps..

Un sourire nostalgique s’étira sur ses lèvres avant de s'assombrir, alors qu’il repensait aux années de périples à travers l’Europe et les pays les plus reculés du continent d’Eurasie. La France avait été comme un refuge pour lui lorsqu’il a décidé qu’il avait assez avalé des kilomètres.

Et..Et toi? enfin je veux dire, tu vis où?

Le nid, pour le moment, n'était pas ma première pré-occupation. Savoir si j'arriverai à me faire aux lieux n'était rien comparé à savoir si j'allais réussir à me faire une place parmi les autres candidats. Même si à l'extérieur je n'avais encore jamais trop eu de problèmes à ce niveau-là, tout était différent ici. « Je te souhaite que tu n'aies plus à faire en sorte que, alors. Que tu t'y fasses pleinement. » répliquais-je en lui renvoyant son sourire. « C'est vrai ? J'ai jamais plus voyagé que ça moi, si ce n'est d'Allemagne pour aller en France, et inversement. » Au moins, je ne m'étais pas trompé, Castiell était bien anglais. Pour ce qui était de l'hexagone, par contre, je n'aurais certainement pas su le deviner. Enfin, c'est pas comme si nous avions chacun une étiquette sur le front qui révélait le lieu où nous vivions. Il me renvoya alors la question. « Je vis en France aussi, à Fontainebleau. » Je constatais que, cette saison-ci, il y avait plusieurs candidats venant de France, à croire que l'ouverture des castings dans l'hexagone avait eu l'air de fonctionner plutôt bien. « Tu penses que je peux te demander quel âge tu as, aussi ? ce que tu fais dans la vie ? et pourquoi tu as décidé de faire Fake Lover ? » Je réalisais, une fois ma phrase terminée, que je venais de le mitrailler de questions. Et je m'en retrouvais une fois de plus gênée. Mais j'avais toujours un peu de mal à m'arrêter quand je commençais, c'était plus fort que moi. « Si je parle trop, si je t'ennuie avec mes questions, dis-le moi, j'arrêterai. C'est juste que.. je suis curieuse, en fait. Un peu trop d'ailleurs.. » Lui faire subir un interrogatoire était la dernière chose que je voulais, cependant, comme je venais de lui dire, j'étais curieuse, et parfois la curiosité passait au dessus de tout.