EMRYS & WENDY

Devinant que la cuisine allait se transformer en un véritable champs de bataille passé midi, j'y avais été à l'avance, commençant à cuisiner quelques petites choses qui serviraient pour le déjeuner de ce mardi. Tant qu'à faire, je me débrouillais pour en préparer une assez large quantité. A trente, si chacun venait se cuisiner son petit plat un à un, nous n'aurions jamais fini, d'où le fait que j'essaye d'en faire pour le maximum de monde. Et alors que j'étais tranquillement installée sur un morceau du plan de travail, avec deux trois récipients par-ci par-là, quelqu'un vint me pousser, râlant qu'il fallait aller chercher du vin dans la cave, puis me désignant ensuite, ne me demandant pas si oui ou non j'avais le temps, l'envie, d'aller m'aventurer dans le sous-sol pour aller chercher une foutue bouteille. « Mais je.. ok.. » Je lâchais donc ce que j'étais en train de faire, essuyant mes mains sur un torchon avant d'aller retrouver l'entrée et d'ouvrir la porte qui menait à cette fameuse cave. Rien qu'à la vue de l'escalier en bois qui descendait jusqu'en bas, on en concluait que cette partie de la villa n'était pas aussi fantastique que les autres, c'était juste une cave, totalement banale. Il y faisait plutôt noir malgré la lumière qui traversait la lucarne et j'agrippais la rambarde pour éviter de descendre toutes les marches d'un seul coup. J'en franchissais la dernière puis m'avançais vers les bouteilles, il y en avait tellement.. laquelle prendre ? Le vin et moi, même s'il m'arrivait d'en boire un verre de temps à autre, étions comme deux grands inconnus en face l'un de l'autre, ce qui ne me facilitait pas la tâche. Délicatement j'attrapais l'une des bouteilles de verre puis en regardais l'étiquette. Evidemment, ça ne m'avançait pas à grand chose. « Ils feront avec. » lâchais-je les yeux toujours rivés sur la bouteille. J'en attrapais une seconde, qui m'avait l'air identique, puis une troisième. Il était clair que le chemin du retour se ferait sans la rambarde et que j'allais devoir faire attention à là où je mettrai mes pieds. Et alors que je me retournais pour m'apprêter à rejoindre le rez-de-chaussée de la villa, la porte de la cave fut réouverte. Je n'y prêtais d'abord pas garde, prête à remonter jusqu'à la cuisine, apportant aux autres ce qu'ils m'avaient demandé. Mais au lieu d'avancer, je restais là, figée, à contempler la silhouette de la candidate qui se trouvait quelques pas plus loin..

« Eh oh ! T'as pas le temps de t'asseoir ! Vas chercher des bouteilles ! Hop, et que ça saute ! » La française se croyait sûrement gérante d'un restaurant, forçant l'une de ses employées à aller chercher des bouteilles de vins à la cave. Alors oui, il y avait bien une cave et du vin à l'intérieur, mais le nid n'avait rien de comparable à un restaurant. Ou alors c'était un restaurant de mauvaises qualité, mais ça.. La jeune femme fut surprise de voir que sa copine blonde avait bougé ses petites fesses d'anorexique du plan de travail pour aller faire ce que Wendy lui avait ordonné de faire. « Elle le fait en plus c'te conne.. » Elle roula des yeux avant de lâcher un rire. Vous savez, l'un de ses rires de victoire, se rapprochant du 'MOUAHAHAHA' maléfique. Totalement folle. À peine eut-elle vu la silhouette de la blonde quitter la pièce, qu'elle prit sa place sur le plan de travail.

Mais rien, nada. La demoiselle avait beau attendre, mais Emrys ne repointait pas le bout de son nez. Elle s'était peut-être échappée du nid, dans ce cas, tant mieux, ou alors elle était morte. Dans ce cas là également, tant mieux. Pour une fois qu'elle s'était proposé d'aider pour faire à manger, on l'esquivait. Mais merde. La belle descendit de où elle était assise, ses talons claquèrent sur le carrelage de la cuisine pour finalement se diriger vers la cave, décidant de tout de même aller voir ce qui se tramait dans cette pièce qu'elle n'avait, si ses souvenirs sont bons -hm hm- jamais visité. Elle s'en serait souvenue. Ou alors elle ne voulait pas se remémorer ses diverses expériences aux caves. Hm. Arrivée devant cette fameuse porte, elle n'hésitait pas une seconde de plus et la poussa, simplement. La lumière du couloir explorait un peu la pièce, à tel point qu'elle pouvait apercevoir les talons de la jeune Emrys sur le sol. « Bordel, j'croyais qu't'étais morte ! » fit-elle, avant de descendre un peu plus les escaliers en bois, qui grinçaient beaucoup trop pour ses oreilles fragiles. Ses mains glissèrent rapidement sur la rambarde. Rambarde totalement inutile puisque la belle manqua de se rétamer la figure sur le sol, son talon ayant, visiblement, décidé de faire des siennes. Soit, elle n'allait pas s'énerver contre un talon. Elle avait passé l'âge, ah. « BORDEL ! » Ses pieds, par contre, avaient vraiment souffert. Encore pire qu'au prime. Injustice. Le problème des pieds qui font mal, cela n'arrivait qu'aux meilleures, pas vrai ? Quoi qu'il en soit, elle essayait d'avancer un peu, venant à la rencontre de la jeune femme, lui prenant l'une des bouteilles des mains. « Bon, on remonte, ou on reste là, on se bat, et celle qui est toujours vivante à la fin mange l'autre ? » Un grand sourire prit possession des lèvres de la parisienne. Ce n'était pas une si mauvaise idée, surtout que la porte, derrière elles, venait de se fermer. Et elle ne mettait pas sa main à couper quant à la possibilité de l'ouvrir de l'intérieur. Mais qui sait, si personne n'essayait, elles ne pourraient pas savoir. « Vas voir si cette porte s'ouvre de l'intérieur. » Elle toussota un peu, avant de se rendre compte que la jeune femme n'avait pas bougé. « S'IL TE PLAIT. » Jamais contents.

Bête et disciplinée j'étais descendue chercher ce que l'on m'avait demandé. Preuve que je n'étais pas tant égoïste que ça, finalement. Et je me tenais quasiment prête à remonter quand les escalier accueillaient de nouveau quelqu'un, une jeune femme, Wendy, il me semble. J'étais étonnée de la voir traîner ici, pourquoi m'avait-elle faite descendre pour le vin si elle descendait aussi ? Sa phrase me fit sourire un temps puis je lui répondis. « Et impatiente en plus de ça. Quelle différence ? Ma perte ne t'aurait pas affectée. » Je m'étais retenue de reposer les bouteilles à leur place avant de remonter et la laisser se démerder toute seule, finalement. Mais, supposons que j'avais trop peur qu'elle soit de nouveau armée d'un chewing-gum pour faire cela. Je la regardais du coin de l'oeil descendre les marches, une à une, d'un pas qui ne se valait pas des plus rassurés mais plutôt grandement hésitant. Puis, pour bien faire, elle se mit à hurler lorsque son talon eut l'air de se rebeller. J'eus un léger sursaut à ce moment-là, le son étant double étant donné que ça résonnait. « Ca te dirait d'arrêter de gueuler ? Retires tes godasses si tu ne sais pas marcher avec, ça résonne ici et tu me files une migraine monstrueuse. » Je n'avais pas réellement mal au crâne, mais j'espérais que ça la fasse baisser de volume quand même. Lentement mais sûrement, elle s'avança vers moi avant de me demander si je préférais remonter avec les autres ou rester enfermée ici avec elle pour, en gros, voir laquelle vivrait assez longtemps pour bouffer l'autre. « Bouffes-moi tout de suite, pitié, abrèges ma souffrance. » Je levais les yeux au ciel, plutôt crever que de l'entendre piailler sans interruptions. Puis, en un courant d'air, la porte qui menait au rez-de chaussée se referma. En regardant la candidate, j'aurais jurer que c'était comme le synonyme de l'apocalypse. Je ne bougeais cependant pas, attendant une quelconque réaction de sa part, qui ne tarda pas à arriver. Moi, remonter pour aller jouer avec la poignée histoire de voir si la porte s'ouvrait ? Qu'est-ce qui l'empêchait de le faire par elle-même ? « Mais, vas te faire voir ! » Elle m'avait eu une fois, j'étais descendue jusque là pour venir chercher des bouteilles de vin. Cette fois, elle pouvait encore se gratter. « Ma fonction c'est pas majordome, t'as qu'à aller tester la porte par toi-même. » me permettais-je de lui répondre. La chose est, j'étais pratiquement certaine qu'elle n'allait pas non plus bouger, alors que j'étais de nouveau sûre que la porte s'ouvrait sans mal. Je décidais donc de rentrer dans son jeu, puis me baissais, allant m'asseoir sur le sol en attendant sagement qu'elle daigne bouger son fessier pour remonter ces fameuses marches et ainsi constater qu'elle pouvait probablement sortir sans la moindre difficulté de la cave.

Elle était lucide, la petite. C'était au moins ça, comprenez, elle est blonde. Elle n'avait donc pas beaucoup de chance dans la vie. Toutes les moqueries qu'elle avait du recevoir durant son enfance, ou pire, son adolescence. Bon, certes, la française l'était également, mais elle avait le mérite d'être intelligente. Ce qu'Emrys n'était clairement pas. Pour preuve : elle avait été faire ce que la belle lui avait demandé. Soit, elle aurait pu se rebeller et ne pas le faire, mais avait fait tout le contraire. Boarf, ce n'allait pas être Wendy qui allait se plaindre, n'est-ce pas. « C'est clair, mais bon, t'as les bouteilles quoi.. » Sourire narquois. Toujours quelque chose à dire, cette fille. Et la belle continuait de descendre les marches, quand soudain se produisit l'improduisable. Ouais, complétement. Et la petite blonde ne pouvait s'empêcher de répliquer, bah voyons. C'était plutôt elle qui aurait du arrêter de gueuler, en ce moment même, parce qu'on entendait toujours sa voix résonner dans toute la cave, pas si grande que ça finalement. Elle aurait parié sur le contraire, mais soit. C'était donc à ce moment là que son talon avait glissé de la marche et Emrys semblait faire la grande. Ben voyons. « Tu m'emmerdes, ta gueule. » Comme ça, au moins, c'était clair. Et peut-être que, pour une fois, elle allait la fermer. Ca n'allait pas lui faire de mal. En plus, il y avait l'odeur qui allait avec, et elle n'avait visiblement pas mangé de rose. Le pire dans tout ça, c'était peut-être la suite. Qu'est-ce qu'elle se la racontait, la petite. Elle avait quel âge ? Douze ans ? Douze et demi ? Et puis il n'y avait rien à bouffer là dessus, elle était semblable à une anorexique. Déroutant. Et puis burk, manger un coeur, tout ça, c'était quelque chose qu'elle ne s'imaginait jamais faire.. Pas tout de suite, du moins. Qui sait, dans quelques semaines, cela pouvait être monnaie courante, le cannibalisme. Surtout si Faye, ou mieux, Emrys, l'ouvraient souvent. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas en blablatant que la porte allait s'ouvrir. Et quelle ne fut pas la surprise lorsqu'elle entendit ces quelques vulgarités sortir de la bouche de la belle blonde. « Que de jurons ! » fit-elle, prenant un air faussement offusqué avant de lâcher un rire. Ca avait au moins eu le mérite de faire ça, de la faire rire. Comme pour provoquer la jeune femme, elle suivit le même schéma qu'elle. Elle n'allait pas s'abaisser suivre les ordres d'une inconnue. Non, plutôt crever, en fait. Elle prit donc place juste en face d'elle, faisant gaffe à ce que sa robe ne s'ouvre pas un peu plus, car même s'il n'y avait pas de lumière, il y avait des caméras, et elles étaient fourbes. « On s'entasse tous les uns sur les autres, ils pourraient au moins donner du bon vin. » dit-elle après avoir observée l'étiquette de la bouteille qu'elle avait piqué des mains de sa camarade, vachement aidée par la lumière de la lucarne. Son mode de vie était clairement différent de celui du nid. Enfin soit, elle avait été choisie parmi bon nombre de candidats, elle n'allait pas se plaindre. « Vu qu'aucune de nous deux ne décide de se bouger le cul, on va discuter. Dis moi ton nom. Même si je m'en fous, très clairement. » Elle fit un nouveau sourire. Il fallait bien commencer quelque part..

Spoiler:

J'étais étonnée de voir que la demoiselle avait envie que je lui parle de moi, même si, comme elle venait de le signaler, elle n'en aurait que peu à faire. Enfin, je trouvais déjà ça phénoménal de sa part.. Je la jugeais peut-être bien trop rapidement, finalement. Peut-être qu'elle n'était pas tant insupportable que l'idée que je m'étais faite d'elle jusque là.. « Je suis douée en discours inutile, en auto-description sans intérêts, t'as du bol.. » riais-je faiblement. Je n'étais pas trop motivée pour re-déballer une nouvelle fois ma vie, en sachant de plus que cette fois-ci il y avait trois chances sur trois pour que ma partenaire de conversation se gratte totalement de ce que je pouvais avoir à lui dire. Je regardais ici et là, cherchant quoi faire. Je pouvais remonter, et la laisser seule, puisque je savais que la porte se ré-ouvrait, ou tout du moins j'en étais convaincue, mais je n'étais pas méchante (ou presque pas), et je ne me voyais pas la laissée seule dans cette cave.. sait-on jamais si l'idée tordue de se venger lui revenait à l'esprit. « Tu penses qu'ils nous diront quelque chose si on en ouvre une ici ? » Sans prendre le temps d'attendre une réponse de la candidate, je me relevais et attrapais un tir bouchons posé non-loin des bouteilles. Je m'occupais de l'ouvrir, et la tendais à la jeune femme. Il n'y avait pas de verres, ce qui veut dire que nous allions devoir faire avec la bouteille, enfin, ça n'était pas si grave que ça, en soit. Finalement, je me décidais enfin à prendre parole pour lui faire un résumé plus ou moins court de qui j'étais.. le même blabla que j'avais su sortir à d'autres candidats, pour ne pas dire à la plupart des autres. « Eh beh, je m'appelle Emrys, j'ai vingt-cinq ans, je suis Allemande, mais je vis en France à Fontainebleau, pas si loin de Paris, même si j'ai toujours vécu en Bretagne en fait, je suis coiffeuse, je suis fille unique.. Je suis là pour l'argent, parce-qu'honnêtement l'amour ça me paraît totalement banal.. tout ça.. Et si tu veux savoir si j'ai voté aux dernières élections présidentielles, et bien non, j'étais trop occupée. » La dernière phrase était encore plus vide de sens que celles qui l'avaient précédée, et pourtant j'étais quasi-certaine que c'était la seule que la candidate saurait retenir. J'attrapais la bouteille de vin que j'avais ouverte quelques instants avant puis la menais à mes lèvres, avalant une gorgée. J'étais presque ravie d'avoir attendu tant de temps avant d'en goûter le contenu.. « C'est moi ou ce truc est vraiment totalement inbuvable ? » lâchais-je en grimaçant. Je ne savais trop pourquoi, ce vin m'était totalement.. ignoble. Je reposais la bouteille entre nous deux, sait-on jamais, si elle voulait boire ce truc si immonde.. « Et toi ? Je veux dire, vas-y, fais toi plaisir, racontes moi ta vie. » La seule chose que je savais d'elle était son prénom, enfin, je crois, et peut-être également le fait qu'un autre candidat de cette saison même était son frère, lui par contre, je n'imprimais ni son visage, ni son nom.. enfin.